BRÖ a dévoilé il y a peu Musique POUR LA FÊTE, un nouvel EP paru via sa nouvelle structure, projets complexes. On a profité de cette sortie, et de sa date à venir à la gaïté lyrique, pour nous entretenir avec la musicienne. L’occasion de parler avec elle de ses derniers morceaux, de featurings et de son envie de faire de la musique pop pour atteindre le plus grand monde possible.

La Face B : Salut Elisa, comment ça va ?
BRÖ : Franchement ça va. Je suis en bonne santé, c’est le principal.
LFB : Avant de commencer à parler de tout ça, j’aurais bien aimé savoir comment ta daronne écoute de la musique ?
BRÖ : Elle écoute de la musique comme quelqu’un qui ne sait pas faire de musique. Comme quelqu’un qui n’a jamais touché un instrument de musique, qui n’a jamais chanté derrière un micro. C’est vraiment comme un auditeur lambda, un « profane » comme on dit dans le milieu intellectuel.
LFB : Si je te demande ça, c’est parce que tu l’as dit dans une interview. Est-ce que c’est l’une des raisons pour lesquelles tu as décidé de lancer ta structure personnelle ?
BRÖ : Oui, c’est l’une des raisons. Effectivement, je n’ai pas trouvé à ce jour de valeur ajoutée à avoir un directeur artistique en label. Probablement que c’est une rencontre que je n’ai pas faite encore. Un directeur artistique pour qui j’ai de l’estime artistique. J’en connais mais je n’ai pas eu l’occasion de travailler avec eux. En revanche, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens qui ne sont pas compétents.
Ils sont capables de critiquer ce que tu fais, sans être capable de t’expliquer pourquoi ils n’aiment pas ou ce qui les dérange. Ils ne savent pas de quoi ils sont en train de te parler. Quand tu es chef de projet et que tu dois développer une marque artistique et que par ailleurs tu te permets de faire des critiques, je trouve ça fou de ne pas être en mesure de faire un minimum.
Par exemple, je ne suis pas ingénieure du son, je ne suis pas capable de mixer un son mais je suis capable de discuter reverb, égalisation avec des gens qui font ce métier-là. Parce que sinon, je me tais. Je ne vais pas commencer à parler d’un truc que je ne connais pas. C’était un peu ça que je voulais dire quand je disais qu’ils écoutaient de la musique comme ma daronne. En fait, ils peuvent être des daronnes mais ils n’ont pas besoin de faire ça comme métier.
LFB : J’ai l’impression qu’aussi le fait pour toi de créer ta structure te permet de supprimer cette espèce de temps de latence qui peut exister dans des gros labels, entre la création et le partage avec le public.
BRÖ : Ouais, 100%. Ou du moins, s’il y a une attente, c’est parce que tu l’as décidée toi-même et parce que c’est ta stratégie. C’est beaucoup moins désagréable quand c’est toi qui a posé ce timing. Moi, c’est vraiment cette intermédiaire-là qui crée beaucoup de frustration dans ma vie parce que je trouve que la relation avec le producteur est particulière. Déjà, c’est une relation salariale que tu as avec ton producteur. Ce qui est complètement antinomique avec le fait d’être artiste. Enfin, selon moi. Je trouve que c’est un peu la seule relation qui, personnellement, ne correspond pas au choix que j’ai fait de faire ce métier-là, qui est un métier très compliqué. Si en plus, tu dois être dans une position de salariée alors que tu as choisi de faire un métier où tu es précaire mais libre, il y a un truc pas très logique.
LFB : Précaire et salariée.
BRÖ : C’est spécial. Au final, tu te retrouves dans la situation de la personne qui est coincée et qui n’est pas en train de faire 100% ce qu’elle aime. Après, on ne peut pas faire 100% ce qu’on aime. Je sais très bien que ma liberté s’arrête là où commence celle des autres. Je suis 100% avec ça. Mais si je peux, à ma manière, m’émanciper de ces liens qui sont bloquants, je le fais.
LFB : Pour employer un autre gros mot, est-ce que tu as l’impression que quand tu es une artiste indépendante qui veut le rester, tu es obligée d’être un entrepreneur ?
