Amyl and the Sniffers « Etre dans un groupe est le seul moyen de me faire entendre. »

Qu’est-ce qui se passe quand on enferme presque deux ans une bande d’excités qui pensent trop ? Un album ultra introspectif, engagé et plus travaillé que jamais. Avec leur second album Comfort to Me, les punks australiens de Amyl and the Sniffers frappent un uppercut, aussi bien musicalement que pour la profondeur des textes. Afin de plonger encore un peu plus dans la tête du groupe, on a eu l’immense honneur de s’entretenir avec Bryce Wilson, batteur vindicatif, et la rayonnante leadeuse Amy Taylor. On parle punk évidemment, mais aussi cerveaux fondus et mcdos capitalistes. 

ENGLISH VERSION BELOW

LFB : Bonjour Amy et Bryce ! Comment allez-vous ?

Amy : Très bien !

LFB : Vous venez de lancer votre deuxième album Comfort to me, comment vous sentez vous?

Bryce : Plutôt bien ! Nous étions comme « assis dessus » depuis très longtemps maintenant. J’ai l’impression que cela faisait des lustres que nous l’avions enregistré! Alors oui, un assez grand soulagement de le sortir. Et que le reste du monde entende ce que nous écoutons sans arrêt depuis un an maintenant (rires)

LFB : Vous avez clairement dit qu’il s’agissait d’un album pandémique, composé et écrit pendant la crise du covid. Qu’avez-vous retiré de cette période ?

Amy : Nous avons commencé à le composer fin 2019. Nous avons eu deux ans de pause de tournées. Nous avons donc tous emménagé ensemble et avons continué à l’écrire, en commençant par Guided By Angels. Et puis nous avons avancé tout au long de 2020 et l’avons enregistré la même année. Mais oui, nous vivions tous ensemble, avec tellement d’amis, de famille, donc ils ont vraiment eu un impact sur nous et la musique !

LFB : Ce fut une année très prolifique pour vous. Un album, mais aussi deux collaborations : Viagra Boys et Sleaford Mods. Comment c’était ?

Amy : C’était génial ! J’adore ces gars, ce sont deux de mes groupes préférés, et nous avons aussi fait un clip. C’était juste génial d’avoir des choses à faire et de pouvoir travailler, nous avons eu de la chance.

LFB : Qu’est-ce qui apporte du  « comfort to you »?

Amy : Là maintenant, c’est différent de la vie normale parce que nous sommes toujours confinés. Donc en ce moment, c’est surtout un pantalon de pyjama super confortable. Des cigarettes et un café. Courir, j’aime faire de l’exercice. J’aime cuisiner aussi. Voir mon copain. Mais en temps normal, ce qui me réconforte, c’est de conduire très vite dans ma voiture, jouer un concert ou écouter de la musique punk.

Bryce : La première chose à laquelle j’ai pensé c’est jouer à la Xbox, mais c’est assez nul. (rires) J’aime faire de l’exercice et je trouve du réconfort dans la musique. Je joue beaucoup de guitare. J’essaie d’acheter des disques et de vendre des trucs du label.

LFB : Peut-on parler de la pochette de l’album ? Pourquoi es-tu représentée comme fondue ?

Amy : Parce que c’est comme ça que mon cerveau est…Tout fondu (rires)  L’album est une vraie percée dans mon cerveau et j’ai l’impression que ce visage me représente. Un visage fou. C’est aussi comme ça que je me représente la vie !

LFB : Je m’imagine plus ton cerveau comme une explosion ! Comment décririez-vous l’album en 3 mots ?

Bryce : Confort to me. (rires) Non, vraiment vraiment, vraiment, vraiment bien !

LFB : Vous êtes militants comme jamais dans cet album. Des références Riot grrrls, la liberté de disposer de son corps, la liberté sexuelle… C’est très introspectif et un merveilleux hymne à ta propre libération. Comment as-tu réussi à avoir autant confiance en toi malgré une société qui essaie toujours de briser les femmes?

