Pendant toute l’année 2021, La Face B a suivi les artistes et les salles de concerts à travers le Not Dead Project. Maintenant que l’horizon s’éclaircit légèrement et que les concerts reprennent, on a décidé de poursuivre notre volonté de suivi et de prise des paroles des artistes avec Finally A Live ! Dans ce nouveau format (revisité pour ce 9ème article), nous partons à la rencontre des artistes pour parler de live et l’impact qu’a pu avoir la crise sanitaire sur leur manière de vivre cet élément si essentiel à leurs existences et à la nôtre. Aujourd’hui, on va à la rencontre de Rone à l’occasion du festival Nouvelle(s) Scène(s)
LFB: Comment vas-tu ?
Rone: Ça va trop bien! Là, bon je dis la vérité, je suis complètement explosé parce que c’est la quatrième date d’une série de concerts. Mais je suis sur un petit nuage aussi. Je suis très heureux. C’est le début d’une nouvelle tournée, d’une nouvelle aventure avec une nouvelle équipe, une nouvelle scénographie. Et oui, le fait de retrouver les salles de concerts, un public, une ambiance de concert.. Ça me rend super joyeux donc je suis très content et je me sens très heureux.
LFB: Comment as-tu vécu ton premier concert post-covid ?
Rone: Si je ne me trompe pas, ce n’est pas un concert mais le spectacle avec le Ballet de Marseille pour le spectacle que l’on a créé avec (LA)HORDE, Room With a View. C’était aux Nuits de Fourvière. C’est le premier concert après les confinements et c’était bouleversant. J’ai un peu pleuré sur scène, quelques danseurs aussi je crois. Dans le public également, il y avait un truc très électrique, très émouvant.
Le spectacle met en avant la solidarité des humains entre eux. Ce sont des danseurs, où il y a une espèce de fusion. Je crois que c’était très fort à ce moment-là, de le faire et de le vivre. Autant pour nous que pour le public. C’était fou de repartir avec ce spectacle-là. Ensuite, on l’a refait à la Biennale de Venise. C’était vachement bien aussi! Je continue pour le moment en solo. Je les retrouverai, eux, un peu plus tard. On reprend le spectacle avec les danseurs pendant trois semaines au Théâtre du Châtelet, en septembre 2022. Je suis super content de savoir que ce spectacle a une longue vie devant lui.
“Quel spectacle faire, maintenant à notre époque quand on fait de la musique électronique? »
LFB: As-tu des habitudes qui ont évolué ou changé, vis-à-vis de ton rapport aux concerts, à la scène et au public ?
Rone: Oui tout à fait. J’étais déjà un peu préoccupé par l’écologie, l’urgence climatique. C’est quelque chose qui me préoccupe pas mal. Peut-être que ça a accéléré mon envie de faire quelque chose à mon échelle. Concrètement, sur cette tournée solo, on a vraiment essayé de chercher une scénographie qui soit la plus légère possible. C’est marrant car lorsqu’on la voit sur scène, on la voit énorme mais cette scène est un coup de génie du scénographe. Elle est modulable et elle se range dans trois petites valises que l’on peut porter à deux! C’est la contrainte qu’on lui avait donnée, dans le cahier des charges. On ne voulait pas de gros camions sur la route, on voulait être une petite équipe.
Il y avait ces enjeux-là, économiques, écologiques et puis aussi une volonté de revenir à une scénographie un peu lanterne magique. Une idée très simple mais tout de même il y a un petit coup de magie qui opère avec son dispositif. Il y a un rétroprojecteur qui passe à travers des lentilles de phares. Je pense que cette scéno elle existe parce que je me suis vraiment questionné sur “quel spectacle faire, maintenant à notre époque quand on fait de la musique électronique? » Je pense que je suis loin d’être le seul musicien. On est beaucoup à se questionner sur certaines choses. Déjà, essayer de prendre le moins possible l’avion. On réfléchit beaucoup à la question de comment tourner aujourd’hui en ayant le moins d’impact possible..
C’est à peu près la seule différence car finalement là, je retrouve le public et c’est la chose positive de la vie d’avant. Après j’espère que plein de belles choses arriveront dans la vie d’après. Disons qu’en ce moment, on est encore dans une période où je sens que dans les concerts que j’ai fait, il y a une sorte de libération à se retrouver en concert, depuis tout ce temps. Je ne sais pas combien de temps ça va durer mais il y a un truc spécial dans les concerts que l’on est en train de vivre en ce moment. Il y a quelque chose en plus dans l’énergie du public.
LFB: As-tu vu une différence entre un concert assis, masqué, restreint et un concert en format debout?
