Nous Étions Une Armée c’est le duo que forment Léo Nivot et Rémi Le Taillandier. Ils ne sont pas inconnus de La Face B. On les a déjà rencontrés par le passé. Mais je ne les avais encore jamais vus. Et la première fois remonte maintenant à leur venue au Scala Festival. Dans la petite salle, telle une arène miniature pour deux fauves romantiques qui livraient une interprétation émotionnellement chargée. Jusqu’alors, aucun morceau n’avait fuité sur les plateformes, Nous Étions Une Armée distillait ses créations par voie vidéo. Et ainsi l’EP vit le jour : Depuis toujours, j’ai l’impression que ma vie est sur le point de commencer, un titre factuellement long pour un objet sonore peut-être trop court.
On imagine facilement les carnets de Léo Nivot compulsivement noircis par l’encre. Les gribouillis, le sens de la formule activement recherché, la beauté du geste jusqu’au-boutiste, les pages cornées jamais déchirées. Ce qui expliquerait ce titre bien (et/mais) trop long pour entrer sur une pochette. Et pour commencer, pour naître musicalement, il a fallu sortir un premier objet. Un objet dont le duo peut être heureux parent.
Le format court s’ouvre sur cette phrase prologue « Nous étions une armée, ça veut dire : je suis seul. Ça veut dire : je suis seul, mais hier… Et si hier, alors demain, peut-être… Ça veut dire ça. ». Nous étions une armée est prononcée sans musique. Juste la voix nue, a capella. Elle nous susurre l’origine. L’histoire n’est pas secrète. Elle ne le mérite pas.
Rendez-vous prend la suite. Cette course d’un peu moins de trois minutes où Léo Nivot laisse infuser sa poésie romantique. Au sens littéraire, un romantisme qui laisse une place immense à un désir tout en se sachant parfaitement conscient de son impossibilité de l’assouvir.
Ici c’est ce que questionne Léo, il invite à le laisser entrer dans sa vie en sachant qu’il n’arrivera jamais parce que « rien n’arrive quand on l’attend ». Des petits bruits s’échappent telles ceux d’une radio d’antan. Et les machines de Rémi Le Taillandier se font discrètes mais créent une sorte de rythmique de course. « Je t’oublierai » répète Léo, non sans un certain désespoir.
La course se poursuit. Les premières notes pourraient faire penser à Sébastien Tellier et son incontournable Ritournelle – on prend un sacré risque à citer ce morceau ici, on est prêts – mais il s’agit bien de La vie éternelle – ça rime, les gars ! -. Trêve de plaisanterie. Une colère s’invite bien qu’encore retenue. Mais cette image de course dans un champ doré par la lumière solaire nous hante. Le morceau prend son envol dans les dernières secondes où les accords post-rock de Rémi Le Taillandier viennent vrombir, pour enfin rugir.
Et puis Pour plus tard. Le bruit de la mer. Le minimalisme électronique. Une plongée dans la nostalgie douce. Les phrases s’imbriquent. Léo Nivot se joue du mystère. Sans nécessairement chercher du sens, il nous force à nous créer des réponses qui nous conviendraient. Se recréer une zone de confort. La musique est douce.
L’EP s’achève sur Héros, la plus chargée en émotions, Léo Nivot s’implique pleinement, s’il poursuit son parlé-chanté, il finit par hurler. Et si l’on rattache traditionnellement le hurlement à la colère, il n’en est rien. C’est un vrai cri du cœur. Ce n’est pas celui du désespoir. Aucune émotion négative ne se dégage de ce cri puissant qui tient sur deux phrases simples mais si épaisses, intenses « C’est un bonheur trop grand pour moi. Ce sont des larmes de joie, je suis si fier. »
Nous Étions Une Armée a tout donné pour cette première sortie où chaque geste est mesuré, la poésie omniprésente. On y gagne en décharges émotionnelles qui se diffusent dans tout le corps. Les questionnements sur le sens bourdonnent sans jamais obtenir une réponse, l’interprétation est toujours libre et peut-être qu’on s’en satisfait secrètement, comme si chacun se refaisait la chanson avec son secret. On pense parfois aux élégants Baden-Baden – qui commencent à manquer au paysage musical – avec ce beau mélange d’émotions. Et la puissance du live n’est qu’encore plus affirmée. Le duo sait distinguer les deux exercices pour notre plus grand bonheur. Depuis toujours, j’ai l’impression que ma vie est sur le point de commencer est un point d’ancrage. Le reste arrive droit devant.
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