Finally A Live #9 : Prudence & Thérèse

Pendant toute l’année 2021, La Face B a suivi les artistes et les salles de concert à travers le Not Dead Project. Maintenant que l’horizon s’éclaircit légèrement et que les concerts reprennent, on a décidé de poursuivre notre volonté de suivi et de prise des paroles des artistes avec Finally A Live ! Dans ce nouveau format, nous partons à la rencontre des artistes pour parler du live et de l’impact qu’a pu avoir la crise sanitaire sur leurs manières de vivre cet élément si essentiel à leurs existences et à la nôtre. Pour ce nouvel épisode, on laisse la parole à Prudence et Thérèse.

Prudence

La Face B : Comment as-tu vécu ton premier concert post-covid ? 

Prudence : Le premier, c’était à Bourges. C’était un vrai baptême du feu, c’était la première date officielle avec mes deux musiciennes mais on était assez bien préparés quand même. J’ai ressenti beaucoup de joie et je trouve qu’il y a quelque chose d’assez candide dans l’approche de ces concerts là, parce qu’on est tous dans une sorte de dénouement. C’était quand même particulier parce que les spectateurs étaient assis et masqués. 

LFB : Est-ce que tu avais des habitudes qui ont évolué ou changé, dans ta façon d’envisager les concerts et de les vivre ? 

Prudence : Je me mets moins la pression ! *rires* J’ai l’impression d’être plus sereine par rapport à ce qui va se passer sur scène. J’ai sûrement changé des habitudes que j’avais avant, je pense que je verrai au bout de plusieurs dates si j’ai de nouveaux rituels. Pour l’instant c’est assez cool et on est dans le plaisir. Il y a forcément une nécessité de ne pas être dans le contrôle à 100% parce que personne n’est vraiment rodé et tout le monde à dû s’adapter à une sorte de remise en route sur les chapeaux de roues. 

LFB: Vois-tu une différence dans les sensations que tu as entre les concerts assis et debout ? 

Prudence : Eh bien je préfère quand même débout. Mais ça ne me dérange pas de temps en temps d’avoir des concerts assis. Je pense que ça permet de poser un peu plus les choses et de ne pas être dans l’excès d’énergie qui peut parfois diluer le spectacle et la musique surtout. 

LFB : Est-ce que tu as une routine particulière avant de rentrer sur scène ? 

Prudence : J’aime bien me maquiller toute seule et faire des étirements. Je fais des vocalises, mais pas trop longtemps. C’est assez simple en fait ! 

LFB : Est-ce qu’il y a un morceau incontournable que tu joues ou joueras tout le temps sur scène ? 

Prudence : C’est un peu tôt pour le dire. Là, aujourd’hui, je joue un maximum de mes morceaux qui sont déjà sortis. Je pense que Good Friends, c’est le morceau qui clôture le show pour l’instant et qui laisse vraiment  un esprit hyper festif. Donc je pense qu’on ne se séparera pas de celui-là de si tôt. 

LFB : As-tu un meilleur ou pire souvenir de concert à partager avec nous ? 

Prudence : *rires* C’est plutôt des histoires qui concernent The Do, parce que pour l’instant avec Prudence il n’y en a pas eu beaucoup pour l’instant. Donc le pire souvenir avec The Do, c’est un show à Los Angeles en 2008, et on n’avait même pas eu le temps de brancher nos instruments que le rideau se levait déjà. C’était horrible, je ne sais pas ce qu’il s’était passé. C’est comme si on nous avait surpris en train de nous habiller sur scène. 

Le meilleur souvenir c’est les trois festivals que j’ai fait avec Prudence. Je suis contente parce que j’imprime ces concerts de quelque chose de très joyeux et de très insouciant au regard de la situation. 

LFB : Peux-tu nous parler de l’importance du catering en festival ? 

