JOKO est de retour avec un EP, I’ve Never Been Good With Words, dans lequel elle explore en musique ses contradictions et son humanité.
Si elle est mythologique et tournée vers l’humanité, on porte tous en nous une boite de pandore. Un endroit où l’on stocke nos histoires, nos faiblesses, nos détresses que l’on cherche à cacher à l’humanité. Une petite boite remplie de maux sur lesquels on n’arrive pas forcément à poser des mots. Un endroit aussi mystérieux que dangereux, qui nous fait peur autant qu’il nous obsède.
On l’approche, on le frôle et on se demande encore et toujours : faut-il l’ouvrir ? Faut-il laisser voir aux autres nos pensées, nos peurs… au final tout ce qui fait qu’on est ce que l’on est. Les choses qui nous construisent autant qu’elles peuvent nous détruire entre de mauvaises mains.
Par timidité, par pudeur aussi sans doute, JOKO avait lancé cette quête du vraie avec Loon, un premier EP aux accents pops et enlevés qui cherchait déjà à parler de ces histoires que l’on vit tous. Et c’est justement à travers les autres qu’elle s’exprimait. En se noyant dans le collectif, JOKO s’autorisait un peu à parler d’elle, cacher dans les ombres qui l’entourent. Seulement, il arrive un moment où il est temps de faire la lumière, d’assumer ce que l’on est autant que le regard des autres, même si il peut faire mal.
Cette étape, ce besoin d’établir un constat humain et véridique d’elle même, de se regarder enfin dans le fond des yeux et de l’âme, JOKO l’établit avec I’ve Never Been Good With Words, un nouvel EP qu’elle portait depuis longtemps en elle et qu’elle nous offre aujourd’hui comme un fruit jamais empoisonné mais plutôt nourri de ses transformations et de ses évolutions.
Le titre peut prêter à sourire, tant on sent que la recherche des mots n’a jamais été aussi importante. À l’écoute de l’entièreté de l’EP, on sent que chaque mot est pesé, cherché, creusé. Chaque histoire gagne ainsi en profondeur, dévoilant une facette différente de la personnalité de JOKO, ouvrant des portes et des clés de compréhensions, autant pour elle que pour nous.
Cette recherche a un impact important sur les productions qui l’accompagnent, comme si les mots et le son jouaient un jeu de miroir et d’écho. Loin de chercher l’uniformité, JOKO choisit les aspérités, les ambiances et la puissance. Si chaque morceau représente une histoire et une étape, alors cela doit aussi se ressentir dans ce qu’ils nous offrent à entendre. Ainsi, que ce soit dans les ambiances lancinantes et atmosphériques de The Knight, dans le côté volcanique de The Kid ou dans l’épure sonore de Mood ou Call Me Back For More… Tout ici se vit comme un tout et décuple les émotions.
On sent la maturité, le besoin de s’affirmer et de s’exprimer pour soi, plus que pour plaire avec les autres. Si Loon était un essai adolescent encore fragile, I’ve Never Been Good With Words prend cette fragilité à bout de bras et la transforme en force.
Ce ressenti explose encore plus dans l’utilisation de la voix. Plus mouvante, plus affirmée, elle joue avec les émotions, nous prend par l’âme pour nous entrainer en voyage, notamment sur 1000 qui joue si finement de cette fausse séduction qu’on semble lui reprocher pour la retourner contre nous au cœur du refrain.
Cette recherche de vérité, et parfois de brutalité, résonne donc dans les sons pour mieux faire échos aux paroles. Car c’est finalement ce dont il est question ici depuis le départ : une quête de sincérité à travers les mots qu’on n’utilise pas toujours à bon escient. Quand la sensibilité est trop forte, les mots jaillissent souvent de manière indomptable et incontrôlée. Et c’est aussi ce dont il est question dans ces cinq titres : se dompter soi même pour mieux vivre avec les autres.
Cela se ressent particulièrement dans deux morceaux : Tout d’abord The Knight qui ouvre l’EP comme on ouvre un journal intime. JOKO se confie sur son vide intérieur (celui qu’on a au final tous en soi) et de cette carapace qu’elle forme au point de souvent rejeté les autres et de se retrouver seule, faute de confiance et de sentiment de sécurité.
Le second est Mood, qui porte définitivement bien son nom. Ici la carapace explose et entre les larmes, les failles s’ouvre. C’est le morceau le plus bouleversant et vrai qui nous est donné à écouter. On y voit une personne remplie de ses doutes et de ses contradictions, qui cherche plus que tout à vaincre ses peurs et à retrouver la paix, sa paix intérieure.
Entre temps, on retrouvera 1000 doigt d’honneur bien senti aux attentes, aux fantasmes et aux saloperies de certains qui prennent souvent les femmes comme des proies tout en leur reprochant leur agissement. Une manière pour Iris de mettre définitivement les points pour les i et d’expliquer qu’elle peut être elle même sans qu’on la juge et qu’on mette sur son comportement des interprétations malvenues.
Enfin The Kid résume parfaitement tous les paradoxes exprimés dans les précédents morceaux. Une clé de compréhension parfaite et une sorte de point final qui nous explique qu’on peut être vrai tout en étant mouvant et perdu.
Avec I’ve Never Been Good With Words, JOKO s’offre une nouvelle étape plus profonde dans sa carrière. Ici elle met des mots sur ses maux et s’affirme comme une artiste aussi forte techniquement qu’humainement. Une chose est certaine, elle peut s’attendre à ce qu’on l’appelle pour plus.