La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Tout de suite, la première partie du quatre-vingt-quatrième rendez vous des clips de la semaine.
Lilly Wood and The Prick – In Love For The Last Time
Le duo français le plus connu au monde (après les Daft Punk) est de retour après six ans d’absence avec Most Everything. Distillant chanson ballades folk durant le confinement, puis titres électro pop ultras dansants, Lilly Wood and The Prick posent les bases de leur nouvel album : une montagne russe d’émotions entre le nostalgique, l’engagé, et l’amour (toujours). Dernier titre avant la sortie, In Love For The Last Time est le parfait condensé de ce qu’ils savent faire de mieux. On retrouve le duo plus complice que jamais sur des motos rétros roulant devant un fond vert bien kitsch. Dans des costumes 70’s qui pourraient être des parodies d’eux-mêmes, filtres glitter disco, ils enchainent les figures improbables dans un clip bourré d’auto dérision. Mélodie douce et romantique sur basses dance pop, clavier qui rythme le refrain, on est assuré de retrouver le son à chaque rooftop accompagné d’un verre de rosé. Tant mieux, ils nous avaient manqués.
The Murlocs – Eating At You
Le rock australien vient encore de démontrer sa supériorité. The Murlocs, le super-groupe qui inclue notamment Ambrose Kenny-Smith de King Gizzard & The Lizzard Wizzard, sort cette année leur cinquième album. On aimerait comprendre comment ils font pour être aussi productifs.
Eating At You débute par une session graff dans un gros squat. Avec son intro ultra lourde, on s’attend à du punk déchainé ou de la techno berlinoise. Mais non, un air d’harmonica et puis revirement vers un rock folk indé. Ultra mélodique, ponts bien rythmés, solos de guitare, il s’opère un contraste incroyable entre ce clip de rebelles et une chanson aussi douce qu’efficace. Il s’installe comme un brin de nostalgie, entre cette bouteille de vodka partagée entre potes et une liberté un peu perdue. Entêtant, c’est le genre de sons que l’on écoute en boucle sans se lasser, se laissant porter par le groove, mais plutôt dans un bon canap que sur des palettes de chantier.
Tremor Ama – Grey
Ils promettent des ondes sismiques avec un nom qui rappelle les premiers tremblements de terre avant une éruption volcanique. Tremor Ama sortira en juin leur premier album, après un EP éponyme, et c’est en effet assez lourd. On manque un peu de métal progressif sur la scène française, ça tombe bien. Grey est une plongée dantesque dans une soirée appartement qui vire au bad trip. Tout y est, les deux potes sur un canapé défoncé, la nana qui se sent pas à sa place et boit pour se donner une contenance, et surtout un bouquet de fleurs dont les pétales ont le même effet que de l’acide. Les gars partent en trip et atterrissent dans une forêt peuplée de créatures terrifiantes et de solos de guitares épiques. Leurs corps matériels se libèrent, se déchainent, s’embrassent, exultés par la musique. Ils finiront leur périple psychédélique dans la grotte du groupe qui accueillera tels des prophètes des ténèbres. Avec sa batterie lourde et en retenue, ses guitares ponctuées de riffs veners et une voix puissante Tremor Ama c’est une bonne grosse claque métal comme on adore.
Bungalow Depression – Sad Day
C’est dans un nouveau trip visuel que nous emmène Bungalow Depression, avec le clip du second morceau de Blank slate, leur EP sorti en novembre dernier. L’univers graphique a une identité tout de suite forte, propre à elle-même, offrant un cadre simple aux éléments réduits, avec une touche d’irréel, de rêve. Les objets et les meubles apparaissent parfois comme de vieilles photographies, parfois comme une encre invisible éclairée avec une lampe UV, comme si chacun appartenait à une dimension propre.
Nous suivons un fantôme qui erre seul, dans un décor vide de vie. Il ne semble pouvoir effectuer aucune action, si ce n’est que aller par ci, aller par là, se promener dans cette maison d’un autre monde. On pense bien sûr au A Ghost Story de David Lowery, à l’attente d’une réponse, d’un changement, d’un sens. En prenant en compte le titre du morceau, à savoir Sad Day, Bungalow Depression semble vouloir nous plonger dans un univers peu axé sur la joie et les apéros au soleil entre amis. Mais ce clip reste par la force de sa musique et sa qualité visuelle une œuvre envoûtante, dont les couleurs en fin de vidéo captivent l’ensemble de nos sens d’un claquement de doigts.