Prudence : Olala…le catering ! Bah en fait, ça peut te gâcher une journée si ça ne se passe pas bien. Je ne crois pas aux “caprices d’artistes” parce que quand on passe notre vie sur la route, ça devient notre lieu de travail. N’importe qui sur son lieu de travail est content d’avoir du bon café, un bon restau à côté pour manger et pour juste être bien pour travailler le soir. Donc un catering c’est hyper important et on est en France donc ça va ! On n’est pas en Angleterre où on finit par manger des chips quoi… Et quand c’est bien, on s’en souvient vraiment ! 

Thérèse

LFB : Comment tu as vécu tes concerts après le Covid ?

Thérèse : Il y en a eu trois, quatre, cinq peut-être déjà. Le premier c’était à Lille au Flow et c’était une sortie de résidence. C’était un peu fou. Je me disais « ah mais ça existe encore vraiment ce truc ? Il y a des gens qui viennent nous voir et nous écouter ? ».
Il y a des vrais gens et après on peut leur parler. C’est génial mais la date qui m’a vraiment marqué je crois, c’était le fait de jouer à domicile, à Paris, à FGO le 1er juillet. C’était le premier jour des concerts debout et je voyais dans la foule plein de gens que je connaissais depuis très longtemps : de la famille, des amis de longue date, des amis de moins longue date, des musiciens, des militants, militantes, des gens que j’avais jamais vu et que j’avais rencontrés sur Instagram et des gens que je ne connaissais de nulle part et qui chantait un peu toutes et tous sur les paroles de mes chansons et dansaient dessus. Et franchement, à la fin, ils nous ont fait une espèce de standing ovation. Je ne sais pas si c’est nous qui avons provoqué ça avec Adam, ou si c’est parce que ça faisait tellement longtemps qu’il n’avait pas fait de concert debout dans une salle et tout.

L’énergie humaine c’est quand même un truc de dingue quoi.J’ai pas pleuré, ce qui est très rare mais j’ai quand même bien bien eu la chiale et je crois qu’Adam a versé sa larme. Mais c’était fou quoi. Et après on a enchainé avec Civray, je trouve ça totalement fou parce qu’en ce moment, on tourne pas mal en dehors de Paris et Lille. C’est quand même nos villes d’origine et nos terres d’adoption mutuelle. Je trouve ça chouette d’aller se confronter à d’autres publics, à des gens qui ne te connaissent pas forcément, qui ne connaissent pas le projet et c’est juste trop bien. Le projet Thérèse est né entre deux confinements donc j’avais pas encore eu la chance d’aller à la rencontre de mon public. Et là c’est en train de se faire. C’est banal ce que je vais dire mais c’est un peu magique quoi.

LFB : Toi qui a fait les deux, quelles différences tu as remarqué entre un concert assis et un concert debout ?

Thérèse : J’ai l’impression qu’avec un concert debout, l’énergie circule plus entre les gens, et entre les gens et moi. Du coup, tu peux exprimer beaucoup de choses par le corps que tu ne vas pas verbaliser et quand tu es assis, tu es un peu empêché. Je pense que c’est pareil. Et puis quand les gens se mettent à danser, il y a un truc très communicatif, danser assis c’est possible mais c’est quand même moins facile quoi. Et puis danser debout, ça te permet de communiquer avec l’autre alors que quand t’es assis chacun à sa place, t’es immobile donc tu parles à personne d’autre qu’à ton voisin. T’es dans une bulle. Là, t’as plus l’impression d’avoir une espèce de masse humaine qui forme une certaine unité. Et je trouve que c’est quand même plus chouette. Et puis la musique qu’on fait… Autant il y a des morceaux qui sont calmes, autant il y en a où tu peux agiter tes cheveux, ton coude ou ta cheville donc il faut y aller.

LFB : Est-ce que tu as des habitudes que tu avais avant le Covid qui ont évolué depuis ?

