From Here To There : Rencontre avec Girls in Hawaii

Le 6 décembre 2023, les Belges de Girls in Hawaii s’arrêtaient au Grand Mix dans le cadre de la tournée des 20 ans de leur premier album, « From Here To There ». On en a profité pour discuter avec Antoine Wielemans et Lionel Vancauwenberge de leurs débuts, de la genèse de ce premier album, de leurs projets d’avenir et… d’invasion extraterrestre !

Girls in Hawaii - tournée des 20 ans de From Here To There

La Face B : Comment ça va ?

Lionel : dans le global, ouais, ça va super, la tournée commence, on sent que ça se passe bien donc on se détend petit à petit. Dans les détails, il y a toujours des petits trucs. Je suis un peu enroué aujourd’hui, j’ai pris un peu de cortisone parce que je n’avais plus de voix. C’est pas grave, ça va.

LFB : on discutait avec des membres de l’équipe du Grand Mix il n’y a pas longtemps qui nous ont raconté qu’il s’est passé des trucs pour vous ici à vos débuts, vous pouvez nous raconter un peu ? Vous avez des souvenirs de l’époque ici ?

Antoine : On a fait notre toute première résidence ici. Du coup, je pense que c’était en 2004 ou 2005. C’était pour préparer nos premiers festivals. On est resté quatre, cinq jours ici, je pense. 

Lionel : c’était déjà l’aventure !

Antoine : Ouais, je me souviens qu’il y avait eu un problème avec un des subwoofers de la salle. Du coup, on avait été “accusés” d’avoir niqué le sub. 

Lionel : c’était une grosse accusation vu qu’on avait genre 22 ans, c’était terrible, on nous a demandé de rembourser, c’était genre 700 balles ou un truc comme ça, on a dû demander à nos parents, c’était la galère.

LFB : et vous l’aviez vraiment explosé ?

Antoine : ben c’est arrivé pendant qu’on était là, j’imagine. Mais on n’avait rien fait de particulier, sauf mettre du son dans la salle pendant la résidence quoi. Mais c’est pas grave. Et après j’imagine qu’on était à la veille de cet été un peu de fou en 2004 où on a fait une saison de festivals complètement hallucinante pour nous. On ne s’y attendait pas, on a commencé à avoir des festivals qui nous bookaient, on a senti qu’il se passait un truc. L’album marchait bien en France, il était sorti début février 2004, et on s’est retrouvés à jouer aux Eurockéennes, à la Route du Rock, aux Vieilles Charrues et au Benicàssim, à Werchter en Belgique. Enfin, c’était une saison de festivals complètement folle. Et du coup, nous, on n’avait pas encore une méga expérience, surtout sur ce genre de scènes-là donc je crois qu’on était en mode bien flip. Donc on est venus ici faire une résidence pendant 5 jours pour adapter notre set aux festivals, faire un truc un peu plus dynamique, un peu plus rentre-dedans. Et c’est un chouette souvenir.

LFB : Vous avez des bons souvenirs ici ? ou dans la région ?

Ouais, on a beaucoup de souvenirs à Lille au Splendid, où on a vraiment fait pas mal de concerts. On a un souvenir de fou, c’était la première fois qu’on vivait ça, on a regardé par la fenêtre, les portes qui n’étaient pas encore ouvertes, et il y avait une file de 200 mètres dans la rue. On hallucinait complètement ! 

