Quelques heures avant son concert au MaMA, Marius s’est assis avec nous pour revenir sur les temps forts de son année et évoquer le futur. L’occasion de parler de son amour du live, de chant lyrique, de chanson française et de lâcher-prise.
La Face B : 2024 est une grosse année pour toi : un Café de la Danse complet en février, le Prix du public des iNOUÏS du Printemps de Bourges, le MaMA, et plusieurs concerts à venir… Comment tu te sens ?
Marius : En fait, c’est assez marrant. Comme c’était assez dilué, par période, je n’ai pas vraiment l’impression que c’était une grosse année. J’ai sorti très peu de titres, j’ai été moins présent qu’à une certaine période. Chaque événement est arrivé à un moment bien précis donc c’était assez segmenté dans le temps. Du coup je n’ai pas l’impression qu’il se soit passé plein de trucs, mais quand j’y pense je me dis “ah oui c’est vrai qu’il y a eu tout ça en fait” ! En vrai, je suis super content. Faire beaucoup de concerts, c’est ce que je préfère. Et puis d’avoir pu gagner un prix du public sur du concert, c’est incroyable. Donc je me sens plutôt bien ! J’ai pu prendre des vacances entre temps, faire de la musique, c’était cool.
LFB : J’ai été impressionnée par ton live au Café de la Danse, jusque-là je te connaissais plutôt en piano-voix. C’était maîtrisé, il y avait du rythme, plusieurs instrumentistes… Comment as-tu conçu ce live ? Est-ce le même que tu vas décliner sur tes prochains concerts ?
Marius : Déjà, merci beaucoup ! En fait, à la Boule Noire, on avait déjà ajouté des bandes-son, en plus de Tom au piano. Et là on s’est dit qu’on voulait proposer autre chose pour le Café de la Danse. On a eu cette idée de quatuor à cordes. Jonathan, avec qui j’ai travaillé sur mon premier EP en studio, a réarrangé tous les titres. On n’a eu que deux jours de répétition avec les quatre filles qui nous accompagnaient aux cordes, et les balances. Donc, c’était sport (rires). Le soir sur scène, c’était notre générale. Mais tout le monde a été super pro et maîtrisait bien son sujet. Moi, j’ai essayé d’y aller le plus confiant possible. C’est une date qu’on avait lancée en indépendant. Dans les loges, je me suis dit que je ne savais pas quand j’aurais l’occasion de rechanter devant 500 personnes. Donc j’ai eu envie d’en profiter au maximum, de m’amuser et de prendre le temps. Les quatre filles sont très douées, elles font ça tout le temps, elles s’adaptent. Tom connaît tous les morceaux car ça fait un moment qu’il m’accompagne sur scène. Et Jonathan les a créés donc il les connaît parfaitement. Ça a été assez intense mais j’ai adoré le moment.
LFB : On a aussi vu un trompettiste sur un morceau…
Marius : Oui, tout à fait ! C’est moi qui ai eu cette idée, parce que j’adore vraiment la trompette. J’ai fait beaucoup de jazz quand j’étais jeune. Et il y avait un titre sur lequel j’avais envie d’en mettre. Sur la prod, ça ne marchait pas vraiment. Mais sur scène je me suis dit qu’on pourrait s’amuser, et puis j’avais envie d’offrir un spectacle aux gens. C’est aussi un pro, donc ça s’est très bien passé.
LFB : Est-ce que vous allez récupérer des éléments de ce live pour les prochains ?
Marius : J’aimerais bien, mais c’est un peu compliqué parce que ça coûte cher. Sur la tournée des iNOUÏS on n’est que deux, Tom et moi. On a mis des nouveaux morceaux, qu’on va jouer pour la première fois ce soir, donc on verra ce que ça donne. Mais moi dans l’idée, mon rêve ce serait de pouvoir faire une tournée des Zéniths, puis d’enchaîner avec une petite tournée acoustique avec un quatuor à cordes (rires). J’aime vraiment chanter, j’adore être sur scène et pouvoir décliner mes morceaux et m’amuser.
LFB : Est-ce qu’il y a des artistes dont les performances live t’inspirent ?
Marius : Je suis un grand fan de Beyoncé. C’est par le live que j’ai connecté à sa musique, parce que je n’écoutais pas tant que ça avant. Quand je l’ai vue sur scène (en vidéo, puis en vrai), je me suis dit “ah ok” (rires). Rosalía aussi. La tournée Motomami c’est une des meilleures tournées de pop qui ait été faite ces dernières années, c’était incroyable. En artiste francophone, j’adore Stromae, Christine and the Queens… En fait, j’aimerais devenir assez grand en tant qu’artiste un jour pour pouvoir faire un show 360, avec une sorte de théâtralité, des visuels, de la mode, de la musique… J’ai envie de créer du spectacle.