Amy : Je pense que c’est une bataille constante. C’est un rappel perpétuel d’être simplement libre et de vous exprimer comme vous le désirez. Vos choix vestimentaires ne reflètent pas qui vous êtes en tant que personne. Si vous êtes peu vétues ou très couverte, vous méritez le même respect. Les femmes ne sont pas seulement des objets sexuels, elles sont plus que cela. Si nous décidons de nous sexualiser, c’est notre affaire et celle de personne d’autre. Et ce n’est pour personne d’autre que nous-mêmes. Nous sommes libres de prendre des décisions, nous devrions avoir une autonomie sur notre corps, comme l’avortement devrait être légal. Et tu le sais, beaucoup de gens ne sont pas encore d’accords avec cela, mais c’est tellement important parce que cela peut tout simplement ruiner la vie de quelqu’un. Des gens autour de vous qui disent que vous ne pouvez pas vous comporter d’une certaine manière ou qui vous humilieront d’être simplement vous-même ou de vous habiller comme vous le souhaitez. Porter des vêtements légers ou ne pas porter de vêtements légers, peu importe que tu sois féminine ou non. Tu es toujours respectable.

LFB : Quelles sont les sujets les plus importants pour vous ?

Amy : Je suppose que j’aime revenir à ces sujets de libération. J’ai la chance d’avoir vécu ces expériences difficiles mais d’avoir aussi un groupe et la capacité de m’exprimer. J’exprime des expériences, des choses qu’on a vues, pensées, et on ne peut pas oublier cette merde. La vie est tellement étrange en soi. Mais il y a comme un défi qui résonne dans ma tête et qui dit : « Oui, tout ça existe, mais fuck it! « 

LFB : Y a-t-il eu des gens qui essayaient de restreindre ta liberté d’expression ?

Amy : Parfois, j’ai l’impression que le fait d’être dans un groupe est la seule chose qui fera que les gens écoutent vraiment ce que je dis. C’est en quelque sorte ma façon d’obtenir du pouvoir, de prendre le pouvoir, de me sentir puissante. Parce que parfois j’ai l’impression que ce que je dis rentre dans l’oreille d’un sourd, ou que je suis ignorée. Donc oui…

LFB : Vous décrivez-vous comme des punks ? Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui?

Bryce : Je dirais que je suis un punk mais en même temps, je ne suis pas non plus un punk. C’est un terme assez large et parfois vague pour moi maintenant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui il s’agit d’être soi-même. L’atmosphère est tellement différente de ce qu’elle était dans les années 80 ou 70. Nous avons comme une responsabilité sociale d’être conscients et de parler des enjeux de ce mouvement à l’époque. Je pense donc qu’il est également important de mettre ces problèmes en lumière et de condamner certaines idéologies que les punks avaient dans le passé.

Amy : Le niveau de punk est tellement subjectif ! Certaines personnes pensent que c’est de l’activisme. Certaines personnes disent que c’est un sens de la mode. Parfois, c’est une attitude. Et parfois c’est un genre. Parfois, c’est toutes ces choses. Je m’identifie au punk, mais en même temps, je ne veux être limitée par aucune étiquette. J’ai l’impression que ce n’est qu’une autre boîte dans laquelle caser quelqu’un ou dans lequel vous vous mettez. Mais il y a tellement de choses différentes que vous pouvez être, penser et ressentir. Cela nous rend en quelque sorte unidimensionnelles. Et je suis aussi d’accord avec ce que dit Bryce. Ces trucs genre « le punk est mort » ou peu importe. Non, c’est juste en train de changer. Ca a commencé comme un truc rebel envers la société et les constructions sociales. Mais en même temps, cela existe toujours sous des formes différentes, comme tous ces gamins en soirée qui sont trans, non binaires, aux cheveux colorés, célébrant la vie, se battant très fort et portant des vêtements incroyables. Ou monter sur scène et chanter un truc sur sa chatte humide. (rires) C’est super fun! Tout ça, c’est du punk, ce n’est pas forcément un homme de 40 ans avec un mohawk qui dit « Je veux du rock !! » (rires) Mais bon on raconte tout ça sur notre iphone et en mangeant des Mcdonald’s. (rire)

Bryce : Comment pouvons-nous être punk si nous soutenons un conglomérat massif ?

LFB : Nous avons tous nos failles. Amy tu es très dramatique et théâtral lorsque vous jouez. D’où est ce que ça vient?

Amy : Je suis juste une personne assez énergique, et c’est juste ma façon de l’exprimer. C’est comme une dualité : être remplie de vide mais aussi d’aimer beaucoup de choses. La combinaison crée cette force. Et ça sort juste comme ça. C’est comme une célébration et un rejet.