Au Grand Mix on a fait la connaissance de Bud, le regretté Bud (ndlr : Patrice Budzinski dit Bud, programmateur du Grand Mix de 2001 à 2008, disparu en janvier 2021), qui était une belle personnalité, comme AnneSo notre booking. Je me souviens que la première fois qu’on a joué au Splendid, justement, c’était une première partie que AnneSo nous avait dégotée. On n’était pas encore connus, c’était vraiment le tout début et je crois qu’elle était venue nous voir ici en résidence, et puis qu’elle avait fini par accepter de faire notre booking. Elle nous avait trouvé cette date, une date pour faire plaisir à notre manager, Pierre, qui la connaissait, qui s’occupait de Venus et An Pierlé qui faisaient une double affiche au Splendid. Et tous avaient accepté qu’on joue avant eux, en “première première partie”, du coup c’était un triple plateau complètement fou. Et puis nous, on était six en première première partie, dans cette espèce de couloir un peu minuscule au Splendid, les loges sont toutes petites, c’était un grand bordel. Je me souviens qu’on avait demandé à AnneSo “il y aura un cachet pour défrayer les frais d’essence ?” Et elle nous avait dit “un cachet ? Mais vous rêvez ou quoi ? Vous aurez un sandwich au pâté et une tape dans le dos.” Ouais, c’est pour ça qu’on aime bien AnneSo, une personnalité du Nord, brut de décoffrage. Et on a toujours un rapport assez franc.

LFB : Vous avez aussi joué ici il y a quasiment dix ans jour pour jour en fait, le 7 décembre 2013.

Antoine : Ah oui, c’est ça. C’est très marrant parce que l’autre jour on est passé à Bordeaux, on a fait une date au Krakatoa, et une fille est venue nous voir après le concert, et nous a dit que c’était super bizarre parce qu’on était le 30 novembre 2023 et elle était venue nous voir jouer 10 ans plus tôt le 30 novembre 2013 au Krakatoa. C’était la tournée de “Everest”. 

LFB : Pour en revenir à l’album “From Here To There”, je me disais qu’il y a beaucoup de groupes qui, au fil du temps, arrêtent de jouer les morceaux de leur premier album. Parce qu’ils évoluent et qu’ils ont peut-être une envie de faire autre chose. Vous avez toujours eu un certain équilibre dans vos setlists et je n’ai pas l’impression que cet album, vous l’ayez oublié au fil des tournées, au contraire, et qu’il a une importance quand même pour vous qui reste présente aujourd’hui, non ?

Lionel : ouais, en fait il y a aussi des morceaux que les gens veulent entendre, donc on est aussi censés les jouer, on a envie de faire plaisir. Des morceaux comme “Flavor”, c’est toujours des cartouches utiles dans un concert.

Antoine : on en a eu marre par moment. Des morceaux comme “Found In The Ground”, on ne les jouait plus pendant tout un temps parce qu’on était un peu lassés par 20 ans de même morceaux. Et surtout en fait, quand tu fais un premier album et que tu tournes avec cet album, beaucoup, comme on l’a fait pendant deux ans et demi, avec des pays successifs qui sortaient l’album, on a peut-être fait 250 dates, et que tu n’as qu’un album, donc 12 chansons, en fait, la setlist ne bouge pas beaucoup quoi. Tu as beau les mettre dans un autre ordre tous les jours, forcément, à la fin on en avait plein le cul de ce disque, donc on l’a mis un peu de côté à un moment. 

Mais en fait, c’est vraiment un disque ultra fondateur pour nous et on ne le voit pas comme un disque qu’on n’assumerait pas trop, ou dont on aimerait pas trop la production ou le son, au contraire. 

En fait, c’est un disque qui a une histoire particulière, qui a un son un peu particulier vu la méthode d’enregistrement, de production du disque qui était fort empirique, qu’on a fait un peu beaucoup nous-mêmes. En fait, c’est ce qui a créé le groupe, ce qui a créé le succès du groupe il y a 20 ans, on a encore une base de fans très fidèle à cet album-là et c’est un album qui nous tient beaucoup à cœur.

Girls in Hawaii // le Grand Mix, Tourcoing // 06.12.23

 LFB : Et du coup “From Here To There” ça a un côté presque prophétique 20 ans après non ?

Antoine : Au début, le nom “From Here To There” venait plus du fait que ça avait vraiment été un long chemin et un long parcours pour enregistrer ce disque, puisqu’on a d’abord fait une démo qui pour nous était à peu près un album. Et puis on a refait tout l’album en mode pro, mais on ne voulait pas aller dans un studio parce qu’on avait vraiment aimé la façon dont on avait enregistré, en le faisant un peu par nous-mêmes, en apprenant les techniques et en prenant autant de temps qu’il fallait pour arriver vraiment au son qu’on avait envie de développer.

