On avait découvert Distractions – par un hasard qu’on va qualifier d’orienté – il y a sept ans au Pop-Up du Label, simplement attiré sans en savoir beaucoup sur eux. Et pour cause, il existe une appétence pour le secret chez Distractions qui marque une volonté de s’effacer au profit d’un collectif. Faire que l’important soit porté par le projet en tant que tel et non par ses constituants. On retrouve chez Distractions une structure mélodique forte qui s’appuie sur des textes qui ne le sont pas moins, une poésie presque viscérale qui s’inspire de notre quotidien et qui nous transporte dans une intimité que l’on fait souvent sienne.
Avec leur premier album, Siècle, leur paysage musical jusqu’alors plutôt sombre s’est éclairci en privilégiant les teintes d’une aube naissante à celles d’un crépuscule tombant. De Rosé à Mais comment se comprendre, Distractions nous livre dans son album douze capsules sonores incroyables qui réussissent à fusionner harmonieusement leurs lignes mélodiques et narratives. Quand Saturne s’allie avec Jupiter, les morceaux – parfois nostalgiques ou acerbes – trouvent leurs résiliences dans des boucles électroniques imparables.
Juste avant la release party de leur album au Pop-Up du Label, nous sommes allés à la rencontre de Distractions. Dans ce café au bas de la rue Boyer, les images du film Alexandre le Bienheureux d’Yves Robert étaient projetées sur un écran géant en fond de salle. Et si c’était un signe ?
La Face B : Bonjour, une première question qui a toute son importance. Comment allez-vous ?
Distractions : On ressent un vrai sentiment de satisfaction d’avoir sorti cet album. Il a été fait il y a assez longtemps avec pas mal de contretemps, de questionnements. C’est donc autant un soulagement qu’une satisfaction de le voir sortir après ce long laps de temps. Le projet en lui-même est assez ancien. En fait, on est lents à faire les choses parce qu’on s’essaye beaucoup. Il y a chez Distractions un côté un peu erratique qui peut avoir son charme.
Sortir un disque – et surtout un album – c’est toujours un moment spécial parce que cela fige quelque chose, et pas que de façon phonographique ! Ce n’est pas que le fait d’avoir un vinyle ou de la musique sur les plateformes. C’est psychologique, voire un peu philosophique. Cela nous donne le sentiment que cela existe, qu’on ne pourra plus nous l’enlever. Il est au monde. Cela nous ramène à un sentiment presque mystique, celui du plaisir et de la joie d’avoir fait œuvre de création. Le fait d’avoir tout simplement créé.
Qu’ensuite cet objet trouve une écoute, une résonance, c’est encore plus génial. Mais sincèrement, notre état d’esprit, notre satisfaction tient principalement dans le fait d’avoir pu créer quelque chose. On nous a fait des retours enthousiastes, élogieux, de la part de gens dont on ne se serait pas attendu d’avoir des retours. C’est flatteur. On est très content !
Malheureusement pour en revenir à ta question, au-delà de la musique, l’état du monde est un peu à chier donc ça va, ça vient.
La Face B : Oui, il faut réussir à garder le moral.
Distractions : Il faut être un peu solide. En plus avec ce temps à la con où l’on a l’impression d’être revenu au mois de novembre sans avoir passé l’été… La musique sert à cela. Elle permet d’alléger notre quotidien.
La Face B : Vous avez sorti votre premier album Siècle, il y a peu de temps (début février). Pour autant le projet Distractions existe depuis longtemps. J’ai souvenir de concerts au Pop-Up du Label en 2017 avec des soirées « Comment bien réussir son burn-out ». Quelle a été la genèse de Distractions ?
Distractions : C’était à l’époque la V1 de Distractions qui elle-même avait déjà mis du temps à se formaliser. Au début, c’était parti des textes de Marin. Ça part toujours des textes de Marin. Il en avait un stock assez conséquent et il en a, d’ailleurs, toujours autant. Il ne se posait pas trop la question de les publier. C’était un geste assez intime. À l’époque, on habitait un appart, il était au chômage et l’on s’est dit que ce serait cool d’en faire quelque chose. Ça a commencé comme ça, sur nos temps libres. Lui en avait beaucoup, moi moins.
