Erin LeCount : « La musique fait la plupart du travail pour moi en me présentant aux gens, ce qui me permet d’arriver sans rien à prouver ni à cacher. »

Erin LeCount nous a ouvert une petite fenêtre de son monde pour sa toute première entrevue avec un média français. À 22 ans, la chanteuse anglaise qui produit toutes ses chansons s’impose comme une figure singulière de la pop à suivre de près, avec son univers angélique et cette douceur qui semble désarmer quiconque l’écoute.

Erin ne cherche pas à tout conquérir, elle crée des liens. Elle avance avec justesse, attentive à ce qu’elle construit, sans se laisser happer par le tumulte. Tout s’enchaîne vite pour elle, certes, mais elle garde le contrôle du rythme. Rare dans les médias alors qu’on imaginerait très bien une artiste comme elle enchainer les formats, elle préfère se livrer sur ses réseaux sociaux. Et il en faut du courage pour être vulnérable comme elle le fait. Elle parle de santé mentale et surtout physique en partageant ses épreuves passées, de queeritude, de tout ce qui la traverse avec honnêteté. Ses mots touchent juste. Ils circulent et trouvent un écho chez celles et ceux qui l’écoutent. Autour d’elle, une confiance s’installe, comme un souffle partagé. Et c’est peut-être là que tout se joue : dans ce lien profond qu’elle tisse avec son public qui devient un prolongement naturel de son art. Parler d’Erin, c’est inévitablement évoquer sa communauté, une armée bienveillante et dévouée, où chaque fan a le sentiment de faire partie d’un cercle privilégié. Il était impossible de discuter avec elle sans aborder ce sujet central.

Son EP sorti en avril (on en parle davantage ici) a confirmé tout ce qu’on pressentait d’elle. Une sensibilité à fleur de peau et une écriture poignante. En septembre, Erin LeCount est montée sur la scène de la Maroquinerie pour sa toute première expérience de tournée (sans même passer par la case première partie). Le concert, assez bref, a pourtant laissé derrière lui un écho qui refuse de s’éteindre. Elle se confie sur scène au travers d’une anecdote : un ancien partenaire avait voulu lui faire découvrir la capitale mais elle avait préféré attendre, pour être sûre de garder un premier souvenir à la hauteur de ses rêves. À en juger par ses mots et le sourire qui les accompagne, ce concert lui a offert la plus belle des premières impressions. Elle interprète même un couplet dans un très bon français de sa toute nouvelle chanson pour l’occasion. Devant la salle, la file d’attente semblait tout droit sortie d’un songe : des robes blanches, de la dentelle, des visages impatients, un souffle d’innocence suspendu dans l’air. Ce soir-là, impossible de lui parler face à face. Quelques jours plus tard pourtant, ses réponses sont arrivées sur un Google Doc, aussi sincères que si elle nous avait parlé les yeux dans les yeux.

Depuis notre interview en septembre, Erin a annoncé la suite de sa tournée (sold out) en terres anglaises et américaines et a dévoilé MACHINE GHOST, un son qu’elle décrit comme le morceau qu’elle a toujours voulu écrire. Des moments de flottaisons, de décalage entre son corps et son esprit, vouloir tout ressentir tout en étant incapable de bouger. Son univers musical est empreint de références au corps. L’expression “fantôme dans la machine” fait référence à une idée qui rejette l’existence d’une âme séparée du corps, autrement dit d’un esprit (le fantôme) logé dans un organisme physique (la machine). Sa musique explore le besoin de s’en remettre au divin dans les moments de détresse comme de renaissance, tout en interrogeant son pouvoir. Elle aborde aussi le rapport au corps, (les os, notamment, sont une image récurrente dans son écriture), la sexualité, le doute, les tensions entre technologie, nature et divin, et plus largement tous les bouleversements liés au passage à l’âge adulte.

credit : furmaan ahmed

Version française / English version below

LFB : Tu as sorti un nouveau morceau, 808 HYMN. Peux-tu nous en dire plus sur la création de cette chanson et du clip qui l’accompagne ? On sent une vraie évolution.