 Et après, quand on s’est équipé d’un matos d’enregistrement un peu plus pro et qu’on a commencé à enregistrer tout le disque, on s’est rendu compte que notre petite machine de départ faisait un peu tout automatiquement, donc c’était assez facile. Et après, quand on devait régler nous-mêmes des compresseurs, des pré-amplis, travailler avec des micros plus compliqués, on a pas mal galéré. 

Et puis on était un peu dans nos études, on enregistrait le disque pendant nos vacances, on se faisait une semaine off de temps en temps et on partait enregistrer dans les Ardennes. Et donc c’est un un disque qui a été enregistré dans cinq, six, sept lieux différents sur deux ans de temps, ça a été tout un petit parcours et je crois que le titre “From Here To There” venait de là au départ.

Lionel :  Il y a aussi une idée du temps qui passe, de saison aussi. Il y avait un peu ce truc de mélancolie, ce truc adolescent aussi, un peu romantique, de l’idée que peut-être un jour tout se finit et que c’est pas grave. 

Antoine : le premier album que tu fais fonctionne aussi souvent sur 10-15 ans d’influence et de choses que t’as écouté. 10 ans de styles que tu as en tête, que tu essaies un peu de compiler. C’est quand tu fais un 2ème album où tu repars un peu d’une page blanche que tu as envie de renouveler un peu tout. Mais le premier finalement, il s’inscrit dans 15 ans de musique que tu as écouté. Pour nous il fonctionnait un peu comme un album un peu clin d’oeil ou hommage à plein de trucs qu’on aimait, plein de styles qu’on aimait. Du coup, il est un peu fourre-tout aussi, ce disque. 

LFB : Tu parlais tout à l’heure de votre communauté de fans et du fait que cet album avait permis que vous soyez suivi par des gens. Aujourd’hui en France, la musique qui fonctionne, c’est le rap et la chanson française. Tout ce qui est chanté en anglais marche moins bien. Pourtant sur cette tournée, la plupart des dates sont sold out, ici à Tourcoing ça a été complet très vite. Vous avez une explication sur le fait que ça marche toujours 20 ans après ? 

Lionel : Les gens nous ont suivis, je crois que ça dépasse parfois un peu le cadre musical ou le style. C’est vraiment une envie de retrouver quelque chose qui est familier. On voit ça quand on va rencontrer les gens après les concerts, qu’on signe des disques, on a vraiment un contact avec ces gens qui viennent, et tu vois vraiment qu’ils sont contents de retrouver l’univers de l’album, de nous retrouver nous d’une certaine manière, via les chansons. Donc c’est plutôt une balise dans la vie des gens, c’est un peu extra musical.

LFB : Ouais, ils vous suivent depuis 20 ans, vous faites un peu partie de la famille.

Lionel : Un peu oui. Et c’est curieux comme rapport.

Antoine : On est très, très conscients qu’on a été là au bon moment, à une chouette époque, pour faire ce qu’on faisait et que, par exemple, si on voulait lancer aujourd’hui un groupe de six musiciens, et tourner avec six musiciens, ce serait super compliqué. 

En fait, aujourd’hui, vu que les groupes ne vendent presque plus d’albums, passent moins à la radio, que c’est lié beaucoup à Spotify et des playlists qui rapportent très peu, y a vraiment un problème d’économie pour un jeune groupe qui se lance. 

Du coup, on voit plein de groupes en formule ultra réduite, un projet en solo, parfois avec un musicien, parfois deux, avec des projets plus électroniques, beaucoup de gens qui s’accompagnent de bandes, un truc facile à transporter dans un train, dans une bagnole pour tourner plus léger, parce que avant on pouvait gagner un peu de l’argent sur des disques, gagner de l’argent sur des droits d’auteur en radio et se dire qu’en tournée, si la tournée était à l’équilibre, si on ne perdait pas trop d’argent, c’était cool. L’idée, c’était de développer le groupe. 