Margo Corto – Inside
Margo Corto sort cette semaine Inside, une douce balade teintée de mélancolie ; l’histoire d’un couple où apparaît le doute et qui se remet en question. Les paroles sont légères et intimes : “I need a walk / we need to talk / I need a smoke / it’s sex o’clock…”. La mélodie est directe, sans artifice et les issues se dessinent peu à peu : “Shall we lie / or say good bye… / (…) / You can try and so do I”. Puis la guitare donne place à une trompette nostalgique et une voix enregistrée qui parle au loin, et on se croirait un instant dans un film hollywoodien des années 50. Le clip réalisé par la musicienne est tout aussi poétique et réminescent de films noirs : Jouant avec les images – sous forme de photomaton d’abord, puis en ombres chinoise ou en tryptique – celui-ci nous présente la narrative en des vignettes filmées en noir et blanc ludiques et épurées.
Inside est le premier titre du projet à la fois musical, visuel et audiovisuel de la musicienne parisienne qui site Nina Simone, Radiohead, Jeff Buckley ou Lhasa comme inspirations. Son premier EP est prévu pour le 18 juin. On a hâte de le découvrir !
We Hate You Please Die – Barney
Le temps passe et nous rapproche de plus en plus de la sortie du second album de We Hate You Please Die.
Après avoir dévoilé Can’t Wait To Be Fine, qui donnera son nom à l’album, les rouennais dévoilent Barney, un titre qui révèle un autre spectre de la musique du groupe, celle du fun et du grand défouloir.
Les amateurs du groupes que nous sommes auront un sentiment de familiarité puisqu’on avait déjà pu découvrir ce groupe en live mais désormais on apprend la petite histoire qui a enclenché la création de ce morceau : un rêve de leur pote ED (membre des excellents seasonal affective disorder) dans lequel il se voyait hurler Barney sur scène avec eux.
L’histoire est complètement conne mais elle est le socle d’un excellent morceau, viscéral, puissant et incroyable dansant avec l’envie du pogo qui revient nous démanger sévèrement.
Et puisque tout part d’un rêve, l’idéal était de lui apporter un clip à sa hauteur, coloré et délirant. C’est désormais chose faite grâce à Margaux Jaudinaud qui nous entraîne dans un dessin animé délirant où l’on croise un vélo d’appartement volant, un routier qui râle, des figures bien connues de la scène rock indépendante et nos 4 musiciens préférés tout en animation. C’est drôle, c’est unique, un poil psychédélique et donc absolument parfait.
Et nous, on peut venir crier Barney avec vous sur scène ?
ORAGE – Éloigne-Toi
Parfois l’orage gronde dans nos esprits. Des éclairs et des tempêtes qui bouleversent tout et qui prêtent au changement voir parfois à la destruction.
À l’écoute de Éloigne-Toi, son tout premier titre, on se dit qu’Orage n’a pas totalement choisi ce nom par hasard. Ce morceau faussement calme mais fermement incarné joue sur un double discours assez intéressant. Si à la première écoute on pourrait y voir une personne qui tente de repousser quelqu’un pour ne pas la blesser, on réalise bien vite que ce discours, ce monologue est en réalité adressé d’une personne à elle même.
Une plongée intérieure unique dans laquelle Orage ausculte ses sentiments, ses pensées sombres qui lentement viennent le détruire lorsqu’elle frappe à la porte de son esprit. Loin d’être totalement désespéré, le morceau enclenche surtout la voie du changement, comme si il était nécessaire de laisser passer la tempête pour ensuite avancer promptement et calmement vers des territoires apaisés.
La vidéo de Pierre Inglebert joue sur cette folie intérieur, ces combats personnels, pour nos offrir une vidéo clairement onirique comme une plongée dans l’esprit d’une personne qui se débat. Mais si le bateau coule, il est parfois nécessaire de remonter à la surface.
Nikola – C’est Magnifique
Est-ce que la vie c’est magnifique ? Vaste question. À une époque ou tout se barre en couilles, avoir 20 ans semble plus rimer avec inquiétude plutôt qu’avec insouciance et il est plutôt important d’en avoir conscience.
