Marek Zerba : « L’impression d’être un Puceau, Ca me terrifie autant que Ca m’excite »

En tout discrétion, l’auteur et compositeur Marek Zerba vient de sortir son premier album le 28 octobre 2022 dernier. Il réalise d’ailleurs un show à la Boule Noire ce 21 décembre 2022, où on pourra retrouver Yaaster, Cymbaline et Keep Dancing Inc en DJ Set. Rien que ça ! Nous avons pu le rencontrer dans le mythique bar Le Pop In (Paris XIe) lors de la préparation de ce concert il y a quelques jours. Au programme : porc-épic, Strokes, rapport sexuel, moustache et coca.

LFB : Bonjour Marek !

Marek Zerba : Bonjour ! Ou plutôt bonsoir !

LFB : Comment vas-tu ?

Marek Zerba : Euh, on peut déjà passer cette question ? (rires)

LFB : Tu as sorti ton premier album le 28 octobre 2022

Marek Zerba : Vous avez exactement les bonnes dates, c’est tout à fait ça…

LFB : J’ai fait une petite recherche sur ton passé. Ton casier judiciaire est vierge déjà et surtout, après avoir lancé ta carrière musicale aux alentours du 14 novembre 2011, il t’a fallu 11 ans pour sortir ton premier album. Comment l’expliques-tu ?

Marek Zerba : J’ai sorti plein de disques avant tout de même. C’est comme un auteur qui passe à l’écriture de roman. Je me dis qu’une fois que je passerais au roman, je ne ferai plus que des romans. J’ai dû m’entraîner pendant des années sur des formats courts. L’album est tout de même quelque chose de conséquent : il y a un début, un milieu et une fin.

LFB : Comme une histoire ?

Marek Zerba : Ça peut être vu comme une histoire mais c’est un peu plus. Tu passes tout de même quarante minutes avec un mec, là !

LFB : C’est un travail que tu n’as jamais réalisé auparavant aussi.

Marek Zerba : Oui mais maintenant, je ne fais plus que ça. Je sortirai tout de même un EP très prochainement, car c’est quelque chose que je réalise avec un copain depuis cinq ans. Mais je ne pense qu’à faire des albums désormais. J’ai d’ailleurs déjà fini le deuxième.

LFB : Et tu sors un album très personnel. A travers les paroles, on ressent beaucop de sarcasme, d’ironie, mais aussi de désespoir. Etais-tu dans le même état d’esprit en écrivant l’album ?

Marek Zerba : J’ai décidé de réaliser l’album à Noël 2020. L’élaboration de l’album a quasiment duré deux ans, donc sur une période plutôt vaste. Sinon, oui, cela m’arrive d’être sarcastique, un peu, mais ironique, jamais !

LFB : Sur Et pic, et poc !, évoques-tu une dépression ?

Marek Zerba : Je ne sais pas. L’époque qui pique. J’évoque aussi les porcs-épics à un moment : aussi lisse qu’un porc-épic. Mais tout le monde me fait chier avec la chanson depuis des semaines. Tout le monde me dit : « ça va pic et poc ? » Alors que c’est « Et pic, et poc ! ». Il y a un jeu de mots. J’y ai réfléchi pendant des mois. J’ai trouvé ça rigolo de commencer l’album par un « Et » alors qu’il n’y avait rien avant.

LFB : Sur Sans Contact, il y a beaucoup d’autodérision sur la période de restrictions sanitaires qui t’a bridé…

Marek Zerba : Il y a de l’humour. C’est rempli de jeux de mots. J’ai l’impression que c’est l’avenir qui nous attend. On commence avec nos propres mains. Il n’y a pas longtemps, j’ai croisé un mec qui s’est fait greffer une puce et il pouvait faire plein de trucs avec son bras… sans contact ! C’est assez fou !

LFB : Alors que toi, tu es plus adepte du contact, tu es même full contact.

Marek Zerba : Oui, quand je rentre dans mon véhicule, je full contact. Mais sinon, cette crise sanitaire a bien accéléré cette ubérisation du sans contact. Pendant le confinement, mes potes se faisaient beaucoup de livraisons, mais moi, jamais ! J’aime bien avoir ma routine et me déplacer chez les commerçants.

LFB : Branleur Forever est un hommage à Marek Zerba ?

Marek Zerba : Marek Zerba ? C’est qui ce connard ?

LFB : Dans le clip, on ne voit que toi tout de même.

Marek Zerba : C’est vrai. Mais ce n’est pas un hommage à moi, il y a plus de la forme que de fond peut-être. Je ne suis pas un si grand flemmard. J’ai été stakhanoviste en 2022. Pardon, je passe du coq à light, mais cela me fait penser à la phrase des Strokes dans The Modern Age : Work out and say it’s easy. J’aimerais bien arriver à ça. En fait, c’est que je suis un branleur en fait : c’est ça qui est la vérité.

 Il y a des chansons que j’ai dû réenregistrer peut-être une bonne centaine de fois, voire deux cents fois même. Mais ça ne changeait rien : autant rester un branleur ! C’est un adage pour moi : Reste un branleur !

