À travers le média qu’est la musique, les artistes preuves ériger de réels univers, tant bien littéraires que musicaux et visuels qui amènent une certaine narration s’étendant sur le temps, au fil des projets et des sorties. C’est notamment le cas avec le duo de l’Ohio : Twenty One Pilots. Depuis plus d’une décennie, avec comme point de départ l’album de 2013, Vessel, le groupe a bâti une entité narrative forte. Mais le moment des adieux et des conclusions est maintenant venu. Et c’est avec son septième album studio, intitulé Clancy, que la formation met fin à une épopée longue et complexe.

Depuis 2015 et l’explosion du groupe avec le magistral Blurryface, le duo de l’Ohio a le vent en poupe et est parvenu à fédérer une communauté dévouée. Il va alors de soi de statuer sur le fait que ce nouvel album fût l’origine de beaucoup d’attentes de la part des fans. Un espoir motivé par la capacité du groupe à se réinventer, à moduler ses influences pour toujours offrir des œuvres surprenantes mais abouties. Clancy suit cette démarche mais nous amène dans une perspective différente. En effet, ce septième album prend le parti d’exercer une sorte de synthèse de son œuvre. C’est en ce sens que l’on retrouve des morceaux teintés d’influences Pop comme sur le très efficace Routines in the Night ou encore le doux et paisible Oldies Station.
Cependant, les traces d’influences qui se retrouvent le plus, trouvent leurs origines du côté du Rock et du Pop Punk. Les titres Next Semester, Midwest Indigo ou encore Navigating en sont des témoins concrets. On remarque cette énergie précisément pensée pour le live, pour une ambiance presque révolutionnaire qui colle parfaitement au contexte de Clancy, à savoir celui de l’émancipation du personnage principal de Dema. Il se dégage de ce septième opus une grandiloquence à mi-chemin entre grandiose et introspection. C’est en cela que repose l’une des forces substantielles de ce nouveau disque : ses nuances.
On peut mettre en avant de nombreux moments de calme palpable qui permettent de donner une toute autre dimension à la musique du duo tout au long de l’album. On peut notamment penser au superbe enchaînement qui comprend Vignette, The Craving (Jenna’s Version) et Lavish. Ce travail sur la dynamique de la tracklist et l’espace qui lui est donné, alliés au talent de composition évident de Tyler Joseph, permet de découvrir un album qui ne contient pas de moment faible ou de vide. De tout son long, Clancy s’écoute sans un instant ressentir la sensation de longueur ou de lassitude. Ce qui n’est pas une mince affaire tant la notion de retrospective des différentes périodes des travaux de Tyler Joseph et Josh Dun se fait ressentir.
On retrouve par ailleurs un Josh Dun plus mis en avant que sur les précédentes sorties du duo comme Scaled and Icy. Malgré cela, c’est bien le frontman de Twenty One Pilots qui demeure toujours l’attraction première. La versatilité de son chant emmène Clancy dans toute sorte de directions qui permettent un réel éclectisme à l’album. On peut particulièrement remarquer la capacité du chanteur à moduler l’intensité de sa voix ou encore à alterner avec un phrasé rappé qui colle à la peau du groupe depuis ses débuts.
Avec ce septième disque, le duo originaire de l’Ohio réussit ce qui s’apparente à un réel et plus qu’honorable tour de force artistique. Tout en clôturant un arc narratif complexe vieux d’une décennie, Twenty One Pilots parvient à ériger une œuvre musicale qui montre une maturité surprenante. Entre narration et introspection, le groupe se montre toujours à la hauteur d’un travail devenu conséquent et presque écrasant. Clancy est une pièce construite d’une main de maître par deux musiciens au sommet de leur art et qui démontrent une nouvelle fois un talent et une créativité singulière.