Une conversation avec Marilyne Léonard

Au pied de la butte Montmartre et de ses ruelles et passages, dont la quiétude tranche avec le tumulte du boulevard de Clichy, nous avons retrouvé, le temps d’une discussion, Marilyne Léonard, qui a traversé l’Atlantique pour passer quelques jours en France. Si la scène française est très active, de beaux projets émergent aussi chez nos cousins canadiens. Et celui de Marilyne Léonard – dont on adore le flow, la créativité et la sensibilité – en fait de toute évidence partie.

Crédits : Zoé Renard

La Face B : Bonjour Marilyne, pour commencer j’ai envie de te demander : comment ça va ?

Marilyne Léonard : Ca va super bien. La France, c’est très beau. Je suis rassasiée.

La Face B : Tu viens de sortir ton premier EP, ou mini-album, Vie d’Ange. Ça fait comment de voir son projet se concrétiser et prendre vie ?

Marilyne Léonard : Tous les efforts que j’ai pu faire ces dernières années sont enfin pris en compte. Donc c’est vraiment cool. Je suis très chanceuse.

La Face B : Le terme de mixtape est utilisé plutôt que celui d’EP ou d’album. Quelle distinction y mets-tu ?

Marilyne Léonard : En fait, la mixtape est un album qui possède plusieurs directions artistiques. Je l’avais appelé mixtape parce qu’il y a quatre chansons qui sont réalisés par Emmanuel Éthier, et quatre autres que j’ai coréalisées avec Marc Bell. Ça va dans plein de directions différentes, c’est pour cela que je dis qu’il y a plein de choses dedans. C’est comme un mélange qui fait un tout.

La Face B : Peux-tu nous présenter ton travail, tes inspirations et tes aspirations ?

Marilyne Léonard : Je m’inspire énormément des Louanges. C’est un artiste qui décoiffe avec les prods musicales qu’il fait, et ses textes. Sinon il y a Clay and Friends. J’ai fait quatre ou cinq de leurs premières parties au Québec. C’est un groupe qui m’inspire dans leur fun, c’est joyeux. Sinon j’écoute plutôt du rap français. C’est ce qui m’inspire pour la façon de prononcer mes phrases, comment je les chante. J’essaie d’écouter le plus possible de choses en lien avec ce que j’ai envie de faire dans le moment présent. Il y a six mois, je n’avais pas envie de faire la même chose que maintenant. C’est pour cela que j’aime sortir, fréquemment, des singles, parce que mon son change souvent. J’aime explorer plusieurs choses. Ce que je souhaite, c’est d’être vraie et de poursuivre dans la direction que j’ai envie de suivre dans l’instant.

La Face B : Justement, dans les vidéos que tu as publiées sur internet (Cover ou Remix), on sent que tu expérimentes beaucoup. Tu as besoin de ces recherches pour former ton style ?

Marilyne Léonard : Je pense que oui. En fait, je fais des reprises de chansons parce que cela m’amène à comprendre des choses qui ne sont pas forcément familières, et ainsi de les ramener dans mon style. C’est comme un exercice. Je trouve intéressant de le faire parce qu’il définit encore plus mon style. J’adore faire ça. Et puis, les gens ne connaissent pas encore à 100% mes chansons. Alors le fait de m’écouter chanter des titres comme La Bohème, une chanson que tout le monde connaît, leur donne des repères.

Crédits : Zoé Renard

La Face B : En fait, il n’y a pas trop d’électronique dans ta musique. Elle est très teintée rock, voire blues, avec une base « guitare, basse, batterie ». C’est ta façon d’être sincère musicalement ? Sans artifices ni prods démesurées ?

Marilyne Léonard : En fait il y a quand même des drums-machines, des kicks un peu électro. J’adore mélanger. Ce que j’aime, c’est mélanger des trucs nouveaux avec trucs plus organiques. Ça fait un assemblage intéressant. J’aime aussi la guitare, ma gratte comme je dis tout le temps, pour les accords.

La Face B : Dans tes textes figurent des tranches de vie, des sensations. C’est une façon de nous partager tes états d’âmes ?  

Marilyne Léonard : Dis-toi que quand il existe des sujets qui me paraissent trop intenses, j’écris ce que je pense, ce que je ressens et je les fais figurer dans mes chansons. C’est un moyen pour moi d’évacuer.

 La Face B : Cela te permet aussi de rêver.

Marilyne Léonard : De rêver, mais aussi de faire en sorte que certaines choses dans ma vie deviennent des chansons.

La Face B :  Et pour reprendre le titre de ta mixtape, c’est quoi pour toi une vie d’ange ?

Marilyne Léonard : En fait, je fais référence à la pression que je peux avoir pour bien faire une chanson. Être le plus angélique possible. Avoir cette pression-là serait pour moi avoir une vie d’ange. J’essaie que tout soit correct, que tout se passe bien, comme je le souhaite. Mais, il y a aussi beaucoup d’embûches. Ce terme de vie d’ange peut aussi avoir quelques aspects négatifs. Mais j’essaie de garder cette vie d’ange. C’est le parallèle à faire avec les deux pôles – positif et négatif.

