La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de notre 258ème sélection des clips de la semaine.

Stéphanie Boulay – Je veux pas t’attendre mais je t’attends
Le jour de la sortie de son nouvel album Est-ce que quelqu’un me voit ?, paru le 11 avril dernier, Stéphanie Boulay dévoilait le clip de Je veux pas t’attendre mais je t’attends, dernier extrait d’un disque aussi introspectif que lumineux.
Réalisée par Clara Garcia, avec une direction photo signée Ariane Falardeau St-Amour, la vidéo capte des inconnus en train d’écouter la chanson pour la toute première fois — un geste simple, sincère, qui amplifie la portée émotionnelle du morceau.
Stéphanie l’explique ainsi :
« J’ai fait mes deux premiers vidéos presque seule et je m’y suis présentée moi-même, mais là, je trouvais que c’était le moment d’agrandir le narratif du projet, son lore, vers d’autres personnes. Parce qu’ultimement, faut que le chemin se fasse de moi vers l’extérieur, et que ça s’attache à quelque part. »
Avec ce dernier clip, l’autrice-compositrice-interprète membre des Soeurs Boulay tisse un lien direct entre son « je » et les regards de celles et ceux qui l’écoutent, prolongeant avec justesse le fil fragile et touchant de son nouvel album.
Qualité Motel – Guadeloupe en Beauce (feat. Ivarno)
Retour en fanfare pour Qualité Motel avec Guadeloupe en Beauce, premier extrait dansant de leur troisième album attendu pour le 23 mai. Le quintette derrière Valaire retrouve ici son terrain de jeu favori : faire groover le quotidien avec humour et audace. Porté par la voix chaleureuse d’Ivarno, le morceau oscille entre électro tropicale et nostalgie locale, clin d’œil à cette double Guadeloupe — celle des Antilles et celle, plus improbable, nichée en Beauce québécoise.
Le vizualizer, réalisé par Lil Lonely avec une direction artistique du Studio Ecru, pousse l’idée plus loin encore : entre bal du village et évasion fantasmée, il nous plonge dans une esthétique doucement absurde, où les beats remplacent les palmiers et les chemises fleuries s’invitent sur l’asphalte.
Avec cette mise en bouche, Qualité Motel prouve une fois de plus qu’il suffit d’un bon rythme et d’un brin d’autodérision pour déclencher l’été, même en plein mois d’avril.
Bønanza – C’est pas l’heure de partir
Avec C’est pas l’heure de partir, Bønanza (alias Dominic Pelletier) signe un hymne bouleversant à la perte, porté par une mélodie douce-amère et les mots d’un cœur qui refuse de lâcher prise. Réalisé avec sensibilité par Sacha Roy, le clip épouse la tendresse du morceau lors d’une marche à contresens sous la neige, un peu comme pour remonter le temps. « C’est pas l’heure de partir / J’voudrais qu’tes rêves soient éternels / Que tu vives des millions de soleils » : la répétition entêtante de ce refrain agit comme une incantation contre l’oubli.
Extrait de l’album Y fait froid tout l’tour de la lune (sorti le 28 février 2025), la chanson agit comme une veilleuse dans l’obscur. Bønanza y chante le deuil avec pudeur, et surtout, l’énergie du désespoir. « Tu m’as appris qu’le bonheur se construit / Qu’y faut garder ceux qu’on aime à l’abri », murmure-t-il, comme pour figer un souvenir dans le givre.
Dans un monde où tout va trop vite, C’est pas l’heure de partir nous rappelle de prendre le temps d’aimer, de pleurer, et de chanter — ensemble, encore un peu.
James Loup – J’voulais être grand
Des pics sur ses cheveux violets, une démarche arrogante et un poster de Zidane dans sa chambre, James Loup est de retour avec le plus beau clip de sa carrière (co-réalisé par lui-même). J’VOULAIS ÊTRE GRAND résonne esthétiquement et auditivement comme une envie d’arrêt total de la croissance. Quand on est petit, on veut être grand, et une fois adulte, c’est l’inverse.
