Entre pop et rébétiko, virage au « premier degré » avec Johan Papaconstantino

Ici, c’est Marseille ! Mais aussi Athènes, Madrid et Los Angeles… Johan Papaconstantino nous fait voyager avec son dernier album Premier degré. Les textes proviennent de l’intime, du sensible qui dépasse les frontières musicales et cartographiées. On se laisse ainsi porté par un entremêlement de musiques traditionnelles grecques, de funk, de reggaeton ou encore de trap.

Johan Papaconstantino pochette

Sur la pochette, est photographié le ventre rond de la conjointe de Johan Papaconstantino. Rond, comme un disque, ajouterait-le musicien. Tout un symbole qui renvoie à un mouvement cyclique, comme, à l’idée de gestation et de création. Un joli clin d’oeil pour le jeune père, lorsque l’on sait que son envie de faire de la musique est liée à la table de mixage et aux albums de son père, d’origine grecque. 

Car l’une des premières influences de ce disque reste l’attachement à la Grèce. Premier degré s’ouvre sur le morceau Intro, marqué, au début, par des trilles jouées au bouzouki. Avant, qu’un piano classique ne vienne créer une atmosphère vapoureuse en se confondant avec des sonortiées futurisques. Puis, on entend des rythmiques de derbouka qui s’entremêlent à ces beat électroniques. Une confusion des sens ou un mélange gazeux que le musicien affirme en chantant : « quand je suis pas clair ».

Heureusement, un rythme à quatre temps, un traditionnel grec, vient remettre un peu d’ordre. Comme si Johan Papaconstantino avait trouvé la bonne formule, le mode d’emploi… quoi que.. Avec le morceau Mode d’emploi, il exprime l’imcompréhension amoureuse, ce sentiment d’être à contre-sens dans une relation. Une situation qui nous laisse de glace.

Glass poursuit cette dialectique amoureuse. Sur un fond de laïkó Johan Papaconstantino évoque la confusion des sens, la confusion mentale et la fusion, d’une rencontre sentimentale. Un instant que vient figé le réalisateur Martin Lazlo. On se trouve au bord de la mer, sur un port de pêcheur entre prosaïsme et mythologie, sous le regard bienveillant de dieux, de hasards, de sirènes et de déesses grecques.

Si les peintures de Johan Papaconstantino appellent à la contemplation, ses chansons invitent, au contraire, au mouvement. On rebondit dans tous les sens avec le titre Rebondit. Un morceau court et efficace par ses airs de musique de club qui fusionnent avec des sonorités funk. Un mélange rythmé et vibrant qui met en avant un aspect très sensuel, voire du domaine de l’éros : « Si je l’attrape, je vous passe les détails. » Cette idée de mouvement qui transparaît dans le disque se compare à une onde féline et sensuelle. En guise d’exemple, l’artiste nous chante un hymne fédérateur intitulé Mon chat danse, en featuring avec Prosper. On ressent quelque chose de fumeux dans ce morceau, comme si le club évoqué précédemment s’était transformé en fumoi où l’on chanterait et danserait du rébétiko.

Premier Degré semble l’album parfait à écouter en ce début de printemps. Car les sonorités paraissent avoir été dorées sous le soleil de Marseille. On vous conseille ainsi le morceau Beau Temps, qui nous donne envie de quitter le gris de Paris pour rejoindre la chaleur et la langueur du Sud. Une ambiance, simple, sans prise de tête et surtout conviviale, à l’image du morceau qu’illustrent Martin Lazlo et Jehane Mahmoud. Le clip sublime, justement, le quotidien d’un après-midi et d’une soirée à passer entre amis.

L’enjeu d’un premier album réside dans l’idée des se montrer, d’afficher, son style voire une certaine homogénité artistique. Mais Johan Papaconstantino affirme avec authenticité son désir d’explorer les styles et les continents. Avec Ça m’époustoufle, en duo avec rad cartier, le musicien s’essaye au trap, en gardant toujours son attachement musical à la Grèce. Le morceau invite à aller de l’avant, à oser : « Le monde est défaillant, fait le différement. » dans un monde contemporain ultra rapide : « En vrai, on manque de temps. »

En collaboration avec Drea Dury, le morceau Dans ma vie flirte avec des consonances ibérique. Sur des rythmes de flamenco, on entend un chant en espagnol qui ne serait pas sans rappeler celui de la chanteuse Rosalía. Le musicien reprend rapidement le rythme, en répondant : « Pourquoi, bébé, tu cries ?  » comme un écho à l’un de ces premiers morceaux. D’autant plus, que les deux tournent autour de l’expression amoureuse. Si la rythmique évoquée fait songer au flamenco, elle rappelle plus généralement les percussions méditerranéennes que l’on retrouve dans le morceau Bricolo

Hamman, aman, aman… ! Johan Papaconstantino nous ponge dans la piscine d’un hammam. Ce qui frappe à l’écoute de Bricolo est une mélodie semblant être jouée par un zurna (un hautbois très aigu joué dans les Balkans et au Moyen-Orient). Des sonorités qui apportent une tension au morceau, comme pour ouvrir le chapitre d’une tragédie grecque. Car, c’est ce que le réalisateur Jehane Mahmoud retranscrit à travers le clip de Bricolo, dont le travail de photographie évoque des peintures orientalistes. Le tableau se situe entre la chaleur et la vapeur d’un hammam. Nous sommes témoins d’une scène de danse autant sensuelle, que mortifère, digne de cette ambiguïté orientale, cette capacité à faire jouer l’ombre et la lumière.

Si Johan Papaconstantino est désormais un artiste-explorateur, à un moment il voulait être Rocker, comme il le témoigne dans un titre éponyme. Ce morceau représente une ode à la nostalgie, à ce sentiment de regret de ne pas avoir pu vivre telles ou telles expériences. Ici, l’artiste passe d’un rêve de gosse à un autre, à la manière d’une vieille télévision que l’on regarderait dans la torpeur d’un après-midi de chaleur et d’été, juste avant de faire une sieste. Musicalement, cela se retranscrit par des sons qui grésillent, qui sautent, et qui nous entraînent.

Parfois dans la vie il faut gravir des collines et être fort, impassible comme une montagne grecque. C’est le message que nous transmet Johan Papaconstantino à travers le titre Tata. « On va y arriver. Va pas angoisser. On a traversé, le plus compliqué » Des paroles réconfortantes qui nous soutiennent avec douceur comme s’il s’agissait d’un proche. Il y a des airs de famille dans ce titre car le musicien Papa invoque des Tata et des Mama, comme l’on soupirerait des « aman, aman ».  

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