Il y avait cette phrase d’une nouvelle chanson qui restait dans la tête au sortir du concert des Gwendoline en mars 2023 au Petit Bain : « Car ce monde est génial », elle n’avait visiblement pas encore de titre mais le public était bien au rendez-vous. On a longtemps vu fleurir les stories Instagram pour nous dire que les Gwendoline travaillaient durement. Enfin, Gwendoline est bel et bien de retour. En 2024, Pierre et Micka balancent une info explosive : ils ont trouvé un label. C’est désormais chez Born Bad Records qu’ils ont trouvé refuge et le deuxième album s’appelle C’est à moi ça. La désinvolture est toujours là, c’est notre époque tout ça !
A l’origine, ce n’était pas moi qui devait rédiger cette chronique. Ce n’est pas que je ne les aime pas ces deux-là, loin de moi cette idée. J’ai probablement juste peur de ne pas réussir à mettre de mots assez forts et structurer mes phrases comme il le faudrait. J’ai pris ma grosse claque au Festival des Inrockuptibles où Gwendoline a pu célébrer l’arrivée du nouveau venu. Depuis 2017, Gwendoline fraîchement brestois ont parcouru la France et quelques bouts d’Europe grâce à la réédition du premier album Après c’est gobelet ! (Dead Wax Records). Un album qui s’était fait jusqu’alors relativement discret. Un EP Sans contact sorti sous les radars et petit à petit, les bretons ont fait du bruit. Après la crise Covid, les titres de sonnaient différemment et sont progressivement reconnus par quelques paires oreilles. Assez bavardé, place à la chronique de ces dix nouvelles pépites.
Le ton est donné avec Conspire. LA chanson sur laquelle s’achevaient les concerts devient celle qui ouvre l’album. Ils nous avaient révélé un clip bien grinçant en novembre 2023, on vous en avait même touché un mot à l’occasion. Comme d’habitude chez Gwendoline, on est à mi-chemin entre la chanson et le parler. Conspire c’est ce triste refrain-slogan « Car ce monde est génial », sombre état des lieux de l’époque dans laquelle on évolue. On frissonne, on marche d’un bon pas, on s’accroche et on finit par hurler le slogan en sautant à pieds joints à mesure que la confiance imprègne le corps, infuse dans les veines.
Une rythmique glaciale telle un crachin breton c’est Clubs. On se positionne du côté du détestable, du dominant, de l’arrogant en chef et c’est enivrant comme quelques verres de Ricard. Les sonorités flippantes pour mieux faire passer le message, Gwendoline sait nous cueillir à la racine.
Rock 2000 surfe sur les influences cold wave en invitant à danser dans les bars « déjà fermés ». Hymne d’une génération désenchantée, celle qu’ils ont su rassembler autour de Chevalier Ricard ou encore Audi RTT. Là où on saute sur Conspire, on va se mettre à pogoter.
Taxi Girl ? Non, non on est toujours sur l’album de Gwendoline. Si j’préfère une chanson aux options binaires, entre la peste et le choléra tu choisis quoi toi ? Et ça commence à empester le tabac froid mêlé au café pas plus chaud dans le petit appartement du lendemain de grosse soirée, la discussion qu’on aurait au petit matin mal réveillés. Ca claque violemment.
Ce n’est pas parce que le morceau sonne comme un zouk qu’il commence à faire chaud sur l’album de Gwendoline. On vous a parlé de Héros national voilà quelques semaines déjà. Un morceau qui faisait déjà partie de la set liste de certains concerts. Non moins grinçante que ces sœurs, Héros national nous donne les cartes de l’influence des deux lascars : TMC, une des chaînes du groupe TF1. Qui l’eut cru ? Les PMU ne suffisent plus à nos compères. Et finalement, voilà qu’on esquisse quelques petits pas de danse pour se mettre dans l’ambiance.
La belle ironie Merci la ville pouvait clôturer les concerts en poussant le curseur un peu plus loin. Si elle démarre comme un morceau de techno, elle s’envole bien plus haut que sur un dancefloor. Dans cette chanson, c’est un clin d’œil à la France et sa mythique centralisation. Bien sûr qu’il existe des lieux culturels – et encore merci. Quoi que demandons une expertise à Laurent Wauquiez – sur le territoire mais pourquoi sont-ils à ce point concentrés dans les « grandes villes » ? A l’heure où Bruno Le Maire, notre cher Ministre de l’Economie, annonce des coupes budgétaires notamment dans le secteur culturel, notre douce Ministre de la Culture, Rachida Dati initie une concertation nationale sur l’offre culturelle en milieu rural, la chanson sonne et résonne encore plus intensément dans nos caboches.
Palace Meetic fait résonner l’humour ravageur sur les vacances qu’on avait capté dans Chèque vacances. Clin d’œil aux classes populaires.
Terrible cynisme dans Le sang de papa et maman. Retour du côté de l’arrogant, de l’oppresseur. Si on ne connait pas l’œuvre des bretons, le message peut être particulièrement violent. Et pourtant, le discours est tenu à bien plus haut niveau.
La première fois qu’on a entendu la chanson Pinata, on s’était mis à penser à la tragique disparition du nantais Steve Maia Caniço. Pinata, le récit d’une histoire de soirée qui prend une tournure dramatique. Les garçons partagent le micro avec un chœur. Pinata glace le sang, n’a rien de dansant. Puissante.
On s’échappe de nouveau sous la pluie avec Parce que j’ai rêvé d’être riche, une conclusion rassemblant tous les messages chargés de désillusion et l’humour noir toujours plus fort. Et le chœur rencontré sur Pinata scande avec les deux acolytes le message refrain non révélateur de leurs ambitions. Pas de doute sur les reprises à l’unisson à venir dans le public.
Gwendoline n’a pas fini de se hisser un peu plus haut dans le paysage musical français. Ils ont gagné en maturité et en assurance avec C’est à moi ça. S’ils n’en reviennent toujours pas, nous, on sait qu’il est bon de leur faire confiance. La dérision se mêle à l’engagement sans donner de solution – ils aiment à le dire eux-mêmes -. On ne s’arrêtera pas de faire la fête – comme dirait Johnny Jane – quoi qu’il en coûte – répètera Macron Ier -, on continuera à redouter le monde et on boira à notre santé. La fête se poursuit partout en France – et en Bretagne -. Ils reviennent pour une release party à la Maroquinerie le 11 juin prochain – déjà complète nous dit-on dans l’oreillette – mais aussi pour une Cigale le 25 janvier… 2025 !