Tout au début, il récitait les textes sur des instrus que je bricolais. C’était dense et assez lugubre. Marin n’est pas un mec à l’aise à l’oral. C’est un mec de l’écrit. Aussi, il a une façon de réciter les textes – surtout les siens – qui est particulière. Je trouvais ça assez cool, mais tout le monde n’avait pas ce même ressenti. Petit à petit, d’autres personnes sont rentrées dans la boucle en écoutant les maquettes. Et puis, on a fini au bout d’un ou deux ans à être dans une formation à cinq.
Marin, moi, Laurent un vieil ami qui se positionne plus sur la partie Images/DA, Charles qui est aussi un vieux copain qui fait de la musique avec moi et Sandra Nicolle qui est devenue une pote à la voix. La voix, dans Distractions, a d’abord été celle de Marin, puis celles de Sandra et Marin, après celles de Sandra, Charles et Marin. Finalement Marin s’est retiré parce que ça le saoulait. Ce n’était pas hyper évident pour lui.
Je ne voulais pas trop chanter parce que je chantais déjà ailleurs et cela ne me manquait pas. Et puis à un moment, ça a été ma voix trafiquée puis celle de Sandra puis celle de Charles. Il y a eu plein de stades. Enfin à un moment, on s’est dit qu’on allait la jouer plus simple. Ça a donné la V1 de Distractions. On a fait un premier EP et quelques dates. C’était avant le Covid.
La Face B : C’était un EP avec la voix de Marin qui récitait ses poèmes ?
Distractions : Non, c’était déjà chanté. Il n’est jamais sorti. Enfin si, mais on l’a vite remisé. Je ne sais pas à quoi ça tient. Peut-être qu’avec internet et les plateformes, tu peux facilement enlever les choses. Tu ne pouvais pas le faire avant. Il aurait fallu racheter le stock de CD et aller les reprendre aux gens qui les avaient achetés pour les mettre au pilon. Aujourd’hui, on se demande quand même si ce n’était pas un peu con, parce qu’on avait passé pas mal de temps [Rires]. Il y a une partie des morceaux que l’on va reprendre. Mais sur Siècle, on voulait faire de nouveaux morceaux.
La Face B : Il y avait des chansons très bien, Abbesse, Dans le Centre, Sous Saturne…
Distractions : Oui, il y en avait plein. Mais tous ces trucs, finalement… Peut-être que cet EP qui n’est jamais sorti – ou du moins pas longtemps – nous a fait changer de dynamique et d’état d’esprit, nous a fait couper le cordon avec ces morceaux qui nous suivaient depuis déjà trois, quatre ans. On avait besoin de passer à autre chose. Maintenant que c’est fait, on se dit que ce ne serait pas stupide de les reprendre en les réinterprétant pour les actualiser. Si on les avait choisies à l’époque, c’est qu’il y avait une raison, notamment sur les textes. Ce n’est donc pas du tout exclu, voire prévu.
La Face B : Comme Vanves qui est dans l’album et qui a déjà eu plusieurs vies.
Distractions : Vanves, oui, a eu plusieurs vies. Siècle a eu aussi plusieurs vies. Oui, des morceaux comme Abbesse, Soir de Bal, Dans le Centre, ce sont des morceaux qu’on doit se réapproprier. Mais l’idée là, c’était de faire un album en se disant qu’on allait faire un album. Il y avait une unité de temps et de lieu. Cela nous a permis de structurer. Finalement, la partie d’écriture a été assez rapide. On s’est rendu compte qu’on avait de nouvelles envies. C’était une bonne idée parce qu’elle nous faisait du bien. Cela renouvelait le plaisir que l’on avait sur Distractions.