Erin LeCount : Faire cette chanson a été une expérience vraiment stimulante parce qu’à chaque écoute je ressentais une montée d’adrénaline. C’était une chanson un peu têtue qui refusait de trop s’éloigner de sa première version. J’ai donc surtout consacré mon temps à soigner chaque détail, chaque choix, pour qu’elle soit la plus aboutie possible. Le clip a été conçu dans le même esprit : tout tourne autour des sensations physiques, de l’adrénaline, du mouvement. Je voulais que la chanson et la vidéo traduisent à la fois la gravité du sujet (le fait de rentrer seule la nuit) et l’audace de dire “fuck you, je peux me défendre si besoin, et je vais en faire une chanson et une danse en même temps”. Il y a quelque chose de libérateur et de puissant dans le fait de devenir aussi bruyante, imposante et théâtrale que possible dans une situation où l’on se sent habituellement impuissante.

LFB : Ta première tournée a eu lieu en septembre, avec un passage à La Maroquinerie à Paris. Qu’est-ce que ça t’a fait de vivre tout ça pour la première fois ?

Erin LeCount : Cette tournée a été la plus belle expérience de ma vie. C’était la première fois que je visitais toutes ces villes et je ne savais pas vraiment comment j’allais vivre le fait de voyager et de découvrir de nouveaux endroits car j’aime la routine et la stabilité, deux choses qui semblent à l’opposé de la vie de tournée. Mais cette expérience m’a fait comprendre que je veux continuer à tourner pour le reste de ma vie. C’est la période où je me suis sentie la plus épanouie en tant que personne, celle où ma carrière m’a paru la plus “réelle”. C’est incroyablement excitant. Les concerts sont pour moi la part la plus précieuse de la musique.

LFB : Beaucoup de tes chansons évoquent le sentiment d’être incomprise, seule ou difficile à aimer. Est-ce que tu penses à la façon dont ces thèmes résonnent aujourd’hui, maintenant que tu les interprètes devant un public aussi engagé ?

Erin LeCount : J’y pense souvent, surtout cette année où les salles ne cessent de grandir à chaque concert. J’ai longtemps cru qu’écrire des chansons issues d’un état d’esprit très introspectif, presque enfermé dans ma propre tête, relevait de l’égocentrisme. Mais ma vision a changé quand j’ai vu à quel point ces émotions pouvaient résonner chez d’autres. C’est assez paradoxal, presque méta, de chanter sur la solitude dans une salle pleine de gens venus justement pour partager ce moment avec toi.

credit : Laura Tonini-Bossi

LFB : Tes fans te ressemblent beaucoup dans leur façon de s’habiller pour tes concerts. Ils deviennent amis entre eux, créent de l’art inspiré de ta musique, se font tatouer, sont très investis. La majorité de ton public est composé de jeunes filles très dévouées, est-ce que tu ressens une responsabilité vis-à-vis d’adolescentes qui t’admirent et s’identifient à toi ?

Erin LeCount : Je me sens incroyablement reconnaissante envers le public que j’ai. Je crois que la musique trouve toujours les personnes avec qui elle est faite pour résonner et j’ai énormément de chance qu’elle ait trouvé celles-ci. Je suis sincèrement admirative quand je les rencontre, ils sont si expressifs, sensibles, créatifs et bienveillants. Ils font de l’art, des cadeaux, des amitiés, des communautés, et je suis honorée de faire partie de cette culture, d’espérer leur offrir un espace où tout cela peut exister. J’aurais aimé avoir quelque chose de semblable quand j’étais ado, au lieu d’essayer d’être détachée et cynique face à tout.

C’est incroyable de voir à quel point ils s’investissent, parce que je mets absolument tout dans les chansons que j’écris et dans les concerts que je donne, et ils me renvoient toujours tout cet amour et cette énergie, autant à moi qu’entre eux. Je ne me vois pas du tout comme un modèle. J’écris beaucoup sur le fait de ne pas avoir toutes les réponses et sur mes propres difficultés à me comprendre. Je crois que c’est justement ce qui crée ce lien entre nous. En revanche, je ressens une vraie responsabilité à protéger ce sentiment de communauté, à être claire sur ce que nous défendons et soutenons et à leur témoigner l’amour et la gratitude qu’ils me donnent chaque jour.

LFB : Es-tu préoccupée par le risque que la relation devienne parasociale à mesure que ton public grandit ? Est-ce quelque chose que tu essaies de gérer ?

Erin LeCount : Je pourrais en parler pendant des heures. Je suis à une période de ma carrière où mon public est encore assez petit pour que je reconnaisse de nombreuses personnes par leur nom et leur visage. J’ai un profond respect, beaucoup d’affection et une immense reconnaissance pour celles et ceux qui viennent me voir, qui grandissent avec moi. Je leur dois tout. Je suis très présente, en ligne comme en personne, parce que j’adore cette proximité, mais je n’ai aucun mal à poser des limites. La relation repose sur un respect mutuel. J’en fais une priorité justement parce que je tiens à eux.