Nikola est un artiste. Par conséquent son art est en même temps nourri par son existence et détruit par ses doutes. Un mélange explosif qui donne vie à C’est Magnifique. Dans ce titre bouillonnant, l’artiste questionne sans fard son propre rôle, sa façon d’être et la vacuité qui peut parfois envahir ce statut d’artiste. Un morceau porté par sa voix et ce piano mélancolique qui se voient bousculés par moment par des explosions électroniques comme une colère qui surgit de l’apathie.
Derrière cette vision désespérée, ce cache tout de même un certains espoir. Avec ces mots, cette plume qu’il trempe avec aisance dans le réel, Nikola percute et offre aux mondes un cocon dans lequel se lové, un morceau comme une réponse aux questionnements et aux ambivalences de tout ceux qui sont comme lui, sans doute trop sensibles et pourtant si nécessaires à la course du monde.
Plutôt que de s’offrir un clip grandiloquent qui aurait parfaitement collé à l’image du morceau, le garçon fait part d’une certaine forme d’humour en nous offrant un faux-cumentaire, sorte de plongée dans le quotidien d’un tournage de clip, entre idée foireuse, réalité parfois trouble et tête de c… avant le passage au maquillage. Le tout bercé par un humour bien senti, entre les sous titres hilarants et le petit clin d’œil bienvenue à Stromae.
Et tout ça au final, c’est (vraiment) magnifique.
Alex Van Pelt – BROKEN HEART
Deux ans après nous avoir offert un premier album, Tum tum, qu’on avait énormément apprécié, Alex Van Pelt fait son grand retour avec Broken Heart.
Le titre du morceau parle pour lui même et le musicien qu’on avait découvert il y a fort longtemps chez Coming Soon nous offre donc une chanson pour les coeurs brisés. Une petite complainte douce et mélancolique ou il convoque les fantômes de son existence pour mieux s’en débarrasser afin de laisser place une nouvelle fois à l’amour dans sa vie.
Un morceau doux amer qui vibre d’une culture DIY très prononcée, le morceau étant la parfaite balade synt-pop comme on les aime, entre petits bricolages et sincérité à toute épreuve.
La vidéo de Vickie Cherie suit à la perfection les sentiments et sensations de la chanson et nous emmène à la rencontre d’Alex, seul dans la grandeur d’un Paris qui continue à vivre alors que tout semble aller au ralenti pour lui. Le clip évolue ensuite dans une veine plus poétique, entre photographies qui défilent et mouvement aqueux et un poil étrange. Une mélodie douce amère qui nous touche finalement en plein coeur.
M Le Maudit – Kedhira
De plus en plus récurrent dans ses sorties de clips, M Le Maudit continue ce run avec Kedhira, morceau certes court mais pas moins efficace qui se voit accompagné d’un clip réalisé par David Fitt.
A travers ce morceau, il expose un rap aussi conscient que détaché, une dualité qui correspond à la personnalité du rappeur et se retrouve naturellement au travers de sa musique. Elle l’a d’ailleurs toujours accompagné et ne va sûrement pas le lâcher de si tôt tant il semble lui accorder une importance particulière.
Cette sincérité lui vient du quartier où il a grandi, réputé pour être dur, le rappeur a été, dès son plus jeune âge confronté à la vraie vie. Une manière de vivre qu’il a intégrée et avec laquelle il joue dans ce dernier clip.
« En bas de chez toi, tu rentres du taff
Cagoulé on t’fait coucou
Tu fais d’la route dans le coffre du van
Non j’dahek, on est sympa »
Adossé sur le coffre d’une voiture, M Le Maudit baraude dans sa cité tout en questionnant avec ironie son avenir et ce qui l’entoure. Une plume bien travaillée qui fait mouche, sans perdre de vue ce qui constitue le rappeur. Également porté par un refrain chantonné, tout semble réuni pour faire plaisir à son public et inviter ceux qui ne le connaissent pas encore à entamer les présentations.
Felipe – PTN
Bercé depuis toujours dans le rap et sa culture, Felipe a pris le temps de digérer ses différentes influences pour trouver là où il allait prendre le plus de plaisir. Et c’est dans une trap ensoleillée teintée par une ambiance rappelant vaguement les sonorités West Coast qu’il l’a trouvé. Un fameux cocktail qui est bien dosé dans son dernier morceau, PTN.
Et même si sa musique respire le soleil, le quotidien du jeune rappeur est plus sous les bâtiments gris de sa cité que sur les chaudes plages d’une destination de rêve. S’il ne cache pas ses envies d’évoluer dans ce mode de vie plus confortable, en attendant il emmène la caméra de Faneva Rabetsi vivre son quotidien actuel. Entre soirées entre potes, passage à l’épicerie et petits problèmes avec les forces de l’ordre, il évoque son quotidien avec une certaine arrogance bien sentie mise au service de mélodies donnant au morceau son ambiance festive.
