Depuis bientôt 2 ans, Dombrance transforme les politiques en machine à danser. Si l’idée peut paraitre incongrue, elle est pourtant d’une efficacité sans faille. On a donc décidé d’aller à la rencontre de celui qui réconcilie le dancefloor pour en découvrir un peu plus sur sa personne et son programme.
La Face B : Bonjour, comment ça va ?
Dombrance : Pas trop mal, tant bien que mal (rires). Je m’estime chanceux, privilégié et il faut que je profite de ça même si cette période est angoissante mais pour l’instant j’ai pas à me plaindre.
LFB : Avant de revenir en 2018, tu avais juste fait une sortie en 2005, donc est-ce que Dombrance c’est pas un peu le Soulwax Français ?
D : Je suis très très fan de Soulwax mais je ne sais pas, j’ai voulu garder mon nom quand j’ai recommencé à travailler tout seul, c’était avec The Witch quand j’ai sorti ça chez Kitsuné. C’est un morceau qui m’a un peu changé la vie parce que j’étais dans une période où je ne savais pas trop où j’allais et ça m’a remis sur les rails. Après ce que j’aime bien, c’est d’assumer mon parcours. J’ai fait plein de trucs différents mais ça reste toujours moi. Dombrance c’est un anagramme, c’est un nom qui me plaît et qui ne me plaît pas à la fois. Je me suis beaucoup cherché et j’aime bien que ce nom représente ça aussi. Ça me représente moi, c’est mon double artistique.
LFB : On est dans une époque marquée par la maladie, et il paraît que ton projet est né d’un délire fiévreux ?
D : C’est vrai. J’avais pas fait l’analogie mais c’est vraiment venu sur une journée improbable. J’avais une session avec Léonie Pernet, elle était en retard et j’ai commencé à jouer et quand j’ai joué du synthé j’ai entendu François Fillon et c’est une histoire véridique, il y a la vidéo sur internet. C’est un truc débile et spontané mais en ce moment il se passe tellement de choses dans le monde que ce projet a encore plus de sens aujourd’hui qu’il y a deux ans.
LFB : Le but au départ de faire ça, c’était quoi ? Est-ce que c’est politique, est-ce que c’est punk ?
D : Je pense qu’il y a quelque part en moi l’envie d’être ancré dans une réflexion sociétale mais avec un certain degré de lecture des choses. C’est une combinaison entre l’envie assez pure de faire danser les gens et de faire une musique parfois émotionnelle. Et à côté de ça, le fait d’utiliser les hommes politiques ça me permet de m’exprimer musicalement vu qu’il n’y a pas de texte, sur ce que je ressens à notre époque.
Et puis il y a un nouvel aspect que je n’avais pas prévu qui est le live, la rencontre avec les gens. Depuis la fin du confinement, je vais jouer chez les gens, ce qui est une démarche hyper cohérente avec la musique que j’ai envie de faire. Ce projet me permet de vivre le moment présent de manière hyper positive et de fait mon projet prend encore plus de sens. Le fait d’aller faire la fête avec les gens c’est ce que j’ai envie de développer comme vision de société. Je rencontre des gens qui ont une vision qui me correspond et c’est assez fort.
LFB : Si on est extérieur à la politique Française, c’est hyper dansant, mais en connaissant les hommes politiques il y a toujours une référence, et on ressent quelque chose de singulier sur le morceau Taubira.
D : Tu as tout à fait raison. Et c’est quelque chose que je n’avais pas prévu, c’est-à-dire que quand je fais Fillon pour faire rire mes potes. Quand je fais Taubira, j’exprime quelque chose de complètement différent. Taubira devient presque une muse, c’est quelqu’un pour qui j’ai un vrai respect, et donc je vais délivrer quelque chose de beaucoup plus émotionnel, je ne suis pas que dans la gaudriole. Ce qui me fait le plus kiffer, effectivement quand je pars au Mexique jouer, personne ne connaît Taubira. Les gens sont à fond sur les morceaux mais ils n’ont pas cette notion, ils restent dans la musique.
LFB : On sent qu’il y a quelque chose de mélancolique pour ce morceau là.
D : Exactement. Pour Obama aussi il y avait quelque chose de libératoire. Et au niveau du visuel il y a ce côté lendemain de soirée en cuite, parce que pour moi Trump c’est juste une énorme cuite et c’est ce qu’on voulait faire avec Olivier.
LFB : Tu peux nous parler de la relation de travail avec Olivier Laude ?
D : L’histoire est vraiment très simple, après avoir fait quelques morceaux, il faut vraiment quelque chose de fort visuellement et j’avais le souvenir d’avoir vu des portraits dans le magazine Brain. J’ai appelé un ami qui y bosse et il m’a dit qu’il avait la personne qu’il me fallait. On s’est retrouvés en rendez-vous, on a pris deux pintes et on a compris qu’on s’entendrait bien. Maintenant, j’ai la chance de travailler avec lui et à chaque c’est mon petit plaisir qu’il fasse quelque chose dessus. Je ne pouvais pas rêver mieux, je suis fan de ce qu’il fait. J’imagine un peu ça comme les réalisateurs qui travaillent toujours avec le même compositeur pour leurs films.
LFB : Vous vous donnez des indications l’un à l’autre ou vous cherchez à vous surprendre ?
D : Parfois c’est l’un, parfois c’est l’autre. Ce n’est pas moi qui ai commandé le Poutou nu, on avait discuté de l’envoi du bisou mais c’est tout.
LFB : Pour ton EP Mexicain (AMLO), l’illustration même surréaliste elle est encore liée à la politique. Est-ce que tu n’as pas peur d’être coincé dans un thème politique ?
