Bandit Bandit : « notre truc c’est le rock’n’roll, point final. »

Il y a une phrase qu’on aime prononcer récemment : oui mesdames et messieurs, le rock français se porte bien, merci. Besoin d’une nouvelle preuve ? On vous présente Bandit Bandit, le nouveau duo qui cartonne et qui présente ces jours-ci son premier EP éponyme. On est parti à la rencontre d’Hugo et Maëva pour parler musique, influences et Dave Grohl.

photo : Théo Sauvage

La Face B : Première question, comment ça va ?

Hugo : Moi, ça va. T’es fatiguée toi ? Je crois qu’elle n’ose pas dire qu’elle est fatiguée.

Maëva : Je suis très très fatiguée.

LFB : Pour que les choses soient claires pour tout le monde, qui est Bandit et qui est Bandit ? (Rires)

H : Ça dépend des jours je crois.

LFB : Ce nom résonne aussi bien musicalement que cinématographiquement, comment vous l’avez choisi ?

M : C’était une question de référencement surtout. (rires)

H : C’est moi qui t’avais proposé ce nom “Bandit” au tout départ, et après on a réalisé que ça a déjà existé, il y a forcément un groupe qui s’appelle comme ça mais le fait d’avoir ajouté un doublon c’est pour traduire cette dualité qu’on retrouve tout le temps.

M : Et pour finir par se faire insulter par Gonzaï. Je le répète à chaque fois mais je rêverai qu’ils m’insultent. (rires)

LFB : Comment vous vous sentez à la sortie de votre premier EP ?

H : On est excités.

M : Excités mais on a toujours un peu peur.

H : Effectivement, il y a quand même des mois de travail et c’est l’inconnu total parce qu’on a sorti juste un titre qui a été bien reçu (NDLR : interview réalisée avant la sortie de Pixel) donc moi j’ai plus la pression du second single, comment il va être reçu, parce qu’il montre l’autre face de Bandit Bandit qui est ce côté plus Gainsbourg on va dire. L’EP c’est un peu stressant mais j’ai hâte d’avoir des avis. On est fiers de ce qu’on a fait. On a été à 100% dans ce qu’on voulait faire et on est en accord complet avec ce qu’on va proposer donc à partir de là… Ça prend, tant mieux, ça prend pas, tant pis.

© Jamie Noise

LFB : Le premier titre a été super bien accueilli, donc il y avait une forme de pression d’enchaîner ?

H : On ne pensait pas que ça irait aussi vite même si on est encore un petit groupe indépendant.

M : Le truc en fait c’est que Bandit Bandit de base on était censé l’amorcer en 2020. On se retrouve à avoir sorti un clip, à commencer des dates, à faire une tournée et à sortir un EP alors qu’on était censé commencer à jouer tranquillement en 2020. Il y a un gros questionnement de ma part, du fait d’avoir la double casquette en tant qu’attachée de presse. À me dire que faire Bandit Bandit à côté ça pouvait être OK, parce que j’avais peur de me faire juger.
Tu passes ton année avec des gens, à aller voir des concerts et à donner ton avis sur des groupes, et là d’être de l’autre côté du rideau c’est un peu compliqué. J’ai mis énormément de temps à prendre un peu confiance et à me dire « bon allez vas-y on y va« . Et le déclic je l’ai eu parce que Hugo m’a envoyé une interview de Jacques Brel, où il raconte une histoire qui dit qu’il y a un type qui veut écrire un livre et il lui dit “alors ton livre tu en es où ?” , “ah bah là je fais un petit boulot parce que j’ai besoin de vivre” et au final jamais il ne le fait son livre. Jacques Brel c’est quelqu’un que je porte dans mon cœur et du coup ça a été un petit déclic.

LFB : Et justement le fait d’avancer les étapes ça s’est fait de l’accueil de Maux ?

H : Quand on est rentrés en studio on s’est dit qu’on y allait à fond. On n’a pas attendu d’avoir les avis des gens pour se dire “on y va”.

M : Et puis on a pris le temps de faire les choses bien pour se faire déglinguer le moins possible.

H : La chance d’un nouveau projet c’est que tu le sors quand tu veux. On attendait d’être vraiment prêts, d’avoir tout calé. D’avoir plusieurs chansons surtout.

LFB : Vous parliez du live tout à l’heure, le fait de n’avoir sorti qu’une chanson et d’être devant un public qui ne vous attend pas vraiment, est-ce que ça vous a permis d’expérimenter ?

H : Là on est encore en phase de recherche, je pense que quand tu es musicien tu l’es constamment. On a des setlists différentes, on va rentrer en résidence à Paloma pour débloquer tout ce processus.

