Moitié de l’iconique duo Justice, Gaspard Augé a surpris son monde cette année avec Escapades. Un grand album de pop, harmonique et ambitieux qui est autant un appel à l’imagination qu’à une musique qui sort des codes et des genres. On a eu le plaisir de longuement échanger avec lui autour de toutes les parties qui composent ses Escapades.
La Face B : Hello Gaspard, comment ça va ?
Gaspard Augé: Ben écoute, ça va plutôt bien. Je rentre de vacances et je repars lundi. Une petite pause parisienne. Je bosse sur deux, trois trucs et en plus il fait beau donc tout va bien.
LFB : Avant de parler musique j’aimerais te parler de tout ce qu’il y a autour. J’aimerais d’abord te parler du titre. J’avais la sensation que le S de Escapades était important dans la création du titre. Peux-tu m’en parler un peu ?
Gaspard Augé: : Escapades au pluriel parce que c’est une échappée belle à plusieurs niveaux. Déjà en dehors d’un duo, en dehors des modes musicales actuelles, d’un format pop et en dehors de ma zone de confort, aussi. Pour toutes ces raisons, c’est au pluriel.
LFB : Quand on écoute l’album, on a la sensation d’une série de voyages différents. Est-ce que c’était envisagé comme ça ?
Gaspard Augé: : Quand j’écoute un disque, j’aime que ça ne soit pas monomaniaque et plutôt assez varié. Là, vu que c’est instrumental, c’est un disque assez propice au voyage intérieur et à l’imagination. Et c’est une sorte d’invitation au voyage…un peu comme tous les disques…mais celui-là est un peu scénarisé dans ce sens.
Même visuellement, c’était une volonté de ne pas faire un disque trop didactique et qui laisse beaucoup de place à l’auditeur. Avec des vidéos assez courtes au ton absurde et poétique pour que les gens puissent potentiellement imaginer un avant et un après. Donner un univers visuel qui permette à n’importe qui suivant sa culture musicale et son histoire personnelle, de mettre ce qu’il veut dedans.
C’est ce qu’on fait un peu avec Justice. On n’apparait jamais sur la pochette car on est dans une démarche de faire une musique plus grande que la vie quotidienne et qui puisse s’émanciper de la tête d’un chanteur et d’un univers visuel borné, trop circonscrit. Que ce soit suffisamment évocateur afin de ne pas être trop restrictif!
LFB : Quand j’étais plus jeune, j’avais l’habitude d’acheter des albums parce que la pochette m’attirait. Je n’avais pas le même accès aux réseaux sociaux à l’information que maintenant, et j’ai l’impression que cette pochette est un peu un retour à ça.
Gaspard Augé : Comme toi, j’ai acheté énormément de disques pour la pochette. C’est un moment presque plus existant d’acheter un disque sans savoir ce que qu’est la musique si la pochette est réussie. Si elle va bien avec la musique, quand tu l’écoutes tu es content. Mais il arrive aussi que l’idée que tu te faisais de la musique par rapport à la pochette soit complètement erronée. Mais ça reste assez plaisant de posséder cette pièce d’art populaire, qui est un objet très fantasmatique.
J’ai aussi réfléchi au fait que j’aimais vraiment les pochettes de disques. Mais c’est l’alliance de la typographie et de l’illustration et quand c’est bien fait, comme une perfection qui tient dans un carré. Et quand tu regardes une pochette, ça te donne une petite idée de ce qu’il y a dedans, tu peux t’imaginer ce que ça va être et, quelque part, c’est plus intéressant que la musique elle-même.
LFB : La pochette de ton album, on peut tout à fait l’encadrer. Tu as envie de la montrer aux gens qui viennent chez toi.
Gaspard Augé : Carrément ! Moi, je trouvais ça plus excitant que de voir ma tête. Après, je ne suis pas chanteur donc ça se justifie aussi. L’idée Zéro d’une pochette de disque, c’est de mettre ta tête avec ton nom dessus. J’ai toujours été plus attiré par un truc irréaliste. Je pense aux mecs de Hipgnosis qui sont assez iconiques des années 80, qui ont fait les pochettes Pink Floyd et d’un milliard de trucs … et ils avaient une approche à la Magritte de faire des collages assez symboliques. De créer des univers assez inédits qui donnent envie d’écouter la musique.
LFB : Justement, toi, en tant que graphiste de formation, est-ce que c’était nécessaire que ce soit quelqu’un d’autre qui crée la pochette de ton album ?