LFB : Comment vivez-vous pour être de retour sur scène ?

Amy : Je suis toujours enfermée à Melbourne malheureusement ! C’est actuellement la ville la plus fermée au monde. Je pense que c’est notre sixième confinement. Nous n’avons joué que quelques spectacles en 18-19 mois…. Mais j’ai hâte de jouer l’album en live !

LFB : Comment gérez-vous la promotion de l’album du coup? Vous allez bientôt partir en tournée ?

Bryce : J’espère ! Nous essayons d’organiser quelque chose. Il y a beaucoup d’interviews et nous sommes assez fiers de l’album aussi. L’Australie est à la traine du reste du monde. J’espère que le monde pourra nous attendre.

LFB : Vous prévoyez de venir en France prochainement ?

Amy : Bien sûr !

LFB : Avez-vous de belles découvertes musicales à nous faire partager ?

Amy : Il y a un groupe de Sydney qui s’appelle Coffin !

Bryce : Exek, nos amis de Melbourne !

Amy : Une femme qui s’appelle Grace Cummings, de la très belle musique pop. Swab, un groupe punk et également Rabit Dogs de Melbourne. J’aime aussi Bakhaw, un rappeur Australien indigène. Mini Skirt de la côte aussi !

LFB : Pour finir, que peut-on vous souhaiter ?

Amy : Je veux pouvoir jouer cet album plusieurs fois aux gens, mais je ne sais pas ce qui va se passer d’autre.

LFB : c’est une période très compliquée, mais je vous souhaite le meilleur. Clairement, l’album est absolument génial. Et j’ai hâte de voir en concert !

Amy : Merci beaucoup. Ravie de t’avoir parlé !

Crédits: Jamie Wdziekonski

ENGLISH VERSION

LFB: Hello Amy and Bryce ! How are you ?

Amy : I’m good ! 

LFB: You just launched your second album Comfort to me, how do you feel?

Bryce: Yeah, pretty good. Wait, we’ve been like sitting on it for a very long time now. Iit had been ages since we recorded it. So yeah, pretty big relief, to get it out. And let the rest of the world hear what we’ve been hearing non stop for the past year

LFB: You clearly said it was a pandemic album, composed and wrote during the covid crisis. What did you get out of this period?

Amy: We started running it at the end of 2019. So we’ve got off the back of two years of touring. So we all moved in together, and started writing it, beginning with Guided by angels. And then we just kind of ride all through 2020, and recorded it the same year. But yeah, we were all living together, so much friends,  family and stuff, so they really impacted that much !

LFB: It was a very prolific year for you. An album, but also two collaborations: Viagra Boys and Sleaford Mods. How it was?

Amy: It was awesome ! I love those guys, there are two of my favorite bands, we did music video also. It was just good to have stuff to do and work on and we’re pretty lucky.

LFB: What brings Comfort to you?

Amy: Right now it’s different stuff than normal because we’re still in lockdown. So at the moment, it’s like really comfortable pajama pants. Cigarettes, and coffee. Running, I like exercising. I like cooking food too. Seeing my boyfriend. But in normal times, what brings comfort to me is to drive really fast in my car, playing a gig or punk music.

Bryce: The first thing I thought is playing Xbox, but that’s pretty lame. (laugh) I like exercising and I find comfort in music. I play guitar a lot. Trying to buy my records and stuff from the records.

LFB: Can we talk about the cover of the album? Why did you represent yourself melt down?

Amy: Because that’s how my brain is… The album is such an insight into my brain and I feel like that face represents myself. A crazy face. That’s what life is like.

LFB: I represent more your brain like an explosion ! How could you describe your album in 3 words?

Bryce: Comfort to me. (laugh) No, really really, really, really good !

LFB: You are militant like never in this album. Riot grrrls references, the freedom to dispose of one’s body, sexual freedom. It’s very introspective, and a wonderful hymn to your own liberation. How did you succeed to be as confident with yourself despite of a society which always try to break down women and alternative people?

