Chahu a dévoilé au début du mois d’octobre. Un premier album en français qui explore sa propre histoire pour la rattacher à l’universel. On a eu le plaisir de le rencontrer lors de son passage au MaMa Music & Convention pour discuter avec lui de la création du projet, mais aussi du chant en français, de production et créer un album en forme d’histoire.
La Face B : Salut Chahu, comment ça va ?
Chahu : Je suis fatigué mais ça va. Plutôt une bonne période.
LFB : Tu as passé une bonne journée ?
Chahu : Oui, je me suis réveillé tôt parce qu’ils m’ont fait jouer tôt à la Boule Noire mais sinon, c’était une bonne journée.
LFB : Tu as sorti un EP en 2021, un EP en 2022, un EP en 2023, un album en 2024. Ce qui est quand même un bon ratio. En sachant que tu avais un projet avant aussi qui t’a pas mal occupé. Comment tu vois l’évolution de Chahu depuis le premier EP ?
Chahu : Je savais déjà que j’allais faire un album à un moment donné. Je ne savais juste pas quand. Pour moi, les EPs, c’était un peu des tests/cartes de visite. C’était des tentatives pour voir ce qu’il se passe, comment ça répond, ce que j’aime bien. Je n’ai jamais trop réussi à choisir rapidement donc ça me permettait d’étaler ce temps-là. J’ai senti qu’avec l’album, il commençait à y avoir un fil rouge un peu plus consistant. Un truc un peu plus facile d’accès aussi, je ne sais pas trop. Du coup, je le sens plutôt bien.
LFB : Si je te dis que pour moi, tu arrives avec l’album à une espèce de point d’équilibre de l’écriture en français, avec une libération dans l’écriture en français, est-ce que c’est une idée qui te parle ?
Chahu : Ouais, je sens que mon écriture a mûri progressivement. Je n’ai pas beaucoup de recul donc si ça se ressent, je suis content de ça.
LFB : Quand tu écoutes ton premier EP, il y a quand même un truc un peu académique dans l’écriture en français. On voit que c’était un peu tes premiers essais, un peu un laboratoire aussi. Ce qui n’est plus du tout le cas maintenant.
Chahu : C’est un peu plus assumé peut-être maintenant. Mais je crois que ça va aussi avec la manière dont est produite la voix. Tout est un peu mélangé. Oui, c’est sûr qu’au début, le premier EP était vraiment une carte de visite parce que c’est bien d’avoir à sortir quelque chose. Après j’ai essayé de prendre le temps et d’en avoir assez pour étaler aussi derrière et de construire la chose derrière. Ça a ramené d’autres gens avec qui j’ai bossé depuis, Romain Noel notamment avec qui on a bossé les prod’ sur l’album. Je pense que la prod’ musicale et vocale font vraiment ressortir le texte. Le but était vraiment de faire ressortir le texte, donc tant mieux si ça se ressent.
LFB : Tu le vois dans ce sens-là mais j’ai plus l’impression qu’en fait, c’est la libération au niveau des mots et du choix des mots, de l’écriture qui influence aussi la musicalité.
Chahu : Carrément. Tu as l’impression que je me lâche peut-être plus, que je me fais plus plaisir ?
LFB : Oui.
Chahu : Peut-être ouais. Il y a des chances que je m’autorise plus de choses. Je me mets moins dans ce qu’il faudrait faire et plus dans ce que j’ai envie de faire. C’est sûr.
LFB : Ce chemin te mène à Tristo Bambino qui est ton premier album. À l’écoute de l’album qui est quand même assez long, et qui mérite d’être écouté dans son entièreté, j’ai beaucoup pensé à l’idée de musique réparatrice. Est-ce que c’est un truc qui te convient ?
Chahu : Carrément. D’ailleurs, mes petits stickers sont des pansements. Il y a vraiment tout un truc autour de ça que j’ai un peu creusé. Déjà le fait de le produire, juste à titre perso dans ma chambre, c’est pour ça que je le fais, clairement. L’enjeu, c’est de faire sortir ce qui ne se passe pas bien à l’intérieur ou même ce qui ne se passe pas bien à l’extérieur. Mais essayer de le coucher, d’en faire une catharsis et ensuite je le mets en forme. Le but, c’est aussi d’aller chercher ça chez les autres et potentiellement de faire raisonner ça. Donc oui, je suis d’accord avec cette idée-là.
