Personal Best : TRAAMS reprend la route

Il y a parfois des surprises qui ne se font plus attendre. Rare sont les groupes à se permettre un quasi silence radio de presque 7 ans, avant de ressurgir des limbes. C’est pourtant ce qu’a fait TRAAMS avec la sortie inespérée de leur troisième disque, Personal Best.

artwork de Personal Best

Le groupe anglais avait en effet appuyé sa pause depuis la sortie en 2015 de Modern Dancing. N’ayant certes jamais annoncé de séparation, ils avaient fini par reconnaître qu’il leur était devenu difficile de noircir les pages et que peut-être l’envie de faire de la musique ensemble s’essoufflait. Malgré cela, et lorsque l’on est nourri par la passion, l’appétit fini toujours par revenir. Dès 2019, Stuart Hopkins se remet à écrire et griffonne deux instrumentaux. Le trio regagne alors l’envie de retourner en studio, mais la pandémie en a décidé autrement, et a obligé la bande à revoir sa manière de travailler, et donc de composer. Tout cela, on le saura plus tard, car hormis deux mystérieux singles en 2020, à nouveau, silence radio. Il aura fallu attendre le milieu de l’été pour voir revenir, comme d’entre les morts, TRAAMS et son Krautrock abrasif.

Mais ce n’est pas tout de créer la surprise, encore faut-il qu’elle soit bonne pour être réellement appréciable. Autant vous le dire tout de suite, la surprise fut très bonne, et surprenante à plus d’un titre. On vous explique.

Tout d’abord, il faut noter que le son du groupe a vraiment muté. On l’a dit plus haut, le Covid a contraint les membres à changer leur manière d’écrire et d’enregistrer. L’impact sur le son du groupe est énorme, mais finalement, se révélera peut-être salvateur. C’est presque comme si on écoutait un nouveau groupe, fraîchement débarqué sur la scène Post-Rock avec un album qui déboîte suffisamment pour sortir du panier de cette scène déjà bien saturée. On retrouve tout de même aisément le Krautrock de Grin, leur premier disque. Sur Modern Dancing en revanche, le groupe avait voulu sortir les crocs. Avec un son brut, abrasif, presque dans la lignée de l’album 1968 de Can, le plus punk des albums de kraut. Pourtant, cela perdait un peu de la saveur que le groupe avait su donner à ses premiers EPs.

Ici, sur Personal Best, le trio est obligé d’enregistrer à bas volume et confiné. Aucun problème. Stuart Hopkins délaissait déjà depuis quelques temps sa guitare pour triturer tout un tas de machines et de synthés. Adam Stock, lui, choisit de se détourner de ses fûts et privilégie l’usage de boîtes à rythmes. Seul Leigh Padley restera fidèle à ses lignes de basse anguleuses et sera, sur ce disque, la colonne vertébrale du nouveau son de TRAAMS. Fini les guitares hurlantes, la voix qui (d)éraille, fini aussi le format couplet-refrain-couplet tassés à coup de pompe sur 3 minutes de morceau. Place aux titres qui prennent leur temps. Même l’intro du disque, l’énigmatique Sirens, nous offre plus de trois minutes d’un éveil auroral et cotonneux. C’est clair qu’après un si long sommeil, mieux vaut ne pas sortir du lit trop vite.

Et pourtant, le soir retombe déjà, dès la deuxième piste. L’effet est indescriptible. Dry, c’est comme réaliser qu’on s’est levé bien trop tard. Le ciel s’assombrit, flash-back, dernier soubresaut de ce que fut le son du groupe. Bien plus assuré en revanche, Dry sonne bel et bien comme une conclusion magistrale. Le son de la guitare et des synthés s’entremêlent, le rythme bat un motorik lourd, le ton est grave, la voix caverneuse apparaît et disparaît entre les larsens. C’est ce qu’on appelle une bonne grosse claque.

Et puis, on réalise qu’au final, tout va bien. Breathe est ce soupir de soulagement. Place à un Krautrock hautement hypnotique et minimaliste que l’on ne quittera plus vraiment du reste de l’album. Cette nouvelle approche est assimilée à la perfection. Ce titre fleuve de neuf minutes, à la linéarité inébriante, se montre pourtant fortement expressif. Les sons englobent l’espace, des drones s’installent, les mélodies sont concises mais si efficaces. La voix de Softlizard s’allie à merveille à celle de Stuart. On la retrouvera d’ailleurs à la fin du disque, chantant des chœurs hantés sur Comedown. Cette dernière a par ailleurs un terrible potentiel pour faire dandiner une foule de krauteux en manque de psychédélisme.

The Light at Night se farde d’une montée en puissance motorik animée par Joe Casey de Protomartyr. Les univers des deux groupes confluent pour former un morceau entraînant et délicieusement vindicatif. Des nappes envoûtantes viennent caresser nos sens sur la douce Sleeper et son instrumentation minimaliste. Soffie Viemose (du groupe Lowly) prête sa voix au morceau. Encore une fois, les mélodies sont splendides, tout en restant efficaces.

Les machines sont entièrement mises à l’honneur sur Shields et ses blip-blop séquencés. Minimaliste encore, mais si on tend l’oreille, les détails sonores foisonnent. Le répétitif et la spontanéité s’allient à merveille, faisant lentement varier le ton du morceau sur ses quatre minutes et quelques. Arrivé à ce stade du disque, difficile de ne pas reconnaître que TRAAMS nous livre quelque chose qui leur est tout personnel. Il y a certes bel et bien leur vision du Krautrock, la décantation des sons jadis explorés sur les précédents efforts. Mais ce qui est sûr, c’est que le trio a su faire de ses nouvelles contraintes une force pleinement maîtrisée.

Il suffira de deux titres comme Hallie et Comedown pour graver leur évolution artistique. Les sons désormais plus angulaires que jamais, l’espace donné à la voix de Stuart Hopkins lui offre la possibilité de s’étendre en mélodies pleines de relief. L’énergie est compacte, presque toujours sur la réserve, le groupe s’est calmé et a soigné son sens de l’expression, de l’émotion.

Qu’ajouter de plus alors ? Vous l’aurez compris, pour nous la surprise de revoir TRAAMS dans les bacs fut réellement bonne. Ce changement radical offre un vent de fraîcheur, on penserait par moment découvrir un nouveau groupes, et à d’autres, on retrouve des bribes encore vives de ce qui nous avait fait accrocher au groupe il y a bientôt dix ans. Une accalmie qui fait du bien, un psychédélisme microdosé, hypnotique et qui sait rester efficace. On notera aussi la participation de guests triés sur le volet qui collent parfaitement au casting et viennent réellement apporter quelque chose aux morceaux sur lesquels ils sont conviés. En bref, un éveil très prometteur.

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