BRÖ : Soit il faut que tu sois un entrepreneur, soit il faut que tu connaisses un entrepreneur avec qui tu as envie de t’associer. Il y a des gens comme ça qui ne sont pas nécessairement entrepreneurs mais ils ont un manager ou un éditeur qui les soutient dans leur structuration et qui va un petit peu prendre le pas sur cette partie. Moi personnellement, je suis assez entrepreneuse. Je suis assez férue d’administratif, de droit, de contrats, etc…
Donc forcément ça me correspond beaucoup et puis, je me répartis le travail avec Cassandre qui est ma manageuse et mon associée. On s’en sort bien. Ça fait vraiment prendre conscience que c’est possible. Après, je pense que nous n’aurions vraiment pas pu si nous n’avions pas eu l’expérience que nous avons acquise durant la période où j’étais en contrat d’artiste. Ça, ce sont des expériences qui ont servi. Ça nous a permis d’entreprendre ce truc-là en sachant plus ou moins ce qu’on était en train de faire et en ayant le réseau qu’on a aujourd’hui.
LFB : C’est un truc qui vient avec l’expérience.
BRÖ : C’est ça.
LFB : Du coup, pour l’instant, la structure n’est faite que pour toi ou est-ce que tu ambitionnes plus ?
BRÖ : La structure pour l’instant a produit un EP que j’ai sorti et un EP d’un autre jeune artiste. C’est son premier EP. Il s’appelle Lunevil. C’est aussi une boite d’édition, sur laquelle je développe Jules qui est le co-compositeur de tous mes morceaux, je développe aussi sa carrière de compositeur en tant qu’éditrice via cette structure. Pour l’instant, disons qu’il y a trois talents qui sont représentés.
LFB : Tu as sorti ton EP qui s’appelle musique POUR LA FÊTE. J’aime beaucoup le nom parce que je trouve que ça représente bien l’idée qu’il y a derrière ces morceaux. Un truc qui est vivant et qui se partage.
BRÖ : Ouais, c’est ça. En fait, si tu fais un peu attention quand tu écoutes l’EP en entier, il y a tout le temps du bruit et des gens derrière qui sont en train de faire la fête. C’est des vrais gens. On a vraiment fait la fête et on a vraiment enregistré la fête. Tout du long de l’EP, il y a cette fête qui a eu lieu chez moi d’ailleurs, à mon plus grand regret. L’idée, c’était de faire un peu des morceaux cool sans trop se prendre la tête. Aller vers un truc pop. Du coup, je suis hyper contente. Et là, il y a un bonus track qui va sortir vendredi, qui est un feat avec le rappeur Tuerie. Ensuite, il y a un second EP qui arrivera à l’automne qui s’appelle Musique pour la tête, avec des morceaux un peu plus deep.
LFB : Je me demandais si ce nom-là et ces morceaux avaient été choisis pour contrer l’image un peu trop intellectuelle et pensée qu’on a pu te donner et qu’on a pu refléter dans ta musique.
BRÖ : Ouais, je crois que j’ai envie de rappeler que mon ambition, c’est de faire de la pop au sens musique populaire. Ça ne m’intéresse pas du tout de faire de la musique de jazzeux. Après, il y a beaucoup de jazzeux qui écoutent ce que je fais parce qu’il y a des trucs un peu chiadés dans ce que je fais. Ils sont les bienvenus parce qu’on est ensemble.
Mais je veux juste être sure qu’on comprenne bien que je fais de la chanson très codifiée avec je pense une ambition sophistiquée. Avec toujours de la musicalité, la participation de musiciens très talentueux, etc. C’est très important pour moi de ne pas tomber dans la production non musicale. Ce n’est pas pour cracher dessus mais personnellement, ça ne me touche pas. Ça ne me correspond pas. Donc ouais, vraiment faire bosser des instrumentistes, des choristes, des gens qui ont ce savoir-faire là.
En même temps, aller dans des codes très simples, refrains, bridge… Après, il y a des exceptions et il y a des morceaux qui sont un peu plus expérimentaux mais le but, c’est quand même d’être pop. Ce n’est pas un but commercial. C’est vraiment un but philosophique genre je ne fais pas de la musique pour les snobs. Je ne sais pas pour qui je fais de la musique, on verra mais ce que je veux dire, c’est qu’en tout cas, l’intention est de ne pas faire de la musique pour les snobs.