Maintenant que cet album – fait d’un seul geste – nous a forcés à cristalliser beaucoup de choses, ce sera plus facile de reprendre les anciens morceaux et les remettre « à notre propre goût de notre propre jour ». À l’époque, on passait à côté ou, du moins, on se posait moins ces questions. C’est comme si l’on avait rénové un appartement et que l’on s’aperçoit que les anciens meubles y rentrent peut-être encore. Il faut peut-être simplement les peindre. Métaphore bizarre entre BTP et architecture d’intérieure.
« On est passé du vin rouge au rosé »
La Face B : Et que pourrait dire Distractions d’hier à Distractions d’aujourd’hui et inversement ?
Distractions : Distractions d’hier pourrait dire à Distractions d’aujourd’hui : « Ne vous endormez pas ! Ne soyez pas non plus trop pop ». Distractions d’aujourd’hui pourrait dire à Distractions d’hier : « Il faut mettre un peu de rosé dans son vin ! ». Et un peu de Victor Le Masne !
Et l’ancien Distractions dirait quand même au nouveau que les textes sont trop bien, toujours. Les textes tiennent bien le temps.
La Face B : Ce qui surprend à l’écoute de votre album Siècle, c’est la teinte qu’y prennent les compositions. Leurs rendus apparaissent plus solaires.
Distractions : On est passé du vin rouge au rosé. Mais, non. Rosé est un mot que l’on a beaucoup utilisé lorsque l’on travaillait. Et quand je parle de rosé, ce n’est pas la boisson dont il s’agit, mais de la couleur. Plutôt que d’être dans un truc noir, rouge ou bleu profond, on voulait tendre vers quelque chose de plus rose, rosé. Davantage l’aube que le crépuscule. On en avait besoin. On traînait ces morceaux depuis pas mal de temps et l’on commençait à se plomber un peu nous-mêmes. Le contexte n’était pas simple.
J’ai un souvenir précis d’une interview de Phoenix qui disait que leur album Te Amo. C’est un album que l’on aime beaucoup. Pas celui qui a fait le plus fait parler. J’ai l’impression que l’on y retrouve beaucoup de leurs vacances en Italie quand ils étaient gosses, surtout celles des deux frères Laurent et Christian. Ils avaient commencé à le travailler avant les attentats du 13 novembre et ils ont continué après. Ils disaient que le contexte au moment où ils faisaient l’album était tellement rude qu’ils avaient ressenti le besoin d’aller vers quelque chose de très naïf, très solaire, très estival. Comme une réponse qui peut paraître salutaire.
Finalement – en se gardant de faire des comparaisons, car ce n’est pas le même contexte – notre quotidien était suffisamment plombant pour avoir envie d’un truc plus doux. Même si se faire du mal c’est important, histoire de se secouer, de s’automaintenir dans un état d’alerte ou de colère. Être affûté. Mais c’est bien d’apprendre à être bienveillant avec soi-même.
On a mis pas mal le curseur côté rosé, côté solaire parce que finalement la suite de Distractions est cette espèce d’équilibre entre ses deux versions. C’est ce que l’on se dit maintenant que l’album est sorti. Il y a des morceaux sur le disque qui sont à l’équilibre comme Aussi Loin, Vanves, Siècle ou encore Comment se comprendre. Le solaire pop nous faisait du bien et c’est très bien ainsi. Il est probable qu’il faille prendre le « meilleur » des deux périodes pour arriver peut-être à faire le meilleur de Distractions.
La Face B : Le côté solaire se vit également au travers du thème du voyage qui est omniprésent, comme dans le texte de Rosé ou les touches musicales japonisante de Pacifique.
Distractions : Pacifique et Atlantique forment un diptyque et sont des morceaux qu’on ne se serait pas permis de faire à une certaine période. Mais qui, là, nous font beaucoup de bien. Pourtant, il y avait des velléités de ça dans la V1 de Distractions mais ce n’est jamais sorti. On sentait que cela nous ferait du bien d’avoir un morceau avec moins de textes et plus de climats. Et ça, on aime bien !
Dans un texte de 70 pages de Marin, on a pris deux phrases et c’est l’instru et la mélodie qui vont faire que les sensations apparaissent. Le thème du voyage a toujours été présent dans les textes. De toute façon c’est un projet qui part toujours des textes. Et c’est très agréable, car je me décharge de cette responsabilité.
