Elliott Armen : « J’avais l’occasion d’être hyper spontané »

A l’occasion de la sortie de son EP Disturbance, quelques mois seulement après son 2e album Turbulence, on a eu le plaisir de discuter avec Elliott Armen. Au menu : process de création, magie du live, intuitions, futurs projets. On vous dit tout !

Crédit : Liam Chapman

La Face B : Comment ça va depuis la dernière fois ? (ndlr : on s’était croisé à l’occasion de son concert à Fresnes dans le cadre du Festi’Val-de-Marne)

Elliott Armen : Ça va très bien écoute ! Quelques concerts depuis. J’ai joué à Oignies, c’était très cool. Et j’ai joué aussi avec Claire Days, on a fait un co-plateau à Blois. On jouait au Chato’do. C’est leurs 30 ans, du coup ils ont donné carte blanche à plusieurs artistes et notamment Claire Days qui m’a invité à jouer.

La Face B : Vous faites pas mal de de collabs avec Claire Days !

Elliott Armen : Ouais, je l’ai invitée sur mon album, après on a fait 2 vidéos. Il y en a une qui est sortie là et une autre qui est sortie il y a un an. Et après je l’ai invitée pour ma release party. Et là elle m’a invité à Blois, donc on ouais on se fait des petits trucs de temps en temps !

La Face B : Je voulais te parler de Disturbance, notamment du titre. Pourquoi avoir choisi ce titre-là ? On sent que c’est construit un peu en miroir avec Turbulence, mais en même temps un petit effet loupe, une prolongation. J’ai eu la sensation que c’était un petit peu chaud, plus apaisé. Est-ce que tu peux en parler un peu ?

« Les morceaux évoluent et même ton rapport aux morceaux va évoluer au fur et à mesure »

Elliott Armen : Oui carrément. Je suis assez d’accord. C’est le reflet de Turbulence. En fait, j’aimais bien ce que ça commençait à donner en live. Bon après c’est pas vraiment ce que c’est en live car il y a Liam Chapman en plus (ndlr : le batteur). Et même sur un morceau on est 4, il y a Cal, l’assistant du studio qui est venu jouer de la basse sur Strangers. Mais c’est un truc que j’adore avec les sessions live. Les morceaux évoluent et même ton rapport aux morceaux va évoluer au fur et à mesure. Et comme tu dis, il y a un rapport plus calme à des émotions qui étaient peut-être mises en musique de manière plus brute pendant l’enregistrement de Turbulence.

Je suis fan de Tiny desk par exemple. A chaque fois, je sais pas ce qui se passe avec Tiny desk, mais je trouve que les artistes justement ils viennent avec des propositions vraiment géniales, ça change vachement la version album et tu vois que le rapport au morceau il a vachement changé. Et du coup là c’était le cas, je voulais vraiment réenregistrer Turbulence, Strangers, Couldn’t catch your hand et Red deer, laisser la liberté de le faire vraiment différemment, même dans le choix des instruments. Comme Turbulence où au final, il y avait ce vieil harmonium que j’avais utilisé sur The old house (ndlr : dans le précédent album Turbulence) au studio. Et là je l’ai revu, ils avaient réparé un des deux soufflets. Et j’étais genre trop cool, je sais pas quel morceau faire avec. On a pensé à Turbulence pour le faire, j’ai commencé à essayer de trouver un arrangement. On est partis de là et c’était carrément de l’improvisation.

Et il y a pas que moi pour le coup, il y a vraiment ce rapport au live et je suis avec Liam et avec Youri (ndlr : la violoniste) et on réfléchit, eux aussi sont hyper dedans, on était dans notre bulle et on a carrément changé la structure. Au final j’ai enlevé un couplet et un refrain en fait sur Turbulence. J’ai comme coupé le morceau en 2 et laissé place à un truc plus instrumental. C’était toute une exploration vraiment chouette à faire.

La Face B : C’est presque finalement devenu un duo je trouve avec entre toi et le violon ce morceau. Et puis le fait d’utiliser le violon dans ce studio je trouve que ça donne une coloration encore plus celtique.