La Face B :  On ressent de la nostalgie à l’écoute de tes chansons. Un peu comme si on feuilletait un vieill album photo. Aurais-tu aimé vivre à une autre époque ?

Marilyne Léonard : Absolument. C’est drôle, parce que mon prochain album va être un peu plus rock. J’aurais aimé vivre dans les années 80, où pour moi le rock était à son apogée. J’aurais aimé ça, être dans ce style. C’est quelque chose qui était trendy. J’ai l’impression qu’en 2022, cela revient. On voit beaucoup d’artiste pop qui mettent dans leur musique des inspirations indie-alternatives – rock, punk. C’est vraiment cool. J’aurais aimé grandir dans les années 80/90.

La Face B :  En France, on se fait souvent des nœuds au cerveau à savoir si tel artiste ou tel groupe doit ou peut chanter en français ou en anglais. Il y a un côté mode qui peut parfois relever du tabou. Je suppose qu’au Québec c’est également quelque chose qui est aussi présent. Quel est ton ressenti à ce sujet ?

Marilyne Léonard : Je suis vraiment attachée à la langue française. Au départ, j’écrivais en anglais parce que c’est plus facile. Mais je me suis rendue compte qu’en français, je disposais de beaucoup plus de mots pour décrire les choses, et donc de beaucoup plus de profondeur. Pour moi, ça a été comme un déclencheur. A partir du moment où j’ai commencé à écrire en français, je savais que j’allais continuer à le faire. Parce que c’est aussi ma langue maternelle et que j’ai beaucoup plus de richesse dans ma langue maternelle que dans n’importe quelle autre langue que je pourrais apprendre dans ma vie. Cela fait également partie de mon style.

 La Face B :  Vu du Québec, cela donne quoi la scène française ?

Marilyne Léonard : J’ai l’impression que la musique française de France a comme une côte en plus. Elle est vraiment riche. Je trouve que l’accent français de France est vraiment charmant et beau à écouter. Et même si on dit quelque chose d’un peu quétaine, en français de France cela passe. Les choses sont plus pardonnables. Il y a beaucoup plus d’artistes dans mon vibe en France. Si on prend par exemple Poupie, aucune artiste au Québec ne lui ressemble. Vous avez avec Poupie, Lous and the Yakuza plein d’artistes féminines qui prennent leur place.

La Face B : Il y a beaucoup d’artistes français diffusés au Québec ?

Marilyne Léonard : J’ai grandi dans un milieu où on était vraiment connectés avec votre monde. On regardait des youtubeurs français, on écoutait de la musique aussi. Je pense qu’au Québec on écoute beaucoup de musique française et on s’en inspire.

La Face B : Après, il y a aussi le reste de la francophonie, la Belgique, la Suisse qui ont un pied – ou un micro – dans la scène française.

Marilyne Léonard : Je connais énormément d’artistes qui pour moi étaient français, alors qu’ils sont belges ou suisses.

La Face B : Et inversement, comment celle québécoise est perçue ?

Marilyne Léonard : Je pense que vous êtes très actifs, mais je crains qu’il y ait un blocage par rapport à l’accent.

Crédits : Zoé Renard

La Face B : Quelles seront tes prochaines actualités ?

Marilyne Léonard : Pour l’instant, je vais laisser vivre la mixtape tout l’été. Et je commence déjà à produire une de mes chansons, qui sera sur le prochain album, qui je l’espère sortira au printemps prochain. En attendant, j’aimerais pouvoir sortir un single et un clip au mois d’octobre. Je suis donc en train de découvrir mes prochains sons et voir à quoi ils vont ressembler. Côté scène, je vais également faire des festivals cet été au Québec.

La Face B : Et donc tu partirais vers un format album ou tu resteras sur celui d’une mixtape pour te tester encore ?

Marilyne Léonard : J’aime le format des huit chansons. Je trouve que c’est une bonne combinaison, ni trop, ni pas assez. Mais là, avec les nouvelles chansons sur lesquelles je travaille, je vais voir jusqu’à quel point ce futur album peut être gros ou pas.

La Face B : Et tu as prévu des concerts en France ?

Marilyne Léonard : Non, pas encore, mais cette semaine je rencontre des tourneurs afin de trouver quelqu’un qui puisse me booker des dates. Ca se peut que je vienne au MaMA cet automne.

La Face B : Et pour finir, que peut-on te souhaiter ?

Marilyne Léonard : On peut me souhaiter de voyager avec ma musique. Déjà, là, je suis contente d’avoir pu venir en France. De remplir des plus grosses salles… J’aimerais faire des shows de plus en plus gros, c’est certain !