Format court #61 : Goodbye Meteor, ARHIOS, Ronnie’s Visit

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de format court, on vous parle des EPs de Goodbye Meteor, ARHIOS et Ronnie’s Visit.

Goodbye Meteor – Metanoia

crédit photo : Ludo Leleu

Goodbye Meteor commencent l’année en beauté avec un nouvel EP, successeur de Northtape (2020). Metanoia est lui-aussi un EP (presque entièrement) instrumental, composé de trois pièces marquées par une mélancolie zéphyrienne. Loin de tomber dans la musique d’ambiance, répétitive et douceâtre, les quatre amiénois nous immergent dans une odyssée Post-Rock totalement immersive.

La dégradation du rapport entre l’humain et la nature est au cœur de cet EP. Le disque s’ouvre sur un extrait du discours percutant de Greta Thunberg au siège des Nations-Unies, habile manière de poser le sujet. Un autre manifeste se dessine dans le clip de Play or Die. Le danseur Joad Caron y est mis en scène, cherchant sa libération, autant en lutte contre les éléments qu’en communion avec. Un clip très réussi sous forme de quête intérieure qui se conclut par l’animalité retrouvée.

Se faisant, Goodbye Meteor prouvent qu’ils peuvent porter un message autrement qu’en le chantant. Metanoia est un EP fleuve aux instruments baignés de reverb et aux mélodies profondes. Très vite, il réussi à embarquer l’auditeur dans un voyage introspectif voire onirique. Grave mais jamais morose. De ses nuages denses perce par moment un soleil stimulant. Ainsi, et malgré le sujet brûlant, Goodbye Meteor nous offre une éclipse sublime, à écouter sans modération.

ARHIOS – Baïne

Le trio rennais Arhios a dévoilé le 10 février dernier Baïne, leur nouvelle création live autour d’une superbe scénographie réalisée par Noémie Mancia et Mathieu Ezan, dans la salle de l’Echonova à Vannes. Six morceaux qui figureront sur leur premier album studio en 2023 et qui sera enregistré avec Amaury Sauvé. Entre post et math rock, les musiciens dévoilent une musique ambitieuse, teintée de sonorités pop.

Après un premier maxi paru en 2018, le groupe revient avec cet EP intitulé Baïne, à l’image de ces grandes piscines naturelles qui se forment sur un relief où le phénomène de marée est fort, là où la houle emporte tout sur son passage. Car finalement Arhios nous embarque avec eux avec ce live. D’une rive à l’autre, les vagues comme seule compagnie, le voyage est total.

Tout commence avec Reef, les musiciens juchés sur des plateformes, nimbés de couleurs bleues et oranges, qui rappellent tant la mer agitée que la lumière d’un phare au loin. Arhios ouvre le champ des possibles et déploie tout un imaginaire marin. Ainsi, les flots se matérialisent sous nos yeux tandis qu’un chant de sirène paraît s’élever au loin. Un morceau surprenant, qui rappelle Love de Jean Jean par ses changements de rythme.

Avec Phare, morceau préféré, le groupe nous offre un bref moment d’accalmie. Les couleurs se croisent et se mélangent, les nappes nous bercent et une pointe d’électro transparaît. Nous voilà soudain la tête à l’envers, à la manière de la caméra qui virevolte entre les différents musiciens. L’ascension est orgasmique et immédiate.

Si Monoï prépare notre peau au soleil, Dune offre la sensation de liberté et d’allégresse. Le pouvoir de sauter dans ces montagnes de sable chaud. La guitare égrène une mélodie, l’éclairage rappelle les fonds marins et le montage est, lui, stroboscopique.

Lorsque surgit Bara, nous sommes déjà proches du rivage. Une chanson énergique, qui prend aux tripes dès l’instant où les premières notes surgissent. A l’instar de Reef, le rythme est saccadé et déconstruit. La basse est omniprésente. La douceur alterne avec les montées jouissives. Guitare, basse et batterie s’amplifient au fur et à mesure jusqu’à nous laisser pantois.