LFB : Malgré tout, ce que je trouve intéressant dans ce que tu dis et dans ce que je ressens en écoutant ta musique, il y a toujours eu quelque chose de très radical et de très entêté dans ce que tu fais. Tu n’as justement jamais voulu contenir ta musique dans un style ou dans quelque chose qu’on pourrait attendre de toi, que ce soit dans l’industrie ou à travers les auditeurs.
BRÖ : Oui, je pense que j’ai vraiment un rapport à la chanson qui est tourné vers la chanson, vers le titre, vers chaque chanson en tant que tel. Chaque œuvre pour moi est une œuvre. Après, l’œuvre d’un artiste sur sa vie, c’est aussi une œuvre en soi. Donc je pense que c’est intéressant d’aller chercher des liens, des corrélations entre les morceaux. J’ai quand même un rapport à la chanson en mode c’est une chanson, c’est cette chanson-là. Peu importe si elle ne ressemble pas à celle qui est sortie il y a quelques mois. Si à ce moment-là, c’est cette chanson-là, ça sera elle. Après, je suis consciente que ce n’est pas très « intelligent » commercialement parlant parce que c’est difficile de marketer quelque chose qui n’est pas stable. Pour moi, la stabilité est dans le fait de ne pas être dans des ambitions trop commerciales.
LFB : C’est un projet qui grandit avec toi en fait. J’ai l’impression que chaque album ou chaque morceau comme tu le dis te représente à une époque et fige aussi un instant de ce que tu peux être à tel moment.
BRÖ : Ouais, complètement. C’est-à-dire que par exemple, j’ai écouté beaucoup de rap quand j’étais au lycée. J’ai voulu faire du rap, être une bonne rappeuse, faire des freestyle, être quelqu’un qui maniait la rime et le flow. Je me suis donnée à fond et à un moment donné, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour ce truc-là. Du coup, je me suis intéressée à la musique, au jazz, à l’harmonie, etc… Ca a complexifié ma musique par la suite. Derrière, je me suis intéressée à la pop hyper mainstream parce que je me demandais pourquoi ça marchait.
Genre Ed Sheeran, je n’avais jamais écouté parce que pour moi, c’était… Dans ma tête, c’était de la soupe absolue. Et en fait, j’ai écouté et j’ai commencé à m’intéresser au personnage et tout, et donc bien sûr il y a des trucs que je n’aime pas du tout, mais je trouve qu’il y a un truc vraiment cool dans le fond de ce projet. Il est vraiment populaire, c’est vraiment le gars simple avec son t-shirt. Après, c’est surement monté de toute pièce mais en tout cas, je suis bien tombée dans le panneau du gars. J’ai mes différentes obsessions selon les périodes et j’ai envie de faire la musique qui me ressemble au moment où je la fais. Et après, je mets ça dans un EP.
LFB : D’où l’intérêt aussi d’avoir la liberté de pouvoir diffuser ta musique comme tu l’entends.
BRÖ : C’est ça. En fait, cette façon de faire n’est pas du tout compatible avec un contrat d’artiste. Ce que je peux comprendre parfaitement. Je ne juge absolument pas le producteur en face qui a besoin d’avoir un projet qu’il va pouvoir brander. Évidemment, c’est le travail d’un producteur. Je l’empêche de faire son travail en faisant ça. C’est juste qu’on n’est pas compatibles dans le fond. Après, je respecte beaucoup certaines carrières de producteurs qui ont fait des choses extraordinaires et qui ont su brander ces choses qui ne l’étaient pas. C’est très stylé. Je crois que c’est juste que ça ne me correspond pas du tout. J’ai du mal à m’arrêter à un truc, à un genre.


LFB : Je trouve que ça vient aussi un peu de ta technique vocale parce que la façon dont tu chantes, et la voix que tu as, te permettent justement d’à peu près tout explorer, ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde.