Je crois que ce n’est plus un truc qui est possible aujourd’hui parce que la seule source de revenus pour un groupe, c’est le live. Et donc, si t’as 200 balles de cachet, il faut surtout que ton concert coûte moins. 

Les médias ont fort évolué aussi. Là où aujourd’hui il y a une proposition en termes de musique qui est immense, avec groupes de partout, parce que c’est lié à à Internet, tu as des fans qui écoutent ta musique via des playlists qui peuvent habiter au Brésil, il n’y a plus le truc local d’une radio ou de deux qui te supportent localement et qui peuvent faciliter une petite tournée au départ. En fait, tu as des fans un peu disséminés partout dans le monde, c’est parfois pas évident. Tu as des groupes qui ont eu un bon nombre d’écoutes, mais en fait c’est très compliqué pour eux de faire une tournée parce que leur public est très éparpillé. 

Et nous oui, on a vraiment une chance assez extraordinaire aujourd’hui et c’était vraiment une surprise. On pensait que fêter les 20 ans de ce disque ça intéresserait les gens et qu’à Bruxelles on pourrait faire une ou deux AB et les remplir sur quelques mois, mais ça a dépassé tout ce qu’on avait imaginé. Du coup on s’est dit qu’on allait faire quatre AB, qu’on allait beaucoup bosser et que ce serait chouette d’aller faire quelques dates en France. Et puis tout s’est un peu construit comme ça à l’improviste quoi. C’est marrant, c’est une tournée qui s’est montée parce qu’il y avait des bonnes nouvelles.

Rencontre avec Girls in Hawaii qui s'arrêtaient au Grand Mix pour la tournée des 20 ans de leur premier album, "From Here To There".
Girls in Hawaii // le Grand Mix, Tourcoing // 06.12.23

LFB : Et du coup là, boucler 20 ans de carrière c’est presque un retour au départ, ça veut dire quoi pour la suite ? Vous avez envie de vous arrêter là ou vous avez des projets qui viennent ?

Lionel : Ouais ouais, en même temps que la répète de ce projet, on écrivait déjà un petit peu, il y a déjà tout un groupe de chansons. Y a encore pas mal de boulot à faire mais il y a déjà des choses qui se précisent. Et c’est marrant de rejouer en même temps “From Here To There” parce que entre temps notre façon d’écrire a quand même changé un petit peu, et donc il y a des bonnes choses des deux côtés, le côté plus produit, plus studio plus ordinateur aussi tu vois, plus édité. Et puis le côté plus écrit, plus bricolé, plus live aussi un peu quand même, plus joué pour “From Here To There”. 

Antoine : Ce qui nous a fait vraiment tripper sur cette tournée, c’est qu’on a dû vraiment se concentrer sur ce disque. On n’a pas à jouer des morceaux de “From Here To There” juxtaposés à plein de morceaux de “Plan Your Escape”, “Everest” et “Nocturne” qui ont des productions complètement différentes, et du coup des productions en live aussi très différentes, et où on avait tendance à devoir adapter, à gonfler les productions des morceaux de “From Here To There” pour qu’ils collent à des choses plus récentes qu’on a fait et qui avaient des sons un peu plus massifs, de plus grosses productions. 

Et ici, c’est génial d’avoir fait le chemin complètement inverse, de s’être dit qu’on voulait vraiment retrouver précisément les ingrédients de l’album en fait, et tous ces petits sons de claviers, de boîtes à rythmes, de synthés qu’on s’est amusé à rejouer, à resampler tels quels, à retrouver le vieux Casio familial où il y avait quatre sons à trouver au milieu de 300 sons, des sons précis qu’on adorait, à resampler avec des micros. On a vraiment essayé de retrouver l’univers un peu désuet par moments, un peu bricolé, un peu fragile, qui a fait tout le charme de ce disque, qui a fait qu’il ne sonne pas vraiment comme beaucoup d’autres disques, qui est un peu bordélique, mais dans le bon sens du terme. Et dès qu’on a commencé à jouer en répète avec ces sons-là, une fois que tout le travail de sample qui était quand même assez conséquent a été effectué, c’était incroyable. Ça fait dix ans qu’on n’avait plus joué ces morceaux, avec l’impression de vraiment retrouver le son du premier disque. Et ça, je crois que ça plaît vraiment aux gens parce qu’ils se replongent vraiment dans l’ambiance.