M : Le truc c’est qu’on a lancé le clip et ensuite on a fait des dates donc le projet était là.

H : On avait plein de chansons de faites. On a fait ça sans se poser de questions. On a fait des chansons, on les a aimées, on les a jouées en live et en plus de ça on enregistre en live ; en studio c’est très proche du live donc il n’y a pas de surprises. Je voulais que ça reste spontané. On n’a fait que 9 concerts.

M : On va faire le dixième à Hambourg, c’est improbable.

LFB : On a écouté l’EP, ce qu’on trouve c’est que chaque chanson pointe la boussole sur un angle différent de la musique. Il y a du psyché, du pop, du rock. Est-ce que c’est quelque chose qui s’est fait naturellement ?

M : Au début non, parce que les deux plus vieux morceaux sont les deux en anglais. C’est les maquettes qui ont deux ans, qui ont évolué depuis. Pour Never know on a enregistré l’ancienne version et en faisant les arrangements on s’est dit “on ne l’assume plus”, on l’a totalement changée, parce qu’elle ne ressemblait pas du tout à ça au début.

H : Personnellement, par rapport aux anciens projets j’ai l’impression qu’il y a une cohérence qui se tient dans le style. On avait défini sur papier le style qu’on voulait faire avec Maëva, avant même de faire vraiment des chansons. On voulait qu’il y ait un côté français un peu sexy, un côté psychédélique et rock’n’roll.

M : Après, l’EP est un peu carte de visite du coup.

H : Les influences qu’on retrouve sur l’EP, l’album qui suivra derrière, ce sera très proche de tout ça. Tout ces mots qu’on vient d’employer, ce rock noir, ce côté pop française.

LFB : Et puis il y a une vraie dualité avec les voix qui se répondent. Comment vous travaillez à deux ?

M : C’est Hugo qui fait 80% du taff.

H : Sur la musique. Mon truc c’est d’écrire les chansons.

M : Il est intermittent du spectacle, il n’a que ça à foutre. (rires) Avec un travail à côté c’est pas possible.

H : C’est le seul truc que je sais faire alors laisse-moi le faire. (rires) Et sur les textes, j’amène de premières choses et on retravaille ensemble. Maëva sait ce qu’elle veut aussi niveau musique.

M : Je suis l’inspectrice des travaux finis en gros.

H : Et Maëva a un œil plus pointu sur tout ce qui est visuel, ce qui est très important pour moi dans un projet aujourd’hui. C’est vrai qu’on se complète assez bien dans tout ça. Vu qu’on vit ensemble on baigne dans la musique constamment et on se connaît par cœur elle et moi.

LFB : A l’écoute de l’EP, je n’ai pas ressenti de nostalgie, est-ce que c’est quelque chose d’important pour vous d’ancrer votre musique dans le moment ?

M : Le truc c’est que vu qu’on a mis du temps à sortir ce projet, on a eu le temps de digérer nos influences.

H : Il y a des influences, c’est clair. Je suis quelqu’un d’assez nostalgique en général, mes goûts à la base c’est du rock assez vintage mais justement on voulait donner du sang neuf avec du chant en Français dans un groupe de Rock et pas pop. On s’est rapprochés de Lionel Buzac qui fait des productions très moderne.
Moi je sais faire du rock’n’roll et j’ai besoin de quelqu’un qui m’amène ce côté plus actuel et c’est pour ça que j’ai adoré bosser avec lui, parce qu’il ne fait pas qu’appuyer sur record, c’est un mec qui écrit de la musique, il a plein d’idées et d’arrangements. 

M : Et être actuel pour ne pas être les Kills. Je sais que c’est quelque chose qu’on va se bouffer régulièrement parce qu’on est en couple, parce qu’on fait du rock.

LFB : Surtout, tu évites d’être coincé dans le rétro, même dans les textes, le fait d’utiliser des marqueurs temporels de notre époque ça permet d’ancrer les morceaux dans le présent.

H : Je suis content que tu mettes le doigt sur ça parce qu’on aurait pu remplacer le fait de parler d’iPhone. Pixel, ça parle de notre rencontre avec Maëva.

M : Oui, Pixel parle de Tinder en fait, ni plus ni moins.

H : C’est moins sexy mais c’est complètement ça. Je voulais que ça parle aux gens d’aujourd’hui. Donc les histoires d’amour aujourd’hui, je pense qu’il y a plein de couples qui vont se retrouver dans cette histoire là, même si c’est caché avec plein de métaphores mais c’est exactement l’idée.

LFB : Justement, faire du rock en 2019, est-ce que c’est pas un manifeste ?

M : Je ne trouve pas, je trouve qu’il y a un peu un revival du rock.