BRÖ : Oui, bien sûr. Quand je te parle des musiciens avec qui je travaille, c’est le cas aussi de ces gens-là. On parle de gens qui ont fait du classique, du jazz, de la musique actuelle, … Évidemment, le résultat de ce qu’on va produire est forcément éparpillé parce que nous inconsciemment, vu que c’est dans le cadre de nos capacités, pour nous ce n’est pas si éparpillé que ça. Mais maintenant je commence à comprendre du point de vue extérieur pourquoi on me dit ça et pourquoi c’est ce qui ressort le plus quand on nous parle de ce qu’on fait. Mais en même temps, c’est difficile quand tu sais chanter… Surtout que moi, ce n’est pas genre je suis née, je savais chanter. Je prends des cours de chant, je travaille tout le temps, tous les jours. Ça ne sert à rien de chanter comme ça si c’est pour chanter quatre notes toute la journée. C’est cool de pouvoir faire ce truc-là et en même temps, à côté pouvoir faire un truc avec des grandes performances vocales plus r&b, plus chanson, plus jazz, …
Ce serait horrible de devoir se dire que vu que mon branding, c’est rappeuse du 20ème, il faut que je fasse toujours ces trois mêmes notes. C’est horrible parce que la réalité du rap, c’est que vocalement c’est limité. Musicalement, c’est sans frontières. Aujourd’hui, tu le vois, le rap est hyper enrichi. Tu peux rapper sur du jazz, sur de la techno, sur de la pop, c’est hyper cool. Mais la réalité, c’est que le rappeur ou la rappeuse vocalement est assez limité, c’est frustrant quand tu as un rapport au chant qui est d’essayer de dépasser tes premiers niveaux et atteindre des nouveaux niveaux. Évidemment, ça vient aussi du rapport au travail. Ta musique part nécessairement dans tous les sens quand tu travailles. Je ne veux pas dénigrer qui que ce soit mais c’est une réalité que j’observe parce que je travaille dans la musique avec plein de gens. Je vois la réalité de comment l’industrie fonctionne et comment on force les artistes à s’aligner sur un truc où il n’y a pas de place pour le travail.
Il n’y a que de la place pour : ah tu as fait une chanson qui marche bien donc maintenant, tu vas la chanter à poil, la chanter en maillot de bain, la chanter en cuir, … À aucun moment, tu travailles sur le fond, le contenu ou la technique. L’art, c’est quand même une technique qui ensuite permet d’exprimer quelque chose que tu ne peux pas garder. Tu ne peux pas faire de l’art en faisant n’importe quoi. Ça n’existe pas, tu es obligé de développer une technique. Je trouve que ce n’est pas du tout à ça qu’on est incités. Pas du tout. Techniquement, si tu veux faire de la musique aujourd’hui et bien gagner ta vie, tu n’as pas le temps de travailler. Tu n’as pas le temps de travailler ta technique parce qu’il faut que tu fasses des vidéos sur Tiktok, que tu fasses du marketing, que ton single ceci cela. Tu vas chanter le même single pendant six mois, tu crois que tu vas progresser vocalement ou instrumentalement ? Non, ça n’a aucun sens.
Voilà, après ce sont des choix qui me rongent chaque jour parce que j’aimerais avoir plus de succès. J’aimerais commercialement trouver un moyen de faire vraiment marcher ce que je fais. Mais en même temps, comme je ne peux pas aller à l’encontre de ce que je pense par rapport à tout ça, malheureusement je vais être obligée de continuer comme ça. De voir ce qu’il se passe. Je suis assez persévérante donc je n’ai pas l’intention d’arrêter. Mais c’est vrai que je constate quand même qu’on n’est vraiment pas incités à être excellent, brillant dans ce qu’on fait. C’est dommage.
LFB : Ce qu’il y a de drôle, c’est que même si ça a l’air d’une blague à la base, j’ai l’impression que Projets Complexes, c’est quand même un truc qui te correspond parfaitement.
BRÖ : De ouf, 100%. Après, ce que je dis aussi beaucoup, c’est qu’il y a un petit truc en France qui je pense vient rajouter au problème global de la compétence, c’est qu’on idéalise un peu l’artiste polyvalent, qui est capable de tout. L’espèce d’auteur-compositeur-interprète. Un peu comme le réalisateur de films. Il est scénariste, réalisateur, auteur,… En fait, il y a un moment donné, tu ne peux pas faire un truc vraiment hyper bon, même juste techniquement parlant, si tu fais ça.