Elliott Armen : Carrément. D’autant plus qu’on s’est laissé allé. Youri elle a pas mal fait de trad écossaise, irlandaise, elle adore ça. Moi j’adore ça aussi. On n’est pas allé très loin dans cette DA là sur l’album Turbulence, mais en live, à force de répéter, d’échanger, de parler musique ensemble, c’est venu de plus en plus ces mélodies un peu celtiques et trad. C’était rigolo parce que Youri a posé la question à Peter (du studio : ndlr) et Cal « Est-ce que c’est pas de l’appropriation culturelle ou je ne sais pas quoi ? ». On en discutait, ils sont écossais et ils disaient mais non, pas du tout c’est trop cool, et puis vous êtes là, vous venez en Ecosse c’est une vraie démarche quoi donc on s’en fout. Et du coup on est parti dans ce truc-là, on est vraiment parti pour le faire à fond.

Et ce qui est encore plus cool, c’est que ce n’était pas le violon Youri. Quand j’ai cherché les billets d’avion, en fait tu es obligé de prendre une place pour un instrument. Du coup j’ai demandé à Peter le gars du studio s’il connaissait pas quelqu’un. Et en fait c’est un joueur professionnel qui nous a prêté son fiddle, c’est vraiment un violon très traditionnel pour la trad celtique quoi. Donc il avait aussi cette couleur. C’est un violon qui a connu que de la musique celtique. Ça lui faisait honneur de jouer de cette manière.

La Face B : Carrément. Et je trouve que la coloration que ça donne à ce titre, et finalement à tous les autres réinterprétés est vraiment hyper intéressante. Est-ce que tu peux aussi nous parler des inédits ?

« J’avais pas d’expérience. J’ai fait tout mon album, mais il durait 50 minutes et on pouvait pas faire de vinyle ! Du coup j’étais obligé d’enlever un titre, c’était horrible »

Elliott Armen : Quand je pensais à faire cet EP, cette extension, je me disais que j’aimerais bien mettre quelques inédits dedans. Il y a Everything ascend qui était là depuis le début. J’ai écrit ce morceau, je crois que c’était l’hiver dernier. Je l’avais écrit et produit chez moi, je l’aimais beaucoup. Après, il y a eu Permanence que j’avais écrit au piano. Je me disais que ce serait chouette de faire un petit morceau instrumental. Enfin bref, si j’avais laissé filer j’aurais fait un album peut-être !

Et après j’ai eu une révélation, j’étais là, ah mais il faut absolument que je sorte What does it say ? En fait ce titre, c’est un titre de mon premier album. J’avais pas d’expérience. J’ai fait tout mon album, mais en fait il durait 50 minutes et on pouvait pas faire de vinyle ! Du coup, j’étais obligé d’enlever un titre, c’était horrible. Je savais pas du tout lequel choisir et j’ai enlevé What does it say ? Je l’ai un peu remixé, j’ai rajouté une batterie qu’il n’y avait pas.

Et après, en revenant de l’enregistrement de Disturbance, j’avais quelques dates de concert que j’avais réussi à caler en Ecosse, en Angleterre et au Pays de Galles, mais j’avais un peu de temps. J’ai fait un road trip où je me suis baladé sur les côtes écossaises. Et en fait j’ai écrit le morceau Ghosts. Et j’aimais beaucoup ce morceau. J’avais mon vieil ordi portable que j’ai depuis 12 ans avec moi. Vraiment dessus j’ai absolument rien. Avec moi j’avais 2 micros vraiment pourris. Et j’étais là, ah mais je vais enregistrer là, ce serait chouette. J’ai commencé à l’enregistrer quand j’étais au Pays de Galles, dans un camping dans des montagnes, c’était trop beau. Et en fait je l’ai enregistré avec une couleur un peu LoFi, mais très chaude aussi. C’est la version Logic pro du logiciel de je sais pas combien d’années. Il y a 0 plugin dedans. J’ai tout fait avec ça et je me suis dit que j’allais même pas remixer chez moi. C’était chouette de faire ça sur le moment. Du coup j’ai donc rajouté ce 4e titre.

Des fois t’écris des morceaux et ça sort 3 ans plus tard parce que t’as l’enregistrement, le machin… J’avais l’occas d’être hyper spontané et de mettre ça dans un projet un peu pluriel. Donc autant sauter sur l’occas et me faire plaisir en étant spontané.

« Mon côté spontané, je le garde en studio dans le sens où les morceaux sont écrits […] mais j’arrive en studio, j’ai absolument rien préparé. »

La Face B : C’est une vraie richesse je trouve la spontanéité finalement, parce que c’est là que ça laisse le plus place à l’émotion.