Thérèse : Ouais quand même. Là tu vois je te parle même au niveau off, là on ne sait pas comment on doit se dire bonjour. On ne sait pas si on se fait la bise, il y en a qui checkent , d’autres qui ne checkent pas, il y en a qui font des coucou de loin, d’autres qui en ont rien à foutre. Moi je ne juge rien. Juste c’est tout un processus de se re-poser la question soi-même de comment tu veux entrer en contact avec l’autre et demander la permission d’entrer en contact avec l’autre. C’est assez spécial je trouve mais je me dis pourquoi pas ?
Et à côté de ça, tu vois par exemple ce soir, j’avais l’idée de faire un truc mais je ne sais pas si je vais oser le faire ou pas. Typiquement, sur Skin Hunger, j’aimerais bien demander aux gens de se toucher. On s’entend hein, avec consentement et tout. Mais j’aimerais juste que les gens mettent la main sur l’épaule de l’autre. Et je ne sais même pas si j’ai le droit de demander ça tellement je pense que c’est devenu un truc presque tabou ou interdit. Donc ouais je me demande.
Il y a des choses que j’ai envie de faire aussi. Avant, je m’amusais à balancer des bonbons tu vois et à faire passer des paquets de dragibus dans la salle. Mais aujourd’hui je me dis qu’avec toutes ces conneries, est-ce que j’ai le droit de faire passer un paquet de bonbons de mains en mains ? Alors que l’idée c’est de créer de l’humanité mais en fait tu peux pas. Faut trouver d’autres trucs quoi.

LFB : Est-ce que tu as une routine particulière avant de faire un concert ?

Thérèse : Ouais. Grosso modo, entre une heure et 45 minutes avant le concert minimum, je parle plus à personne. En fait, j’en suis incapable. En général, quand on me parle j’entends « wawawawa ». Je fais des exercices de respiration. J’ai un exercice d’échauffement vocal aussi qui dure 13 minutes et que je fais systématiquement. J’ai mon rituel aussi de me mettre mon rouge à lèvres. Ça me prend un peu de temps mais je me concentre sur un truc et du coup un peu moins sur mon stress.

LFB : Est-ce que tu as un meilleur et un pire souvenir de concert à partager avec nous ?

Thérèse : Le pire, c’était il y a pas si longtemps. C’était pas le concert en lui-même parce que c’était la libération, la délivrance mais à Civray, au festival AU FIL DU SON, on est montés dans le train et vingt minutes après, on nous a demandé de descendre parce qu’il y avait un colis suspect. Donc on descend du train, on voit qu’il y a du retard. On se demande si on y va ou pas, on commence  checker les trains suivants mais on se rend compte qu’avec les trains suivants, ça ne marche pas pour nos balances. C’est un peu compliqué et tout. Et du coup, moi j’ai pas le permis donc j’ai pas osé balancer l’idée mais Adam a proposé de louer une caisse. Sauf qu’Adam et les distances, c’est pas trop son truc. Il a jeter ça en l’air et moi vu que je suis plutôt partante pour tout, je me dis « allez go ». Et Théo, notre ingé son, se dit « allez on y va ».

Et donc on va louer une caisse. Heureusement qu’on a un tourneur parce que ça fait des frais en dernière minute qui ne sont pas négligeables. Ça devait être 4 heures de route donc on se dit « on roule bien, prudemment mais on roule bien, on y va et voilà ». Finalement, on se trouve dans des putain de bouchons parce que chassés-croisés de vacances, on se tape 6 heures de caisse et on ne savait absolument pas si on allait arriver à l’heure pour les balances. On avait en ligne la régie en non stop pour leur dire ce que le GPS nous disait. On est arrivé, on nous a escorté de l’entrée du parking jusqu’à l’arrière de la scène. On a tout déchargé, patché en 10 minutes, on a pas fait de balance, on a branché, je me suis changé derrière la scène, maquillé dans la voiture et échauffé dans le voiture. Adam s’est échauffé à la trompette dans la voiture sur la nationale. Et là, on a appuyé sur On, Théo a allumé les faders et c’était parti. Ça c’était un peu stressant (rires). Donc après le concert c’est du gâteau.