« Il y a une musicalité qui vient de la force des images et des rimes »
La Face B : Et la mélodie se cale aux mots.
Distractions : Oui, mais avec beaucoup de travail d’adaptation. Ce sont deux formats très différents. Et aussi, les poèmes de Marin sont particuliers. C’est du ternaire. C’est fleuve, dense et en même temps très musical, mais avec des rimes irrégulières. Pas de rimes en AB AB ou AB BA. Elles existent toujours, mais elles sont mutantes. Ce sont des non sequitur, qui n’ont pas de rapports formels entre elles, mais qui se rapprochent par leurs sons en s’inscrivant dans le champ lexical global du poème. Il y a donc ce travail d’adaptation, pas toujours simple, mais qui fait partie de la singularité du projet. C’est marrant comme exercice. Marin a beaucoup écouté Ferré chante Aragon et sans le savoir c’est un peu le même genre d’exercice. Sachant qu’on n’est pas Ferré et que Marin n’est pas Aragon.
Il y a une musicalité qui vient de la force des images et des rimes. Le travail est de structurer le tout pour en faire des chansons. C’est là où ça a été intéressant d’en faire un disque plus pop et mélodique. Avant on prenait le texte, on le découpait et on créait des refrains. Un bout du chemin avait déjà été fait. Mais pour le disque, on les a systématiquement pensés comme des chansons. On s’est permis quelques libertés sur Aussi Loin, Comment Comprendre ou Vanves où l’on a repris le texte presque en verbatim. C’est un super exercice et qui reste au final assez cohérent. On ne s’y attendait pas trop. Ça fait partie du côté hybride. Il n’est peut-être pas si visible, mais pour nous il a été très important.
La Face B : Les thématiques contenues dans les textes sont fortes.
Distractions : Les thématiques de l’album sont celles des textes de Marin qui viennent de la vie. De la sienne et de la nôtre aussi sinon on ne serait pas liés ainsi. Il y a la notion de décadence, un peu comme la fin de l’Empire romain. L’errance, la quête de sens, la quête d’amour et la sacralisation comme un miracle. Changer l’univers, mais pas au sens « flower power« . Un pas que ferait une personne en direction d’une autre peut tout changer dans la vie de ces deux personnes. Ça, c’est très présent et parallèle à un constat – qui est dit durement, mais de façon poétique – que l’on se casse la gueule et qu’on est dans la merde. C’est un mélange de stoïcisme et de mysticisme.
La Face B : Un désenchantement.
Distractions : Désenchanté, oui, mais en même temps mystique. Tout y passe, l’errance, les échecs, la frustration, la quête de sens. Et à côté de ça, la fascination pour l’Amour avec un grand « A », la fraternité, l’ailleurs, la richesse du monde, les voyages, l’écriture. L’écriture est une thématique dans l’écriture de Marin. Il se questionne beaucoup sur la pertinence de ce qu’il fait. Est-ce que ça sert à quelque chose ?
Et chaque fois que l’on relit les textes, on trouve quelque chose qu’on n’avait pas vu. Au fond, je crois qu’il exprime une quête de sens. Il y a une profondeur que l’on redécouvre à chaque lecture. Je trouve ça génial. J’espère qu’un jour on pourra éditer l’ensemble des textes. On l’avait fait un peu à l’époque. Il y avait eu une version récitée avec un livret qui l’accompagnait.
La Face B : Ce livret avait constitué la première sortie physique de Distractions.
Distractions : Les textes non expurgés, comme l’on dit. Il en écrit moins maintenant, car il se concentre sur d’autres projets. Aussi dur que ça peut être parfois à lire, il t’emmène loin dans ses questionnements.
La Face B : Avec un côté cathartique
Distractions : Cathartique et même parfois un côté « droite dans la gueule », à lui-même, aux autres. Ce qui nous plaît, c’est que c’est entier. Il ne cherche pas à plaire. Il n’y a pas de biais.