J’ai moi-même vécu des relations parasociales en grandissant, et je les ai connues des deux côtés. Enfant, puis adolescente, quand je chantais déjà en public, certaines personnes (souvent des adultes) pensaient me connaître ou estimaient avoir une sorte de droit d’accès à moi. Ça a été une expérience à la fois formatrice et compliquée pour tout le monde. C’est humain de vouloir se rapprocher de quelqu’un dans qui on se reconnaît, qui semble nous comprendre, surtout quand on se sent seul ou isolé, des émotions que j’évoque souvent dans mes chansons.

Quand on cherche du lien, Internet peut en offrir, mais pas toujours de façon saine. C’est pour ça que j’aime autant les communautés de fans. Lors d’un concert, tu te retrouves entouré.e de personnes venues pour la même raison, et quelque chose se crée, quelque chose qui dépasse le simple fait que je sois une artiste ou une personne. J’apprends à apprivoiser tout cela au fil du temps. J’ai la chance d’avoir une communauté vraiment spéciale, et poser des limites fait partie de la façon dont je protège cette connexion.

LFB : On entend de plus en plus dire que les fans sont la colonne vertébrale de l’industrie musicale et je remarque que de plus en plus de jeunes femmes veulent transformer cette passion en profession, c’est une dynamique que je vois notamment au sein de ta fanbase. Que penses-tu de ce changement et de ces fans qui souhaitent faire carrière dans ce milieu qui a tendance à les stigmatiser ?

Erin LeCount : Les fangirls sont réellement la colonne vertébrale de l’industrie musicale. Les fans en général, mais les jeunes femmes en particulier. Elles comprennent la pop culture, elles parlent ce langage couramment avec leurs ami.e.s et, quand elles se réunissent, elles la créent et la transforment. Ce sont elles qui décident. J’ai un respect absolu pour ça et je serai toujours en faveur des gens qui transforment leur passion en métier, surtout quand c’est quelque chose que leur entourage a pu juger trivial ou “ridicule”. Moi, comme beaucoup d’artistes, j’ai choisi la musique par amour, par passion, en acceptant d’y consacrer toute ma vie, et nous méritons des équipes professionnelles qui reflètent ce même degré de passion et qui s’engagent pour les mêmes raisons. J’ai un compte “HQ” tenu par deux fans, Katie et Mar, qui sont parmi les personnes les plus impressionnantes, créatives, intelligentes et dévouées que je connaisse. Donnez-leur tous les jobs ! 

LFB : Quelle est ta relation avec les réseaux sociaux ? Tu fais partie d’une génération qui a grandi avec et tu les utilises aujourd’hui beaucoup pour promouvoir ta musique et échanger avec tes fans, mais quel impact cela a-t-il sur ton quotidien ? 

Erin LeCount : C’est à la fois étrange, merveilleux et en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, je suis assez en paix avec moi-même et avec le regard des autres pour pouvoir jouer avec cette exposition. Je reste un peu bloquée dans un état d’esprit “Tumblr” : je vois encore mon fil d’actualité comme un moodboard, une sorte de grille thématique. C’est devenu une sorte de musée numérique du monde que je construis, de tout ce que j’aime, de qui je suis et de ma façon de créer, une véritable extension de moi et de ma musique.

C’est pour ça que dès que je pense en termes de “promotion”, ça sonne faux. Je préfère dire que je partage, que je documente. Je partage tout le temps, parfois trop. Quand je suis sur mon téléphone, c’est pour créer, éditer, poster, interagir avec mes fans. Je ne scrolle jamais juste pour le plaisir, je n’envoie presque pas de messages, je n’appelle quasiment personne. Et quand j’éteins mon téléphone, il est vraiment éteint. J’accorde beaucoup d’importance au fait d’être présente. J’ai besoin de créer plus que je ne consomme, sinon je deviens vite très triste. Par contre, il faut vraiment que j’arrête de taper mon nom sur Twitter, c’est une mauvaise habitude.

LFB : Tu as fait de nombreuses vidéos où tu prends le temps d’expliquer en détail le sens de tes paroles. Penses-tu qu’il vaut parfois mieux laisser de la place à l’interprétation, ou qu’il est préférable de s’assurer que tout le monde comprenne vraiment ce que tu voulais dire ?

