Global Network, un piano et une voix

Comme quoi, le manichéisme est relatif. Comme quoi, le vendredi 13 n’est pas forcément porteurs de malheurs, de catastrophes naturelles ou de cataclysmes. Durant cette année 2020, on a découvert Global Network et on les a laissé débâtir toutes les idées préconçues que nous avions de la musique. À nouveau, on ferme les yeux, on leur tend la main, et on les laisse aveuglément nous replonger dans les émotions que font vivre les sons. En sortant deux titres piano voix, ils nous démontrent que le vendredi 13 peut-être une aubaine. 

On a toujours pris le pas de parler en tant que collectif. D’être La Face B, plutôt que des individualités. De véhiculer cette image de cohésion, de groupe, d’ensemble cohérent. Mais en ces temps particuliers, chaque individualité vit les choses différemment, parle différemment, et cultive la musique différemment. 
Certains l’écoutent à outrance, ivres des notes de musiques, des paroles remplies d’espoirs, des images des concerts, et de la musique vivante qu’ils expérimentaient il y a peu. L’écoute remplace le  vécu. Les applications de streaming deviennent les meilleurs compagnons. Ersatz.

Et d’autres sont tétanisés, mutés sur silence comme un robot perdant sa carte matricielle auditive.
Sourd. 
Oui, certains sont de ceux-là. Ils regardent leur vinyles de loin, à moitié coupables, à moitié tristes. Swipent rapidement les icônes d’applications de streaming.

On ne prétendra pas être autant affecté que ceux qui créent la musique, mais on notera aussi que les oreilles tendues lors des manifestations musicales sont désormais orphelines des émotions qu’elles venaient chercher. Les doigts s’agitant sur les réglages des appareils photos sont au repos. 
Les concerts se sont arrêtés ; les passions qui vivaient à travers eux le sont aussi. Pour beaucoup, la musique continue de faire vivre. Pour d’autres, elle rappelle ce qui s’est arrêté.Et si nous sommes égaux sur beaucoup de terrains, nous ne le sommes aucunement sur celui de la sensibilité et du ressenti. 

Et dans toute cette période, cet état d’esprit obscure, demeurent toutefois ceux dont la magie continue de délier les noeuds noirs et serrés qui immobilisent. 
Demeure Global Network, et ces deux titres piano voix qui arrachent des larmes. 

Des larmes d’émotion, des larmes de mélancolie, de douceur, de beauté. Des larmes qui mouillent toutefois un sourire, celui du bonheur de ressentir à nouveau des émotions par la musique. Dans le même rythme, et les mêmes étapes que les deux titres composants ce cadeau du vendredi 13.

Marchant dans les pas de Doris Day, Loris et Nils reprennent Falling In Love Again (Can’t Help it). C’est d’une justesse somptueuse. Rien n’est superflu, tout est nécessaire. La dernière fois qu’on a parlé d’eux, ils s’illustraient dans cette même simplicité organisationnelle : une voix, un piano. Si c’était plus solaire, plus rythmé, on percevait déjà le feu d’artifices de leur symbiose. De cette complicité artistique qui fait naître les plus belles oeuvres de deux individualités, et un simple accessoire musical. On avait secrètement espéré que cette composition piano voix sortirait, et on est heureux de l’expérimenter aujourd’hui.

On est heureux d’entendre cette voix qui se ressent autant forte que sensible. Ce piano, aussi délicat qu’intense. On a la gorge qui se noue, l’oeil qui s’humidifie, mais le sourire qui se dessine tant c’est beau. 

Et puis, toujours dans le champ lexical de l’amour, on découvre I Love You, où l’on retrouve les notes jazzys, les vibratos presque r’n’b. C’est ce qu’il nous aura fallut, nous autres mutiques sonores, orphelins de la musique. 
Il nous aura fallut d’abord cette complainte mélancolique, celle qui nous attire par sa sensibilité, nous cajole avec la compréhension de ceux qui partagent ces émotion, ce spleen. Il nous aura fallut s’émouvoir, sentir notre gorge nouer, pour finalement, ponctuer le tout par de l’espoir. 

Distinguer à nouveau pourquoi on aime la musique, et en l’occurrence, Global Network. Se rappeler à quel point ce duo a su nous surprendre, décomposer toutes les connaissances préconçues de la musique, de ce qu’elle doit être, et de la manière dont elle doit être jouée, pour créer ex-nihilo des sonorités hors de tout carcan, de toute étiquette. I love you nous le montre, à la fois crooner, jazz et presque r’n’b.

Si vous en êtes arrivés là, c’est que vous aussi, vous vous perdiez entre overdose musicale et silence interdit. Alors la seule chose qu’on peut vous conseiller, que vous vous nourrissiez de sonorités pour revivre ou que vous ne trouviez plus la force de vous lovez dans la musique, c’est d’écouter les deux titres livrés par Global Network. 
Ces deux titres qui nous rappellent leur brio, la beauté organique de la musique, et que le manichéisme est relatif : ne persiste pas que l’obscurité en cette période, et comme quoi, le vendredi 13 peut être vu comme un jour de chance. 

L’album piano voix de Global Network est à retrouvé sur leur bandcamp par ici