Enfin, Gigi se dévoile. Morceau cher à leur cœur qui était déjà présent sur le précédent EP. C’est un titre fondateur, à la base du groupe. Le plateau baigne dans une lumière orangée, la batterie pose doucement les bases avant que la basse et la guitare retentissent. La lumière, en rythme, nous éblouit et souligne pour la première fois l’ensemble du décor.

Avec Baïne, Arhios navigue à contre-courant entre les flots tumultueux et la nonchalance du vent, entre la caresse du soleil et la douceur du sable. Arhios nous immerge, loin du tumulte de la vie, loin du brouhaha de la ville et nous offre une parenthèse de vide. 

Ronnie’s visit – Nouvelle Chair

Ronnie’s Visit est le projet solo de Baptiste Bacquet. Il emprunte le nom à un morceau d’Howard Shore, extrait du film La Mouche de David Cronenberg. Le musicien s’empare de classiques cinématographiques pour en délivrer une version personnelle, avec son EP Nouvelle Chair, paru le 11 février dernier. De Wings of Desire de Wim Wenders à Persona d’Ingrid Bergman, en passant par Buffalo 66 de Vincent Gallo, les influences sont multiples et singulières. Musicalement, il cite volontiers Beach House, James Blake ou bien Lana Del Rey. Le terrain de jeu est vaste.

A travers ces quatre titres, l’artiste rouennais révèle un univers oscillant entre onirisme et inquiétante étrangeté. A la manière du film Crash de Cronenberg, Ronnie’s Visit fait la part belle à l’hybridation, entre sonorités organiques et électroniques. Entre douce rêverie et mélancolie angoissante, Nouvelle Chair nous transporte. De sa voix vaporeuse, entre comptines et valses, l’artiste nous raconte des histoires, nappées par des couches de synthétiseurs.

Accompagné sur certains morceaux par une flûte traversière, une harpe ou encore un violon, Baptiste Bacquet déploie une palette musicale riche et dense, qui nous propulse instantanément au sein d’une bande-originale de film. Le nôtre.

L’EP s’ouvre avec Eyes Wide Open. Le clip est un found footage entièrement réalisé en VHS. L’artiste nous égare délicieusement, entre images d’archives et vidéos qui semblent appartenir au présent. Un morceau de dream pop pour les nostalgiques, pour celles et ceux qui souhaitent se plonger dans leurs souvenirs, rattraper le temps qui file et serrer contre eux les membres de leur famille. La douceur de sa voix, mêlée aux synthétiseurs, nous enveloppe et nous invite à fermer les yeux.

Finally Safe est une ballade folk à écouter au coin du feu, un soir d’hiver en maxi chaussettes. Les chœurs valsent avec un arrangement orchestral qui réchauffent les mains et le cœur.

Puis, Heres Come The Time s’installe. Un morceau lumineux, d’un arrangement délicat qui révèle toutes les nuances et les particularités du projet.

Enfin, Danger clôt l’EP Nouvelle Chair. Une nouvelle fois, on retrouve l’influence du musicien envers les grands maîtres du cinéma. Ce titre fut imaginé comme la bande-originale du Livre de la Jungle réalisé par Dario Argento. Ronnie’s Visit s’accompagne d’Ylia Duchemin (violoncelle), de Jeanne Goll (flûte traversière) et Charles Lamy (batterie/percussions) pour nous livrer une mélodie qui flirte avec nos plus terribles cauchemars. Danger comme une mise en garde, un mantra à se répéter lorsque la peur prend le dessus, une prière pour laisser les monstres de notre enfance au placard.

Dès la première écoute, Nouvelle Chair surprend. Ces quelques minutes, qui passent si vite, nous placent face à nos pensées les plus intimes et les plus complexes. Et Ronnie’s Visit nous propose de les apprivoiser et de les accepter. Sa voix nous charme et nous berce, avant de nous perdre dans un dédale enivrant et dangereux, dont nous ne ressortirons sans doute pas indemne.