LFB : Et pour vous, c’est un peu une cure de jouvence en fait ?

Antoine : Ouais, ouais, ouais. Ou un vrai retour en arrière mais pas  complètement retour en arrière non plus, parce qu’on retravaille avec Olivier (NDLR : Olivier Cornil, qui vient d’entrer dans la pièce) qui est là, qui est en train de mettre ses chaussettes et qui est un ami à nous, photographe, qui a fait les dix premières années de l’histoire du groupe avec nous, puisqu’il projetait des images sur des télés et des écrans, et il s’occupait un peu des clips, des pochettes, des photos, de la communication aussi via des blogs qu’on avait. Et il y a vraiment une prolongation de “ Girls In Hawaii musique” avec un pôle “Girls in Hawaii image” qui était très présent dans nos concepts. Et en fait, on lui a proposé de refaire cette tournée anniversaire avec nous. Et ça a été un peu ça le déclencheur et le vrai moment-clé. Parce qu’on hésitait à le faire, on n’était pas trop sûrs, et quand il nous a dit oui, on s’est dit “Ah cool, il y aura vraiment un truc chouette à proposer. Ce n’est pas un concert best of ou un énième concert, on va retourner un peu aux sources”. Mais lui aussi, du coup, il a récupéré plein d’images d’époque et il s’est très vite dit qu’il n’avait pas juste envie de projeter les images d’il y a 20 ans. Ça n’aurait pas eu de sens. C’est cool de retrouver toutes ces images-là, mais aussi de proposer la vision 2.0.

 Lionel : il y a quand même le miracle absolu d’avoir pendant 20 ans gardé des images sur un disque dur. C’est quand même dingue. Est-ce que tu as déjà réussi à garder 20 ans des trucs sur un disque dur ? 

LFB : Laisse-moi réfléchir, je fais de la photo depuis 15 ans…

Antoine à Lionel : non mais David c’est un photographe, il a plein de disques durs et de backups de disques durs. 

(NDLR : je confirme !)

Lionel : Nous, les bandes de “From Here To There”, elles ont complètement disparu. Si on avait demandé à Olivier: “t’as encore les disques durs ?” et qu’il nous avait répondu “Ah non…”, c’était la fin du projet. Voilà, ça ne se serait jamais fait. 

Antoine : Et en fait, il nous a dit “oui, oui, j’ai été regardé, j’ai tout retrouvé”. C’est incroyable, c’est fou. Et puis du coup c’était marrant de voir 20 ans après ce qui était encore bien, ce qu’on assumait encore ou ce qu’Olivier assumait encore 20 ans après, ce qu’il découvrait avec plaisir, il y avait des projections qu’il trouvait super, mais en fait qui ne collaient plus ou qui avaient moins de sens, un truc qu’on assumait moins, il y a une partie qu’on a gardé, et puis il a beaucoup bossé sur pas mal de nouvelle matière en fait. 

LFB : Il me reste deux questions pour vous. Celle-là elle est de Charles, notre rédac chef. On vit dans une époque de plus en plus troublée et violente,  est-ce que selon vous, le pouvoir de la nostalgie est capable de réparer et d’adoucir le monde qui nous entoure ? C’est du Charles dans le texte. 

Antoine : Ouais, c’est une question intéressante ! Euh, j’imagine que c’est un peu des petits refuges, plutôt des madeleines de Proust, des petits moments de nostalgie qui nous font du bien, ce qui est un peu le rôle de la musique, donner du sens, de la distraction, du plaisir aux gens pour mieux supporter la vie et le monde dans lequel on vit. Mais après, si on nous posait la question de “Est-ce qu’avec notre musique, on a un pouvoir de faire évoluer le monde, de changer le monde ?” 

Lionel : Non, non, sûrement pas !

