Blondino a sorti son 3e album Hauteurs en début d’année. Un magnifique opus, sensible, lettré, hypnotique dans lequel l’artiste continue d’exprimer sa singularité. Elle explore ses parts d’ombre, dévoile ses failles pour mieux les surmonter et aller vers la lumière. A quelques jours de son concert parisien au Hasard ludique, nous avons eu la chance et le plaisir de rencontrer Blondino pour décortiquer sa musique, parler de son process créatif, de son rapport à l’industrie musicale et de ses projets.

La Face B : Comment ça va ?
Blondino : Ça va très bien !
La Face B : On est à quelques jours d’un co-plateau avec Claire days le 28 mai au Hasard ludique. Comment tu prépares cette date-là et plus globalement, comment tu appréhendes ton rapport à la scène ?
Blondino : Je suis très heureuse. C’est toujours un moment assez exceptionnel, qu’on souhaite beau et intense dans la communion avec le public. Moi, je l’aborde très sereinement. Je vais être avec un groupe. On a commencé à répéter avec les musiciens. On va se voir régulièrement jusqu’au concert.
Et puis en plus, là, c’est un co-plateau, donc c’est assez sympa de se rencontrer, de mélanger aussi un peu nos publics finalement. Puis le Hasard ludique, moi j’aime beaucoup cette salle. J’y vais régulièrement voir des très beaux concerts d’artistes que j’aime. Je suis très contente de faire ce concert-là. Je n’avais pas fait de concert à Paris depuis 2021.
La Face B : Comment vous vous êtes rencontrées avec Claire days ?
Blondino : Alors, on ne se connaît pas ! C’est vraiment le Hasard ludique qui nous fait nous rencontrer pour cette date. Je trouve ça super, je me suis dit que c’était parfait, ça matchait bien. …

La Face B : Je trouve que ta musique est comparable à de la dentelle, parce qu’elle est précise, parce qu’elle est élégante, et parce que je trouve qu’il y a un côté cousu humain, on sent que tu t’investis vraiment à 2000% dans la musique, on sent que tout est très à sa place. J’ai le sentiment que cela traduit une grande exigence dans la musique que tu fais. Et du coup, je voulais savoir comment tu crées ta musique, comment tu t’y prends. Est-ce que c’est d’abord les mélodies qui viennent, d’abord les textes ?
Blondino : Il n’y a pas vraiment de règle. En règle générale ça va quand même être plutôt la musique, une mélodie. Mais en même temps, parfois, on a des petites phrases qui viennent dans la vie de tous les jours, qu’on garde un peu comme ça en tête, et puis… Oui, au piano ou à la guitare, et puis, hop, une mélodie rencontre cette petite phrase, par exemple, et puis c’est le départ de quelque chose.
J’ai besoin de me nourrir, donc je vais lire, je vais aller au cinéma, je vais faire des choses. De littérature, de films, de musique, de nature, de la vie des autres, d’avoir une relation un peu esthétique et contemplative au monde.
La Face B: Tu parlais du fait de te nourrir, de livres, etc. Tu as eu des coups de cœur récemment qui, peut-être, ont influencé la création de ton album ?
Blondino : Non. Parfois, je peux avoir des références directes à des films ou à des livres, mais pas sur cet album. C’était plus… De lecture de la globalité, on va dire. Pas de texte précis.
La Face B: Je trouve que ton écriture est hyper lettrée. C’est sans doute aussi le résultat de toutes tes lectures. Comment tu t’y prends pour écrire ? Tout à l’heure, tu disais que des fois, tu avais des petites phrases ou des petites choses qui te venaient en tête. Est-ce que tu vas te poser, tu vas écrire des morceaux d’une traite, entre guillemets, ou est-ce que c’est une construction petit à petit sur laquelle tu vas revenir ?
Blondino : Oui, c’est plus une construction petit à petit. Parfois, ça peut être même un peu long. Il n’y a pas d’écriture automatique. Ça peut être retravaillé, une façon de dire les choses…
La Face B : C’est sans doute ce qui donne le sentiment de la précision. L’album débute par Vénus en Sagittaire. J’ai lu que ça correspondait à ton thème astral ?
Blondino : Oui, c’est un petit clin d’œil poétique cette chanson. C’était presque une blague. C’est un hasard. Je n’avais pas l’idée d’écrire sur cette thématique-là. Quand on était en studio en train de travailler, j’étais avec Jean-Christophe Ortega et on était en train de s’inventer l’horoscope du jour, l’un pour l’autre.
Et puis moi, depuis longtemps, j’avais cette mélodie, ça fait des années que je l’ai. Je n’arrêtais pas de dire, bon celle-ci elle sera sur l’album, il faut qu’elle y soit. Et donc, juste après qu’on se soit raconté un peu nos petites âneries sur l’horoscope, je me suis mise au piano, j’ai fait cette petite mélodie, et c’est là qu’il commence à chanter « Vénus en sagittaire ” sur la mélodie.