Erin LeCount : Personnellement, je préfère toujours laisser place à l’imagination, j’aime l’ambiguïté. Mais les réactions que je reçois quand j’explique davantage mes paroles, le processus et ce qu’elles signifient pour moi sont tellement touchantes que je continue à le faire. Les gens apprécient d’en savoir plus sur ce que tu as voulu dire à chaque mot et sur les détails qu’ils avaient manqués. Le meilleur moment, c’est quand tu expliques ton intention et que quelqu’un revient avec sa propre interprétation à laquelle tu n’avais jamais pensé. C’est à ce moment-là qu’il se produit cette rencontre incroyable, où la chanson prend une signification plus vaste à la fois pour toi et pour celle ou celui qui l’écoute.

LFB : Penses-tu que les auditeur.ices s’identifient davantage à des paroles très précises décrivant une situation particulière, ou à des phrases plus vagues et universelles ?

Erin LeCount : Aux deux. Ils font des analyses magnifiques. Ils écrivent des essais sur mes paroles, me donnent des feuilles de paroles annotées, j’ai des classeurs entiers remplis de leurs réflexions et interprétations, ils étudient mes chansons avec énormément d’amour. J’ai l’impression d’écrire en flux de conscience, en tournant autour d’un sujet avec des métaphores et des termes vagues et universels, puis parfois je deviens si émotive que je laisse échapper une phrase brutale et directe. En général, je pars d’un ressenti global, puis je précise le lieu ou le moment où ce sentiment m’a frappée. Étrangement, ce sont souvent les phrases que je croyais très spécifiques qui sont celles que les gens reprennent le plus en concert et auxquelles ils s’identifient le plus. Ça me fait réaliser que ces expériences que l’on croit uniques sont en réalité beaucoup plus communes qu’on ne l’imagine.

LFB : Ta chanson Silver Spoon est inspirée de la rencontre avec quelqu’un dont la vie de famille est très différente de la tienne. Quand as-tu commencé à comprendre que ce que tu vivais n’était pas “standard” ? Te souviens-tu de moments qui t’ont ouvert les yeux ?

Erin LeCount : Je devrais commencer par dire que j’aime énormément mes parents, que je leur suis très reconnaissante pour la manière dont ils m’ont élevée et que nous avons aujourd’hui une très bonne relation, surtout depuis que j’ai grandi. Mon adolescence a été une période difficile et tendue à bien des égards, souvent de mon fait. En entrant dans la vingtaine, en rencontrant des gens, en sortant avec des partenaires, j’ai remarqué certaines différences dans leur manière de fonctionner en tant qu’individus ou en tant que familles, par rapport à la mienne. Silver Spoon parle d’une fête de famille où tout le monde mangeait autour de la table, et c’était juste une ambiance différente de ce que j’avais connu jusque-là.

LFB : Comment étais-tu enfant ou adolescente ? Est-ce que cela a beaucoup changé avec les années ?

Erin LeCount : Je suis passée de l’enfant la plus bruyante, extravagante et théâtrale à une adolescente assez refermée. J’étais toujours dans mon propre monde, “la tête dans les nuages”, et j’avais du mal à créer et entretenir des amitiés avec des jeunes de mon âge, ou à me sentir bien à l’école. J’aimais beaucoup écrire (des histoires et des chansons), j’aimais coder. Ma vingtaine a été beaucoup plus amusante car j’ai remarqué que toutes ces choses dysfonctionnelles ou étranges chez toi deviennent soudain “attachantes” ou célébrées quand tu te présentes comme artiste, que cela soit tes centres d’intérêt, tes vêtements, ta façon de parler. La musique fait la plupart du travail pour moi en me présentant aux gens, ce qui me permet d’arriver sans rien à prouver ni à cacher. Et toutes mes amitiés sont avec des personnes formidables qui apprécient ma compagnie, que je sois bruyante ou silencieuse.

LFB : Le mot “home” (maison) revient souvent dans ton écriture. Où te sens-tu vraiment chez toi ? Qu’est-ce que ce mot signifie pour toi ? Avoir une maison sans vraiment se sentir chez soi est un sentiment très perturbant auquel beaucoup peuvent s’identifier. J’ai remarqué à quel point cette phrase était reprise en chœur lors de ton concert dans Mind the Gap.

