À quelques mois de la sortie de son dernier single Hold Him, l’auteur-compositeur-interprète et producteur Jesse Mac Cormack nous a accordé un temps d’échange, café à la main, par un matin clair. Plongée introspective dans un univers tout en sensibilité… en 140 bpm.
La Face B : Hello Jesse ! Je t’ai découvert pour ma part il y a deux ans et pour t’avoir vu en set la semaine dernière, j’ai l’impression que ton style a encore pas mal évolué… Tu peux m’en dire plus sur ton cheminement ?
Jesse Mac Cormack : Alors, oui ! En 2015, j’ai commencé par sortir des EP plutôt acoustiques, dans un style soul, indie, alternatif… J’ai toujours été un grand fan de Radiohead et j’ai vraiment fusionné avec cet univers-là. Après ça, la pandémie est arrivée et je me suis retrouvé seul derrière mon ordinateur, sans studio, sans instruments. De ça est né quelque chose de plus électronique qui m’a mené à l’album bien intitulé… SOLO !
Cette voie que j’ai empruntée était assez naturelle et maintenant… C’est ce que je fais ! Enfin, pour l’instant. Évidemment, si j’avais mille vies, j’explorerais mille possibles.
La Face B : C’est vrai qu’on sent vraiment ça pendant tes sets, ce désir de pluralité, de polyvalence…
Jesse : C’est sûr, et puis c’est tellement dur de choisir ! Il faut s’obliger, se forcer à prendre une direction – sinon je ne choisirais jamais rien et me retrouverais toujours à faire mille choses !
La Face B : Sur scène justement, tu as fait un choix, celui d’être solo. Est-ce qu’il y a des moments où tu laisses tout de même entrer d’autres énergies dans ce que tu créés ?
Jesse : Oui, à travers les feats ! C’est très courant dans « la musique moderne »… Je pense qu’on m’a un peu poussé dans cette direction-là, le label m’y a encouragé… Et finalement, j’ai continué, et j’en fais d’autres. Mais il faut que ce soit naturel ! Ce n’est pas évident de trouver cette connexion-là, c’est question de timing, de rencontres… Comme pour Tinder, un peu.
Plein de fois, j’ai essayé des choses avec des gens et ça ne donnait rien ! Soit eux n’aimaient pas, soit moi… C’est comme une histoire de matchs !
LFB : Je vois ! Pour rebondir sur cette notion de connexion à l’autre, je me demandais quel était ton rapport à la danse, au corps ? Je pense à « Blue World », dont la première version s’écoute vraiment de façon posée, alors que la seconde a quelque chose de tellement organique, qui donne un irrépressible besoin de bouger ! On entend ça sur pas mal de tes titres, cette chose très pulsatile qui résonne avec l’envie de se déployer dans l’espace. C’est calculé ?
Jesse : Mon désir était de faire des spectacles qui appelaient véritablement au mouvement, à l’énergie d’une foule… Je pense que l’essence de la musique électronique, c’est vraiment ça ! Par contre, je ne suis pas un crowd-pleaser, là pour faire le show, mais je transmets cette énergie par le son, dans une dynamique introspective…
LFB : Et à vrai dire, c’est sûrement cette introspection qu’on perçoit quand tu es sur scène qui permet à nous, spectateurs, de rentrer dans notre propre bulle, notre propre énergie…
Ma vision du set idéal, c’est ça. C’est ce moment où la foule se met à bouger entre elle, et où moi, je ne suis presque même plus là ! Je n’ai pas de désir d’incarner spécialement quoi que ce soit, ce qui compte, c’est le son.
C’est comme le fait de se parer en un personnage, c’est une facette de l’industrie de la musique qui ne m’appelle pas du tout, devant laquelle je me sens toujours un peu clueless… Chez un autre artiste, ça peut me toucher, mais pour moi, l’essentiel, c’est la musique.
LFB : Justement, on ressent un grand travail sur la voix, des inflexions très mélodiques.
Jesse : Sûrement. Disons que j’ai beaucoup approfondi le chant, avec des influences allant de Thom Yorke à Frank Ocean, mais en ce moment je travaille à des pièces plus instrumentales, en 140 bpm… Je veux que ce soit le plus dansant possible, que mes concerts soient vraiment un moment de lâcher-prise ! Je pense que les gens commencent finalement tout juste à comprendre un peu ce que je fais, j’ai longtemps été assez peu facile à suivre…
LFB : Malgré le million d’écoutes sur Spotify ?
Jesse : C’est des stats ! Moi je me demande toujours : où est ce million ? Je ne le vois pas ! (Jesse regarde au coin de la rue en souriant)
LFB : Juste, pour revenir à ce tu disais tout à l’heure… Est-ce que ce désir d’être de plus en plus « dansant », c’est un peu en contraste avec le propos ? Je pense au passage sur le rebord de la falaise… Dans un même morceau, il peut y avoir énormément de lumière notamment dans les bridges, comme une forme de noirceur, c’est très troublant…
Je trouve que l’émotion naît beaucoup de ce contraste, mais ce n’est pas quelque chose à quoi je réfléchis. Ça semble être là.
J’aime ces contrastes-là, mineurs, majeurs, les modulations… Oui, c’est vraiment ce qui m’intéresse. La dualité. C’est de là qu’on commence à éprouver des émotions qui nous demandent de nous questionner. Mais c’est pas forcément une question d’intensité incroyable. La vie, il faut que ce soit simple, et ça, le fait d’être père m’a permis de mieux l’envisager. D’être plus down to earth… Avant ça, il y a aussi eu la pandémie, qui nous a privé du monde et des privilèges simples qui semblaient très acquis comme, avoir une vie sociale…
Finalement, entre ça et la paternité, je suis revenu à l’essentiel. Faire de la musique, et trouver l’intensité… Dans les petites choses.