Rone: C’est vrai que j’ai pu faire les deux. A la Biennale de Venise, c’était dans un vieux théâtre italien et effectivement tout le monde était assis et masqué. Donc oui, honnêtement j’ai senti une différence. J’ai adoré faire ce spectacle mais c’était étrange de jouer devant un public masqué. Assis, je m’y suis habitué. Et tout d’un coup, je fais un concert avec une foule, sans masque. On est presque plus habitué, c’est surprenant! C’est marrant mais c’est vraiment ce truc des sourires! Avec cette histoire des masques, tu captes moins l’émotion des gens. Alors que c’est hyper important pour nous sur scène!
LFB: Justement, sur ces deux sets différents, est-ce que tu avais adapté ta setlist?
Rone: Pour ne rien te cacher, je ne savais même pas que c’était assis ce soir! Là, mon idée c’est de faire en sorte que les gens se lèvent un peu. J’attendais de voir la salle, j’avais vu une photo. Si vraiment c’était une salle où l’on ne pouvait pas se lever, j’aurais adapté mon set mais quand j’ai vu la salle en fait il y avait vachement d’espace! Si les gens le veulent, ils peuvent se lever. Je me suis dit que j’allais y aller à fond, faire ce que j’avais prévu. Je vais faire comme si c’était une salle debout et on verra.
LFB: Est-ce que la période justement dans laquelle nous sommes en ce moment et depuis deux ans, t’as apporté des choses, a fait naître de nouvelles envies ?
Rone: Pendant le confinement, déjà Jacques Audiard qui m’appelle pour faire la musique de son film. Avant le confinement, j’avais déjà fait de la musique de film et donc j’ai eu le César pour ce film. Pour moi, c’était un peu l’année cinéma. Tout est tombé d’un coup. Ça, ça a vraiment ravivé mon envie de travailler dans le cinéma. C’est quelque chose que je veux faire depuis très longtemps. J’étais étudiant dans le cinéma. Au départ, je pensais faire des films et la musique a pris le dessus. J’ai complètement oublié ces rêves de cinéma. Là, j’ai l’impression de renouer avec ces rêves, ces envies.
C’est terrible à dire mais à part les premières semaines où j’étais hyper angoissé, j’ai assez bien vécu cette période. J’étais enfermé à bosser sur les superbes images de Jacques Audiard et j’ai adoré ce travail! Je me souviendrais de cette année comme un truc super. Le gros changement c’est ça. Après, le changement un peu plus personnel c’est que j’ai aussi changé de vie. J’ai quitté Montreuil pour rejoindre la Bretagne. La vraie bonne réponse c’est le cinéma. Il y a des projets en cours et ça c’est la grosse envie qui me viens là.
LFB: Tu parles de Jacques Audiard, est-ce qu’il y a des personnes avec qui tu aimerais énormément travailler, tant sur l’aspect musical que sur l’aspect humain, rencontre ?
Rone: Déjà, il y a des gens avec qui j’ai déjà travaillé et avec qui je rêve de retravailler. C’est un peu le cas avec (LA)HORDE car on reprend le spectacle. On a fait un petit film qui va bientôt sortir. Ils ont réalisé le film et j’ai fait de la musique, avec les danseurs et tout ça. C’est un peu la continuité du spectacle. J’aimerais beaucoup travailler avec Frédéric Farrucci, Jacques Audiard évidemment.
J’aimerais bien cultiver les liens que j’ai déjà et pour les nouvelles rencontres, moi j’adore! Il y a plein de gens avec qui j’aimerais bosser. En général, je suis assez timide, je laisse venir plutôt. Je suis très ouvert aux rencontres, en général il y a de belles invitations, de belles propositions. En général, j’aime bien ça. Les rencontres un peu imprévues. Il y a une chanteuse d’opéra qui m’a contacté, je me dis, ah pourquoi pas? Je suis ouvert à plein de rencontres et de projets. J’adore travailler avec les gens.
« Les pires souvenirs sont parfois les meilleurs »
LFB: Est-ce que selon toi, il y a un titre qui te semble désormais un peu incontournable? Tu sens qu’il y a une résonance particulière auprès du public?
Rone: C’est marrant car il y en a tout de même plusieurs. Bye Bye Macadam, j’ai vu que sur YouTube il a 40 millions de vues! Ce morceau, c’est le plus connu. En live, j’ai décidé de le jouer dès le début, comme ça c’est fait et j’envoie le truc dès le début et après on passe à autre chose. En même temps, j’adore le jouer. Généralement, je le jouais à la fin pour le coup du feu d’artifice de fin.
