Un courant d’air qui semble tout droit venu des nineties a poussé la porte en ce début de mois de décembre, nous offrant une belle bouffée chaude et euphorisante. Ces matins d’hivers ensoleillés n’ont jamais semblé aussi estivaux qu’à travers la fenêtre, avec du Avions dans les oreilles.
En 2020, Avions présentait un nouvel EP intitulé 5 For Nacho, rompant ainsi trois années de quasi-silence depuis la sortie de l’album Loner. Deux ans ont passé donc, est maintenant venu le temps de l’album éponyme. Toujours aussi tranchant et anachronique, le groupe nous démontre avec ce disque qu’au bout de douze ans d’existence, et bien que n’ayant jamais réellement changé la formule, il sait laisser le temps faire son travail. Le son du groupe s’aiguise de disque en disque. Avions affine les éléments qui le composent, mais ne dégrossit en rien l’énergie déployée et la puissance de leurs mélodies imparables.
Pour les amateurices du genre, on se sent tout de suite à la maison. Un indie-rock frontal dont la fougue ferait pâlir le punk le plus véhément. Ces trois amis du lycée ont suffisamment servi hommages et clins d’œil aux héros pop-punk de leur adolescence. On peut désormais affirmer qu’ils redorent à merveille le blason du power trio.
En effet, alors que 1999 ouvre le bal, on ne peut que constater que tout est là. Guitare rageuse et section rythmique surexcitée, mélodies intemporelles servies par des harmonies vocales riches. Aucune fioriture, l’essentiel seulement, mais sans compromis. Le songwriting d’Avions est impeccable. Nul doute que sur les onze titres que comporte cet album, la grande majorité se tiennent en hymnes vifs et fougueux. À l’instar de Fields of Gold et son pop-punk ultra entraînant et aux harmonies lissées, ou encore de Forcefield II.
Néanmoins, l’aspect pop s’estompe parfois pour laisser place à une frénésie purement punk. Il suffit de prendre pour exemple l’ardente Off – Axis, sur laquelle le groupe se farde d’une désinvolture turbulente et s’autorise à tout faire péter avec des riffs acérés et une section rythmique survoltée. On n’est même pas loin du grunge de Seaweed sur la douce Smashed, ou bien lorsque déboule le single Kindness (Takes Over).
Avions nous livrent par-là même une flopée de textes touchants et intimistes. Quelques introspections, d’autres ruminations de doux rêveurs. Quelques lettres d’amour adressées aussi bien à des personnes qu’à leurs villes respectives (Paris et Lyon). Mais il y a aussi des chansons sur la rupture, l’errance ou le doute. Tout cela livré sans fard sur des titres qui laissent passer l’émotion.
Pour peu que l’on sache la déceler, il émane par moment une mélancolie désarmante derrière la légèreté des mélodies et la moue désinvolte que l’on imagine sur les visages du trio. Web Grenade ou Treason Season trahissent une profondeur insoupçonnée, au même titre que Turn et ses riffs cafardeux. Les harmonies rêveuses et les rythmes plus lourds servent alors de terreau fertile pour y déposer craintes, doutes et remords, et y voir fleurir une jolie catharsis.
Cependant, le groupe met un point d’honneur à ne jamais tomber dans le pathos. Globalement, leur album donne plutôt la patate. Lean On Me donne des envies de skateparks et d’amourettes candides. Un bon banger pop-punk aux allures de rollercoaster, qui met en évidence la symbiose du groupe. On ne regrettera sur aucun titre de ce disque une prévalence mal placée d’un des instruments de ce trio. Tout fonctionne merveilleusement bien ensemble. La guitare, la basse, la batterie et les voix de Simon et Luc se muent en un fleuve qui conflue vers une cohérence absolue. On sent que rien n’est laissé au hasard, autant l’aspect rythmique qu’harmonique. Ambergris tente de lier l’indie-pop et l’ombre grunge des nineties, et y parvient grâce à la cohérence décrite plus haut.
Chercher à affirmer ses influences tout en s’affirmant soi n’est pas une chose aisée. C’est pourtant ce à quoi est parvenu Avions avec son dernier album, déversant une myriade d’hymnes pop-rock au fil de ses 34 minutes. Un peu plus d’une demi-heure de mélodies imparables et de riffs percutants, qui non seulement peuvent nourrir notre nostalgie musicale adolescente (à satiété, n’en doutez pas un instant) mais aussi nous filer une patate d’enfer. Avions est un disque débordant de fougue et d’énergie, varié et cohérent. Le groupe continue d’exploiter la brèche intimiste ouverte sur leur précèdent EP. Se faisant, il vient subtilement saupoudrer de douceur son indie-rock débridé. Tout cela fait d’Avions un disque hautement intéressant qui est à retrouver – sans surprise – chez Howlin’Banana, Teenage Hate Records et HVIV Records.