Antoine : Après notre concert à Saint-Lô, il y a un gars qui est sorti, qui a dit que cet album lui avait sauvé la vie, qui était ravi de nous retrouver. Donc peut-être que ça ne sauvera pas le monde mais c’est des petites choses comme ça… Il y a des gens qui nous sont tombés en pleurs dans les bras, il y a quelques jours. C’est fou d’imaginer ça, de percevoir ce truc-là. Parce que clairement le disque et nos chansons et nos albums, on a toujours fait ça pour nous au départ. C’est juste la bonne surprise quand ça se passe. Mais c’est même parfois un peu démentiel d’imaginer la place que ça prend, et de voir des gens qui nous disent merci. comme si on avait été à côté d’eux pendant 10 ans. Et on ne les connaît pas. On ne les a jamais rencontrés. C’est complètement bizarre. Il y a un peu la même chose sur “Everest”, mais c’est les deux albums avec “From Here To There” qui ont ce côté-là dans Girls in Hawaii, où les gens souvent, ils ont vraiment la conscience d’où ils étaient, avec quels potes ils étaient, dans quel moment de leur vie ils étaient. Ça a été la bande son d’un été, des vacances, souvent des gens qui avaient entre 15 et 25 ans et avaient beaucoup d’amis et des projets de fête et tout ça. Donc je crois qu’ils se replongent avec joie dans ces souvenirs-là.

LFB : Et puis j’ai une dernière question. On approche de 2024. Si on pouvait vous accorder chacun un vœu, ce serait quoi ? 

Lionel : comme si un génie sortait d’une lampe ? Il y a beaucoup de choses. Tu peux hésiter entre la paix dans le monde, décarboner un petit peu… C’est quoi ton vœu toi ?

Antoine : Quelle que soit la raison en fait, retrouver la forme d’insouciance qu’on avait quand on avait 20 ans. On discutait de ça l’autre jour avec un de nos techniciens qui nous accompagne sur la tournée, qui est beaucoup plus jeune que nous, et qui nous parlait un peu de son désarroi à son âge, d’évoluer dans le monde dans lequel on est, quand on a 20 ou 25 ans aujourd’hui, on a des espoirs ou le manque d’espoir, de perspective. 

Nous on était quand même dans une profonde insouciance. Bien sûr, il y avait des guerres, mais on n’était pas dans cette angoisse un peu permanente du futur de notre société. Dans le groupe on est tous parents maintenant, donc c’est forcément un peu dur parfois d’imaginer ce que nos enfants vont vivre dans 15 ou 20 ans. Et même pour nous, vieillir c’est déjà un truc, mais en plus quand tu vieillis et que t’arrives plus à être assez souvent léger, insouciant et juste à être dans la déconne ou dans l’aventure sans être rattrapé par la réalité de la vie et de la société dans laquelle on est…

Lionel : en plus le téléphone ça n’aide pas… Du coup ouais mon vœu serait une bonne panne généralisée d’internet pendant un an ou deux. C’est aussi pour ça que tout le monde angoisse, t’es en contact permanent avec tout ce qu’il y a de pire qui se passe dans le monde, t’es au courant de ça tout le temps, partout.

Antoine : mon vœu en fait, ça pourrait être un truc assez grave et important qui se passe, limite comme le covid mais qui ne mènerait pas à des morts ou des destructions, mais juste à une remise en question fondamentale parce qu’il n’y a pas le choix. Un genre de game changer qui sauverait l’humanité.

Lionel : ouais genre l’arrivée d’extraterrestres ! Que ce soient vraiment des gros connards, genre comme les nazis, mais en pire, ils auraient un truc bien identifiable qu’on aurait juste envie de défoncer. Donc tout serait canalisé sur eux. Et ils seraient moins fort que nous ! C’est ça, comme ça on les battrait. En plus on aurait une deuxième planète parce qu’on aurait accédé à la leur et on pourrait la polluer aussi ! 

Antoine : Ou alors des extraterrestres qui arrivent et qui nous giflent tous…

Lionel : et qui nous font découvrir un nouveau style de musique parce qu’ils écoutent d’autres trucs. Ouais ouais, ce serait pas mal ça !

Retrouvez aussi les photos du concert ici.

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