LFB : Tu as une patte très indie rock et nineties sur ces morceaux, c’est assez différent de tes premiers titres.

Marek Zerba : Quand j’étais au lycée, mon groupe faisait du rock, et on écrivait même « rock » dans le titre de nos chansons, donc sur mes touts premiers titres, j’étais dans ce style-là. Mais j’aime tout généralement, je n’ai aucun racisme musical. La deuxième partie de l’album est assez bien psyché également. Branleur Forever, c’est du slacker rock : du rock de branleur, donc oui, il y a un petit air des nineties. Elle est aussi garage et folk car il y a peu d’éléments dessus.

J’aime bien cette anecdote avec Mickael Jackson avec Quicy Jones sur le mix d’une des chansons de l’album Thriller. C’est au bout du 92ème mix qu’ils se rendent compte que le neuvième était bien. C’est ça qui est bien avec la musique : c’est le chemin parcouru, pas le résultat finalement.

LFB : Marek Zerba aime aussi prendre son temps. Deux titres de plus de six minutes. Tu as une approche plus expérimentale par moments que psyché, selon moi. Tu as eu une volonté d’être novateur sur tes réalisations ?

Marek Zerba : J’ai fait bien pire avant, mais ce n’est pas encore sorti. J’ai des chansons qui durent plus de quinze minutes. Pour moi, ces chansons de l’album me paraissent assez courtes et même ramassés. Il n’y a pas d’étirement du tout. J’aime autant les chansons d’une minute que de quinze minutes. J’aime également surprendre l’auditeur.

LFB : Quel titre pour toi a été le plus éprouvant à écrire et à réaliser ?

Marek Zerba : Pour Branleur Forever, c’était super simple et rapide. L’écriture m’a pris à peine deux-trois jours par exemple. Mais c’est définitivement Et pic, et poc ! qui a été le plus difficile à écrire. Cela m’a pris plus de deux ans au moins. Ce faisait des années que j’avais ce titre en tête. Je pars souvent du titre, c’est l’école de Gainsbourg. Quand tu as le titre, c’est 80% de la chanson qui est écrite.

LFB : On le ressent bien sur le titre final, Toute sortie est définitive.

Marek Zerba : Effectivement ! Par exemple, L’horizon des événements, c’était une tannée parce que j’ai été à un point où je ne savais plus si j’étais capable d’écrire une chanson. J’ai mis des mois à la débloquer celle-là. L’Hôtel du Soleil a été aussi une tannée à réaliser. J’ai mis des années. Je m’en rappelle encore. J’étais au Vésinet et j’avais enregistré une version de ce titre. Je suis reparti à Paris. Je l’ai écouté toute la nuit à Paris en marchant. Et je retournais aussitôt chez moi le lendemain pour enregistrer une nouvelle version en changeant divers éléments. Ca a duré plusieurs semaines comme cela avant d’avoir ce que je souhaitais.

LFB : Tu es un perfectionniste ou un éternel insatisfait ?

Marek Zerba : Non, il faut juste trouver le sentiment de l’évidence. Tant qu’il n’y a pas l’évidence, il faut la trouver ! Elle ne viendra pas toute seule. Dès fois, ça tombe du ciel, comme Branleur Forever et Etoile de Mer et dès fois, il faut s’acharner : il n’y a aucune règle.

LFB : J’avais une question concernant le titre Etoile de Mer. Tu préfères vraiment le missionnaire ?

Marek Zerba : A ce n’est pas moi qui préfère, c’est juste qu’il y en a certains qui ne savent faire que ça ! (rires) Non mais les gens font ce qu’ils veulent, je suis pas contre le missionnaire exclusif. J’ai plus de problème avec les étoiles de mer justement… Un rapport sexuel c’est quand même sensé être un partage… C’est comme si on discutait et que je ne te regardais ni dans les yeux ni te répondais. Ce disque reste assez pessimiste, et même les titres qui semblent drôle, comme Etoile de Mer, sont des trucs qui sont chiants à la base. Comme le font les humouristes, il n’y a que le malheur qui est drôle.

LFB : Du coup, tu te considères chanteur humouriste ?

Marek Zerba : Ah non pas du tout. Par contre je n’ai rien contre l’humour. Il y a plein de gens que ça fait chier, l’humour dans la musique, moi pas du tout.  Ça fait partie de la vie, l’humour.

LFB : Y a-t-il un titre plus important pour toi que les autres dans cet album ?

Marek Zerba : Impossible de choisir… Par contre, Dernier coup d’œil dans le reflet du miroir avant de partir, c’est le meilleur texte que j’ai écrit.

LFB : À quand un titre en anglais ?

Marek Zerba : J’ai une théorie : tous les gens qui chantent en anglais deviennent de plus en plus pop. Je rêve en français, je ne suis pas assez à l’aise avec la langue. Quand je cris, je fais Aie pas Ouch, que des bonnes raisons pour écrire en français. Et puis pourquoi toujours l’anglais ? Pourquoi pas le russe ? Je serais de toute façon absolument incapable de traduire mes textes à un étranger.

