Alors que l’été et son ciel bleu se font encore attendre, une de nos chroniques sommeillait à Paris. On revient sur un album qui nous a séduit il y a quelques mois. On vous parle du dernier album de Entaoine, Contemplation d’une Flaque d’Ennui.
Quelques degrés en moins, une bonne tisane et un moral proche de 0, voilà le tableau. Pourtant l’histoire n’est pas triste, pas tout à fait. Si la pochette de l’album annonce quelque chose d’un peu sombre, on y a vu autre chose ! À travers un projet introspectif et puissamment sensible, Entaoine s’appuie sur une forme de mélancolie environnante, pour explorer des thèmes comme la ville, l’expérience de celle-ci depuis une fenêtre, nos émotions. C’est simple, les frissons sont apparus dès le premier titre de l’album, Misted Windows, et ne nous ont pas quittés jusqu’au dernier.
Misted Windows donne le ton. Sur une prod plutôt lente et un démarrage en douceur, on se projette devant l’encadrement de cette fenêtre, depuis laquelle Antoine contemple la ville. La voix se fait attendre, et se perd dans l’atmosphère particulière du morceau. Quelque chose s’accélère sur la fin, se tord. On perçoit cette ambivalence, celle d’une douceur instable et éphémère.
Ces émotions contraires baignent le deuxième titre Ciel Gris en featuring avec Assassam, un artiste talentueux possédant assurément une belle plume que l’on avait découvert avec Les Heures Perdues. Les mots sont justes ; comment peut-on détester la ville et l’apprécier à la fois ? On aime se perdre dans Paris avec eux, partager leurs doutes, leurs errances et leurs rêves. Ce titre de plus de 7mn, à fleur de peau, laisse l’émotion s’installer, grandir en nous. La pression est parfaitement maitrisée.
Ce qu’on a apprécié dans cet album c’est également les changements de rythme au sein d’un même morceau, la place laissée à l’expérimentation. On ne sait pas où Entaoine nous emmène mais on le suit avec la plus grande curiosité. Derrière Ce Parc en est le fruit. On tend l’oreille pour s’agripper à ses mots. Il nous emmène au cœur d’une histoire d’amour imaginaire, rêvée et déchue. Qui y a-t-il derrière ce parc ? Un cri. Une arme. Un truc qui déraille, puis se brouille. Nos émotions parfois multiples sont à l’image de ces voix qui se superposent jusqu’à se confondre. De colère ou de rage, « Et mon arbre! », hurle le cœur.
Book’s Bursting, porté par une mélodie légère s’emporte également au milieu du morceau. Il prend de l’ampleur, et se transforme. On relève le passage rock à la fin de Falling Leaves Like Tears, tout lâcher et danser sur les tables (un ressenti personnel). C’est surprenant et génial en même temps. C’est un morceau qui met en lumière nos tourments. En les exprimant à son paroxysme, Entaoine les apaise aussi d’une certaine manière.
Là sous la fenêtre, on se surprend parfois à se parler tout seul. Telle une réflexion à voix haute, Entaoine nous conte avec Contemplation d’une Flaque d’Ennui une histoire d’un titre à l’autre. Automne Commun, un morceau qui se rapproche du folk et s’installe doucement avec le son de la guitare, traite d’une séparation avec une grande simplicité et poésie. Digne d’un générique de film, il y a quelque chose d’à la fois osé et de transparent. Une luminosité simple qui se faufile à travers l’ouverture du velux sur une fin d’après-midi. On retrouve cette lueur avec le morceau I Kept In Warm, cette forme d’apaisement. Ponctué par le son de l’accordéon, « Alexandre Dumas » nous répète la voix du métro. Nous y sommes ; il fait froid mais on continue de rêver.
Told Me Lies Can’t Breath est la note finale de cet album. Entrecoupé par des flashs de lumières, peut-être au beau milieu d’une soirée, là où la pensée faiblit et où les couleurs se mélangent. C’est un flou agréable, au cœur duquel on peut se laisser porter.
Contemplation d’une Flaque d’Ennui est un album qui nous a tenu la main en hiver, une douce et belle surprise. On a apprécié rencontrer Entaoine le temps de 9 morceaux, à la fois bien différents et s’esquissant dans une même couleur. Le tableau, celle de la fenêtre, est omniprésent. Un habitacle qui devient un refuge et la source d’inspiration de l’artiste, un endroit familier pour s’interroger. Les sons de la ville viennent teinter les morceaux par instant, ce sont des indices qui nous plongent dans son quotidien.
Le projet n’est ni triste, ni joyeux, simplement à part. Hors du temps, Entaoine parvient à mettre des mots sur nos émotions. C’est une sorte de câlin réconfortant, dans l’immensité du monde, nos regards qui se perdent, Paris. *Rires. On peut tous, d’ailleurs, ressentir cette forme de solitude et d’incertitude, en habitant ou non dans la capitale. Ainsi, on ne peut que vous recommander d’aller y tendre une oreille. Voilà peut être les premiers pas d’un artiste, que l’on continuera à suivre depuis notre fenêtre.
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