Déployer ses ailes, avec Mei Semones

Pour célébrer l’arrivée de l’été, on vous propose de découvrir le projet d’une jeune artiste, qui parvient à faire rencontrer le jazz, des airs de bossa nova, des accords rock, et parfois pop. Elle s’appelle Mei Semones, et c’est son tout premier album. On vous emmène sur la route de Animaru, un projet singulier avec lequel elle chante notre rapport à la nature, à l’amour, et à soi. 

Animaru pourrait être perçu comme un tableau, ou plutôt une fenêtre ouverte sur une nature flamboyante. Dehors, tout se meut, s’agite, et c’est maintenant à nous de partir à l’aventure. Entrer dans le tableau, enjamber la fenêtre, ou plonger dans la lecture d’une fable ? On vous offre la possibilité de choisir. La fable comporte 10 morceaux, 10 chapitres. De Dumb Feeling à Sasayaku Sakebu, Mei Semones est portée par ses racines, d’origine américaine et japonaise, elle chante sur ce projet en anglais et en japonais. Elle y mêle des registres musicaux variés, qui nourrissent sa musique. Également guitariste, elle s’entoure ici de quatre musiciens : Noah Leong, Claudius Agrippa, Noam Tanzer et Ransom McCafferty

Le morceau Dumb Feeling ouvre l’album, et nous dévoile une première facette de son univers, presque comme une présentation. Dès les premières notes il installe une belle énergie, avec quelque chose d’à la fois aérien et dynamique. Mei Semones utilise à merveille sa voix aiguë qui accompagne le son de la guitare, puis des violons.

On peut ici reconnaître des rythmes et sonorités caractéristiques de la bossa nova, comme celle de la cuica, un tambour au timbre particulier qui nous projette au beau milieu du carnaval. Tora Moyo est un de nos morceaux préférés de l’album, véritable petit feu d’artifice, notamment pour cette référence à la bossa nova et sa mélodie envoûtante et lumineuse. En 2023, Mei Semones accompagnée de John Roseboro, proposait déjà une belle reprise du célèbre titre Águas De Março, intitulé Waters of March. Vous pouvez également retrouver ses influences musicales par ici

Animaru est aussi tissé de mélodies douces et jazz, pareilles à des balades. On peut citer Donguri, sur lequel Mei chante tantôt en japonais, tantôt en français. La voix, épurée et introduite par le son de l’alto, est ici mise en valeur. C’est un réveil qui s’avance à pas de velours, tout en délicatesse. On pense également à l’enchanteur Norwegian Shag. On se laisse allègrement porter, les yeux fermés ou non, alors que les paysages défilent par la fenêtre. 

Nous parlions de “tableau” en ce début de chronique. Effectivement les images sont nombreuses. On perçoit presque le son de la pluie sur l’intro de Zarigani ou en écoutant Dangomushi. Ce qui caractérise cet album, ce sont ces changements de rythme, surprenants, audacieux, et très réussis. Dangomushi est un titre mystérieux. Il s’approche sur la pointe des pieds, on retient notre souffle. Puis le nœud se délie, et on respire à nouveau. Nous sommes comme ramenés dans le réel, les pieds sur la terre, pour repartir de plus belle. 

Animaru, morceau qui donne peut-être son nom à l’album, et signifie “animal” en japonais, a poussé dans le même jardin. Impossible de savoir où Mei Semones nous emmène. On nous bouscule, pour le meilleur. D’abord presque inquiétant et en retrait, un cri du cœur jaillit et se déploie ensuite au beau milieu de la ville. Ce titre aux accents rock est une ôde à la nature, dont nous faisons partie, et que l’on se doit de respecter. 

I can do what I want, nous dit-elle. C’est ce que l’on ressent, cette liberté, de se montrer telle qu’elle est, et de créer véritablement ce qui l’anime. Ce morceau remue de l’intérieur. On a envie de courir, vite. Avec beaucoup de douceur Mei chante “I am going to do this the way I want to do it.” Cette phrase transparaît dans ce titre, mais également dans tout l’album, par une forme de sincérité joyeuse, et évidente.  

Voilà un indice. L’univers singulier de l’artiste est dépeint par la pochette de l’album, petit rat de dos, ailé et entouré de couleurs pastels. On peut aisément rapprocher cette image de la piste Rat with Wings, absurde mais sensible. C’est un morceau rock, mordant, et qui nous ferait presque monter les larmes aux yeux. Parler d’un manque, insensé mais inévitable. Sans saisir toutes les paroles, on perçoit pourtant l’émotion, les émotions, contraires et complexes, qu’elle nous partage.  

Les yeux fermés face au soleil, cette fable se referme sur Sasayaku Sakebu. C’est un murmure qui s’étend durant 6mn, comme une pelote que l’on rembobine, tout doucement. Ou bien comme un décor, que l’on vient démonter délicatement alors que le rideau n’est pas tout à fait baissé, et que les lumières ou les lucioles (pourquoi pas) se rallument dans la salle. Valse ou titre rock ? Peu importe. C’est le moment pour Mei Semones de nous dire au revoir au loin.

“Déployer ses ailes”, en référence à la pochette de l’album, c’est juste, mais également par rapport à la sensation qu’il nous a laissé. Animaru renvoie à un sentiment de légèreté, de liberté, ainsi qu’au tout premier album de cette artiste talentueuse. Tout le travail, les références musicales, et le fait de “grandir” est alors, sous la forme de ce projet, dévoilé au grand jour. Cette plongée dans le grand bassin, Mei Semones la réalise avec brio. On souligne la manière habile dont elle parvient à mélanger les genres, se livrer, chanter en anglais et en japonais au sein d’un même morceau. Cette palette colorée apporte à l’album une singularité, une sensibilité, qui nous a touchés. En équilibre sur un fil invisible, Mei Semones nous a fait découvrir son univers poétique et on a déjà hâte d’en savoir plus. 

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