Je me suis dit, ça sonne bien, c’est beau quand même. C’est très difficile de s’en défaire. Lui, il avait dit ça par hasard. Je suis allée faire mon petit thème astral. J’ai vu que j’avais Vénus en Sagittaire. Je me suis dit que c’était un moyen un peu rigolo de parler de soi et des rapports amoureux aussi, de comment je pouvais le concevoir.
La Face B : Je trouve que dans ce morceau, ça dépeint une soif de liberté, une grande sensibilité, d’indépendance.
Blondino : C’est un peu ce que je suis !
La Face B : C’est une belle façon d’ouvrir ce troisième album. Ça sonne un peu comme un manifeste.
Blondino : Je te remercie ! Moi je l’aime beaucoup cette chanson.
La Face B : Cette année, ça fait 10 ans que le projet Blondino existe.
Blondino : J’avais sorti un premier EP en autoproduction en 2014 avec les titres Mon ami et Oslo. Et c’est vraiment ces deux titres-là qui ont ouvert pas mal de portes. Les gens se sont intéressés à mon travail.
La Face B : Je trouve que ce projet reflète ton âme, tes émotions, tu dévoiles tes failles, et en même temps, tu y fais face, et tu les surmontes. C’est un message d’espoir assez fort et assez inspirant. Une incitation à accepter sa part noire, comme tu le dis un peu plus tard dans le morceau de l’album.
Blondino : Sans désespérer.
La Face B : Est-ce que ça ne traduit pas finalement le regard que tu portes sur le chemin que tu as parcouru dans la musique depuis que tu as démarré ton aventure Blondino ?
Blondino : Oui, c’est vrai. C’est un chemin… Un chemin artistique, c’est un chemin qui n’est pas simple. Pour moi, c’est un chemin qui est très beau, qui est très nourrissant, qui aide vraiment à se construire. Pour moi, l’art aide à construire l’être, à se développer, à s’élever. C’est quelque chose qui prend racine profondément.
Peu importe ce qui peut se passer sur le plan commercial, moi je continue ce que j’ai à faire et c’est vrai que je ne peux pas prendre en considération ce qui a plus rapport au business, la rentabilité. Pour moi, c’est deux temporalités qui s’opposent un petit peu parce qu’aujourd’hui, il faut que tout aille très vite. Il faut rencontrer des succès immédiatement. Et ça n’a rien à voir avec un chemin artistique qui se construit justement sur le long terme. On est toujours en train d’apprendre, de parfaire son art. il faut réussir à se défaire un petit peu de ces attentes-là pour être plus apaisé et pour que ça continue à être une source vraiment d’épanouissement et pas de déception comme ça peut l’être parfois pour certaines personnes.
La Face B : C’est ce que tu dis dans ton morceau Hors Système, où tu affirmes l’importance de s’accepter, de la singularité.
Blondino : Exactement. Après Hors Système, c’est même plus large. C’était plus hors du système qui façonne les individus comme se ressemblant. Parce que, par exemple, dès le plus jeune âge, dès l’école, on veut se fondre dans le groupe. On veut ressembler au plus beau, à la plus belle, au plus fort, au plus intelligent, à la plus intelligente, on veut ressembler à tout, sauf à soi. Et puis en plus renforcé par le marketing, la publicité, c’est très difficile de chérir et cultiver sa propre singularité. Ce n’est pas développer justement un jeu individualiste, égotique, ambitieux, compétitif, mais c’est plutôt essayer de développer un jeu réfléchi qui va vers ce qui est juste pour soi et pour le monde.
La Face B : C’est aussi une forme de courage.
Blondino : Oui, c’est toujours se défaire aussi des attentes de la famille, de la société, des déterminismes sociaux, économiques. C’est vraiment pour se faire une peau à soi. C’est déjà aussi ce que je disais dans la chanson Faire sur mon précédent album, ça se rejoint un peu.
Blondino : Oui c’est vrai.
La Face B : J’ai eu un gros coup de cœur pour Ma part noire. Je trouve que le contraste était intéressant entre le titre qui est assez sombre et finalement les paroles qui sont traversées par l’espoir. Finalement ça aurait presque pu être le titre de ton album aussi parce que ça résume assez bien ce que tu dis par ailleurs dans tous les morceaux.
Blondino : Oui, mais pour le coup, en titre d’album, je crois que c’était un petit peu lourd. Je préfère cette idée de hauteur. Se confronter à sa part noire, sans désespérer, pour aller vers des choses, vers la lumière, se transformer, toutes ces choses qui peuvent être… douloureuses en nous, mais aussi la beauté, la lumière.
La Face B : C’est vraiment ce que je retiens de cet album. Aller vers la lumière, aller de l’avant quelles que soient les difficultés.
Blondino : Rechercher l’apaisement, l’épanouissement, développer ses capacités personnelles, humaines.
La Face B : Dans l’album, on retrouve beaucoup de contrastes. Et le fait d’être sur ces contrastes-là, ça traduit une recherche d’équilibre et aussi de la sincérité dans l’approche. Est-ce que c’est quelque chose qui te guide toujours dans ta façon d’écrire, de faire de la musique ?