Erin LeCount : J’ai grandi dans l’Essex (comté en Angleterre proche de Londres, ndlr), mais ça a toujours eu l’air temporaire et même aujourd’hui je refuse d’aménager ma chambre comme il faut parce que j’ai l’impression que je vais bientôt la quitter, mais j’ai ce sentiment depuis une dizaine d’années. Je suis assez protectrice envers l’Essex, avec tous ses stéréotypes et la manière dont sa culture m’a façonnée, mais je ne supporte pas l’idée de rester trop longtemps dans un seul endroit, quel qu’il soit. Petite, j’aimais l’idée de vivre sur un bateau ou dans une caravane pour pouvoir partir dès que j’en avais envie. En fait, la tournée m’a donné ce sentiment de “home”, les concerts, les hôtels, le mouvement. Je me sens vraiment chez moi sur scène si on peut dire.

LFB : Tu parles aussi beaucoup de ton home studio, ton cabanon de jardin où tu produis toutes tes musiques. À quoi ressemble cet endroit ? Comment l’as-tu aménagé ? Penses-tu que ta musique serait différente si tu produisais ailleurs ?

Erin LeCount : C’est très DIY. Il n’y a pas d’isolation acoustique ni de traitement sonore. C’est un joli cabanon en bois. Il y a une lampe, un ordinateur portable, une petite mais grandissante collection de synthés, un micro d’occasion, et ces fenêtres qui donnent sur le jardin. Je m’y sens plus heureuse que dans un studio, plus détendue.

LFB : Ton esthétique tourne visuellement autour des anges, le blanc, le divin. Penses-tu que ça fera toujours partie de ton univers ou tu aurais envie de changer de style pour marquer chaque projet ?

Erin LeCount : Je pense qu’il y aura toujours un fil conducteur, même si ce n’est pas toujours évident. Ces symboles appartiennent tellement à la période I Am Digital, I Am Divine que j’aimerais qu’ils restent un peu sacrés. La création de nouvelle musique apporte de nouvelles associations, de nouvelles images, de nouveaux thèmes, et je trouve ça très excitant.

En ce moment, l’idée des ailes qui se désagrègent et des plumes qui tombent m’inspire beaucoup, parce que la musique que j’écris semble se délier, se décomposer. Les ailes resteront toujours présentes dans le récit, mais peut-être de manière moins “intacte”.

LFB : Tu chantes sur scène depuis presque dix ans donc tu as commencé très jeune. Comment s’est passée ton expérience dans l’industrie musicale jusqu’à présent ? Était-ce facile de construire une équipe, ou y a-t-il des choses que tu aurais aimé qu’on te dise plus tôt ?

Erin LeCount : Il y a eu des hauts et des bas. J’ai l’impression d’avoir déjà vécu tellement de vies. J’ai grandi en chantant dans des open mics, j’ai été repérée à douze ans pour la télévision, j’ai eu des opportunités grâce à des personnes qui croyaient en moi alors que je n’avais encore rien à montrer, j’ai vécu de très belles expériences avec des gens qui m’ont soutenue et mentorée. Aussi, j’ai eu des expériences où j’ai fait confiance et où les égos ont pris le dessus, des moments où j’ai laissé les promesses, les compliments et la flatterie brouiller mon instinct. Je suis vite passée d’une confiance excessive à une méfiance excessive, au point d’avoir peur de laisser qui que ce soit entrer dans mon “équipe” ou de déléguer du travail par crainte qu’on m’abandonne ou qu’on me déçoive. Aujourd’hui je me sens vraiment bien. Sur le plan personnel comme professionnel, les personnes qui m’entourent sont les meilleures que je puisse espérer. J’ai aussi des proches dans la musique qui m’apportent un soutien précieux. Il est essentiel de partager de la solidarité avec celles et ceux qui évoluent en même temps que toi.

Les conseils que j’aurais aimé recevoir plus tôt : tu peux garder le contrôle de ta carrière tout en reconnaissant que tu ne sais pas tout, fais de ton mieux mais pas au point de te détruire, certaines personnes peuvent être bonnes mais pas forcément faites pour toi, un bon avocat peut changer ta vie, et écoute cette petite voix intérieure qui te signale que quelque chose ne va pas avant qu’elle ne se mette à crier.

LFB : Si tu pouvais passer une journée en studio avec n’importe quel producteur pour observer sa manière de travailler, qui choisirais-tu et pourquoi ?

