Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de Format Court, on vous fait découvrir les EPs qui ont bercé notre été avec Billymaree, Downtown Kayoto, et NewJeans.
Billymaree – BETTER LEFT UNSAID
Malgré un nom d’artiste digne d’un artiste country ayant dépassé le demi-siècle, Billymaree nous plonge en réalité avec son nouvel EP au cœur d’une scène R&B plus rafraîchissante que jamais. Premier projet pour la jeune chanteuse australienne, qui, bien qu’active depuis 2020, a préféré attendre avant de dévoiler en juin dernier le fruit de ces trois années de travail acharné. Une décision mature, qui aura le mérite d’avoir fait de BETTER LEFT UNSAID, ou BLU comme l’artiste elle-même l’évoque, un sans-fautes. 7 morceaux choisis avec soin qui apportent chacun leur pièce à l’édifice réussi qu’est ce projet.
Ce dernier s’ouvre avec OTR, qui nous met tout de suite dans le bain : un dreamy R&B assez lent, une voix de diva en reverb constant, et un BPM plutôt lent. Au moment même où l’on pourrait penser que l’on est tombé sur un énième projet d’artiste émergent sans réelle identité, un rythme DnB discret couplé d’une voix digitale vient chambouler la mélodie jusqu’alors presque berçante – et nos aprioris par la même occasion.
S’ensuivent AROUND ME puis REAL LOVE, aux tons plus rap, sur lesquels on ressent des inspirations évidentes de SZA et de Summer Walker, notamment au niveau de la voix et des thèmes abordés. On perçoit tout de même une volonté de l’artiste de se détacher des codes actuels du R&B et d’imposer sa vision moderne et digitalisée de ce dernier. Retranscrire son univers exactement comme elle l’a imaginé, sans concessions, en incluant à la fois une ballade grattée à la guitare, N@sty, un morceau dansant, Bonnie, et un titre plus sensuel, BRAND NEW.
On relèvera le travail minutieux tout au long du projet autour des transitions entre chaque morceau, tellement fluides que l’on pourrait presque écouter d’une traite les 21 minutes comme s’il s’agissait d’un seul et même titre.
Le maître mot à retenir du projet : cohérence. Bien que BLU soit, des mots de l’artiste elle-même, une collection de freestyles et de choix plus expérimentaux les uns que les autres, ses vocalises presque angéliques et l’esthétique bleutée surprenamment perceptible autant par la cover que par les sons lient le tout pour nous offrir un de nos projets préférés de l’année.
NewJeans – Get Up
Avis aux détracteurs de la K-Pop, il se pourrait bien que l’on ait finalement trouvé le groupe qui vous y rende moins allergique. Une esthétique vintage et des sonorités américanisées au possible, tel est le combo gagnant qui a permis au phénomène coréen NewJeans de s’imposer comme le groupe à suivre. Ce girlgroup, qui s’inscrit dans la (longue) lignée d’artistes dont la carrière a été propulsée en grande partie par TikTok, a dévoilé en juillet dernier son second projet, Get Up.
Ce dernier fait suite à un premier EP éponyme sorti l’année d’avant. La recette reste similaire : un format ultra-court de 12 minutes pour aller droit à l’essentiel. Peu de place pour des ballades langoureuses; ici, rythmique endiablée et sonorités édulcorées sont de mise.
À peine le premier morceau, NewJeans, lancé, on ressent directement une volonté de se démarquer des groupes de K-Pop traditionnels. Personne ne le dit mieux qu’elles même, il est “Time to step out”. Un objectif peu original à vrai-dire, mais qui a le mérite d’être cette fois-ci atteint, et ce dû notamment à l’incorporation d’éléments provenant d’une diversité remarquable de styles musicaux tout au long de l’EP.
En effet, après un premier titre au rythme de la 2step, le second s’ouvre étonnamment sur de la Drum n Bass. Supershy, de son nom, est sans aucun doute le hit du projet. Un refrain entraînant et addictif, point fort du groupe que l’on retrouvera dans chaque morceau présent au sein de l’EP. Lui succède ETA, plus extravagant, dont les trompettes retentissantes nous laissent penser qu’il aurait toute sa place dans un club des années 2010. Une prise de risque moins lisse que le reste, que l’on salue et qui nous séduit tout autant.
Jolie surprise, l’interlude Get Up, sur laquelle on ressent le travail d’Erika de Casier, créditée en tant que parolière sur le projet, qui insuffle une touche enivrante de R&B permettant d’éviter une pop indigeste. Impossible de rester insensible aux entêtants ASAP et Cool With You, qui viennent compléter le projet et affirmer l’identité de la proposition musicale du groupe : dépasser les limites du genre jusqu’alors très strictes et explorer de nouveaux univers musicaux.
On n’irait pas jusqu’à vous vendre du rêve en vous promettant des paroles dignes d’une poésie baroque ni même des harmonies hors du commun, car ce n’est ni ce que NewJeans revendiquent, ni ce qu’on attend d’elles. À la place, un projet simple et agréable à écouter, sans prétention aucune, qui nous permet de décompresser pendant la douzaine de minutes qui le composent, et de colorer les mornes jours de l’automne qui approchent.
Downtown Kayoto – Learning In Public
Inclassable. Si l’on devait choisir un adjectif pour décrire le son de Downtown Kayoto, ce serait certainement celui-ci. Pop, rap, funk, et même des ballades post-punk, son nouvel EP Learning in public est une perle rare en termes de diversité musicale. L’artiste nous y offre un concentré de ce qu’il sait faire de mieux : à peu près tout.
Dès les premières notes de Lite, on est directement plongés dans l’univers énergique et fun de l’artiste, qui nous y partage paradoxalement son manque de motivation et sa frustration qui en découle. Véritable coup de coeur pour ce morceau introductif qui nous urge presque de découvrir la suite.
On regrettera des inspirations parfois trop évidentes, qui se remarquent dès le deuxième titre, Poison, et persisteront jusqu’à la fin du projet. Après une introduction aussi unique en son genre, on en espérait peut-être un peu trop de la suite. Malgré toute la bonne volonté du monde, il est difficile de ne pas se retrouver à se demander si l’on aurait pas lancé un morceau de Drake par mégarde.
Qu’il n’y ait pas de méprise pour autant : malgré cette légère déception, les morceaux restent plaisants à écouter et l’ensemble n’en ressort que plus cohérent. On ressent également que l’artiste se cherche encore, se perd parfois, mais plus important que ça, il expérimente et continue d’apprendre. Cela donne des mélanges osés comme le côté funk assumé de Poison, qui contraste avec les paroles qui semblent tout droit sorties d’une chanson de rupture emo. Ou encore Run From You, qui se base sur un schéma inverse avec des sonorités presque punk accompagnant des lyrics typiques des boybands de la décennie dernière.
Des prises de risque payantes, que l’on sent honnêtes de sa part : loin de vouloir se créer un personnage ou de se faire passer pour ce qu’il n’est pas, il explique assez simplement son processus créatif : “Taking inspiration from anywhere I can, each track getting one step closer to finding my sound”. Un joyeux mélange agrémenté de morceaux plus traditionnels, dont Changed It et In2You, ballades pop parfaitement exécutées. Downtown Kayoto a tout d’une future star : le potentiel est indéniable et le jutsu est maîtrisé. S’il fallait chipoter, on pourrait relever ce léger manque d’identité pour l’instant, qui n’entache pas son talent et dont on ne s’inquiète de toute façon pas puisqu’il ne s’agit que de son troisième EP. Foncez !