Les livres sur la musique se divisent souvent eu deux catégories : ceux qui se veulent être des encyclopédies exhaustives sur leur sujet et ceux qui ressemblent plus à des voyages. Le livre de BoomBass se classe dans la seconde catégorie. Le divin chauve de la musique électronique se livre sans fard sur une partie de sa vie. Une histoire d’amour, d’amitié et de musique passionnante à lire absolument.
Un titre en trompe l’œil. Lorsque l’on découvre la couverture du livre de BoomBass, on pourrait s’attendre à un livre bête et méchant sur son histoire dans le monde de la musique électronique française. Il en sera forcément question, l’artiste ayant joué un rôle prépondérant dans la création et l’élévation de la French Touch, que ce soit à travers La Funk Mob ou Cassius, mais c’est une histoire plus intime qui s’offre à nous au cœur de ces 250 pages : Celle d’une passion dévorante, une histoire d’amour avec la musique, partenaire de vie et vital pour Hubert Blanc-Francard.
Exit donc l’idée d’un quelconque travail journaliste, d’un livre documenté sur un monde qu’il connait parfaitement, non ce qui intéresse BoomBass, ce qui lui a toujours plus c’est le rythme, la petite rythmique qui frappe et qui nous entraine jusqu’à nous rendre fou. Cette idée, il la transpose de la note à l’écrit et nous entraine avec lui dans cette histoire passionnante, la sienne, où les mots vibrent et dansent.
Un récit essentiellement au présent, qui nous permet de traverser les époques comme si on les avait vécu, comme si, à l’image du Enter The Void de Gaspar Noé, on se transformait en spectateur d’une vie, fantôme consentant d’une histoire passionnante qui par certains aspects ressemblent au cinéma. De la chance, du destin et la mort qui pointe funèbrement le bout de son nez dans les derniers instants de cette histoire, voici en résumé ce qu’une histoire de la French touch nous raconte.
Dès les premiers instants, les deux composantes centrales de cette histoire se mêlent : l’amour et la musique. Les premiers émois d’un adolescent qui débarque à Paris et qui sent les papillons dans le bas du ventre vibrer face à la sœur bien trop joli d’un nouveau meilleur pote. Une anecdote qui pourrait semblait futile, mais qui semble guider toute l’existence de cet hédoniste : laisser parler ses tripes, ses envies et ses sentiments, sans réfléchir.
C’est l’aventure d’un héros qui nous est ici conté, mais par le héros lui même. Pas d’enjolivement à venir, pas de mise sur piédestal. En prenant lui même le clavier, BoomBass évite tous les écueils de certaines biographies musicales : le livre est ici souvent bercé par le doute, la réflexion et une belle insouciance qui nous rendent forcément complice et empathique envers toutes ces histoires.
Pourtant, il y aurait eu de quoi prendre la grosse tête, car l’artiste à tout du pionnier sans s’en rendre compte : Il participe à la mise sur orbite de Mc Solaar autant qu’au lancement et à l’expansion de la French Touch à travers le monde. Tout cela, il nous le raconte avec humilité, comme si il n’y avait pas participé ou si peu. On sent parfois la volonté d’être un homme de l’ombre, plus un N’golo Kanté qu’un Zinedine Zidane, travaillant avec acharnement pour mettre les autres en lumière.
Et puis, à mesure que le livre avance, un autre personnage prend de plus en plus d’importance avec l’apparition de Philippe Zdar. Ensemble, ils forment une sorte de yin et de yang, si différent mais pourtant si complémentaire avec une histoire amicale qui commence, comme souvent, par une photocopieuse et des paires de fesses. À chaque allusion à son grand pote, on sent encore toute l’affection et l’amour qu’il lui porte, le respect aussi.
L’histoire de Cassius se déroule alors sous nos yeux : l’histoire de deux perfectionnistes qui vivent un certain âge d’or. Une carrière en forme de montagnes russes, entre des hauts très hauts et des bas forcément casse gueule. Mais l’envie toujours de créer une histoire et de marquer, même avec un certain retard, l’histoire musicale. De 1999 à Dreems, BoomBass nous raconte 20 ans de Cassius, ponctué ici et là de gros succès comme l’exceptionnel I <3 So ou du magnifique Ibifornia à l’ambition scénique un peu trop forte et bordélique.
Et bien sûr, à mesure que le temps passe, que les fêtes se font toujours aussi folles mais les réveils plus difficile, la mort vient planer dangereusement. C’est elle qui occupe le dernier segment du livre, comme une ombre qui vient frapper quand on s’y attend le moins. Deux accidents, et deux amis qui disparaissent en un clin d’œil, laissant derrière eux un vide immense qui ne sera jamais comblé.
Avec Une Histoire de la French Touch, BoomBass nous offre un portrait sincère, touchant et humain d’une vie tout sauf ordinaire. Le livre se termine comme on clôture une partie de sa vie, entrainant avec une énorme page blanche. Que va donc faire BoomBass désormais ? On ne le sait pas, mais en musique comme à l’écrit, le bonhomme a le chic pour nous passionner totalement.