La Face B : Que ce soit avec Sandra Nicolle au tout début de Distractions ou avec Camille aujourd’hui, les duos à deux voix (féminine et masculine) font partie aujourd’hui de votre signature musicale. Qu’est-ce que cela permet ?
Distractions : Cela a toujours été une volonté de Marin et Laurent de mettre du contraste dans la forme. C’est un expédient qui est précieux. Tu rentres par la mélodie et peut-être que tu restes pour le texte. Alors que la V1 de Distractions c’était l’inverse, tu rentrais d’abord par le texte et tu restais pour la mélodie.
Avec Camille et Charles, on se rapproche plus du chœur au sens antique, comme les narrateurs ou les conteurs de ces histoires. On en est presque les véhicules. Cela rend le tout plus accessible, moins violent. Et en même temps les textes restent.
« Victor Le Masne Président ! »
La Face B : Sur l’album vous avez travaillé avec Victor Le Masne – qui a réalisé l’album – quel a été son apport sur le rendu de vos compositions ?
Distractions : Franchement, c’est à la fois évident et difficile à décrire. On n’avait jamais travaillé avec un réalisateur de disques – alors qu’on avait déjà travaillé avec des producteurs, des arrangeurs ou des mixeurs (comme avec Apollo Noir). En fait, si c’est bien fait, si ça colle bien, un réalisateur, c’est quelqu’un qui prend ce que tu fais et qui te le rend en mieux sans que tu saches toujours pourquoi.
Ce sont des gens qui ont des partis pris très forts. Un peu comme George Martin pour les Beatles. Il apporte une sorte de liant dans les morceaux, dans la composition. Au lieu d’avoir une matière éparse, il t’en fait un tout cohérent et qui sonne mieux. Comme un réalisateur de film. Le mot est le même en français d’ailleurs. On était curieux de l’expérience, mais on n’avait pas d’attente particulière. Et il s’est passé quelque chose.
La Face B : Le travail était bien avancé.
Distractions : Oui, le travail était bien avancé, mais Victor va travailler les mélodies, la composition, les arrangements. Mais il va faire qu’une espèce de magie opère et qui fait que le tout devient supérieur à la somme de ses parties. Ce n’est plus un couplet, un refrain, un couplet, un refrain, un bridge, un refrain. C’est un nouvel objet. Il travaille presque de façon verticale. C’est dur à décrire. Mais pour nous, il y a eu un avant et un après. Pourtant oui, les chansons étaient là et on aurait pu les sortir en les faisant seulement mixer. Cela se joue à plein de choses qui sont en même temps petites et conséquentes.
Et puis cela nous a permis d’enregistrer à Motorbass. C’est un studio avec beaucoup de caractère qui est extrêmement fascinant. Pourtant, ce n’est ni le plus gros studio du monde ni le plus cher. Victor aime beaucoup travailler là-bas et il a une relation particulière avec cet endroit qu’il sait très bien l’utiliser. Évidemment aussi en collaboration avec Antoine qui en est l’ingénieur du son résident. Il fait partie intégrante de l’histoire de cet album, de même que Louis son assistant. Victor a une connaissance du studio qui a permis de faire que son travail de réalisateur puisse s’exprimer au mieux. C’est un mec que l’on trouve brillant musicalement et qui l’est également humainement.
Beaucoup de réalisateurs de disques disent que leur travail relève à 50% de la psychologie. Il faut gérer les questionnements, les tensions, la fatigue. On a fait tout ça en 10 jours. C’était hyper fort. Il a une patience et une force de travail qui sont déroutantes. Et il est d’un calme et d’une intelligence humaine exceptionnelles. Franchement, c’est une expérience que l’on ne s’imaginait pas aussi fascinante. Quand on voit aujourd’hui sa carrière, on est hyper content pour lui et pas si surpris que ça … On a beaucoup dit : « Victor Le Masne Président ! ». Et c’est comme me demander pourquoi les textes de Marin sont bien ou pas. Par rapport à ce qu’on lui a montré, ça a collé. Il est extrêmement cultivé, il connaît tellement l’histoire de la musique qu’il savait tout de suite où on voulait aller. Et en plus cela lui plaisait.
