Cinq ans après Hyperion, Gesaffelstein revient avec un nouvel album : Gamma. Ce nouveau projet, où règnent les ténèbres, enrichit encore l’univers musical de l’artiste.
Onze titres. Vingt-sept minutes. Loin des longues étendues électroniques d’Aleph, ce nouvel album va à l’essentiel. Gesaffelstein embrasse ici une nouvelle facette de son projet, sans fioritures. Tel un rayon gamma, la noirceur de ce disque s’insinue en nous de façon foudroyante, endommageant peu à peu tout optimisme.
Deux notes sur une boite à rythme, puis le rythme entraînant de Digital Slaves nous immerge dans cet océan de noirceur. Les sonorités darkwave nous rappelant celles des 80s’, combinées à la voix grave de Yann Wagner et aux nappes électroniques en arrière-plan, nous agrippent pour nous tirer vers les abysses.
Sur Hard Dreams, les sonorités sont plus variées et un éclat de lumière semble percer. Tout en parlant d’amour, il est fait le constat d’une situation d’asservissement qui vient contrebalancer l’ambiance. Le jeu de textures retranscrit parfaitement cette ambivalence, nous menant ainsi vers Your Share Of The Night, où les premières notes décalées, presque ironiques sont vite remplacées par des percussions et des sonorités plus sombres. Le rythme est là encore entraînant, et la variation du son aboutit sur l’apparition d’un sentiment d’inquiétude avec des pointes aiguës en toute fin de morceau.
Vient alors la folie. Hysteria, avec son rythme soutenu, sa batterie et les riffs, apporte une certaine profondeur et un engouement pour le naufrage à venir. Ici, aucune voix n’apparaît. L’enchaînement effréné des sonorités nous happent, sans que nous n’arrivions à résister. The Urge est un appel à ne plus réfléchir. Le monde est perdu. L’ambiance est presque effrayante et nous donne l’impression d’être aux portes des enfers. La voix nerveuse de Yann Wagner, presque malfaisante, ne nous laisse pas le choix. Elle nous mène une nouvelle fois vers un autre titre où la frénésie règne, Mania. Sans repos possible, il ne fait nulle doute que ce titre appellera aux meilleurs pogo lors des concerts de l’artiste.
Apparaissant comme un extraterrestre dans cet univers froid et sombre, Lost Love est une ballade aux allures mélancoliques. Faisant une nouvelle fois référence aux sentiments amoureux, la noirceur ne semble pas pouvoir être présente. Il est intéressant de voir que dans cet album, les brèves touches de lumière apparaissent toujours lorsque l’amour est évoqué, comme s’il était le seul rempart face à un monde corrompu par les ténèbres.
Retour à la réalité, The Perfect installe des boucles surchargées en arrière-plan avec des nappes synthétiques aiguës. Dans Psycho, le son saturé et gras à certains moments nous donne le tournis. Il est impossible de s’orienter. Les percussions liées aux sonorités électroniques surpuissantes finissent de nous faire perdre la tête. Tyranny, avec son rythme soutenu et entraînant, apparaît là encore comme un morceau parfait pour les clubs où le déchainement des foules devrait être à son comble.
Pour conclure, l’artiste nous offre un moment de répit. Emet nous permet de reprendre notre souffle. Les nappes synthétiques sont moins pesantes, les boucles plus claires. Nous nous en sommes sortis, d’une manière ou d’une autre. La respiration, omniprésente, nous laisse penser que nous sommes vivants, bien que viscéralement changés.
Avec ce nouveau projet, le prince noir de l’électro revient avec force et nous inflige une demi-heure de ténèbres, alliant parfaitement l’électronique aux sonorités garage et underground. L’efficacité de chacun des morceaux est à louer. Cinq ans après son dernier projet solo, Gesaffelstein confirme qu’il a toujours sa place aux sommets de la musique électronique française.