LFB : C’est une musique qui panse. L’idée du sticker est parfaite parce que j’ai vraiment l’impression que c’est un peu ce que tu as fais. Tu as mis une espèce de pansement sur une certaine période de ton existence.
Chahu : C’était l’idée ouais. J’avais eu l’idée, j’étais dans un bar, il y avait un mur avec plein de stickers et il y avait un pansement collé à côté. J’ai pensé à en faire des vrais mais je n’ai pas envie d’être responsable d’un scandale sanitaire.
LFB : Ce qui m’intéresse dans l’album, c’est l’ouverture. Ce que je trouve hyper intéressant avec Bolide, c’est que pour moi ça résume un peu tout l’album. Il parle en même temps d’immobilisme et d’une personne qui veut se mettre en mouvement.
Chahu : Ouais. C’est un peu le paradoxe que j’ai eu envie de mettre en lumière au début de l’album. Le fait d’aller de l’avant mais pour faire ça, le fait de taffer sur soi.
LFB : C’est un peu le départ d’un garçon un peu perdu.
Chahu : Oui, qui se pose des questions et qui voit bien qu’il y a des trucs sur lesquels c’est compliqué et d’autres sur lesquels c’est plus simple. J’essaie de faire la part des choses, sans être trop manichéen.
LFB : Il y a une idée pour moi qui dirige un peu les morceaux. J’ai l’impression qu’il y a un peu la volonté de réécrire sa propre histoire.
Chahu : De réécrire, je ne sais pas. La plupart des chanteurs/chanteuses, peut-être que c’est ça qu’ils essaient de faire aussi. De mettre des mots sur leurs maux à eux. Ils romancent un peu le truc pour que ça touche un peu à l’universel dans la mesure du possible. Je ne sais pas. Ce n’est pas réécrire mais c’est témoigner du truc et forcément à partir du moment où tu racontes une histoire, tu crées un conte parce que c’est ta manière de le dire. C’est la manière que les autres ont de la recevoir. La sémantique est floue et variable pour tout le monde. Je pense qu’effectivement, il y a forcément une notion de réécriture.
LFB : Pourtant, tu ne te donnes pas du tout le beau rôle dans ta musique. Des morceaux comme Solide ou Les chveux, tu explores complètement la part sombre. Ce que beaucoup ne font pas. Il y a beaucoup de nuances.
Chahu : Carrément. Je pense que c’est dans ces morceaux-là qu’il y a, ce que j’estime pour moi être la pertinence de mon projet. Ok je fais des chansons d’amour, de tristesse mais il ne faut pas oublier que je suis un garçon qui parle de ça et quel sens ça a aujourd’hui d’être un garçon et de parler de quand ça ne va pas. Et de parler de sa place et de sa posture de garçon dans la société, dans la vie. Je trouve ça hyper important de reconnaître ces problématiques personnelles. Certaines que j’exagère pour l’art évidemment.
Les chveux, c’est complètement ça. C’est l’histoire d’un garçon toxique qui s’en rend compte. Que j’ai pu être moi.
LFB : En termes de production et de musique, c’est un peu le morceau le plus joyeux de l’album alors que c’est le morceau le plus sombre.
Chahu : Un des plus deep ouais. Carrément. En fait, rien que mon blaze c’est Chahu et je n’ai jamais fait de la musique très énervée. Je crois que je fonctionne beaucoup au contraste et au paradoxe. Depuis toujours. J’aime beaucoup ça. Je trouve que ça fait ressortir les choses. Ça m’amuse beaucoup.
LFB : Comment tu procèdes en termes d’écriture ? J’ai l’impression qu’il y a un vrai jeu de montage dans la façon c’est cuté sur certains morceaux et que la poésie se joue sur plusieurs niveaux dans la façon dont tu écris.