Elliott Armen : Ouais c’est ça. Ça faisait plaisir de pouvoir faire ça. Surtout que moi en plus, je ne fais pas vraiment d’album concept dans le sens où j’écris des morceaux toute l’année. Je me dis pas je choisis un thème pour un album, mais j’écris tout le temps. Et du coup c’est frustrant parce que les choses s’accumulent, je dois faire le tri, ça sort beaucoup plus tard. Il y a pas souvent de spontanéité quoi.

La Face B : Je comprends. Et le fait forcément d’enregistrer en studio, la spontanéité elle est beaucoup moins là.

Elliott Armen : Ouais. Mais mon côté spontané je le garde en studio dans le sens où les morceaux sont écrits donc il y a la structure guitare voix ou piano voix mais par contre, j’arrive au studio j’ai absolument rien préparé. Turbulence, c’est ce que j’ai fait. Je suis arrivé avec les morceaux composés mais j’avais aucune idée de des arrangements. J’ai fait ça sur le pouce pour garder la spontanéité sur l’arrangement.

La Face B : Dans la note de prod, tu disais qu’il y avait 2 morceaux, en l’occurrence Permanence et Everything ascend je crois, qui donnaient la coloration du prochain projet sur lequel tu travailles ?

Elliott Armen : Bah c’est plus une intuition, il y a rien vraiment de prévu. Mais quand j’ai écrit Everything ascend, il y a eu quelque chose de différent avec ce morceau. Ça reste de l’écriture folk pop, mais j’ai l’impression que ça devenait un peu plus lumineux ce que j’écrivais peut-être, un peu plus brillant.

La Face B : Un peu moins dark.

Elliott Armen : Ouais un peu moins dark ! Et aussi à la base beaucoup de piano. Alors c’est vraiment bête la raison. C’est que j’ai récupéré mon piano d’enfance que j’ai mis chez moi depuis février mars, du coup je joue beaucoup beaucoup beaucoup de piano quand je suis chez-moi. Et moins de guitare. Et je m’étais jamais focalisé sur cet instrument, je l’avais juste utilisé pour des arrangements. Sur Red deer surtout, sur l’île de Lewis. Mais là c’est la première fois que je fais vraiment une composition piano voix, et j’en ai déjà pas mal pour le prochain album. Donc j’imagine que ça va avoir un peu la couleur d’Everything ascend, un peu cette direction là. Mais on verra, on sait pas !

Crédit : Michel Le Faou

La Face B : Tu te laisseras guider par tes émotions, ton feeling du moment !

Elliott Armen : On verra. Je me dis je ça maintenant, et si ça se trouve je ferai de la cornemuse, j’en sais rien !

La Face B : Ce serait drôle ! Permanence, c’est un morceau qui m’a vraiment beaucoup touchée. Je le trouve hyper poétique. La première fois que je l’ai écouté, je me suis imaginée sous un ciel étoilé, limite avec une aurore boréale. Et en même temps, je me dis que c’est typiquement le genre de morceau qui pourrait être une BO d’un Miyazaki tu vois.

Elliott Armen : Ah bah c’est le meilleur compliment !

La Face B : J’ai trouvé ça hyper beau, et je me disais que c’était cool en fait que tu fasses des morceaux instrumentaux aussi avec du piano. Est-ce que c’est quelque chose que tu vas un peu faire ? Comme sur ton premier album ?

Elliott Armen : Bah peut-être. Ouais j’ai dans l’idée d’en faire plusieurs je pense qui seront instrumentaux. J’aime bien ce côté-là aussi. Et en jouant après aussi sur une texture, des effets qui englobent le tout. Comme Permanence. J’ai bien aimé travailler ce morceau. Je pense qu’il y en aura un ou deux sur le prochain. J’aime bien aussi que le prochain soit peut-être un peu plus long, plus de titres, mais où tu peux avoir des pauses aussi, moins album à chansons entre guillemets.

La Face B : Qu’est-ce qui fait justement pencher la balance entre le fait de faire un morceau instrumental ou alors d’y ajouter du chant ?

« Généralement, je commence par jouer l’instrument un peu au hasard, je trifouille, j’essaie des trucs. »

Elliott Armen : Bah généralement je commence par jouer l’instrument un peu au hasard, je trifouille, j’essaie des trucs. Normalement il y a une mélodie qui me vient pour chanter la voix. J’essayais des trucs et ça donnait absolument rien. Et au bout d’un moment, j’ai abandonné l’idée d’essayer de chanter dessus, j’avais même pas envie en fait. Je l’aimais bien comme il était. C’était agréable à jouer. Je pense que je sens quand il y a une mélodie, et si je sens pas, faut pas que je rajoute quelque chose dessus.