Erin LeCount : Sampha est la première personne qui me vient à l’esprit. Chaque fois que j’écoute sa musique, j’essaie d’imaginer comment chaque morceau a pu être créé. Comment ça a bien pu commencer dans la pièce : au piano ? Sur l’ordinateur ? Avec un ingénieur ? Est-ce un son de synthé ou tout autre chose ? C’est à la fois frustrant et brillant. Je veux des réponses. Je ressens la même chose avec Sylvan Esso, avec Kate Bush. Avec Jockstrap aussi. Je me souviens avoir entendu Concrete Over Water et m’être mise à débattre auprès d’un ami en me demandant comment une idée pareille avait pu naître en premier lieu. Et bien sûr, la regrettée SOPHIE, une pionnière avec qui j’aurais adoré travailler.


English version

LFB : In September, you released a new song, 808 HYMN. Can you tell us more about the making of that song and the music video ? We can clearly see an evolution.

Erin LeCount : Making the song was exciting because every time I listened I felt the adrenaline of it. It was a stubborn song that didn’t want to change too much from its first version, so most of my time was spent just giving every choice so much attention to detail to make it the best it could be. The video felt the same way. It’s all about feeling in the body, about adrenaline, movement. I wanted the song and the video to capture both the seriousness of the subject matter – walking home at night, and the boldness of saying “fuck you, I can fight if I need to – and I’m going to make a song and dance of it whilst I do”. Something amazing about making yourself as loud and big and theatrical as possible in a scenario you feel so powerless in.

LFB : You recently went on your first tour ever, with a stop in Paris at La Maroquinerie. How was this new experience for you ?

Erin LeCount : Tour was the best thing I’ve ever done. It was my first time in all those cities and I wasn’t sure how I’d feel travelling and being in new places because I love routine and structure whereas touring feels like the antithesis to that, but it made me realise I genuinely want to tour for the rest of my life. It’s the most fulfilled I’ve ever felt as a person, it’s the ‘realest’ that my career has ever felt, it’s so exciting, Shows are the most special part of making music for me.

credit : Laura Tonini-Bossi

LFB : A lot of your songs deal with feeling misunderstood, alone, or hard to love. Do you think about how those themes land now that you sing them to a dedicated audience ?

Erin LeCount : I think about it often. Especially because everytime I play a show this year the room just keeps getting bigger. I used to think writing songs that come from being so wrapped up in my own head were so self indulgent and self absorbed but my mind changed when I saw how deeply other people feel it. It feels kind of meta to sing about feeling lonely in a room full of people who have come to be with you.

LFB : Your fans look a lot like you in the way they dress to shows. They become friends, they make art based on your music, have tattoos, are very interactive. You have an audience of young girls for the majority that are very dedicated, does it feel like a responsibility to have teenagers looking up to you and relating to you ?

Erin LeCount : I feel incredibly grateful to have the audience I do. I always think that music resonates with whoever it’s meant to resonate with and I feel very lucky that it’s found the people it has. I’m in awe when I meet them honestly, they’re so expressive, sensitive, creative and so very thoughtful – you see them making art and gifts and friendships and communities and I’m honoured to be a part of that culture, and to hopefully give them a space to do so. I wish I’d had that as a teen instead of trying to be apathetic and cynical about everything. It’s so cool that they care so deeply, because I do too – I give absolutely everything to the songs I make and to the shows I do, and they always give all that love and energy back tenfold, to me and to each other. I definitely don’t see myself as any kind of role model, I write so much about not having it figured out and about the difficulties I have with myself as a person, and I think that’s actually what they find connection in. I do feel a level of responsibility to protect that sense of community, to be clear on what that community and I stand with and for, and to show them the love and gratitude that they show me.

LFB : Are you concerned about the relationship becoming parasocial as you grow ? Is that something you try to manage ?

Erin LeCount : I could talk about this forever. Because I’m at a cool point where my audience is small enough that I can recognise many people by name and face, and I have a genuine care and respect and love for these people who show up and grow with me – I owe them the world, I’m so active online and in person and it’s because I love it, but I’m not scared of setting boundaries – closeness requires mutual respect, I give it to them, they give it to me. I’m mindful of that because I care. I’ve experienced parasocial relationships growing up and been on both sides of it. I had people – especially adults – who believed they knew me or were entitled to know me when I was still a child / teenager and sang publicly. That was a really formative experience, and difficult for everyone involved. It’s human to want to be close to people that you feel understand you, that you see yourself in, especially if you feel lonely and isolated, which I write about a lot. If you want connection, the internet can breed that in ways that aren’t always good for us – it’s partly why I love fan community so much. When you come to a gig, you’re surrounded by people who came together for a reason and something has resonated there that you have in common – it’s bigger than just me as an artist or a person. I’m figuring it out as I go. I have a really special community and boundaries are a part of protecting that connection.