Gaspard Augé : C’est la même démarche qu’avec Justice. On est tous les deux graphistes et on pourrait le faire nous-mêmes mais on n’est pas photographes professionnels ou typographes professionnels. On reste à la base de l’idée du visuel, en vidéo ou en pochette. Et on s’entoure de gens qui ont le savoir-faire nécessaire tout en restant toujours derrière eux à leur dire comment faire. On est des clients un peu pénibles mais le résultat reste fidèle à ce qu’on voulait faire au départ.
LFB : Tu en paelais avant, mais pour moi, il y a presque une expérience sociale avec les clips. Des clips d’une minute où on a l’impression d’arriver dans quelque chose qui a déjà démarré.
Gaspard Augé : C’est ça ! Des petites vignettes qui sont plus des teasers pour les morceaux que pour une vidéo plus longue. J’ai co-réalisé les clips avec Filip Nilsson. J’étais à la base des idées mais lui, c’est un vrai réalisateur et on s’est dit que personne ne prenait plus temps aujourd’hui de regarder des clips de trois ou quatre minutes. Donc autant prendre l’argent d’un clip de cinq minutes pour en faire cinq de une minute et ça se prête bien au projet car ce sont des idées très simples, qui tiennent en une phrase et qui ne peuvent pas survivre à une durée plus longue. Des vignettes quii posent un univers cohérent et raccord avec le disque.
LFB : C’est un album que tu sors sous ton nom propre. As-tu eu l’intention de te créer un personnage autour de cet album ainsi qu’une mythologie autour de ce personnage, qui ne te ressemblerait pas forcément ?
Gaspard Augé : Au début, je me suis justement demandé si j’allais signer le disque sous mon nom. Apparaitre dans les vidéos et après quelques mois d’hésitation, je me suis dit autant assumer le truc pleinement et créer un nouvel alter-ego, même s’il apparait sous mon nom, et qui endosse une personnalité dans la vidéo et sur la pochette.
LFB : D’ailleurs, j’ai beaucoup aimé ton personnage dans Captain, et sa façon de se déplacer qui m’a fait penser à un style comique dans un univers décalé, complètement fou.
Gaspard Augé : Oui. Déjà dans Captain, il y a un côté Vladimir Cosma, un peu Pierre Richard…et effectivement, il y a presque même un truc un peu Benny Hill, pas forcément ridicule mais un peu absurde, maladroit, dans un paysage un peu grandiloquent. Ca ressemble pas mal au disque dans le sens où certains morceaux commencent de manière très naïve, notamment Captain, et ensuite dérivent vers quelque chose de plus tragique. C’est un condensé d’influence.
Un mélange, toutes proportions gardées, entre Monty Python, les films français des années 70… sans aller jusqu’aux Charlots mais il y a une notion de ne pas se prendre au sérieux car c’est quelque chose qui m’horripile dans la musique d’aujourd’hui et notamment dans les vidéos où les gens essaient d’avoir l’air le plus cool possible, avec leurs plus beaux habits tout en regardant la caméra de façon trop intense. Je trouve ça ridicule. Il y a une espèce de posture dans la pop, quand elle est mal gérée, que je trouve vraiment risible.
LFB : A propos de cinéma, on t’a beaucoup parlé de musique cinématographique à propos d’Escapades. C’est quelque chose que j’ai beaucoup lu. Moi, j’ai une question qui est complètement différente parce que j’ai eu un ressenti différent. Est-ce que tu entretiens un rapport avec les jeux vidéos et l’Heroic Fantasy ?
Gaspard Augé : A l’échelle de ma vie, j’ai peu joué aux jeux vidéos. J’étais interdit de console de salon par mes parents mais j’ai pu jouer à la Game Gear, au Game Boy. Mais ça ne m’a vite plus intéressé. Mais je vois ce que tu veux dire par rapport à la musique des jeux vidéo, surtout quand elle était très limitée, encore huit bits et que les mecs étaient obligés de travailler leur composition à l’extrême La technologie était tellement restrictive en terme de son qu’ils étaient obligés de déployer des trésors d’imagination dans leurs compositions.
Ca me parle parce que c’est très baroque. C’est assez dur à écouter en vinyle quand tu es chez toi mais c’est très intéressant, notamment en termes de contraintes et de voir où tu peux arriver avec la contrainte. Les mecs devaient avoir genre 12 sons pour faire une musique de jeu vidéo entière et font des choses incroyables. Pas mal de gens me parlaient d’ailleurs de Final Fantasy, auquel je n’ai jamais joué et dont je ne connaissais pas la musique. Mais oui, il y a un truc assez baroque et un peu médiéval qui est là pour illustrer un monde imaginaire. Donc ça fait sens que ça puisse te rappeler des musiques de jeux.
