Le 11 septembre dernier, jour de son trentième anniversaire, Ichon a dévoilé son premier album : Pour De Vrai. Un album troublant et intime, loin des clichés ou des cases dans lesquels on a voulu un jour le mettre. Ichon s’y dévoile, authentique, avec ses failles et un amour retrouvé pour la musique. On a rencontré l’artiste deux jours avant la sortie, pour parler de la conception de cet album, de l’importance du piano et de l’équipe qui l’entoure, mais aussi du bleu, forcément, et de sa passion pour France Bleu. Rencontre avec un artiste unique en quête de lui-même.
Crédits photos : Alphonse Terrier
La Face B : Salut Ichon ! Comment tu te sens à deux jours de la sortie de ton album et de ton anniversaire en même temps ?
Ichon : (rires) Je suis passé par plusieurs étapes et même je continue à faire comme ça : un peu stressé parce que plein de choses à gérer, plein d’imprévus parce que Covid, plein de mauvaises nouvelles et au final elles sont toutes gérées du coup je me dis il faut que j’arrête de stresser dès qu’il m’arrive une nouvelle, je sais qu’à chaque fois ça se règle tu vois.
En ce qui concerne mon anniversaire je m’en fous un peu, je suis juste content de pouvoir chanter mon album à mes amis et de le sortir. C’est une très belle preuve pour moi, c’est soit disant passage à l’homme adulte, je suis content que ce soit le jour de mon premier album. Du coup ouais ça va en vrai.
LFB : Qand on lance l’album, tu dis dans un des premiers titres que tu as 28 ans donc finalement cet album là, c’est quoi une aventure de deux ans, même plus ?
I: Ouais trois ans
LFB: Est-ce que tu peux m’en dire plus ? Tu peux me raconter un peu justement comment ça c’est échelonné dans le temps ?
I: J’ai démarré de la même manière que précédemment, j’avais plein d’instru de pleins de gens… Et finalement j’ai rencontré PH Trigano et en fait la manière qu’on a trouvé lui et moi de faire des chansons, et bah elle nous convenait beaucoup plus, nous mettait plus à l’aise, j’avais les mains dans la musique et du coup ça à pris du temps de trouver l’endroit réel où on voulait vraiment aller.
On a fait plein plein plein de chansons, entre temps j’ai appris à jouer au piano donc ça a encore changé ma vision de comment faire de la musique.
Au départ, Je voulais sortir l’album assez tôt après Il suffit de faire, du coup j’allais voir les maisons de disque pour pouvoir sortir le projet au bon moment… Et au final je me rendais compte que ça prenait du temps, et c’était un mal pour un bien. Ça ne c’est jamais fait (rires).
Ce qui a encore renforcé ma philosophie et le nom pour de vrai en fait. Voilà, ça à pris du temps à maturer, à murir,
LFB: Est-ce que cet album là c’est pas aussi une relation séduction avec le piano ? De toi qui te redécouvre à travers un instrument que tu apprivoises.
I: Ouais, un petit peu. Le piano au final, parfois je me disais « il en faut plus, il en faut plus » … Et finalement c’est plus ma relation à moi avec moi-même plutôt qu’avec l’instrument. C’est vrai qu’il y a un truc de séduction avec le piano dans le sens où quand je le délaisse et ben on va perdre notre affinité … ça c’est avec l’instrument mais je ne pense pas qu’il y aura un rapport avec l’album au final.
LFB : Comme tu disais il y a beaucoup de gens qui font de la musique pour parler aux autres, moi j’ai l’impression sur cet album là tu as fait de la musique pour te parler à toi-même aussi.
I : J’ai toujours fait que ça. Me parler à moi-même, je fais ma propre thérapie. C’est mon journal intime mes textes, clairement, c’est rien d’autres. Maintenant j’essaye de le faire jolie, je sais que c’est devenu mon travail et du coup qu’on m’écoute, que mon journal intime est ouvert. Voilà.
J’essaye de rendre ça jolie et que ça puisse servir à d’autres personnes, je veux dire souvent quand on regarde un film fait, quand on voit la vie des autres bah ça t’inspire pour ta propre vie. Au final je me dis quand on voit ma vie à moi que ça peut peut-être inspirer d’autres donc j’essaie de me regarder à travers les yeux des autres.
LFB : Ce cheminement qu’il y a dans l’album et même par rapport à toi-même, tout ce qu’il s’est passé autour de l’album pour toi, est-ce que quand tu le regardes avec le recul tu te dis un peu « whoooo j’ai fait du chemin ». Parce que je trouve que c’est un album qui parle de la vie mais qui est un peu hanté par la mort aussi de certains aspects.
I: Je pense que la vie est hantée par la mort (rires).