Chahu : Il n’y a pas de montage mais si ça donne cette impression-là, pourquoi pas. C’est assez naturel, c’est un peu le classique de : je fais la musique, je commence à faire un peu de yaourt dessus, il y a un truc qui vient et ça découle. Mais par contre, j’essaie de mettre un point d’honneur à aller dans des groove, des phrasés ou dans des flow que je ne maîtrise pas forcément pour diversifier un peu le tout. Du coup, collage je peux l’entendre parce que je sais que je fais souvent des phrases courtes avec des mots simples. Ça peut faire cet effet-là mais ce n’est pas monté. Souvent, quand j’écris, ça découle. Je modifie quelques mots mais je vais rarement rajouter des choses ou enlever des choses. Je vais rarement découper dedans. Ça peut arriver mais globalement, faut que ça soit dans un geste. Sinon c’est plus compliqué de revenir dessus.
LFB : Je trouve qu’il y a des structures d’écriture qui sont très différentes d’un morceau à l’autre. Il y a de la rime basique. Il y a des morceaux où c’est de la prose et où tu as vraiment un flow et une histoire qui se déroulent, c’est limite anti-musical. Il y a des moments où tu as des répétitions qui font évoluer le morceau et qui change.
Chahu : Je pense que j’ai trop peur de faire tout le temps pareil donc je fais en sorte que ça ne soit pas le cas. Je pense que c’est ça le point de départ de ce que tu as pu ressentir.
LFB : Du coup, ça impacte forcément la composition derrière. Tu ne peux pas produire un morceau de la même manière. Un morceau comme Les chveux n’est pas produit pour moi de la même manière qu’un morceau comme Bolide.
Chahu : Carrément. Pour moi, l’important c’est l’intention qu’il y a dans le texte, le groove, le tempo, tout ce qu’on veut. Après, c’est faire en sorte que la manière de produire et de mixer le tout corresponde à l’intention derrière le morceau. À quel endroit je veux aller chatouiller les gens. Ça influence effectivement.
LFB : Est-ce qu’il y a une volonté de sublimer le minimalisme dans la composition ?
Chahu : Peut-être pas jusqu’à sublimer mais en tout cas, je sais que j’ai toujours bien kiffer avoir des trucs très simples. Je pense que ça se ressent dans l’écriture, dans le texte, dans le choix des mots aussi. Et dans la musique aussi j’aime bien. Après il y a des morceaux quand même où il y a pas mal d’arrangements, c’est juste qu’on ne dirait pas.
LFB : C’est ça qui est intéressant. Un morceau comme Inconsolable par exemple. La prod’ est assez folle.
Chahu : Oui et ce n’est pas le plus minimal. Harmoniquement si mais dans l’arrangement… C’est plus dans l’arrangement où je vais avoir envie d’être plus riche. Mais dans l’information musicale pure, j’aime bien quand ça reste assez pop, assez accessible. C’est aussi parce que c’est ce que je sais faire et que je n’ai pas beaucoup taffé les accords jazz. Donc pour l’instant, on est là-dessus. Mais je bosse avec des gens qui savent faire donc ce n’est pas impossible qu’à un moment donné, on aille faire d’autres trucs.
LFB : Il y a un côté épique un peu soft.
Chahu : Oui, dans Bolide il y a ça. Il y a des envolées.
LFB : Bolide, il y a la montée et au moment où ça devrait exploser, tu coupes le morceau.
Chahu : Oui, avec une petite blague en plus.
LFB : Il y a vraiment ce jeu dans l’écriture, mais aussi dans la production, d’aller chercher sur une ligne de tonalité qui est assez semblable, d’aller chercher des variations et des nuances qui font que chaque morceau diffère.
Chahu : Ouais, ça c’est plus dans les structures. J’essaie de m’amuser avec ça en fonction de ce que ça raconte. D’aller chercher des structures inattendues. Là, je trouvais ça bien. En plus parce que quand je l’ai fait Bolide, je savais à peu près que ça serait l’ouverture de l’album. J’avais ce pressentiment-là et je trouvais ça cool. C’est une structure un peu d’ouverture : une montée et après ça s’enchaîne sur Rêves d’avant et là, on se repose. Au début, j’essaie d’emmener les gens progressivement et de finir avec une blague un peu déstabilisante et après on change.