Amy: I think it’s just a constant battle. Like it’s a constant reminder to just be free within yourself and to express yourself however you desire. Your clothing choices don’t reflect who you are as a person. If you don’t wear many clothes, or if you do wear lots of clothes, you deserve the same amount of respect. Women aren’t just sexual objects were more than that. If we decide to sexualize ourselves, that’s our business and nobody else’s business. And it’s not for anybody else but ourselves. We’re free to make decisions, if we have autonomy over our bodies, like abortion should be legal. And you know, a lot of people don’t actually agree with that still, but it’s so important because it can just absolutely ruin somebody’s life to be trapped in a different way. Or to have people around you saying you can’t be a certain way or will  bring you shame for just being yourself or dressing how you want. Wearing skimpy clothing or or not wearing skimpy clothing, it doesn’t matter if you’re feminine or not feminine. You’re still respectable.

LFB: What subjects are the most important for you? 

Amy: I guess I like to circle back to that. I’m lucky enough to had those hard experiences, and also have a band and the ability to express myself. So I think that’s like expressing experiences, things you saw, thought, and you can’t make this shit up. Life is so weird in itself. But there is like a defiance in my subject matter where it’s saying: “Yes, all this stuff exists, but fuck it! “

LFB: Did you have people trying to restrain your freedom of speech?

Amy: Sometimes I feel like being in a band is the only thing that will make people actually listen to what I’m saying. So that’s kind of my way to get power, to take power, to feel powerful. Because sometimes I feel like what I say just goes on to deaf ears, or I’m ignored. So yes…

LFB: Do describe yourself as a punk? What it means today?

Bryce: I would say I’m a punk but then at the same time, I’m also not a punk. It’s pretty broad and sometimes vague term to me now. I feel like that now it’s just about being yourself. It’s going to such a different kind of atmosphere now to what it did when it was like in the 80s or in the 70s. We have like a social responsibility to be aware of and to talk about the issues of this movement at the time. So I think it’s also important to bring those issues to light and condemning some ideologies that punks had in the past.

Amy: The level of punk is so subjective ! Some people find it as activism. Some people say it is like a fashion sense. Sometimes it’s an attitude. And sometimes it’s a genre. Sometimes it’s all of those things. I do identify with punk, but at the same time, I don’t want to be restricted by any labels. I feel like it just is another box to put somebody off or put yourself in. But there’s so many different things you can be and try and think and feel. It kind of makes it one dimensional. And I also agree with what Bryce says. Those thing “punk died or whatever”, no, but it’s just ever changing. It did start as like a rebellious thing towards society and social constructs. But at the same time, it still different forms, like all the club kids who are trans, non-binary, colorful hair, celebrating life, fighting really hard and wearing amazing clothes. Or getting on stage and singing about her wet pussy. That’s fun ! All that stuff is punk, it’s not a 40 year old man with a mohawk saying “I want rock!!” (laugh) But we are saying that on our iphone and eating Mcdonald’s and stuff like that. (laugh)

Bryce: How can we be punk is we support massive conglomerate?

LFB : We all have our failures. You are very dramatic and theatral when you perform. Where does it come from? 

Amy: I’m just a pretty energetic person, and it’s just my way of expressing that. It’s like, this duality of being filled with loss, but also  loving a lot of things. The combination creates this force. And it just comes out like that. It’s like a celebration and rejection.

LFB: How do you live to be back on the stage? 

Amy: I am still in locked down in Melbourne unfortunately ! It’s currently the most lockdown city in the world. I think this is our sixth lockdown. We only play few shows in 18-19 months…. But I can’t wait to play the album live again ! 

LFB: How do you manage the promotion of the album? You will album to go on tour soon?

Bryce: Hopefully we’re trying to organize something. There is a lots of interviews and just we’re just pretty proud of the album as well. Australia is behind the rest of the world. I hope everyone can wait for us.

LFB: Are you planning to come to France soon?

Amy: For sure !

LFB: Do you have great musical discoveries to share with us? 

Amy: There is a band from Sydney called Coffin !

Bryce: Exek, friends of ours from Melbourne !

Amy: A women called Grace Cummings, really nice pop music. Swab, a punk band like also Rabib Dogs from Melbourne. I love also Bakhaw, a rapper and an indigenous Australian. Mini Skirt from the Gulf Coast also!

LFB: To finish with, what can we wish for you ? 

Amy: I can play this album a couple of times to people that’s what I want and I don’t know what else is gonna happen. 

LFB: it’s a very complicated times, but I wish you the best. Clearly the album is absolutely awesome. And I can’t wait to see on concerts !

Amy: Thank you very much. Nice to talk to you !

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