Le meilleur souvenir de concert ? Je ne saurais pas te dire. Je crois que j’en ai plein des sublimes. Après je t’avoue que même le dernier que j’ai eu, c’était assez fort pour moi parce qu’en fait, il y avait des gens qui avaient entre 8 et 65 ans dans l’assistance. Il y avait des mecs, des meufs, des non binaires, des gays, des noirs, des asiats, des blancs, de tout. Et je me suis dit que toutes ces personnes là étaient là pour partager un moment ensemble, chanter et danser ensemble. Et quelque part, moi c’est le monde que j’imagine, que je rêve pour nous, pour la France, pour demain, etc. Et quelque part, il existe déjà, peut être à une plus petit échelle ou à une échelle de temps plus courte et ça existe. Du coup, ça me donne vachement d’espoir pour la suite.

LFB : Est-ce que tu as un morceau dans ta setlist qui est « incontournable » ou qui revêt une importance particulière pour toi ?

Thérèse : Tu me demandes de choisir entre les enfants, c’est ça ? Ok, je vois le genre. (rires) J’ai envie de te dire toutes parce que c’est un peu banal de dire ça comme ça. Mais si je devais choisir, je t’en dirais quand même deux : La première c’est Chinoise ? parce que je commence le set par ça et je trouve que c’est une chanson qui, d’emblée, dit quelque chose. C’est une chanson un peu « statement » qui dit en gros que si ce texte te dérange, tu peux partir. Ça fait le tri. Et en revanche, si tu tend l’oreille et que tu es curieux… Je demande pas aux gens d’être d’accord, je leur demande simplement d’être curieux et de vouloir voir la suite. Et bah déjà je trouve que ça fait vachement le tri entre les curieux et ceux qui ne le sont pas et qui sont fermés d’esprit.
La deuxième chanson, que tu ne connais pas encore, s’appelle Anthropocentrique et c’est une nouvelle chanson qu’on a composée avec Adam et j’ai écris un texte sur l’anthropocentrisme, sur le fait de croire que nous en tant qu’êtres humains, on est au centre de l’humanité et d’oublier qu’on fait partie d’un tout. C’est une chanson que j’ai très envie de défendre et qui fait bien danser. Vous aurez la chance de la voir peut être au MaMa parce que je vais faire un set un peu plus long.

LFB : Est-ce que tu peux nous parler de l’importance du catering quand tu fais un concert ?

Thérèse : Ah ouais. C’est crucial. Moi déjà, tu le sais, la bouffe c’est une religion. On voit même dans mes clips, j’en parle tout le temps sur Instagram. Je suis gourmande et gourmette. Le catering, je trouve que c’est la meilleure façon de prendre soin des artistes et en plus, c’est extrêmement compliqué parce que maintenant dans la société, tu as les vegans, les non-vegans, etc. Et moi je ne mange pas de produits laitiers avant parce que ça laisse des particules sur les cordes vocales et parfois ça gratte la gorge quand tu chantes. Et je trouve ça appréciable quand les gens font attention à ça. Après je sais qu’ici, Nico c’est un grand gourmet aussi et je trouve qu’on a été super bien accueillis ici, qu’on mange équilibré et qu’on n’est pas sur des prods où on mange que des Twix.

J’ai rien contre les Twix en général mais c’est vrai que quand on tourne et tout, on aime bien manger sainement, se faire plaisir aussi et picoler et boire des bières évidemment, je ne suis pas en train de dire qu’il faut manger que des graines. Mais ouais, pour moi, bien manger c’est une façon de prendre soin de soi et du coup faire attention à ce que tu donnes à manger aux gens, je trouve que c’est une façon de leur apporter de l’amour et de les aider à faire un bon concert. Et j’adore les spécialités locales.

Crédit photo Prudence : Inès Ziouane

Crédit Photos Thérèse : David Tabary

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