LFB : Oui, d’avoir un retour sur un morceau qui après est hyper mélancolique.
Chahu : Oui, un peu plus installé.
LFB : J’ai un peu l’impression que c’est un morceau qui enterre tes rêves de gloire à l’anglaise et à l’américaine.
Chahu : C’est ça. C’est une espèce de tentative de deuil du romantisme pur et dur qui est dangereux et potentiellement toxique. C’est plus littéralement oublier une histoire. Au début, il y a un véritable sample de moi et d’une personne que je fréquentais et je trouvais ça assez « fun » de mettre ça. De ne pas mentir. De vraiment mettre le truc et de faire le deuil en disant que c’était super chouette. Juste ça ne s’est pas prolongé. Juste dire que ce n’est pas grave, ça a existé et reconnaître ce truc-là.
LFB : Est-ce que structurellement, tu avais l’envie d’avoir des morceaux qui se répondent ? J’ai l’impression que le dernier morceau répond beaucoup au premier.
Chahu : Ça oui. J’ai essayé de mettre la forme parce qu’apparemment, un album doit être cohérent. Même je crois que les accords sont sensiblement proches aussi mais je ne l’ai pas fait exprès. Je voulais finir sur une chanson un peu ambiance méditation où on prend le temps. Ça calme un peu l’ardeur du truc qui monte et au final, ça finit sur Réussi. Je trouvais ça un peu paradoxal d’appeler ça réussi aussi alors que juste avant il y a Overdose. Je trouvais ça rigolo. Pareil le contraste, toujours. Sous couvert de cynisme mais il y a toujours de l’espoir. Soyons cyniques mais soyons le ensemble.
LFB : C’est exactement ce dont tu parlais tout à l’heure. L’écriture se doit malgré tout, même si tu parles de toi, de toucher la personne qui va l’écouter.
Chahu : Oui, sinon ce n’est pas la peine. Si je sens que ça ne répond pas, c’est qu’il faut que je passe à autre chose. C’est toujours plus agréable dans la joie comme dans la tristesse d’être à plusieurs.
LFB : Je vais te faire un compliment qui n’en est peut-être pas un. Si je te dis que tu n’a pas fait un album fait pour les plateformes de streaming, est-ce que tu le prends bien ?
Chahu : Oui, je suis d’accord avec cette idée-là. J’ai fait un album parce que j’avais envie de mettre ce nombre de morceau et que ça racontait un truc. C’est tout. Ça veut dire quoi ? Que c’est trop long ?
LFB : Pour moi, non. C’est un album qui s’écoute avec attention. Pour moi, c’est une énorme qualité. C’est vraiment un album qui s’écoute dans son entièreté parce qu’il y a des morceaux qui font écho les uns aux autres et tu vois l’évolution de la personne.
Chahu : Oui carrément. De toute façon, pour moi à partir du moment où tu choisis de mettre un texte en français, que tu es en France, à destination de personnes francophones, si tu ne prends pas le temps d’écouter ce qu’il se passe, c’est que c’est à côté. En tout cas, dans ce que je fais, je considère que si tu n’écoutes pas le texte quand tu écoutes ma musique, tu passes à côté de plus de la moitié de l’information voulue.
LFB : Est-ce que c’est vraiment Nerlov qui t’a poussé à écrire en français ?
Chahu : Oui. Je pense que je l’aurais fait quoi qu’il arrive, à un moment donné. Mais c’est le moment déclencheur, c’est parce que c’était le Covid, il est venu chez moi et j’ai composé un morceau pour son projet où il a posé le refrain et le couplet. Il m’a dit qu’on faisait en feat, il m’a dit d’essayer en français. J’ai essayé, ça m’a débloqué. Mais jusqu’à présent, j’avais une petite phrase toute faite que je disais, c’était que j’écrirais en français le jour où j’aurais du talent. Parce que ça me permettait de m’excuser aussi peut-être.
LFB : Il y avait une pudeur aussi peut-être ?