Waren – Vilain
Encore en plein dans le stade du développement, Waren compte bien sur sa polyvalence pour l’aider à passer petit à petit les échelons du game. Maître de sa musique de l’instrumentale au mix, il suit sa propre direction artistique depuis un bon moment, s’inscrivant dans cette nouvelle génération de rappeurs qui n’attends plus que l’on viennent à eux pour proposer leur art. Vilain s’inscrit dans cette lignée et bénéficie même d’un clip réalisé par Freddy Carneiro.
Sans spécialement en dire beaucoup plus sur l’artiste, le clip sert à merveille l’ambiance musicale proposée par ce morceau aux sonorités aériennes. Un visuel en prolongement de la musique qui invite le spectateur a plongé un peu plus dans une esthétique planante au rythme de l’instrumentale et des flows de Waren. Cela est parfaitement amené par un traitement sur les couleurs mais aussi par l’alchimie entre la voix de l’artiste et l’instrumentale produite par ses soins. Waren sait où il veut aller et cela se voit, il ne reste plus qu’à continuer cette longue route sur laquelle il s’est aventuré et qui lui ouvre grand les bras.
Bekar – 6 Hours
Visiblement, le jeune nordiste n’a pas vraiment envie de s’arrêter de livrer sa musique. Après un premier projet bien accueilli par les amateurs de rap, Briques Rouges, il n’a cessé de continuer à distiller single et clips. Cette semaine a donc vu un nouveau visuel arrivé, signé Bekar, accompagné de Kaluu à la réalisation.
Une productivité qui n’étonne pas au vu du refrain entonné dans ce morceau.
« J’suis resté au studio jusque 6 Hours »
Passionné par ce qu’il fait, cela se ressent à travers ce morceau où à nouveau il montre qu’il maîtrise différents aspects du rap. Entre kickage et mélodie, Bekar fait un savant mélange dans lequel il retrace ses galères, ses victoires, bref sa vie. Accompagné par son équipe ou en solo, il continue de proposer un rap actuel confirmant un potentiel qui risque de ne prendre que peu de temps avant d’exploser au grand public.
Mdou Moctar – Taliat
Fidèle à la formule magique teintée de blues touareg qui a fait la réputation de son jeu de guitare distordu, Mdou Moctar poursuit sa route avec un nouveau morceau. La vidéo suit le guitariste accompagné de ses musiciens Mikey Coltun et Ahmoudou Madassane à bord d’une voiture traversant Niamey, capitale du Niger. Chanté en tamasheq, le morceau intitulé « Taliat » (« femme » dans la langue touareg) narre un récit de cœur brisé et d’amour impossible.
Après avoir dévoilé le festif Chismiten, le mélancolique Tala Tannam et le véhément Afrique Victime, ce dernier clip complète la série des morceaux annonçant son nouvel album Afrique Victime sorti ce vendredi. Comme ses compatriotes Bombino, Les Filles de Illighadad ou encore le précurseur du genre Abdallah ag Oumbadougou, Mdou Moctar porte la voix des luttes des peuples touareg avec un jeu fougueux et psychédélique qui embrase l’assouf (la « nostalgie » tamasheq), manifeste dans ce nouvel album.
Owlle – Mirage
Trois après son tout dernier album, Heavy Weather, sorti en 2018, Owlle est enfin de retour avec « Mirage », un titre extrait de son tout prochain album à venir. Originaire de Cannes, la jeune femme a choisi une vidéo-live pour illustrer ce nouveau titre, on la retrouve ainsi perche sur un rocher qui côtoie les cieux. Un décor qui rappelle l’univers heroic fantasy, mais Owlle n’est ni une elfe, ni une guerrière. Elle a revêtue une robe de princesse moderne, noir de jais, qui contraste avec la blondeur angélique de ses cheveux. Magie blanche ou magie noire ? La question reste encore en suspens, mais nul doute que dans cet univers mystique, la voix d’Owlle côtoie des cieux. Au fur et à mesure, le chant d’Owlle semble conjurer les ténèbres, comme autant de sortilège, dissipant la voûte noire et les nuages épaississants pour laisser place à un firmament, une nouvelle ère.