LFB : Un peu comme Wet Leg et son Chaise Longue en français 

Marek Zerba : Il y a un article super intéressant qui explique pourquoi cette version est un gros foutage de gueule, je recommande !

LFB :  Une tournée pour l’album est-elle prévue ? Et au-delà de la sphère francilienne ?

Marek Zerba : Oui, des bars ! Je vais commencer à Agniers pour finir à Montreuil. Faire le tour du périph. J’espère réussir en une soirée mais je ne sais pas si mon foie va tenir. Et le 21 décembre à la Boule Noire, venez tous !

LFB : Pourquoi tu ne veux pas sortir de l’Ile de France ?

Marek Zerba : Parce que ça coûte cher, et qu’à chaque action que je fais concernant la musique, je perds déjà de l’argent. Alors en plus une tournée… On ne gagnerait rien et en plus je suis assez dur à gérer je pense. J’ai vraiment l’envie, mais je pense sincèrement que ça me demandera beaucoup plus de préparation que n’importe qui d’autres. Déjà physiquement, parce que je suis une larve. Mais je suis chaud de prêcher la bonne parole, même à l’étranger.

LFB : Donc pour le moment les fans devront obligatoirement venir à Paris pour te voir.

Marek Zerba : Ah ça en 2022 il n’y a pas le choix c’est sûr. Mais est ce qu’il y des fans autre part qu’à Paris ? Je ne pense pas. Est ce qu’il y a des fans tout court d’ailleurs ?

LFB :  As-tu des projets pour la suite ?

Marek Zerba : Je suis en train de bosser sur un EP où j’ai fait toutes les paroles. Ça fait 5 ans qu’on fait ça, je pense que ça va sortir au printemps. Et le deuxième album est écrit, je vais finir de l’enregistrer avant le nouvel an et le sortir à la rentrée prochaine j’espère !

LFB : Penses-tu que ce premier album est une délivrance pour que tu produises plus rapidement et en toute quiétude ?

Marek Zerba : Je me suis dit que c’était ouf de faire un album. Je n’aurais jamais pensé tenir quarante minutes. Le deuxième album a moins de chansons mais est plus long. Rien que le fait de faire cet album c’était un vrai but. Avoir réussi à en enfanter un, c’est une première marche que j’ai escaladée.

LFB : Quelle différence entre le Marek Zerba de ses débuts et celui d’aujourd’hui ? A part 11 ans d’écart.

Marek Zerba : Une moustache. Non, maintenant je suis comme un ouvrier à l’usine, j’ai de la bouteille. Ensuite, j’ai toujours l’impression d’être un jeune puceau. J’ai dû écrire plus de cent chansons mais quand j’en écris une à chaque fois je suis intimidé. Ça me terrifie autant que ça m’excite.

LFB : On a le titre de l’interview : « J’ai l’impression d’être un jeune puceau, (…) ça me terrifie autant que ça m’excite »

Marek Zerba : Totalement validé (rires)

LFB : Tu es un oiseau de nuit, je te propose une séquence question Ardisson. Je lance l’interview Première fois !

Marek Zerba : (se met à chanter) Toute première fois, toute toute première fois !

LFB : Quel est ton tout premier single ?

Marek Zerba : Etoile de mer !

LFB : C’est le premier de l’album, mais pas le premier de Marek Zerba !

Marek Zerba : Alors oui, mais pour moi cet album c’est un renouveau !

LFB : Ton tout premier concert ?

Marek Zerba : Je me demande si ce n’est pas Patrick Fiori dans un gymnase… Mais ma pote attachée de presse qui s’occupe de lui s’en souvient même pas… Alors dans le doute, mon tout premier concert de rock c’est les Shades à la Cigale. Un groupe dans la vague bébé rockeur, produit par Burgala.

LFB : Quel est ton premier baiser ?

Marek Zerba : Oh la la… Surement sur un des deux seins de ma mère pour réclamer du lait.

LFB : Ton premier chagrin d’amour ?

Marek Zerba : Je ne me rappelle pas… Enfin si, c’est une chanson que j’ai fait avec Vanille : Le Chagrin d’amour ! Qui sortira d’ailleurs au printemps…

LFB : Ta première drogue ?

Marek Zerba : La vie… Moi je me drogue à la vie (clin d’œil lancinant, rires) En vrai, le coca. Je buvais que ça gamin. Et je ne suis même pas diabétique, je ne comprends pas.

LFB : Ta première infidélité ?

Marek Zerba : Bah, maintenant. C’est la deuxième interview que j’effectue alors je fais une infidélité à mon premier interviewer. Mais en vrai, je ne fais que me trahir moi-même. C’est moi, ma première infidélité.

LFB : Pour terminer, Marek écoute beaucoup de musique. Quel est ton coup de coeur de 2022, autre que Bertrand Burgalat et Phoenix ?

Marek Zerba : (rires) Putain, dire ni Phoenix ni Bertrand Burgalat, c’est un peu comme de jouer à ni oui ni non. En vrai, clairement, le disque que j’ai le plus écouté cette année : c’est le mien. Car j’ai dû le travailler quoi… Après le dernier Phoenix évidemment ! Oups…

Crédit photos : Bastien Reveco