LFB : We now hear that fans are the backbone of the music industry and I notice more and more girls wanting to turn that passion into a profession, something that I see a lot in your fanbase. How do you feel about that shift and about fans wanting careers in the scene ?

Erin LeCount : Fangirls are the backbone of the music industry. Fans in general, but young women especially. They understand pop culture, they speak that language fluently with their friends and when they come together, they create and shift that culture. They’re the deciders. I have the utmost respect for that and I will always be in favour of people turning passions into careers, especially when it’s something that might have been deemed trivial or silly by their friends, family, peers. Me and most artists pursue a music career from a place of love and passion and willingness to dedicate our entire lives to it, and we deserve professional teams around them that match that level of passion and are in it for the same reason. I have a ‘HQ’ account run by two fans Katie and Mar who are some of the most impressive, creative, intelligent and dedicated people I know. Give them all the jobs.

credit : furmaan ahmed

LFB : What’s your relationship with social media like ? You grew up with it and now use it a lot to promote your music and connect with fans, but how does it affect your daily life ? Has that changed throughout the years ?

Erin LeCount : Twisted and wonderful and everchanging. I am at ease enough with myself and being seen by people to use it playfully now. I am forever in this Tumblr-based mindset of curating a feed like a moodboard, how it looks on a grid, themes. It’s like a digital museum of the world I’m making and everything I love and who I am and how I make, it’s an extension of me and the music. So as soon as I think about ‘promoting’ that feels backwards. I’m just sharing and documenting. Always sharing, borderline oversharing. If I’m on my phone, I’m either editing, sharing, documenting, making, posting or engaging with fans. I don’t ever doomscroll for my own pleasure, I hardly text or call anyone, when it’s off, it’s off. I care about being present and I have to create more than I consume otherwise I feel really sad. I need to stop typing my name into Twitter and shit though, a recent bad habit.

LFB : You made a lot of videos explaining your lyrics, do you think sometimes it’s better to leave room for interpretation, or is it preferable to make sure everyone understands what you truly meant ?

Erin LeCount : I personally always prefer to leave things to the imagination, I like ambiguity, but the responses I get when I do explain my lyrics more and talk about the process and what they mean to me are so lovely that I keep doing them. People appreciate hearing more about them and what you meant by each word, and details they missed. The best part is when you explain what you meant, and someone comes back with their own interpretation that you hadn’t considered, and there’s this amazing moment where you expand what the song means to both you and the person listening.

@erinlecount

the light level analysis of marble arch. if u have alternative interpretations of them u are definitely also correct. this song embodies many many things for me and i don’t think everything needs to be spelled out on the internet ! interpretations are everything ! but these videos are just fun to share #newmusic #singersongwriter #originalmusic #fangirl #femaleproducer #behindthesong

♬ original sound – ven⭐

LFB : Do you find that listeners relate more to very specific, precise lyrics or to vaguer, more universal lines ?

Erin LeCount : Both. They analyse so beautifully. They write essays about lyrics, they give me annotated lyric sheets, I have binders and folders of their thoughts and interpretations of songs – they study it with so much love. I feel like I write in this stream of consciousness way where I will dance around a topic in metaphors and vague, universal broad terms and every now and then get so emotional I just spit out something blunt and quite cutting. I’m usually writing about an overall feeling, and then I get granular and specific about where and when that feeling hit me. Weirdly enough, the lines I always feel are super specific are the ones that people will shout loudest at shows and relate to the most, which makes me think those niche, unique experiences are more likely and common than we all realise.

LFB : In Silver Spoon, you sing about meeting someone whose family life is very different from yours. When did you start to understand that what you were living was not “standard”? Do you recall moments that opened your eyes?

Erin LeCount : I should preface by saying I love my parents very much and I’m so grateful for how they raised me and we have a really good relationship, especially as I’ve gotten older. My teens were difficult years and were strained in many ways, mostly of my own doing, and as I was becoming a young adult in my twenties and dating people, meeting people, there were just some differences I noticed more about how they functioned as people and as units that differed from mine. Silver Spoon talks about a family party where everyone is eating at the table and it was just a different atmosphere than what I’d had before.