Maintenant il m’arrive peu au final de regarder le chemin, c’est les autres qui me le rappellent, PH me le rappelle souvent pour le coup. Moi j’ai oublié qu’avant je ne savais pas joué au piano déjà, je le sais mais j’oublie. Et juste maintenant pour moi je ne sais toujours pas jouer au piano, j’ai toujours pas le niveau que j’ai vraiment envie d’avoir, je vois que le mal malheureusement.
C’est là où je veux respirer, de me dire que je suis là, sans passer à après, qu’est-ce que j’ai entre les mains, qu’est-ce que je peux faire avec ce que j’ai. Je ne regarde pas le chemin parcouru, je pense plutôt à qu’est-ce que je peux faire maintenant, malheureusement hein. (rires)
LFB : Je me demande car tu en parlais tout à l’heure de journal intime, il y a une vraie « évolution » dans tes paroles, c’est plus poétique, il y a quand même des idées politique qui émanent de la chose mais je trouve que c’est plus abstrait dans certains aspects et je me demandais si justement cette « acceptation » de toi ça avait fait évoluer cette écriture.
I : il y a un truc déjà de base qui est que je ne suis plus trop en comparaison donc en égotrip. Je trouve une nouvelle phase, je dis que je suis spirit trip par rapport à moi et pas mon égo. J’essaie de gonfler mon âme plutôt qu’autres choses.
Je pense que de là ça a changé mon écriture… Mais oui et non. Ce qui est marrant, et ça rejoint un peu ce que je disais avant, c’est que je n’ai pas l’impression non plus d’avoir changé pour moi je disais la même chose sauf qu’avant mais je le disais plus brutalement… j’avais envie d’aller au même endroit mais je ne prenais pas le temps de le faire et du coup je restais dans des préceptes prédéfini par le monde dans lequel on vit, maintenant je suis plus à me regarder moi et à essayer de m’améliorer, je pense. La poésie ça a toujours été en moi en tout cas.
LFB : c’est un album voilà entre guillemet qui sort des clichés, d’une image qu’on aurait pu te coller
I: moi même j’ai voulu accentué parfois je t’avoue. J’ai voulu jouer le rôle qu’on attendait de moi.
LFB : Je trouve que tu joue vachement avec ta voix, que tu acceptes vachement, il y a plusieurs tessitures de voix et je trouve que ça va bien avec la musique. La voix est autant mouvement que la musique dans l’album.
I : C’était même plus une volonté qu’une acceptation. J’ai toujours cru que je chantais, même à mes débuts quand j’écrivais des textes c’était de la chanson.
Sans style mais c’était chanté, je sortais des mots de ma bouche, il y avait des mélodies même si c’était du rap pou moi le rap c’est chanté, tue vois ce que je veux dire. J’ai toujours eu cette vision là. Donc je m’essayais plus à chanter et quand j’ai appris ce que c’était de chanter, j’ai compris que en fait je ne chantais pas vraiment.. Du coup oui dans cet album j’ai bien voulu aller aux endroits que j’avais dans ma tête vraiment, parfois je n’y étais pas, j’avais une vision et quand j’avais une vision, je travaillais pour y aller et j’ai appris à chanter.
LFB : Mais ça sent, je trouve, et finalement c’est ce qui donne la beauté de l’album, il y a des aspérités dans le son et la voix ce qui n’est pas toujours le cas.
I : souvent on a composé des chansons de piano voix de base puis ensuite on reproduisait, on produisait tout ensemble. On faisait tout en même temps avec PH. Ce n’était pas on m’envoie pas une instru et je pose ma voix. C’est les deux ensemble, le tout en même temps.
LFB : Des gens comme Crayon ou Adrien Gallo qui ne sont pas forcément dans un univers hip hop, qu’est-ce que ça a apporté à toi et ta musique surtout ?
I : Bah déjà beaucoup d’apprentissage, j’ai appris énormément, ils m’ont montré beaucoup de chose. Maintenant j’ai les bonnes techniques (rires).
Ils m’ont aussi donné de la liberté parce que comme ce sont des gens, pas des ingénieurs, pour le coup Adrien ça l’est mais ce sont des gens qui triturent la musique et qui prennent le temps en faisant de la musique. Les beatmakers avec qui je travaillais avant, ils faisaient leur beat et puis c’est comme ça . Là on me laissait l’espace de pouvoir changer, rechanger, aller, avec eux je parlais « ça manque d’eau, ça manque de mer, de vent » et c’était ça qu’on allait chercher.
Ce sont des gens qui je pense eux-mêmes travaillent comme ça, ils ont cette vision là dans leur musique. Adrien, c’est PH qui me l’a présenté car ils avaient déjà travaillé ensemble et Crayon j’aimais déjà sa musique. Donc voilà j’ai eu beaucoup de chance, ça m’a apporté du professionnalisme même.
