Chez La Face B on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Dans ce nouvel opus du Format Court, découvrez la collaboration entre Jungle Jack et JeanJass, le style brut de Okis & Mani Deïz et Absolem.

Jungle Jack X JeanJass – Cognacs & Cigarettes

Ils avaient déjà donné un aperçu de leur connexion sur AMY, morceau planant du dernier High & Fines Herbes. Cette fois, JeanJass ne se contente plus de quelques mesures : il orchestre tout, sculptant un écrin sur-mesure pour Jungle Jack. Et le résultat est à la hauteur des attentes. Un projet millimétré, où les prods feutrées du pape de Charlouz épousent le phrasé tranchant du rappeur parisien.
À chaque sortie, on pourrait croire que JeanJass producteur atteint un cap, un sommet d’où il serait difficile de redescendre. Et pourtant, il trouve toujours le moyen d’affiner son art. Ici, il puise dans les racines du rap américain des années 90-2000, distillant sonorités jazzy et ambiances chill avec une précision d’orfèvre. Son terrain de jeu ? Les morceaux drumless, ces tapis sonores où les kicks disparaissent pour laisser toute la place aux textures, aux mélodies. Un retour aux fondamentaux, une ambiance vintage où les notes de piano résonnent comme un hommage à ces années où la prod était aussi iconique que ceux qui la faisaient vivre.
Un seul featuring, mais il sonne comme une évidence. Caballero répond à l’appel, retrouvant son compère sur L’ère du Verseau pour un duo en totale maîtrise.
Avec des productions aussi soignées, le terrain est idéal pour que Jungle Jack crache son feu. Fidèle à lui-même, le Parisien abreuve son auditeur de références, parfois personnelles, souvent inattendues. De la mythologie grecque et Dionysos aux clins d’œil à la pop culture, en passant par une touche d’égo-trip bien dosée, il tisse un univers à son image. Entre poésie et brutalité, son écriture oscille, portée par un flow qui, depuis quelques mois, s’impose comme une signature bien reconnaissable.
Jungle Jack, toujours aussi puissant, fait un nouvel étalage de son talent avec ce projet, prolongement d’un run déjà impressionnant. Avec JeanJass en tant que passeur décisif, cela montre un certain respect de la part des anciens et donne encore un plus beau coup de projecteur qui n’a pas l’intention de s’éteindre.
Okis & Mani Deïz – La crème

Mars s’étire comme une gourmandise, et chaque sortie musicale est une bouchée de plus dans cette régalade. Parmi elles, La Crème d’Okis et Mani Deïz, une alliance déjà prouvée qui revient affiner la formule. Comme si les années n’avaient fait que polir leur alchimie, les deux artisans du boom-bap livrent un projet ciselé, aux arômes familiers et aux saveurs toujours aussi percutantes.
Okis, voix bien ancrée dans la scène lyonnaise, continue de peaufiner son art avec la précision d’un Juninho. Rêve d’un rouilleur l’avait déjà placé parmi les incontournables de sa ville, et La Crème enfonce le clou. Ses rimes restent aussi affûtées qu’un tacle glissé dans le temps additionnel, son flow toujours aussi limpide, et ses références footballistiques s’entrelacent avec des éclats de vécu. Un rap viscéral, où chaque ligne sent la sueur du terrain et la nuit qui tombe sur les quais du Rhône.
En face, Mani Deïz, maître orfèvre du sample et des textures sonores, récite sa partition avec une aisance insolente. Des années à sculpter des instrus comme un tailleur de pierre, à assembler des beats avec la patience d’un luthier. Ici, il jongle entre un boom-bap feutré aux inflexions jazzy et des ambiances plus brutes, parfois lentes et pesantes, comme pour mieux encadrer les uppercuts d’Okis. Un duo d’attaquants qui se retrouve, et qui n’a rien perdu de son efficacité.
Les renforts de Tedax Max, Matox et Rowtag viennent enrichir cette dynamique déjà bien huilée, ajoutant des nuances à une œuvre qui, si elle ne cherche pas la surprise, excelle dans la maîtrise. La recette n’a pas changé. Mais quand elle est aussi bonne, pourquoi vouloir autre chose ?
Absolem – Demain, c’est demain

Certaines pochettes habillent un album, d’autres en capturent l’essence. Celle de Demain, c’est demain appartient à la seconde catégorie. On y voit un Absolem saisi sur le vif, une image brute, sans artifice. Tout le disque s’y reflète : une musique sincère, qui capte l’instant et le traduit en une introspection lucide. Un regard personnel qui, loin de se replier sur lui-même, éclaire des vérités universelles. Cet album s’écoute comme il se regarde : sans attente, juste avec l’envie de le recevoir.
Et maintenant, impossible d’évoquer Absolem sans que l’ombre de Dee Eye ne s’invite dans l’équation. Très vite, l’échange dépasse la simple collaboration : une alchimie se crée, une amitié s’installe. Plus question d’interrompre les travaux entre le Liégeois et le Parisien. Pour Absolem, ce terrain de jeu devient un espace d’expérimentation idéal, où il parachève sa mue : de rookie prometteur à véritable souffle neuf du rap bruxellois.
On parle de spontanéité, et c’est exactement ce que cet EP respire. On devine deux acolytes en roue libre, profitant du studio comme d’un lieu de recueillement, transformant leurs sessions en instantanés de vie. L’humour et le second degré ne sont jamais loin, surtout dans l’interlude, où le Liégeois distille ses piques avec une légèreté maîtrisée. Il amuse, certes, mais capte aussi l’attention. Sans forcer, sans calcul, il impose son sérieux, glisse quelques surprises, comme Call My Name, où il partage le micro avec Celestino.
Absolem trace sa route avec naturel, sans chercher à en faire trop. Demain, c’est demain ne joue pas les grandes déclarations, il capte juste un moment, une énergie brute. Un projet sans artifices, où l’alchimie avec Dee Eye et l’envie de faire simple mais juste prennent tout leur sens.