Je me rends compte qu’à chaque nouvel album, il y a un nouveau public qui arrive. Même quand j’ai fait ce spectacle avec (LA)HORDE, c’était un public qui ne connaissait pas forcément mon travail. Il y a des générations. Souvent, après les concerts il y en a qui me disent “je te suis depuis Bora!” C’est le premier morceau que j’ai sorti. Le morceau avec la voix d’Alain Damasio. C’est un morceau important. Je dirais que ce sont les deux qui restent mais là je crois que le morceau Room With a View, qui est le thème principal du spectacle, il se passe un truc avec ce morceau-là.
LFB: Aurais-tu un meilleur ou un pire souvenir de festivals/concerts à partager avec nous?
Rone: J’essaye de réfléchir.. J’ai eu, forcément, des petits pépins techniques, mais en général ce ne sont pas que de si mauvais souvenirs que ça. C’est hyper agréable car tu réalises que le public est très bienveillant par rapport à ça. La plupart du temps, quand j’ai eu un truc qui plante, ça repart beaucoup plus fort. Le public est trop content et toi tu donnes tout. En général, ça donne de supers bons concerts. Peut-être que c’est une réponse! Les pires souvenirs sont parfois les meilleurs.
Il y en a un qui me vient en tête. C’est Nuits Secrètes, je ne sais plus exactement ce qui s’est passé mais j’ai eu une grosse galère technique. Tout le monde était magnifique, le festival était magnifique, j’avais envie de tout donner! Et j’ai eu 30 secondes de “c’est nul!” Les gens m’ont chauffé, j’ai réussi à régler le problème et c’est reparti. Ça a donné un concert dingue! Donc, le pire peut donner le meilleur!
« Je n’ai plus envie de m’arrêter! »
LFB: Peux-tu nous parler de l’importance du catering?
Rone: Oh putain! Il faut savoir que les musiciens, les techniciens, lorsque l’on se retrouve en tournée, c’est vraiment un truc où c’est un espèce de Guide du Routard entre nous. On était au Bikini à Toulouse hier, il est réputé pour avoir un catering dingue, on bouffe hyper bien, c’est même trop! C’est délicieux! Je ne vais pas lâcher des noms mais il y en a, effectivement, où c’est un peu moins bon! C’est vrai que ça joue quand même un peu. Je trouve ça cool les gens qui font des efforts là-dessus.
Après, ce n’est pas le plus important mais c’est vrai que c’est un petit truc en plus. Quand on fait une tournée en France, on connaît les étapes où l’on va bien manger! La Sirène à La Rochelle, incroyable. A chaque fois ils t’accueillent avec le plateau d’huitres, le vin blanc et l’accueil quoi! C’est bizarre car c’est vraiment aléatoire en fonction des salles mais c’est un petit plus! Avant, il y a le soundcheck, tout le monde est un peu tendu. Au catering, on se retrouve avec les équipes techniques et tout le monde. On partage, c’est le moment qui va faire basculer la soirée, le concert, dans quelque chose d’assez agréable.
LFB: Comment appréhendes-tu ton set de ce soir? Est-ce que tu avais des attentes avant d’arriver ici?
Rone: Ça faisait longtemps que je n’avais pas tourné solo. Quand j’étais en train de composer la musique du film de Jacques Audiard, j’aimais tellement ça que je me souviens après pensé que ça ne me manquait plus les concerts. Au début, j’étais dégoutté car la tournée avec les danseurs était annulée. J’étais déprimé! Je suis rentré dans ces musiques de films. Je me suis fait à l’idée de ne plus jamais faire de concerts. A tel point que lorsque les concerts ont repris, j’étais moyen chaud. Il a fallu que je me mette dedans, la résidence, Emmanuel qui a fait la scénographie.. Là, ça a commencé à monter!
On a fait deux petites dates en Suisse, de rodage qui étaient super cool. On a commencé avec Le Trianon. Je n’ai pas fait le malin. Grosse pression mais c’était complètement dingue! Les gens tapaient des pieds, Vincent à la console volait. Et là, je me suis dit “mais ai-je pu penser un truc comme ça?” J’aime trop ça et en fait je peux faire des musiques de films et des concerts, jongler un peu! Là je suis trop content de commencer une tournée. J’espère qu’il y a plein de dates qui vont tomber, je n’ai plus envie de m’arrêter!
Tout ça pour dire, que le Trianon j’avais une boule de stress que je n’avais plus eu depuis longtemps. Ce n’est pas agréable quand tu le vis mais en général ça donne un super concert. Ça, ça me manquait! Avoir des coups de stress, d’adrénaline. C’est désagréable quand tu le vis, tu te dis “mais pourquoi je fais ce métier, pourquoi je m’inflige ça?” C’est une drogue hallucinante, il y a un truc chimique dans le corps, d’addictif!
Je viens de faire quatre dates, avec la fatigue tu peux avoir une sorte de décontraction. Là il va falloir que je commence à stresser un peu!