D : Tant que j’amuse, je m’amuse dedans. Après je fais pas mal de remixes, ce qui permet de sortir pas mal de choses différentes. Quand je vais me lasser de ce projet je pourrais toujours travailler avec David (David Shaw ndlr) pour faire DBFC pour revenir à quelque chose de différent, mais pour l’instant je m’amuse et j’ai encore d’autres idées. On pourrait croire que c’est un piège mais en fait pas du tout, c’est l’inverse. Pour certaines personnes il y aura peut-être un côté fatiguant mais pour moi ça a un côté refuge. Ça va être plus compliqué si je dois faire un guitare-voix. Je suis très à l’aise derrière mes machines, si je dois chanter ça me soule. Je suis bien à balancer mon son et donc tout ce projet même dans son côté minimal, ça m’arrange très bien. C’est un truc très French Touch, si tu prends Daft Punk, Air, ils arrivaient à faire des morceaux très forts avec rien comme texte. Je n’ai pas encore fait le tour donc je m’amuse.
LFB : Est-ce qu’il y a des personnalités sur lesquels tu t’interdirais de parler ?
D : C’est un truc d’inspiration, par exemple Le Pen, je n’ai absolument pas envie de passer ma journée à chanter Le Pen. Je fais à l’envie. Après là j’ai travaillé Trump mais je pense qu’il y a une distance un peu différente.
LFB : Mais faire danser les gens sur des mecs de droite, ça te fait rire ?
D : Oui, ce qui me fait rire, c’est quand les gens découvrent. J’ai l’habitude de faire pas mal de concerts ou de festivals et du coup j’ai l’habitude que les gens me découvrent. Et moi j’adore l’idée que les gens découvrent ce projet dans un état un peu second, ce qui est un peu le cas vers minuit ou une heure. Tu te mets à danser sur la musique qui passe. Sur le projet, c’est un moment créer un truc où les gens pètent un plomb quand ils découvrent.
LFB : Est-ce que tu as envisagé une mise en scène particulière pour le live ?
D : J’ai des idées, mais pour l’instant j’y vais simple. Il y a le costume déjà, il faudrait en parler avec les gens qui sont venus dans le studio parce que j’ai fait un concert marathon dans le studio, on a fait comme si on était en campagne et c’était super drôle. Si jamais il doit y avoir de la mise en scène, c’est juste pour essayer de faire en sorte que la fête soit encore plus dingue, il ne faut pas que ça prenne le pas sur le fait que les gens soient là pour danser.
LFB : Quand tu joues le live, est-ce que tu fais évoluer la setlist en fonction du public ?
D : Pour l’instant je suis sur un show assez précis, mais là il faut que j’insère des nouveaux trucs et j’ai pas mal de passages où je peux improviser entre les morceaux. Déjà ça prend un temps de ouf pour faire en sorte que tout se mixe, donc tu ne peux pas tout changer du jour au lendemain. Je ne suis pas encore Marc Rebillet mais c’est pas la même ambiance.
LFB : On dit que la politique c’est un peu dangereux, est-ce que tu n’as pas l’impression que tes chansons sont un peu dangereuses ?
D : Je crois que quelqu’un a passé Fillon et que quelqu’un dans le public était super énervé. Je n’ai pas encore eu de morts ou d’accidents grave mais j’ai la chance d’avoir un public qui comprend le truc. Il n’y a pas encore eu de drame.
LFB : Là tu sors les morceaux avec parcimonie, est-ce que l’objectif c’est 2022 ?
D : Ce serait bien avant même si ce serait assez logique. Je fais les choses au fur et à mesure et dans le soucis de bien les faire. J’aimerais bien sortir un album mais c’est tellement compliqué en ce moment… J’ai des idées, je pense que le plus important c’est que je me sente libre. Ce que j’aime bien dans ce projet c’est que je me sens artiste, alors que je ne me suis jamais vraiment senti artiste avant. Je me sentais plutôt artisan. Avec ce projet j’ai l’impression de m’exprimer et de créer quelque chose au travers de la musique et donc peu importe le format, le plus important c’est d’être en accord avec ce qui m’entoure. Autant dans les concerts que les nouveaux morceaux, c’est un besoin que j’ai.
LFB : Est-ce que tu as eu des retours des politiques ?
D : Non, jamais. Ils ne se sont jamais exprimés sur le sujet. Je pense que pour quelqu’un comme Poutou, les réactions sont extrêmement positives. Ce qui est marrant c’est d’avoir Poutou et Fillon. Je serais ravi d’en parler avec eux.
LFB : Comment tu vivrais que Poutou utilise ta musique pour un meeting ?
D : Je ne sais pas, ça me ferait marrer. Je l’aime bien, il a un côté poil à gratter. Il ne veut pas être président, il a des convictions et se bat pour ses idées, sans nuance politique. Et c’est quelque chose qui me plaît pas mal parce que c’est pas la mode en ce moment. Il faut se battre avec ses idées.
LFB : Tu t’apprêtes à sortir un vinyle pour Poutou, est-ce que le choix de la chanson est significatif ?
D : C’est surtout qu’il y a des remixes, il y a 6 morceaux. Donc ça se justifie mieux, et ça fait un beau maxi. D’avoir la pochette en vinyle ce sera vraiment sympa.
LFB : Est-ce que tu as des coups de cœur récents ?
D : David forcément. Je conseille tout le temps les albums de Dope Lemon, et Andy Shauf. J’écoute beaucoup de trucs très doux, bien écrits, Mac Demarco tout ça… Je fais de la musique de club et j’écoute beaucoup de trucs tranquilles.
LFB : Est-ce que tu as une face B préférée ?
D : Évidemment, j’ai envie de te dire Echoes de Pink Floyd, la face B de Meddle.