Après, il y a des gens qui sont vraiment exceptionnels, qui sont extraordinaires et tant mieux pour eux, mais ce n’est pas du tout la majorité des artistes. La plupart d’entre nous, je pense que la clé de la qualité, c’est l’association. Le fait de dire que je vais prendre la personne qui, selon moi, joue le mieux de la guitare pour m’accompagner sur la guitare. Et je vais prendre la personne qui mixe le mieux pour mixer. Je ne vais pas demander au mec qui joue de la guitare de mixer parce qu’à un moment donné, tu ne peux pas être un bon guitariste et un ingénieur du son. Ça n’existe pas. Tu peux être un mauvais guitariste, bon ingénieur du son ou un bon guitariste mauvais ingénieur du son mais je pense qu’il ne faut pas se refuser le luxe… C’est peut-être vu comme un luxe mais pour moi c’est le BA-BA… De s’associer avec le maximum de personnes pour faire un projet le plus qualitatif possible.
Que ce soit sur la partie artistique ou après sur tout ce qui concerne le reste, la presse, le mastering, le management,… Pour moi, il faut avoir la noblesse de se dire qu’on ne peut pas faire un truc bien si on fait tout soi-même. Ce n’est pas possible. Après, il y a une réalité économique qui fait que les gens sont obligés de faire beaucoup de choses eux-mêmes mais parfois, tu vois des gens qui économiquement sont viables et font quand même ça. Tu te demandes si le but, c’est juste d’être 100% propriétaire de tout ce que tu fais pour avoir le plus d’argent possible ? Au final, tu ne proposes pas le meilleur produit aux gens. Je ne sais pas. En tout cas, mon raisonnement c’est quand même de m’associer au maximum et pour ça, il faut savoir assumer où est-ce qu’on est nul à chier et où est-ce qu’on est bons. Après, ça prend du temps.
LFB : Pour en revenir à la musique et en termes d’évolution, je me demandais comment tu avais travaillé l’écriture sur cet EP ? Je trouve qu’il a un côté beaucoup plus franc et direct.
BRÖ : Ed Sheeran. Non je rigole. Je me suis vraiment dit que pour cet EP, j’allais vraiment faire des morceaux, des couplets de six mesures, huit mesures max. Je me suis dit que je voulais essayer de faire un truc pop. Y compris dans la façon d’écrire. J’ai essayé, tout en gardant ma signature, d’employer un langage plus franc, plus simple, plus direct comme tu le dis. Après, le projet d’après redevient.
LFB : C’est ce que je trouve intéressant aussi. Je trouve que dans la façon dont c’est écrit, ça correspond bien à cette espèce d’enclave que tu as créé et qui s’appelle musique POUR LA FÊTE. Ça parle d’amour de manière très directe et comme tu le disais, c’est aussi traverser par les autres parce que tu as le bruit du monde autour qui est un instrument et un élément à part entière de la musique. Je trouve qu’il y a malgré tout, même si c’est direct et plus pop, il y a un truc très, très réfléchi.
BRÖ : Bien sûr. Je pense que quoi qu’il arrive, c’est réfléchi un minimum. Après, je ne suis pas du tout quelqu’un de perfectionniste. Je veux me fixer un fond, je me dis que là, c’est ça dont on va parler et je me dis, comment est-ce qu’on va en parler au mieux ? Je n’ai pas du tout de mal à aller au bout d’un projet comme ça. Je me dis que là, c’est un truc pop, on y va. En quelques mois, on le fait, c’est réglé. On fait les photos, tu as ça comme idée, je connais un mec qui a une Jeep, vas y on fait ça. Tu vois, je ne me dis pas que ce n’est pas parfait et tant pis, on reporte. Je ne suis pas du tout comme ça. Là, il y avait cette idée-là. Je l’ai réalisée direct, évidemment avec l’aide de gens extrêmement talentueux autour de moi. Et puis, pareil pour celui qui arrive juste derrière. Franchement, ça s’est fait hyper naturellement. C’est venu vite. J’ai fait un peu le tour, j’ai collaboré avec des compositeurs à Montréal, à Bruxelles et à Paris toujours avec Jules. Il y a de plus en plus de place aussi pour les instruments comme la trompette.
LFB : Un truc comme Outro sur un EP de quatre titres, je pense que si tu étais sur une major, on t’aurait envoyé chier.
BRÖ : Oui, c’est clair. C’est bien pour ça que de toute façon, ça se passe comme ça. Là, la trompette, je ne sais pas ce que j’ai en ce moment mais je suis à fond dessus. Donc là, dans mon deuxième EP, il y a beaucoup de trompettes aussi.