C’est donc dans cet état d’esprit que l’artiste se rebelle, sort de sa chambre et déclenche l’alarme incendie de son immeuble pour s’enfermer dans sa forteresse, en vrai loup solitaire. Il vole des baffles chez les voisins d’à côté afin de créer son cocon : un sound system rien que pour lui, ou peut-être pour l’enfant qu’il était.
Avec son grain particulier, ses jeux de lumières, et en jonglant entre plongée et contre-plongée, James Loup joue avec la sensibilité et la perception inflexible de l’enfant, qui voit tout comme gigantesque, noir ou blanc. Côté production, le mélange de grosses basses et de synthés électroniques ajoute de l’hyperactivité et de la folie à ce personnage aux picots.
Rendez-vous le 13 juin pour la sortie de son EP 50% POUR MAMAN.
Babysolo33 – Giulietta
Après une séance shopping, retour à la maison. Perchée dans la skyline d’une ville plongée dans la nuit, Babysolo33 nous offre un single introspectif à sa façon. Giulietta est bien loin des titres à l’humeur vengeresse tels que Jenny. Ici, l’artiste bordelaise essaie de trouver la paix et s’enferme donc dans sa cabane moderne perchée.
En gardant des formules ironiques, comme lorsqu’elle joue avec les différents lieux de sa ville « pour les Capu’ je suis une frappe, pour les Chartrons j’suis une plouc » elle ne perd rien de la cohérence de son écriture. De même pour ses clips, qui se greffent à une esthétique brumeuse et vont toujours de pair avec sa typographie chic, en italique et fine. Elle y projette sur le mur de son appartement des vidéos d’elle, petite.
En polissant petit à petit son style, Babysolo33 nous rend impatient·e·s de connaître la suite de sa recherche d’une paix avec l’enfant intérieur. Elle attend l’été, nous, on attend juste de le passer avec ses titres.
MRCY – Wandering attention
Le duo londonien MRCY nous avait fait vibrer l’année dernière avec son premier magistral Volume 1. Le voici déjà de retour avec un Volume 2 dont Wandering attention est extrait. Un morceau sur la quête de soi, l’émancipation mais qui nous rappelle aussi qu’on ne change jamais vraiment.
La voix soul enveloppante de Kojo Degraft-Johnson est sublimée par la prod riche et précise de Barney Lister. Une orfèvrerie essentiellement organique, avec quelques touches électro déjà entendues sur Volume 1, composée de guitare, batterie, percussions, piano, clavier, basse tous joués par Barney lui-même, et aussi la flûte, des saxophones, une trompette et un trombone.
Le morceau est mis en images par Béni Masiala, déjà aux manettes du précédent clip Man. La vidéo alterne des plans sur lesquels on devine / observe les MRCY depuis le judas d’une porte, et des plans directs avec Kojo au micro et Barney entouré de matériel de mixage et portant des pancartes avec les principaux messages du morceau.
L’écoute de la soul éclectique hyper soignée que Barney Lister et Kojo Degraft-Johnson savent si bien créer est toujours un plaisir. Un son à la fois réconfortant, saisissant et qui réussit à chaque fois le pari de l’évidence : donner l’impression d’avoir toujours fait partie de nos classiques. Rendez-vous le 30 mai pour découvrir la suite !
Folk bitch trio – The actor
Espérons que 2025 marque enfin le moment où les Folk Bitch Trio prendront leur envol avec un EP, ou peut-être même un album. Depuis 2022, le groupe a partagé des morceaux d’une rare beauté, chacun portant sa propre lumière. The Actor se présente comme une nouvelle étape, plus aboutie, plus profonde.
La première écoute est comme une respiration suspendue : douce, calme, traversée d’une tension discrète, mais palpable. Les harmonies vocales s’entrelacent avec une fluidité envoûtante, nous entraînant dans leur tourbillon sans que nous en soyons pleinement conscients. C’est un équilibre subtil entre fragilité et force, une danse où chaque geste semble aussi délicat que déterminé.
Une douceur tangible nous invite à pénétrer l’univers du groupe, sans que nous en ayons pleinement conscience. Cette balade sonore ne cherche pas à nous séduire par une démonstration ostentatoire ; il murmure à notre oreille, comme une confidence intime, une vérité nue. La beauté qui en émane réside dans cette simplicité, dans cette quête silencieuse de ce qui est pur et authentique.