LFB : How were you as a kid or a teen ? Did that change much through the years or do you feel the same ?

Erin LeCount : I went from the loudest, most extravagant and performative child to quite an insular teenager. I was always in some kind of world of my own, or “away with the fairies” and I didn’t have a great time with creating and maintaining friendships with people my own age, or being in school. I liked writing a lot – stories and songs, I liked coding. My twenties have been way more fun since I’ve noticed that every dysfunctional or odd thing about you suddenly becomes ‘endearing’ or celebrated when you call yourself an artist – your interests, your clothes, the way you speak or don’t speak. The music does most of the work for me in introducing me to people so I get to show up with nothing to prove and nothing to hide. And all my friendships are with beautiful people that enjoy my company no matter how loud or quiet I am.

LFB : “Home” is a word that is omnipresent in your writing. Where do you feel the most at home, what is home to you ? Feeling like you have a house but not a home is a very disrupting feeling a lot can relate to, I noticed how loud that line was being shouted at your show in Mind the gap.

Erin LeCount : I grew up in Essex, but it’s always felt temporary and even now I refuse to make my bedroom nice because I feel like I’ll be leaving it soon – but I’ve had that mindset for about ten years. I am quite protective of Essex and all its stereotypes and how Essex culture shaped me but I can’t stand the idea of staying in one place for too long, no matter where it is. I liked the idea of living in a boat or a caravan or something when I was little so I could just leave whenever I wanted. Touring felt like home to me actually – shows and hotels and moving around. I feel very ‘at home’ onstage if that’s an acceptable answer.

LFB : You talk a lot about your home studio, your garden shed. How is this place ? How did you arrange it ? Do you think it would affect your music to produce somewhere else ?

Erin LeCount : It’s very DIY. There’s no soundproofing or acoustic treatment. It’s a very nice wooden shed. It’s got a lamp and a laptop and a small but growing collection of synths, a second hand microphone, my laptop and these windows that let me see the garden. I feel happier there than in a studio, more relaxed.

LFB : Your aesthetic is very angel-inspired, do you see yourself sticking with that vibe, or switching it up completely for future eras ?

Erin LeCount : I think I’ll always have a reference to them. A string that laces them through everything I do, even if I’m not wearing them so obviously. They belong so much to the “I Am Digital, I Am Divine” period to me and I’d love that to be quite sacred. Making new music will bring new associations and new images and themes which I think is exciting. I’ve been very interested in the idea of the wings disintegrating and feathers falling from them the more I write music that kind of feels like unravelling and something falls apart. The wings will always be a part of the narrative, just maybe not in tact.

LFB : From what I have found, you’ve been performing for nearly a decade, how has the music industry treated you so far ? Was it easy to build a team, or are there things you wish someone had told you earlier ?

Erin LeCount : It’s been up and down. I feel like I’ve lived so many lives already. I’ve grown up singing in open mics, I was scouted aged twelve for TV, I’ve been given opportunities by people who believed in me when I had nothing to show for it, I’ve had beautiful experiences with people championing me and mentoring me. I’ve also had experiences of trusting people and egos getting in the way, times where I’ve let praise and promises and flattery get in the way of my gut feelings. I’ve quickly flipped between being too trusting at points and too distrusting at others where I felt very afraid of letting anyone into my ‘team’ or delegating any work to people around me in the fear they would leave or let me down. I am in a really good place with that now. Personally and professionally, the people around me are the best I could ever ask for. I have friends in music who bring me so much comfort too. It’s important to have solidarity with the people coming up at the same time as you. Things I wish someone had told me earlier: you can be in control of your career whilst admitting that you don’t know everything, do as much as you can but not at the cost of destroying yourself, people can be good but not necessarily right for you, a good lawyer can change your life, and listen to the quiet voice that something isn’t right before it starts to shout.

LFB : If you could spend a day in the studio with any producer to watch how they work, who would you choose and why ?

Erin LeCount : Sampha is the first person that comes to mind. Whenever I listen I find myself trying to imagine how each song was created. How it possibly could’ve started in the room, was it at the piano? At the computer? Is someone engineering? Is this a synth sound or something else entirely? It’s infuriating and brilliant. I want answers. I feel that way with Sylvan Esso, I feel that with Kate Bush. I feel that with Jockstrap – I remember hearing Concrete Over Water and ranting to a friend about how the hell the idea was conceived in the first place. Of course the late SOPHIE, a pioneer I would’ve loved to work with.

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