LFB : Justement, pour rester sur cette idée, quel est ton rapport à l’épique et à la grandiloquence ? On le trouvait chez Justice mais encore plus ici.
Gaspard Augé : Je n’aime pas la musique minimale, abstraite. J’ai besoin de textures, de mélodies. C’est quelque chose qui peut donner aux gens l’idée que c’est un disque tourné vers le passé mais aujourd’hui, je ne trouve pas mon compte harmoniquement. Il y a plein de supers musiques écrites aujourd’hui mais dans la musique mainstream, notamment en France, il y a une espèce de dérive américaniste où tout tourne autour des six mêmes accords. Ou tout est extrêmement attendu.
En musique, j’aime bien être surpris harmoniquement. Quand l’artiste trouve un accord auquel je n’aurais jamais pensé et que ça donne une émotion complètement inattendue. Ma volonté n’est pas de faire un disque régressif ou en hommage à une période passée que je n’ai pas connue mais plus un disque un peu militant pour les notes, la musique, les mélodies, les arrangements… quelque chose qui a un peu disparu du paysage Pop mondial. Il y a aussi cette espèce de naïveté un peu utopique des années 70 qui me parle car il y a beaucoup d’espérance dans cette période, avant le punk.
Il y a une grande richesse harmonique en Europe qui vient de la musique classique. Et même si je ne suis pas expert en musique classique, c’est quelque chose qui me parle. Kubrick le dit lui-même : il a toujours utilisé la musique classique car il n’y a rien qui a une telle évocation. Par la musique, par la pub, tu connais au moins deux-cent morceaux de musique classique. Les mecs étaient au service de l’harmonie mais de l’émotion aussi.
LFB : Le fait que l’album soit instrumental, quand les voix sont utilisées, elles sont utilisées comme des onomatopées ou des instruments. Est-ce que c’est dans le sens d’une réaction à l’époque ? Une sorte de rejet des paroles ?
Gaspard Augé : J’ai écouté énormément de Pop dans ma vie. Mais aujourd’hui, à l’heure où beaucoup de gens parlent pour ne rien dire, je trouvais plus facile pour l’auditeur de s’immerger dans la musique sans langue ni paroles. Ca rendait l’émotion plus universelle. C’est donc une optique de faire quelque chose qui garde une universalité émotionnelle.
LFB : On parlait d’album radical mais n’as-tu pas plus l’impression d’avoir fait un album libre ? Hors des formats et des diktats ?
Gaspard Augé : Il y a toujours une espèce d’air du temps qui fait que tout le monde fait la même chose. En ce moment, c’est l’ère du rap en français autotuné… en croyant être à la mode, les gens se copient les uns les autres car on est dans une époque où tout le monde sait ce que tout le monde fait. Et donc c’est aussi intéressant de ne pas se laisser polluer ou influencer par cet air de temps qui te mettra en retard si tu essaies de le suivre.
C’est aussi une question de sensibilité. Moi, je suis plus porté par une mélodie que par un mec qui me raconte qu’il a vendu 100 grammes de coke dans la journée. Je voudrais pas avoir l’air d’être un vieux réac qui dit que c’était mieux avant… J’ai grandi dans les années 90 donc j’ai écouté du grunge comme tout le monde… je ne suis pas du tout anti-radio ni anti-mainstream. Mais je trouve qu’en France, la musique devient super codée, répétitive. Presque des chansons pour les enfants. Très simples, avec des allitérations… on dirait des disques pour les cinq-sept ans. Des trucs vraiment affligeants mais qui correspondent à un moment. Et ça redeviendra sans doute plus intéressants quand les gens en auront marre de l’autotune et d’entendre toujours la même chose.
Mais c’est aussi une histoire de goût. Moi, j’ai l’impression que c’est un disque très accessible. Ça n’est pas du free-jazz, du prog-rock…c’est assez intelligible, juste de la musique avec des mélodies. Mais bon, dans une pure logique de diffusion, comme les radios ne passent pas de trucs instrumentaux, tu te coupes une partie du public. Avec Justice, on a eu un morceau qui est passé en radio. Mais on a pu en vivre aussi. Mais bon, quelqu’un a décidé qu’on ne pouvait pas passer de morceaux instrumentaux en radio et c’est absurde.