Même si parfois cela marche bien aussi d’avoir quelqu’un qui ne comprend pas ce que tu fais. Sly and Robbie, qui sont des musiciens jamaïcains légendaires, ont réalisé des disques pour tout le monde, y compris pour Bob Dylan. Pourtant ils venaient de la musique jamaïcaine et surtout du reggae. Et, ça marchait trop bien. Des fois cela marche parce que c’est totalement en décalage. Quand tu appelles un producteur de trap pour le faire travailler sur un groupe de rock, ça peut donner un résultat qui tue. Tout comme quand New Order appelle Arthur Baker pour faire de l’électro alors qu’ils venaient du rock. Le grand écart peut faire que cela marche très bien.
Dans tous les cas, on a un disque qui n’aurait pas été le même sans lui. Et pareil, c’est dur de savoir pourquoi. Pour nous, c’est indéniable. C’est un sacré mec ! Au-delà d’être extrêmement sympathique. Il a une dégaine un peu bourrue avec sa barbe hirsute. On a beaucoup rigolé. Chaque fois qu’on le voit, on rigole à fond. Et pourtant le mec s’enquille des Starmania et a été appelé pour les JO. C’est cool. Peu importe le sujet, il faut savoir reconnaître le génie quand il est là.
La Face B : Tout en restant un peu dans l’ombre. C’est une posture que Distractions affectionne. Il n’y a que Camille que vous mettez en avant.
Distractions : Rester dans l’ombre n’est pas une solution idéale à l’image, mais pour l’instant on n’a pas trouvé mieux. On est plutôt des gens assez pudiques. Notre éducation est ce qu’elle est et notre vécu l’est également. Si cela ne tenait qu’à nous, on n’apparaîtrait pas du tout. Mais comme c’est un projet pop avec beaucoup de voix, il fallait trouver une parade.
Et du coup Camille a accepté de jouer un peu l’égérie. Elle est plus à l’aise que nous sur ces sujets et cela se voit. Nous, quand tu nous prends en photo, on a l’air con. Elle a une formation de comédienne et de la pratique. Marin, Charles, Laurent, moi, on n’est pas comme ça. Je suis le pire, mais Marin, ce n’est pas non plus son délire. Alors dans les images, vidéos et autres, il y a toujours des subterfuges que l’on utilise. Parfois sur les photos ce ne sont pas les mêmes personnes, à part Camille.
La Face B : La semaine prochaine vous avez votre release au Pop-Up du Label. Vous l’avez préparé comment ?
Distractions : On répète, on est obligé de faire sans Charles. On en a pas assez parlé, mais il est le co-compositeur des morceaux. C’est un vieil ami. Et ça a très bien marché avec Victor. Ils ont tous les deux une vraie science de la musique. C’est quelqu’un qui a une formation classique comme Victor. Ils ont eu un super ping-pong dans les idées d’arrangement et de rythmique, de groove comme on dit. Charles est un personnage qui gagne à être connu. C’est difficile de le capter en ce moment parce qu’il est en train de devenir pilote de ligne. C’est très prenant pour lui et ça se passe bien. On ne pourra pas jouer avec lui parce qu’il ne peut pas se libérer. On est obligé de s’adapter comme ça avec Camille. Laurent est à l’image et Marin aux textes.
La Face B : Et sur les prochaines actualités, au-delà du concert de la semaine prochaine ?
Distractions : On va voir ce qui se passe sur l’album. On devrait avoir d’autres concerts. L’idéal serait de se remettre à écrire assez vite en intégrant certaines idées. Continuer à écrire des chansons parce que nous avons encore beaucoup de matières. Et elles n’ont pas de dates de péremption. Tant qu’on a la chance de pouvoir sortir de la musique, des disques, il faut le faire. C’est un privilège et l’on essaye de ne pas l’oublier.
La Face B : Et pour finir, que peut-on vous souhaiter ?
Distractions : La paix dans le monde. Mais ça, je ne sais pas si c’est nous qui allons réussir à faire quoi que ce soit pour, malheureusement.