Chahu : Je pense aussi oui. Une pudeur. J’étais fan de certaines chansons françaises mais je ne me sentais pas capable. Ça m’a débloqué. Ce moment-là m’a décomplexé sur un morceau qui n’est pas encore sorti aujourd’hui et qui sort potentiellement sur son projet mais à partir de l’année prochaine. Ça va faire bizarre parce que ce morceau a au moins 5-6 ans. Mais il est déterminant dans mon avancée.
LFB : D’un point de vue de la tessiture de voix, avec ta voix qui est très particulière, est-ce que tu avais l’impression que tu avais plus de facilités au départ à chanter en anglais qu’en français ?
Chahu : Non. Ce n’était pas par rapport à la tessiture, c’était par rapport à ce que j’écoutais et à ce que j’avais envie de faire. Et le fait que c’était plus facile de se cacher derrière l’anglais.
LFB : Il y avait un côté un peu Matt Berninger.
C : Oui j’avais un peu trop écouté The National.
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que maintenant tu as un côté Matt Berninger en français.
Chahu : C’est ça. Je sais qu’il y a un peu crooner. On parle de Bertrand Belin de temps en temps, ça ne me choque pas. C’est même plutôt vrai sur certains trucs. Mais je sais aussi que je m’autorise… Là je suis en train de faire des morceaux depuis un moment déjà où je monte un petit peu. Un morceau comme Trop fier par exemple où je chante un peu plus au-dessus. J’ai remarqué qu’avec le français, ça marche bien à certains moments. J’ai réussi à capter comment maîtriser ça dans l’intention, comment je pose ma voix, comment je respire entre les mots.
LFB : En parlant de voix, il y a deux featurings sur l’album qui ont une importance particulière. Ils ne sont pas placés par hasard. C’était important pour toi, quand tu as une voix aussi identifiable, d’aller chercher la confrontation ?
Chahu : Ouais. Ça je pense que c’est un truc que je fais un peu naturellement et au quotidien, en bossant pour d’autres aussi. C’est assez simple à mon avis, le truc c’est que je compose tout seul dans ma chambre mais je m’ennuie. J’ai envie de jouer avec d’autres. Vraiment, jouer de la musique, c’est jouer. J’ai envie d’aller là où je ne connais pas. Et là, ça s’est fait parce qu’on était potes avant aussi ou en tout cas, en même temps. Le morceau avec Bash, on se connaissait à peine. Ce n’était pas prévu que ça soit sur l’album.
C’est juste que ça avait du sens. Au final, lui a sorti son EP Pas vu tomber l’averse le même jour que mon album. Ce n’était pas trop prévu non plus. Mais c’était rigolo. Je me rends compte en réécoutant son EP qu’il y a des morceaux à lui qui font référence à son couplet dans mon album. Tu te dis rétrospectivement qu’il aurait très bien pu aller dans son EP aussi. On aurait pu faire les deux. Le morceau avec Anna aussi, c’était une volonté de bosser avec elle parce qu’elle chante de ouf et qu’elle est trop cool. Elle a une tessiture et une pratique vocale que je n’ai pas et qui m’intéresse grandement.
LFB : C’est intéressant parce qu’il y a la voix mais même en termes de production, tu as une patte assez identifiable. Le morceau qui est sorti de Stav, Collège, dans la prod’ il y a un vrai travail aussi.
Chahu : Vu que je bosse avec Nerlov et Stav, eux ils bossent avec ATOM. Souvent je fais la maquette, je donne les idées et les trucs principaux mais je ne fais pas à fond dans la production parce que je sais qu’ATOM derrière va tout casser et faire son truc. Et c’est très bien comme ça, c’est un truc qui me va bien parce que je sais qu’il sait faire. C’est le premier morceau qui est passé par les mains d’Atome et qui n’a quasiment pas bougé, et où je reconnais vraiment ma prod’. Ça m’a un peu fait kiffer aussi. Donc là, effectivement si ça se ressent, ça ne me choque pas. Mais il y a aussi ma voix sur les refrains, donc ça joue un peu.
LFB : Vu que l’album est sorti il y a un an, est-ce que Chahu est toujours un Tristo Bambino ?