Blondino : Oui. Si je ne le faisais pas de toute façon de cette manière-là, ça n’aurait pas de sens pour moi. Je ne pourrais pas me trahir et faire quelque chose qui ne me ressemble pas. Ça rejoint plus ce qu’on disait tout à l’heure. C’est vrai que là-dessus je suis intransigeante. J’aime bien l’idée de décrire des situations humaines. C’est des expériences heureuses, douloureuses, de joie, de peine. Tout ce qui fait de nous des humains.
La Face B : C’est une transition parfaite avec une autre question que je me posais. Dans le morceau Erreur, tu dis, “le programme meurt”, et il y a des sonorités très électroniques, un peu mystérieuses, anxiogènes. Tu parles d’amour, du caractère vivant, voire changeant, parfois inattendu de l’amour, contrairement aux machines. Qu’est-ce que tu mets derrière le morceau Erreur ? Est-ce que ce n’est pas une critique un peu masquée de l’époque dans laquelle on vit ? De la place grandissante que les technologies prennent dans nos vies et en particulier dans les relations amoureuses ?
Blondino : On peut y voir cette lecture et ce qui est intéressant c’est que toi justement en tant qu’auditrice tu t’appropries la chanson et elle te parle de cette manière-là. C’est ce qui est bien aussi quand on fait des chansons. Chacun aborde les relations amoureuses à sa façon. Ce que je peux constater en tout cas autour de moi, parce que moi je ne suis pas quelqu’un qui utilise par exemple les applications de rencontres ou ce genre de choses, je vois juste qu’on est plus dans la consommation et que tout va très vite. On est dans une consommation et il y a de la difficulté parfois à créer des relations amoureuses justement sincères parce que tout le monde a un peu envie de toujours aller voir s’il n’y a pas mieux ailleurs.

La Face B : Dans le morceau End of the show, tu abordes la mort de façon poétique, métaphorique. Il y a de la grâce qui émane, une douceur, une sérénité. Je voulais savoir ce qui t’avait inspiré ce morceau ?
Blondino : C’était juste vraiment parler de la thématique de la mort, mais avec un angle un petit peu original et un angle qui se rapproche de la métaphore du spectacle, tout simplement.
La Face B : Ce n’est pas hyper intuitif de parler de la mort, je trouve, c’est quand même quelque chose qui fait peur à la plupart des gens.
Blondino : Oui, ça peut faire peur. C’était une façon peut-être aussi d’évacuer les peurs, bien que moi, personnellement, je n’ai pas très peur.
La Face B : L’album se termine par le morceau Rêves assassinés. Je trouve qu’il y a une énergie un petit peu plus brute, plus rock dans ce morceau qui tranche avec les morceaux précédents. Ça traduit presque un instinct de survie, une volonté d’aller de l’avant.
Blondino : Une quête absolue, quelqu’un qui veut conserver ses valeurs, son âme. Une quête effrénée, une course.
La Face B : Une résilience, mais avec de la fougue.
Blondino : Exactement, c’est ça.
La Face B : Et tu répètes, “ vivante comme jamais ”. Le dernier mot de l’album, c’est “ exaltée ”. Et on te sent vraiment boostée.
Blondino : Oui, c’est bien que l’album se termine comme ça. Comme parfois justement dans l’exploration de cette part d’ombre et de lumière on peut passer par des choses plus difficiles même dans les thématiques qui sont abordées tout au long de l’album et j’aimais bien l’idée de terminer comme ça avec quelque chose de plus explosif.
La Face B : Je me demandais si ça augurait de nouveaux projets ?
Blondino : Oui, je pense. En toute sincérité, je pense. J’ai fait trois albums. Ils sont différents, mais en même temps, ils ont une certaine cohérence. Et pour le quatrième, j’ai envie d’aborder les choses différemment, travailler d’une autre façon et d’explorer effectivement de nouveaux territoires.
La Face B : Tu peux nous en dire un peu plus ou c’est encore trop tôt ?
Blondino : C’est un petit peu tôt quand même. Ce n’est pas plus rock, ce n’est pas ce que je veux dire. Mais dans l’idée, j’ai envie de faire quelque chose encore un peu plus brut. Presque de créer plus en groupe.
La Face B : Une création collective.
Blondino : Exactement. Une autre émulation. On verra, mais c’est encore en pleine réflexion.
La Face B : Tu as commencé à écrire un peu ?
Blondino : Oui, des petites bribes, des petites choses. Mais c’est encore un peu trop frais, tu vois.
La Face B : Et puis bon, Hauteurs est sorti il n’y a pas si longtemps !
Blondino : Exactement, je suis encore dedans. Je vais chanter les chansons. Je suis encore dans le mouvement de cet album.
La Face B : Est-ce qu’il n’y a pas de petites choses que tu pourrais tester le 28 mai en lien avec ce futur album ?
Blondino : Après, généralement, quand je suis en groupe sur scène, ça sonne de toute façon différemment de l’album. Ça peut se rapprocher effectivement un petit peu plus de ce que sera la suite.
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