ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Courrier Sud a dévoilé son EP Garçon Voyage à la mi-avril. À cette occasion, il nous livre les morceaux qui l’influencent.
Ma bibliothèque musicale est un grand patchwork sans queue ni tête : du folklore mariachi en passant par la musique concrète, absolument tout a une chance d’y figurer. Mais si l’on parle de compresser tout ça à 10 titres définissant mon identité musicale, je dois avouer que le choix pourra paraître un brin commun. Mais je crois que c’est ça, une influence fondamentale : de grands axes, auxquels les routes divergentes se fondent lorsque l’on prend de la hauteur.
Heroes – David Bowie
Le plaisir musical doit certainement en partie à la sensation de se voir de l’extérieur, et peu de chansons procurent cet effet aussi efficacement que Heroes de Bowie. Ce n’est donc pas un morceau que l’on peut écouter à la légère, car il dirige immédiatement un projecteur sur l’auditeur. Mais le titre a bon dos, car il croit en vous, croit à l’amour, croit à l’espoir devant un monde fait de murs (de Berlin ????). Musicalement, Heroes mélange une rythmique discrète mais étonnamment Glam-paillette, à laquelle s’ajoute une lead-distorsion sonnant comme si elle arrivait de l’espace. Le meilleur des cocktails.
I’m not in love – 10cc
On presse le bouton play, et les chœurs du morceau remplissent instantanément la pièce où l’on se trouve. L’effet produit ne s’estompe jamais au fil des écoutes et des années. Lorsque le morceau a été produit en 1975, aucun synthétiseur ne produisait ce genre de son. Les 10cc ont fait donc preuve d’un génie absolue en enregistrant leurs chœurs sur un 4 pistes, pour ensuite passer le rendu sur une seule : en recommençant l’opération des dizaines de fois, ils ont obtenu ce son si particulier et l’impression d’une centaine de voix chantant à l’unisson. Une inventivité qu’on aurait tendance à outrepasser à l’heure de la production 100% « in the box ».
Treefingers – Radiohead
Mon nom de scène est une référence au plus célèbre des pilotes, St Exupéry. Paradoxalement, j’ai une peur panique de l’avion. C’est malheureux, car les paysages vus d’un hublot composent le meilleur environnement pour écouter de la musique.
Aussi, le meilleur opium pour ces angoisses d’altitude est la musique Ambient, qui doit être les trois quarts de ce que j’écoute. Je suis tombé dans la marmite grâce à ce morceau de Radiohead, qui sonne comme si personne ne l’avait composé, simplement générée par l’environnement lui-même – et c’est certainement une bonne définition pour l’Ambient.
Fun fact, un vol Montréal-Paris où j’ai écouté Treefingers, un morceau de 3 minutes, en boucle continue pendant 7 heures. A essayer.
Asleep From Day – Chemical Brothers
Dans mon crâne, il y a comme papier peint les publicités Air France réalisées par Michel Gondry, à l’esthétique à la fois paisible et futuriste. En doit certainement à cette bande-son des Chemical Brothers, sonnant vintage et pourtant résolument électronique, la marque de cette période musicale dorée, fin 90 – début 2000 : La guerre froide était finie, internet était plein de promesses et la musique Lounge était un art de vivre.
Ce titre a un effet réellement sédatif, entre un sample de guitare mécanique, une voix absolument magnifique et des échos de percussions indiennes. Ce morceau est à mes yeux la définition même de la recherche du temps perdu, ma madeleine de Proust à moi. De la même trempe : Porcelain de Moby.
The End Has No End – The Strokes
Le titre nous parle de fin, mais il a marqué pour moi un début : En 2005, EDF diffuse l’un des plus beaux spots publicitaires de la décennie, où l’on voit se succéder trente années de la vie d’un citadin. Le spot est accompagné d’une chanson dont le refrain va devenir, du haut de mes 13 ans, un point d’interrogation que l’on peut résumer à ceci : De la musique d’ordinateur, mais avec un son de guitare ?
Cette définition un peu naïve va devenir pour moi un leitmotiv, et je l’ai définie comme ceci : Les guitares jouent en contrepoint, c’est-à-dire des notes individuelles qui, superposées, forment un nouvel accord n’existant pas réellement. Cette formulation un poil maladroite va me faire comprendre qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre musique électronique et rock, et me propulser dans un monde nouveau : celui de la musique classique.
Suite pour violoncelle n.1 en Sol majeur – Bach (interprété par Yo-Yo Ma)
Le contrepoint au plus minimaliste. Peu de choses à dire sur ce morceau, si ce n’est que s’il ne devait rester qu’un titre pour résumer l’expérience humaine, celui-ci serait un sérieux candidat : on voit facilement toute l’histoire passer en accéléré dessus.
If I Ever Feel Better – Phoenix
Quand j’ai quitté ma banlieue parisienne pour atterrir à Casablanca, ce titre a été le compagnon constant de cette nouvelle vie. Encore une fois, la frontière entre électronique et rock se veut floue, avec ce sample absolument génial de guitare accéléré au refrain, tiré d’un morceau de jazz japonais, et qui est le génial secret de ce titre.
Crepuscolo Sul Mare – Piero Umiliani
La chose magnifique avec la musique italienne, c’est qu’elle nous donne l’impression d’avoir une vie parallèle à la nôtre, une vie plus dramatique (et classe aussi, certainement). Encore une fois, un morceau qui fonctionne avant tout comme un moyen de transport : il faudrait presque faire payer un ticket de train pour l’écouter. Si vous êtes un jour bloqué malgré vous en métropole, je recommande.
You Only Live Twice – John Barry
J’aurais pu mettre tous les dérivés de ce morceau, y compris Millenium de Robbie Williams qui le sample et que j’aime énormément. Des violons avec une touche suggérant un orient imaginaire un peu cliché, et un brin de volupté. Voyage.
Pyramid Song – Radiohead
Encore une fois, l’orient imaginaire est là. Que dire ? La batterie jazz à la signature rythmique la plus originale de la pop musique. La sensation de pénétrer au cœur du livre Egyptien des morts. Ce titre a aussi des paroles extrêmement efficaces, simples et surréalistes, et pourtant très claires, posant le décor immédiatement par touche de détails, comme une peinture impressionniste au cœur des pyramides.