Chahu : Je crois que non, malheureusement. Je suis plutôt heureux en ce moment. De toute façon, je pense que c’est impossible d’être heureux tout le temps. Il y a toujours des sujets qui ne vont pas si on cherche. Ce n’est pas très compliqué, il suffit d’allumer la télé. Mais il ne faut pas.
Même si je suis heureux aujourd’hui, la preuve en est, j’ai fait des morceaux depuis que l’album était finalisé. Clairement, il y en a qui sont un peu plus « légers » qui tendent à témoigner quelque chose de joli et d’agréable mais il y a aussi des morceaux un peu deep toujours. Parfois je me surprends parce que j’ai l’impression que ça va, je fais un morceau et je me mets dans le dur tout seul. Je le réécoute après et je m’aperçois que j’ai fait ressortir un truc que je ne soupçonnais pas. Il y a un truc un peu mystique qui est un peu rigolo là-dedans. On n’explique pas tout. Mais je me fais confiance sur le fait que je ne serais jamais complètement heureux donc j’aurais toujours de l’inspi, je ne suis pas inquiet.
LFB : Est-ce que tu as des souhaits particuliers autour de l’album ?
Chahu : Que les gens puissent l’écouter le plus possible, que le plus grand nombre puisse l’écouter. Ça serait cool. Ce qui serait cool, ça serait que ça puisse vivre assez pour que je puisse le défendre en live, sur scène. Parce que j’ai envie de le jouer un peu quand même, même si je sais clairement que si je m’écoute vraiment je préfère composer des chansons dans ma chambre qu’être sur scène. J’aime beaucoup les deux mais ce n’est pas le même exercice du tout. J’aimerais bien qu’il vive suffisamment pour que je puisse en faire un autre. En tout cas, en termes de moyens financiers ou matériels purs, j’aimerais bien que ça me permette de continuer tout simplement. Si ça plaît aux gens, c’est cool. Si c’est réutilisé derrière, c’est cool. Qu’il puisse vivre un petit peu. Je sais aussi que ça peut arriver très vite et partir très vite. Dans tous les cas, je crois être assez fier du truc pour me dire que j’ai fait au mieux. Je n’aurais aucun regret sur cet album-là dans vingt ans. C’est certain. Quoi qu’il arrive, j’en serais fier et le reste après, on verra ce que ça sera.
LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents ?
Chahu : J’avoue que le mois de septembre, vu que c’était la sortie de l’album, j’étais un peu dans un tunnel. Je ne m’attendais pas à ça autant. J’attends vendredi parce qu’il y a l’EP de Bon Iver qui sort. Sinon, il y a un morceau sur le dernier album de Porches, c’est un artiste que je kiffe beaucoup et j’ai un rapport particulier avec cet artiste parce que déjà je trouve ça hyper cool parce qu’à chaque album, il a une grosse volonté de changer d’identité sonore. Il y a plein de trucs qui se passent et tu es toujours un peu surpris. C’est hyper agréable et hyper important je trouve. Souvent, dans ses albums, j’aime rarement tout par contre, il y a toujours un morceau que je vais écouter en boucle. Là, c’est le dernier. Souvent, ce sont les plus épurés, les plus minimaux comme on disait. Je l’ai écouté, je me suis dit que je m’étais fait niquer pour au moins 3-4 jours à l’écouter en boucle et là je continue encore. Il y a vraiment des soirées cette semaine où je pars de chez moi et j’écoute ça, mais je n’écoute que ça quoi. Ça revient en boucle et c’est super, ça me va.
LFB : Pour finir, j’ai laissé la parole à quelqu’un pour la dernière question : Benjamin m’a demandé si tu pouvais sortir ton album avec la voix en anglais de tes réels ?
Chahu : Oh wow. Bizarre ce Benjamin.(rires) Il faut que je vois mais en tout cas j’ai payé l’application cent balles parce que je pensais que c’était mensuel et en fait je me suis fait niqué. Du coup, c’est pour ça que j’utilise cette voix IA parce que c’est la seule fonctionnalité que j’ai trouvée intéressante dans l’application à cent euros. Donc je peux peut-être tenter de faire ça. Peut-être que je lui enverrais un lien d’abord avant de le publier (rires).