Sorti d’Oxygène de Jarre, le dernier morceau instrumental passé en radio c’est celui de Robert Miles (Children ndlr). C’est marrant parce que, quand tu fais un morceau sans voix, tu te rends compte à quel point tout est cadré. Ma volonté, c’était presque de faire un disque Pop mais sans voix. Avec Justice, c’est pareil. On essaye de faire des disques qui, quelle que soit la forme, essaient de parler au plus grand nombre. Mais la réalité des choses fait que sans voix, tu ne passes pas en radio.
LFB : Est-ce qu’il était important pour toi de faire une musique de les gens puissent s’approprier ? Cet album c’est un espèce de bloc et de chocs émotionnels hyper brut et hyper pur auquel les gens peuvent se rattacher comme à leur propre histoire.
Gaspard Augé: C’est ça qui est intéressant. Tu peux t’inventer ta petite histoire à toi. Par exemple, toi qui connait La chèvre ou les films avec Pierre Richard, il y a des morceaux qui vont te faire penser à ça. D’autres qui ressemblent un peu à La boum. Tandis que quelqu’un qui n’a pas ces références va l’entendre d’une manière tout à fait personnelle.
C’est un disque assez accueillant et intégrant quand tu l’écoutes car tu peux y reconnaitre ce que tu veux selon ta culture musicale. Tu peux te laisser emporter par ce voyage musical et l’interpréter de manière différente selon la situation que tu es en train de vivre. C’est la base de la musique et c’est sans doute pour que ça reste l’expérience la plus émotionnelle que tu puisses avoir, parce que chacun voit ce qu’il veut y avoir et c’est dans ce sens là qu’on a essayé de faire vidéos qui sont ce qu’elles sont et d’ailleurs, tout la communication visuelle autour de ce disque est propice à l’imagination, sans la brider.
LFB : Ça rejoint ce que vous disiez avec Justice « Use imagination as a destination«
Gaspard Augé : Ah oui, c’est vrai. Je n’y avais pas pensé.
LFB : Pour moi, c’est album qui stimule l’imaginaire. Des morceaux comme Hey! ou Casablanca proposent un univers tellement fort que tu inventes des histoires autour.
Gaspard Augé: Les vidéos sont justement des idées que j’ai eues après avoir terminé ces morceaux. C’est comme un flash de conscience qui fonctionnait avec ces images là.
LFB : J’ai une question d’égo à te poser. J’ai lu que certains morceaux avaient au moins dix ans. Est-ce que c’est réjouissant pour toi de voir qu’ils sont toujours aussi modernes et qu’ils sonnent toujours aussi bien 10 ans après leur création ?
Gaspard Augé: Beaucoup de ces morceaux étaient des démos. J’en ai des centaines qui ne sont pas forcément publiables en l’état. En fait, c’est tout simple : si je trouve la mélodie toujours pertinente dix ans après, c’est qu’il y avait quelque chose à en faire. Captain, c’est le plus vieux morceau du disque et là, il trouve une forme définitive. Si tu as une bonne mélodie, tu pourras toujours l’arranger de mille et une façon. J’aurai pu faire Captain dans une version plus années 80, ça aurait toujours fonctionné. Quand tu as un support mélodique, tu peux l’arranger de mille et une façons différentes.
LFB : On parlait d’album solo mais sur cet album là tu as travaillé avec Victor Le Masne et Michael Declerck. Tu peux me parler de leur apport sur l’album et de la façon dont vous avez travaillé ensemble ?
Gaspard Augé: J’avais écrit tous les morceaux de mon côté mais dans une forme embryonnaire donc on a décidé d’aller en studio à Motorbass et on a donné une forme finale aux morceaux. Victor est un de mes meilleurs amis et il a une formation académique que je n’ai pas. Il sait jouer d’un peu tous les instruments. C’était donc hyper plaisant de pouvoir tout essayer dans le studio sans avoir à brancher un synthé. On avait un temps assez limité donc c’était un processus excitant. On faisait trois morceaux en une semaine.
C’était hyper précieux de bosser avec des gens qui avaient la même sensibilité que moi et qui pouvaient travailler très vite. Michael Declerck, c’est pareil. C’est un ingé son qui est hyper à l’écoute et qui sait aussi travailler vite. Il sait exactement ce qu’il fait. C’était une ambiance extrêmement décontractée. On a passé l’enregistrement à se marrer entre amis. Il n’y a jamais eu de tension ou de stress pour savoir si on allait dans la bonne direction. Des petits moments de doute mais très rares car on avait vraiment une bonne alchimie.