LFB : Ça donne un peu un côté cinématographique aussi je trouve.
BRÖ : Ouais, c’est vrai que les instruments organiques, ça nous amène vite dans l’univers du cinéma, de la télé où il y a beaucoup plus de place pour l’orchestration. Je me fais plaisir.
LFB : Malheureusement, tu as aussi sur le live des restrictions.
BRÖ : Oui.
LFB : Comment tu fais vivre ces envies sur du live ou sur des scènes ? Là sur la Gaité Lyrique, tu peux te permettre d’avoir des invités mais sur une bulle café à Lille…
BRÖ : Si j’étais toi, je ne parlerais pas trop vite parce qu’il y a quand même des petites surprises. Après, je suis une meuf qui a un peu bougé donc j’ai des potes un peu partout. Ça me fait rire de me dire quand je vais dans une ville : qu’est-ce qu’on pourrait faire avec Jean-Jacques qu’on connaît qui fait ça ? Même à Lille ou à Nantes, il y aura des petites surprises, des petits trucs fun. Le but, c’est d’essayer au maximum de créer un spectacle, d’avoir des vraies performances sur scène. J’ai quand même envie au maximum de ne pas lâcher ce truc. Après, ce qui est plus compliqué, c’est sur les festivals. C’est un peu l’autoroute. Tu arrives, tu ne fais que les tubes. Il faut qu’il y ait un kick sur tous les temps pendant tout le show. Tu as 45 minutes, il faut que tu sois efficace. Effectivement là, tu n’invites personnes, tu fais tourner les serviettes. Mais je kiffe aussi ça. Pour moi, c’est hyper enrichissant de réussir à chauffer des gens. C’est plus un job de DJ.
LFB : Des gens qui ne viennent pas forcément pour toi.
BRÖ : C’est ça. Après malgré tout, j’ai quand même des musiciens sur scène et tout. On est trois. Il se passe quand même des choses et ce sont de très bons musiciens. Ça bouge dans tous les sens. C’est vrai que sur les festoch, c’est un petit peu plus stricte.
LFB : Tu as fait énormément de featurings dernièrement. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que j’ai l’impression que ceux que tu as fait dernièrement, qui sont sortis ou des apparitions sur scène, ça correspond énormément à l’idée que tu te fais de la musique. De passer de Tuerie à Martin Luminet. Il y a un truc à la fois improbable mais qui sonne tout à fait naturel dans ta vision de la musique.
BRÖ : Ouais pour moi, c’est vraiment naturel. Parce que je pense qu’il y a un truc où je ne mets vraiment pas la musique dans des catégories, dans des cases. Tu m’invites en studio, je viens. Après, j’aime ou je n’aime pas ce qu’il va se passer. Mais franchement, c’est rare que je dise que je ne viens pas dans ton studio. Ça n’existe pas. Je viens, je me déplace toujours. Je veux toujours découvrir des nouveaux talents, des nouveaux styles, des nouvelles façons de composer. C’est toujours enrichissant. Franchement, je profite avec n’importe qui. J’ai un feat qui va sortir sur un projet jazz. Je m’en fous.
LFB : Ce qui est drôle, c’est que sur le titre que tu as fais avec Martin, tu en as quand même profité pour mettre une énorme cartouche à l’industrie.
BRÖ : Oui, je me suis fait plaisir. En même temps, j’avais l’impression que sur cette chanson, pour que je puisse un peu m’intégrer, il fallait que j’aille sur un terrain où Martin et moi, on était sûrs qu’on allait pouvoir s’aligner. Du coup, on s’est fait plaisir. Là, je bosse sur un morceau avec Ussar parce que quand j’étais à son concert, on a fait un morceau à lui parce qu’il sait que c’est mon morceau préféré de ma vie. Il nous a gentiment invité. Mais ouais, franchement, plein de collaborations en cours encore,dont Tuerie qui vient de sortir.
LFB : J’ai l’impression que tout est guidé par le plaisir.