LFB : Est ce que c’était important pour toi que tu sois propriétaire de ta musique, plus uniquement dans de la production mais surtout de la composition ?
I : ouais ouais, complètement. Je voulais mettre les mains dedans. C’est en mettant les mains dedans que tu te rends compte que en fait « ah c’est possible de faire ça aussi ? Et de faire ça aussi? Ah si je veux faire ça va falloir que je fasse ça ? ». J’adore comprendre les choses,. C’est important, ça développe la créativité en fait.
LFB : Il y a trois chansons qui m’ont marqué sur l’album. Tout d’abord il y a noir ou blanc qui est un morceau important. On a l’impression que finalement au lieu de choisir entre le noir et blanc, tu as plutôt album qui te demande d’accepter les zones grises de ton existent
I: complètement c’est trop ça, c’est exactement ça. C’est fait exprès. En fait à cette personne on lui dit de choisir mais dans les choix qu’on lui donne on lui explique que dans le noir il y a du blanc et dans le blanc il y a du noir. De toute façon ton choix sera le bon, c’est ça.
LFB : Et puis il y a Pas de piano et Litanie. À la fois des transitons et à la fois que quelque chose d’hyper brutal qui s’oppose à un titre limite mystique, avec des clips associés l’un à l’autre.
I : Crayon tout ça ! Déjà avec Crayon on s’est trouvé, même si c’est un malade comme les gens autour de moi, un grand malade. On a une vision ensemble de la musique qui est vraiment très brut. J’adore quand on fait de la musique ensemble c’est très brut, c’est un pur hasard à la fin. Enfin il n’y a pas de hasard dans la vie
LFB : C’est un peu le destin
I : ouais voilà, c’est ça. On les a pas faite du tout en même temps. Ces morceaux devaient être des interludes enfin ce sont des interludes, mais juste pas on n’a pas voulu les nommer interlude car je trouvais ça un peu réducteur. D’ailleurs c’est Crayon qui m’a dit ça (rires) pour le coup c’est réducteur et en effet il a raison. Du coup là elles donnent quelques choses, elles vivent ensemble, bah c’est le Noir et le blanc.
LFB : deux chansons… première une sorte de coup de poing que tu te prends et la deuxième on oublie de respirer. il y a une vraie complémentarité et je trouve ça hyper bon. Deux morceaux plus court mais ressortent le plus
I ; il serait fier d’entendre ça Crayon
LFB :je voudrais te parler de ton rapport au bleu. L’idée que tu en avais au départ à évolué non ?
I : Je pense que ca évoluera encore, j’espère qu’il y a encore des suprises. Mais à la base c’était quelque chose de très superficiel en vrai. J’avais 13 ans , très superficiel. Les américains disaient touch the sky du coup je voyais le bleu du ciel quoi, juste le bleu c’était soit disant ma couleur préférée (rires) tu vois le genre.
Donc touch the sky les machins, les étoiles… tu vas conquérir le monde. J’aimais bien, je cours après le bleu, je cours après le bleu. Puis un jour je montais dans une montagne comme ça et je me rendais compte qu’il yavait les nuages autour de moi, j’étais « mais putain je suis dans le ciel wooo », je suis dans le ciel, je même pas si haut, le bleu est partout autour de nous donc il suffit de s’en rappeler.
Tu vois comme je te disais tout à l’heure j’étais stressé de ouf et tout et au final il suffit que je fasse, tout va bien. Il suffit de se rendre compte on est dans le ciel tq u’en fait voilà. Aujourd’hui c’est plus quelque chose qui me rassure avant c’était quelque chose que j’allais chercher, aujourd’hui c’est quelque chose qui me rassure, qui m’entoure
LFB : Et donc, France bleu une vraie passion ?
I : pour de vrai. J’adore la chanson français et c’est l’une des seule avec Nostalgie qui passe de la bonne musique française, mon rêve c’est qu’il passe, ma chanson 911 ça serait trop bien. Puis ça va très bien avec le bleu. J’ai passé mon été dans le sud, ils ont France bleu Provence, c’était parfait. J’aime bien France Bleu
LFB : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?
I: Franchement que chaque personne se sentent bien dans leur baskets. Moi si j’ai ça je pourrais faire ce que je veux, personne ne me critiquera, personne ne me regardera de travers quand je ferai mes mots du coup le mieux ça serait ça
LFB : Toi qui a toujours dit que tu voulais que les gens s’aiment à travers ta musique, est-ce que cet album t’as appris à t’aimer toi même ?
I : C’est pas fini tu vois (rires), en vrai c’est pas fini. J’ai encore quelques zones grises que j’essaye de corriger, j’ai encore pas mal de travail, je pense que j’en aurais toujours.