La Face B : Est-ce qu’à côté de ton projet d’album, t’as d’autres projets en cours ou à venir ? Des collabs avec des artistes ? Autre chose ?

Elliott Armen : Ouais. Il y a un chouette de projet de résidence où je vais avec Youri, Mathieu Fisson, l’ingénieur du son avec qui je travaille, et une artiste finistérienne qui s’appelle Garlonn, qui chante en breton. C’est une invitation de l’Echonova. La résidence de création durera pendant 4-5 jours et on va créer un live en fait. On va reprendre peut-être des morceaux de Turbulence, des morceaux de Garlonn, des chants traditionnels bretons, il y a plein de trucs à explorer. Et après on fait les concerts dans la campagne derrière Vannes. Ça c’est en décembre, c’est très cool. Et sinon je monte un autre projet, mais c’est une surprise !

La Face B : Tu peux pas nous en dire plus ?

Elliott Armen : Je peux rien dire encore, mais ça arrivera bientôt !

La Face B : On va continuer de suivre et d’être à l’affût alors ! Est-ce qu’il y a des artistes, des morceaux ou des évènements particuliers qui t’inspirent en ce moment pour ces futurs projets ?

Elliott Armen : Un peu tout. Chromakopia de Tyler, j’adore aller voir les samples qu’il utilise à chaque fois. Je découvre des groupes que je connaissais pas du tout, des trucs vraiment géniaux. Donc là en ce moment, je fais que ça depuis 3 jours là ! Et j’ai trop hâte aussi de Saya Gray qui sort un album en janvier et qui vient de sortir juste un titre. C’est vraiment du Saya Gray mais version un peu country, ce qui est très intriguant pour la suite de l’album. Elle avait jamais fait ce style-là. Je l’adore, je suis vraiment un immense immense fan. Je la trouve vraiment monstrueuse, en tant que productrice aussi. Elle est vraiment très très très créative. C’est hyper intense. J’ai découvert avec son premier album qui s’appelle 19 masters qui est vraiment un chef-d’œuvre, je le trouve incroyable. Elle a sorti un album par an depuis, ça chôme pas.

« Un featuring avec Saya Gray, je trouverais ça incroyable »

La Face B : Elle est hyper prolifique, un album par an, c’est un peu intense quand même.

Elliott Marmen : Ouais c’est intense, mais au final j’ai fait pareil ! Mais on va faire une petite pause avant le prochain.

La Face B : Du coup j’allais dire le prochain c’est 2025, bah non alors ?

Elliott Armen : Hum, 2025-2026. Je sais pas encore, ça dépend. Mais je pense qu’une petite respiration ça va faire du bien.

La face B : Tu vas retourner encore une fois aux studios de Lewis ou tu sais pas encore ?

Elliott Armen : Non je sais que j’y retournerai pas. Je les aime, je les adore, mais j’ai envie de découvrir autre chose, de me lancer dans une autre aventure. Ma piste pour l’instant c’est peut-être le Canada.

La Face B : Beaucoup plus loin ! Dernière question : Si on pouvait exaucer 3 de tes vœux, ce serait quoi ?

Elliott Armen : Alors attends, je peux réfléchir un petit peu ? Je peux pas être spontané avec une question comme ça ! Avec l’autre projet que je vais faire, ça va être un duo et on est tous les 2 très fans de Saya Gray. Un featuring avec Saya Gray je trouverais ça incroyable. Une première partie… ah, c’est dur. J’allais dire Bjork, et puis après je me suis dit PJ Harvey. Je sais pas du coup.

La Face B : Ça peut être les deux.

Elliott Armen : Ça peut être les deux mais ça m’enlève un vœu ! Bon, première partie de Bjork. Je tranche. Et, Il y a un groupe irlandais que j’adore qui s’appelle The Gloaming. Il y a un peu un mélange de trad irlandaise mais un peu en mode musique contemporaine. J’aimerais trop produire un album avec eux mais en mode on sort du côté full folk, parce que eux ils font que des prises live. Et je produis un album avec eux en mode musique actuelle. C’est des zikos de dingue, et ils chantent en gaélique. C’est très beau. C’est pas mal ? Je suis content avec mes trois vœux ! Vous les exaucez du coup, c’est sûr ?

La Face B : Je sais pas si La Face B a ce pouvoir-là, mais on les fera connaître en tout cas !

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