Encore plus corrosif donc, MNNQNS revient avec un deuxième album très attendu et qui ne déçoit pas. The Second Principle est foudroyant, l’énergie débordante du groupe encore bien présente, mais se déverse sur d’autres flancs. Plutôt que de suivre les courants, ils préfèrent former le leur, tout en évitant la dérive vers le revival de revival. Toujours là où il faut être mais jamais là où on les attend, ils aiment se moquer du Rock tout en dépoussiérant son image. Plongée dans le second opus d’un des groupes les plus excitants du moment.
The Second Principle est sorti le 22 Avril dernier. Un peu moins de trois ans après la déferlante Post-Rock Body Negative, disque à l’esthétique intransigeante, noyau Pop recouvert de guitares épineuses, 12 pistes d’une élégante brutalité qui avaient permis aux rouennais de MNNQNS d’asseoir une solide notoriété de groupe à suivre absolument. On comprend donc l’enthousiasme qui s’était créé à l’annonce d’un deuxième album, et ils ont frappé fort. En effet, rare sont les groupes à se réinventer dès le second effort. Ici, MNNQNS vire de bord. Pas complètement, mais suffisamment pour surprendre et non pas raviver la flamme, mais en allumer une nouvelle.
Le son du groupe s’est, pour ainsi dire, étoffé d’arabesques, de spirales et de motifs aux lignes sinusoïdales. Bien que quelques ondes d’influence psychédéliques s’étaient déjà glissées dans leurs morceaux par le passé, ici cela s’est transformé en direction artistique pleinement assumé. L’utilisation poussée d’un matériel nouveau à très certainement ouvert la voie à cette mue esthétique. Les synthétiseurs se sont effectivement imposés sur les guitares, sans les remplacer toutefois. L’exemple le plus significatif est certainement l’onirique Massive Clouds Ahead. Les nappes atmosphériques de synthés créent une ambiance délicieusement dreamy, une échappée aux envolées mélodiques qui prennent aux tripes. Il y a également Pacific Trash Patch et son mantra d’arpeggio complètement hallucinatoire, son solo de guitare noyée dans la Fuzz et ses lignes de chant aux mélodies transcendantales. Le tout semble se terminer sur un badtrip dans un grand-huit de fête foraine sous champis.
Le groupe s’est également laissé flirter avec des mouvances expérimentales et presque bruitistes par moment. Notamment sur Pyramid, interlude instrumentale énigmatique d’une minute-trente. Ou encore sur Ultraviolent Ultraviolet, Noise-Rock lo-fi digne des premiers enregistrements de Beck ou encore Ty Segall. Brute, triturée, oppressante. Rythmes angulaires et voix modifiées hantent ce morceau qui ne cesse de muter pour terminer en tempête sonore ultra-massive. Une chose est claire, MNNQNS se permet tout, jusqu’à la destructuration totale de ses morceaux. Preuve encore sur Harpoon, tout vrille sans qu’on ne s’y attende vraiment, joyeux bordel dissonant et nivelé parfait pour un pogo haletant, et c’est un régal.
D’un autre côté, ces accès truculents et sauvages permettent au groupe de renforcer cette fougue qui ne les a pas quitté. Toujours aussi déflagrant, électrique et sans concession, le son du groupe, ainsi que les textes, sont toujours aussi acérés. MNNQNS n’a rien perdu en ce sens. Il est indéniable que le Post-Rock presque Stoner de Eyes of God se voit magnifié par les harmonies vocales et autres canons qui élèvent le morceau dans les couches supérieurs de l’atmosphère, malgré la lourdeur du son et celle de la section rythmique. Trip psychique noyé dans les échos modulés, échos néo-psychés que l’on retrouve aussi sur Full Circle Back, single ultra-efficace aux allures de roadtrip-song incontestable. Ce morceaux est une pépite au groove infaillible et à la mélodie parfaite. On retrouve un mur de guitares et de synthétiseurs qui cohabitent parfaitement pour étoffer le son à un niveau rarement observé.
Ce qui est également frappant, c’est cette aptitude à écrire des mélodies irrésistibles qui semble s’être encore renforcée sur ce disque. De véritables hymnes Pop sont disséminés partout entre les murs de son. All Jokes Aside a tout d’un tube imparable, good vibes qui semblent venir tout droit des années 70’s, entêtante dans le meilleur sens du terme, harmoniquement admirable. Même chose pour Massive Clouds Ahead si nous devions y revenir, la mélodie est impeccable. Il y a aussi Satellite, Pop-song dopé au Rock, en bref, rare sont les groupes qui, de nos jours, portent un si grand soin et autant d’intérêt à la force mélodique de leurs morceaux. The Second Principle est manifestement plus enjoué que Body Negative, nettement plus coloré, n’en déplaise à la pochette bichrome qui, elle aussi pourrait sortir des années 70.
Enfin, toute l’essence de l’album est enflammée sur l’étincelle flamboyante qu’est Sleeplessly. Quintessence de ce qui s’est développé sur ce disque, ce morceau de plus de 8 minutes ne nous laisse que peu de mots pour décrire ce chef d’œuvre musical. Il pourrait être la conclusion de cette chronique à lui-seul. Dans un équilibre absolu s’enchaînent assommages Post-Rock, envolées psychédéliques et détours expérimentaux. S’alternent dissonances et mélodies merveilleuses, tensions et relâchement, élégance et fougue. Cohabitent guitares, batterie, synthétiseurs, voix en chœurs, cuivres et cordes. Sleeplessly est une échappée émotionnelle et psychique éclatante, de celles qui se sont faites trop rare pendant trop longtemps.
Que dire de plus alors de ce nouvel album de MNNQNS ? Ayant encore affûté leur créativité hors-norme et leur ingéniosité musicale, ses membres nous prouvent avec The Second Principle que tout est encore permis. Ils piochent ci et là dans des dizaines de références tout en apportant leur originalité, ils prouvent également qu’ils ont été capable de se réinventer dès leur second opus. Envoyant valser les tradition tout en respectant leur héritage musical, MNNQNS à décidé de ne se conformer qu’à ses envies, ses idées, et la prise de risque si elle en est, est une pleine réussite. Ils vont là où ils veulent aller et emmerdent les conventions. Merci de nous rappeler que c’était ça, le Rock.
The Second Principle est un album dense, autant brillant que délirant, dans lequel on sent que rien n’a été laissé au hasard.