H : Je n’ai pas envie de me lisser, effectivement on aurait pu mettre moins de guitare, plus de boîte à rythme mais ce n’est pas nous. Moi je n’ai pas envie de vendre mon âme au diable, mon truc c’est le rock’n’roll, point. Je ferai ça jusqu’à la mort.

M : Par contre attention parce que sur le live au début Hugo m’avait donné un orgue des années 1960 ou 1970 et comment dire, on aurait dit une poule qui aurait trouvé un couteau tellement j’en ai jamais fait de ma vie (rires). Du coup on a fait un première résidence et on s’est retrouvé avec un SPD qui lance des séquences, et Hugo a failli faire une crise d’épilepsie.

H : En fait j’ai eu du mal mais j’ai compris que tu jouais le truc, c’est un truc que tu lances toi-même, ce n’est pas quelque chose qui est vraiment programmé donc je l’ai accepté.

M :  Oui et puis c’est pas grave, ce n’est pas parce que c’est pas organique.

H : Je grandis et j’apprends de choses comme ça.

LFB : Mais vous n’êtes qu’à deux sur scène ?

H : Non, on est quatre. Il y a Anthony à la batterie et Ari qui est à la guitare et à la basse, on s’échange un petit peu. Et ça bouge un peu, j’aime bien quand ça bouge. Je ne voulais pas rester cantonné quelque part. 

LFB : Et pour jouer à quatre dans cette économie actuelle de la musique, est-ce qu’il n’y a pas une prise de risque ?

M : On a réfléchi, le problème c’est qu’à deux on n’aurait pas pu avoir le son qu’il y a sur l’EP.

H : Justement, on aurait fini par être les Kills.

M : Et puis en plus je suis absolument nulle.

H : On voulait que ce soit un spectacle vivant, avec des vrais messieurs qui jouent. (rires)

LFB : Vous chantez en anglais et en français sur l’EP. Est-ce qu’il y a des choses qui se disent plus facilement en anglais qu’en français et inversement ?

M : Au début on écrivait en anglais parce qu’il y avait cette sacralisation des textes en français. En France il y a beaucoup ce truc là, on écoute énormément des vieux artistes, Gainsbourg, Bashung, Michel Berger, ils sont sur un piédestal. Et au final on a commencé à poncer Grand Blanc, La Femme et tous ces groupes-là qui ont finalement démocratisé la chose. Tu peux parler de choses simples sans te sucer le cerveau.

H : Mon idée, quand j’ai commencé à écrire ma première chanson en français, était d’écrire de la même façon que les anglo-saxons. Maintenant, on est parti sur un truc où toutes nos chansons sont en français. Peut-être qu’un jour il y aura un morceau en italien.

M: Ça me ferait kiffer d’ailleurs, un petit feat avec Laura Pausini ce serait tellement bien.

H : J’ai l’impression qu’on s’est trouvé. Après, un bon morceau t’en amène plusieurs et on a trouvé un bon truc. J’ai pris goût à écrire en français. Au début c’est vrai que j’étais un peu mal à l’aise, et maintenant plus du tout. Et effectivement, il y a des groupes comme Grand Blanc qui te rassurent.

LFB : Vendredi 18 octobre, vous serez sur scène à La Boule Noire dans le cadre du MaMa Festival. Quelle importance cette date a pour vous ?

M : C’est important pour nous de jouer au MaMA parce que tous les ans c’est un vivier de découvertes, des artistes français et européens. La programmation est vraiment cool, et le concept de festival sur plusieurs salles dans le quartier de Pigalle est vraiment top.
Aussi, c’est un gros rendez-vous des professionnels du monde des musiques actuelles, on sait qu’on a pas le droit à l’erreur sur ce genre de moments et au final, cette date fait partie d’une des plus décisives de notre tournée.

LFB : Vous avez des coups de cœur récents ?

H : J’ai envie de parler d’eux, la scène rock française, il y en a une chiée de bien. Je pense à Psychotic Monks, Lysistrata, Last Train, MNNQNS, Théo Lawrence… Toute cette vague d’artistes qui me plaît beaucoup et avec qui on est même amis. Je pense à YAK que j’ai vu récemment, que j’adore, avec qui on joue. Après on peut parler de série, on vient de finir Mindhunters, très très bien, très hâte de Peaky Blinders.

M : Très hâte de voir le Joker avec Joaquim Phoenix.

H : Le film Walk The Line a changé ma vie, vraiment. Et ce Joaquim Phoenix je te l’aime d’amour.

LFB : Dernière question pour Maëva : un petit mot pour Dave Grohl ?

M : Va te faire enculer ! (rires) (Hugo nous a fait préciser qu’il se désolidarisait de cette réponse)