BRÖ : Ouais, le plaisir et je pense une sorte de rigueur « politique ». Parfois, il y a quand même des choses où je me dis que ça ne me fait pas plaisir de le faire. Mais je le fais quand même, parce qu’il y a des choses qui, par principe pour moi, ne se refusent pas. Je ne sais pas, juste ça ne serait pas correct de ne pas le faire. En tout cas, il y a un plaisir mêlé à une conviction qu’il y a certains projets qu’il faut soutenir, qu’il y a certaines visions qu’il faut soutenir. Et même si ce jour-là, j’ai la flemme, je vais quand même le faire. J’essaie de ne pas tomber dans trop d’image, trop d’idées de réputation
LFB : Tu t’en protèges quand même.
BRÖ : J’essaie au maximum parce que je trouve, pour finir un peu sur l’industrie de la musique, je pense que ça ne vaut pas que pour ça. Ça vaut pour tout un tas de domaines dans notre société. Je pense qu’il y a un peu soit tu fais de la merde qui vend, soit tu fais un truc hyper sophistiqué mais du coup, tu ne joues que dans des galeries, tu es payé 25 000 euros la soirée. Il y a un truc. Je suis un peu en mode, je ne veux être dans aucune de ces deux catégories. Ça ne m’intéresse pas. Ce n’est pas cohérent avec mes valeurs politiques.
Moi, ma vision, c’est qu’il faut faire de la bonne pop sophistiquée, au sens où il faut faire de la musique de qualité pour les gens mais il faut viser la musique de qualité pour le plus grand nombre. Pour viser le plus grand nombre, il faut quand même un minimum aller chercher des gens avec des codes auxquels ils peuvent s’identifier. Je crois que d’ailleurs Alexandre Astier a dit dans une interview que quand il faisait le film Kaamelot, et qu’ils sont allés à la location des caméras, un technicien a dit qu’ils n’allaient pas prendre ça parce que c’était là c’était une comédie et qu’ils n’allaient pas claquer 200 000 balles dans une comédie. Il disait que ce mec-là, il l’a viré. C’est quoi cette vision
C’est une comédie, mais justement, c’est pour le plus grand nombre donc on va prendre la caméra la plus chère. Je trouve que c’est cette réflexion-là qui manque beaucoup dans la façon dont on traite les gens, dont on traite le peuple dans notre société. Normalement, plus y a des gens qui veulent consommer un truc, plus il faut que ce soit un truc de qualité et plus il faut que ce soit quelque chose qui va faire du bien. Après, j’ai conscience de contre qui je me bats donc je sais aussi pourquoi ce n’est pas comme ça. Mais en tout cas, ma vision c’est qu’il faudrait quand même arriver à faire grandir cette catégorie du milieu qui est la musique pop, intelligente et en même temps qui peut quand même te faire tourner ta serviette. Je suis désolée, ce n’est pas impossible.

LFB : Rappeler que pop, c’est populaire.
BRÖ : Oui, c’est juste ça. Je pense que j’ai envie de maintenir mon cap par rapport à ce truc-là et de ne pas tomber ni dans la hype, ni dans la soupe. C’est très difficile comme équilibre à trouver. Probablement que de temps en temps, je mets un pied dans l’un et un pied dans l’autre sans le faire exprès. Mais en tout cas, j’essaie d’actualiser ce truc et de la rationaliser pour maintenir ce cap.
LFB : Je te laisse vendre ton concert à la Gaité Lyrique en mai.
BRÖ : Écoutez, ça va être un show inédit. On va monter un show juste pour cette date, avec un setup qui va être différent de tout le reste de la tournée, avec énormément d’invités. Vraiment beaucoup d’invités, en tout genre. Vraiment, c’est un show à l’américaine mais made in France. Avec les moyens de Projets Complexes évidemment. Il n’y aura pas de feu mais il y aura des gens vraiment excellents qui vont monter sur scène. Donc je vous invité à venir. J’aime bien faire des blagues sur scène et tout, donc ça peut aussi être drôle.
LFB : Puisqu’on EP s’appelle musique POUR LA FÊTE, c’est quoi tes titres préférés pour faire la fête ?
BRÖ : Bonne question. Je dirais Tu m’oublieras de Larusso. Gros morceau de soirée. Pas mal de morceaux issus de R’N’B Fever vol. 4. En vrai, beaucoup de chansons des années 2000 très, très mal mixées. J’aime bien quand même, plutôt axées R&B français. Et sinon, musique POUR LA FÊTE.