LFB : Avec Justice, vous changiez régulièrement de matériel en fonction de l’enregistrement des albums. Cela a-t-il été le cas pour Escapades et en quoi le matériel que tu avais a ta disposition avait-il influencé le son de l’album ?
Gaspard Augé: Le studio Motorbass possède un parc essentiellement analogique. Tout un tas de synthétiseurs datant des années 70 et 80. Donc, il y a peut-être une couleur un peu plus analogique mais il y a aussi plein de choses qui auraient été impossibles à faire sans la magie de l’ordinateur. Quand on était bloqués sur un morceau, on aimait bien faire un autosample, partir sur une boucle et emmener le morceau complètement ailleurs. On a aussi travaillé dans le studio du label Entreprise et c’était hyper intéressant de changer de synthés et d’avoir accès à un autre parc de matériel.
À Motorbass, on trouve les synthétiseurs les plus chers du monde comme les CS-80 qui coutent une fortune mais ça n’est pas pour ça que le morceaux sera mieux. Dans l’autre studio, on avait un synthé vraiment pas cher, le Korg DW-8000, qui coute dans les 300 euros mais qui avait plein de presets hyper rassurants qui nous ont permis de débloquer pas mal de choses sur des morceaux. Donc, il n’y a pas vraiment de règles en matière de matériel. C’est aussi un disque qui aurait pu complètement être fait sur ordinateur mais comme on avait une batterie, un piano, des synthés incroyables…ça aurait été stupide de ne pas s’en servir.
LFB : Question-piège : Selon toi, Escapades est-il un album de musique électronique ou alors est-ce un album Pop ?
Gaspard Augé : Je ne pense pas que ce soit un album de musique électronique. « Électronique », ça fait de Aphex Twin à David Guetta donc ça veut pas dire grand chose. C’est électronique dans le sens où ça a été fait avec des synthétiseurs, des machines et avec l’aide d’un ordinateur mais c’est un disque de musique qui ne cherche pas à tout prix à rentrer dans un style. On ne peut pas vraiment le mettre dans la case de l’électro telle qu’on l’entend aujourd’hui.
LFB : Tu as fait la bande son de Rubber qui est l’un de mes films préférés, facilement dans mon top 5 de tous les temps. Est-ce que ça t’intéresserait de refaire une bande originale de film ?
Gaspard Augé: Oui oui ! J’en écoute beaucoup mais je ne suis pas forcément toujours client de la musique dans les films. Dans la plupart des blockbusters, il y a de la musique absolument tout le temps et c’est insupportable. Dans mes films préférés, il y a peu de musique. C’est peut-être un peu trop violent dans la démarche, un côté grosses ficelles. Quand le réalisateur veut que tu sois un peu excité, il te met des percussions à la Hans Zimmer. Ou des violons pour que tu sois triste. Ca limite un peu l’expérience tout en forçant la main au niveau de l’émotion.
Mais pour revenir à Rubber, c’est une expérience très marrante. On a fait ça très très vite parce que Quentin Dupieux aime bien travailler dans l’urgence et ça lui réussit. Il fonctionne beaucoup dans cette espèce de spontanéité et cette fraicheur de l’idée de départ et je pense qu’il fait ses films comme ça. Moi je lui envoyais des fichiers midi, il remplaçait les sons et on du se voir quelque chose comme trois après-midi pour enregistrer la bande-son finale. Donc tu as des morceaux plus ou moins aboutis et d’autres qui sont presque à l’état de maquette mais ça colle bien avec le film, ça crée un univers cohérent.
LFB : Est-ce que tu envisages une suite à Escapades ou à ramener sur scène cet album ?
Gaspard Augé : J’ai réfléchi à une façon de l’amener sur scène mais ça me parait un peu compliqué parce que ça n’est pas un disque électronique, ni club. Il faudrait monter un groupe, faire des répétitions et même visuellement, ça serait un peu trop limitant pour les gens de voir cette musique jouée par des gens. Peut-être bosser avec un orchestre ou des chœurs, mais pas forcément pour cet album là. En tout cas, j’ai envie d’en faire d’autres mais je ne sais pas si ça sera Escapades 2,3 ou 4. Mais ça m’a clairement donné envie d’en faire d’autres tout en continuant Justice.
LFB : Ma dernière question : Est-ce que tu as des nouvelles de Justice à nous donner ?
Gaspard Augé : On a bien avancé sur le disque. On l’a bien continué. On a bossé pas mal de trucs. Certains aboutiront, d’autres pas mais on a fait beaucoup de musique ces dernières années et on est en train de continuer l’album, oui.