Un immense merci à ce groupe de partager avec nous cette recherche inlassable du beau. Et, une fois de plus, nous espérons que, cette année encore, d’autres fragments de cette beauté sonore viendront enrichir nos sens.
We are wolves – Horizontal jeans
Changeons parfois de perspective. Nous nous étendons, nous nous laissons aller dans une position plus horizontale. Pas pour fuir, mais pour voir autrement, pour dérégler la vision, pour regarder à travers un autre prisme. Pourtant, cette nouvelle posture n’est pas forcément signe de positivité. Une dualité naît en nous, entre quête et désir, entre ce que nous voulons et ce que nous trouvons. C’est peut-être là, dans ce déséquilibre, que tout commence.
Horizontal Jeans, extrait du dernier album des Québécois We Are Wolves, paru en novembre de l’an dernier, poursuit cette exploration de l’invisible. Il ne cherche pas à expliquer, mais plutôt à se glisser, à se faufiler entre les fissures d’un monde qui se tord, se réinvente. Une recherche qui n’est ni tout à fait claire ni totalement rassurante, mais qui, paradoxalement, fait sens.
Le clip qui l’accompagne prend des airs de South Parket Angela Anaconda : un univers de collages décalés, de visages parallèles et de mouvements presque mécaniques. Nous nous y perdons, comme dans un rêve déstructuré qu’une main invisible aurait dessiné, à la fois simple et déroutant.
Il y a ce Shangri-La qui se dessine là, un peu bancal, un peu flou. Un endroit à nous, qu’il nous faut imaginer avec ses failles, ses échappées. Ce n’est pas un lieu parfait, mais il existe, fait de bribes et de fragments. Parfois, c’est tout ce que nous cherchons : un espace où nous pouvons nous perdre et retrouver une forme de calme. C’est peut-être juste assez, même si nous ne savons pas toujours si nous y sommes vraiment.
Iliona – Ça n’existe pas (colors show)
Ces derniers temps, plus nous avons des nouvelles d’Iliona, et mieux nous nous portons. Deux Olympias annoncés pour novembre (dont un déjà sold-out, Madame!), un album beau à pleurer qu’on continue de faire tourner en boucle (What if I break up with u?) et une série de clips qu’elle a dirigé elle-même pour accompagner le tout.
Manquait-il quelque chose pour compléter ce panthéon du cool ? Peut-être un Colors ? Et bien, c’est chose faite. Cette semaine, Iliona a dévoilé une version live de Ça n’existe pas, seul piano-voix de l’album, dans une interprétation qui, une nouvelle fois, nous donne les frissons.
Ça n’existe pas , c’est une chanson dans laquelle Iliona remonte le fil d’une adolescence abîmée, bouleversée par des plaies qu’elle ne nomme jamais frontalement. Un « trou dans le ventre » qui grandit en silence, un père qui détourne le regard, une mère rongée d’inquiétude, des hôpitaux aux murs aussi ternes que les souvenirs qu’ils abritent. Et cette sensation de solitude immense, quand on n’est plus tout à fait un enfant, mais pas encore un adulte. Quand on commence à voir les schémas à l’œuvre, les blessures familiales, les absences, les failles et qu’on comprend, sans toujours savoir quoi en faire, qu’elles ont déjà laissé leur trace.
Mais plutôt que de sur-analyser, peut-être faut-il simplement se taire, garder une bonne douzaine de Kleenex à portée de main, et laisser Iliona nous conter son histoire au piano.
Lanes – It’s been great
Tout aurait pu dégénérer chez les toulonnais Lanes. Ils étaient au bar entre potes, on aurait pu croire qu’une baston allait éclater et, finalement c’est une belle partie de paintball qui arrive. Et cette dernière s’avère élégante mine de rien. La bande de copains Lanes arrive de manière décontractée sur les lieux, mais en costume s’il vous plaît !
It’s been great, extrait de leur premier EP Puppets to Love (à venir pour la fin du mois) traduit un véritable plaisir de jouer ensemble. Le morceau est lumineux, une énergie positive qui fait plaisir aux oreilles. Ça fleure bon le post-punk contemporain et le côté made in France n’est pas pour nous déplaire !