LFB : Justement, tu travailles de plus en plus l’aspect vestimentaire et esthétique au sens large. Ton EP Accroche-Coeur faisait référence à une coiffure que tu portais… Est-ce que c’est quelque chose que tu continues de travailler, d’investir, avec ton équipe ?
Marius : Oui, en fait quand j’ai commencé à faire de la musique, j’ai eu envie de rendre hommage à la variété française. Donc j’avais cette idée du costume, de la cravate, mais qui étaient toujours un peu trop grands. Parce que c’est facile de citer Aznavour, Barbara et Brel mais être à leur niveau, c’est autre chose. C’est pour ça que j’ai voulu enfiler un costume un peu trop grand pour moi, que j’essaye de remplir, sans prétention. Ce sont des chanteurs et chanteuses que j’aime et j’essaye de leur rendre hommage à ma façon. Je vais essayer de décliner ce concept pour la suite. Après, on a été assez limité en termes de budget. Depuis un an surtout, on essaye de se débrouiller pour trouver des petites marques ou des plus grandes qui veulent bien nous prêter des vêtements. Il y a aussi des marques qui offrent des choses, c’est cool. J’aime bien le fait qu’en tant qu’artiste, on n’ait pas forcément besoin d’être très grand pour être accompagné et aidé.
LFB : En arrivant tout à l’heure tu m’as dit que tu revenais d’un cours de chant, ce qui fait une belle transition avec ma question suivante. Tu as une maîtrise vocale exceptionnelle, et en même temps tu arrives à transmettre beaucoup d’émotions à travers ta voix – ce qui ne va pas toujours de soi. J’aimerais donc que tu me parles de ton rapport à ta voix : comment tu l’as apprivoisée ? Comment tu continues de la faire évoluer ?
Marius : J’adore cette question ! Parce que je suis arrivé à la musique par le chant. J’ai toujours aimé chanter, et de tout ce que je fais, c’est ce que j’aime le plus. J’aime travailler ma voix, et plus globalement j’ai une passion pour les voix. J’adore écouter les artistes, essayer de comprendre comment ils chantent, quels sont les mécanismes… Parce que l’appareil vocal c’est un mécanisme tellement complexe. Quand je suis arrivé à Paris, que j’ai commencé à me former, on me disait souvent : “tu as une belle voix, une belle sensibilité, c’est bien…”. Et ça me frustrait, parce que je me disais que je n’avais jamais pris de cours de chant, donc ça ne pouvait pas être bien. Ça peut être joli, il peut y avoir un potentiel, mais pas plus. Moi j’avais envie de travailler ma voix. Donc, depuis maintenant 4 ans, je prends des cours de chant lyrique toutes les semaines. Quand j’étais plus jeune j’ai fait beaucoup de jazz aussi, ça m’a servi à travailler l’oreille. Et maintenant, c’est le chant lyrique, l’opéra. C’est tellement puissant, ce qu’on peut faire avec son corps. Ça a vraiment changé mon rapport à la scène. Quand j’étais plus jeune, j’allais chanter et je me demandais un peu ce qui allait sortir. Aujourd’hui ce n’est pas parfait bien sûr, mais j’ai des outils qui me permettent d’être solide sur mes appuis et de m’amuser. D’être plus dans l’émotion aussi.
LFB : De lâcher prise, en fait.
Marius : Voilà exactement, sans avoir peur que ma voix parte ou quoi que ce soit. Ce qui pouvait m’arriver avant, et qui arrive encore bien sûr. Mais au moins, quand ça m’arrive maintenant, je sais pourquoi. Rien que ça, c’est important. Si une note craque, je saurai me dire que c’est parce que j’ai trop poussé, ou pas respiré comme il fallait par exemple.
LFB : Par rapport à ce que tu disais sur le fait de te laisser aller à l’émotion : quand on te voit sur scène, on a la sensation que tu es vraiment habité par tes morceaux. Est-ce que c’est comme ça que tu le ressens de ton côté ?
Marius : Souvent, oui. Surtout quand le public est à l’écoute. Mais ça m’arrive d’avoir des scènes où je suis moins dedans. Enfin, disons qu’il y a une habitude qui se met en place, et quand on est confronté à des problèmes techniques ou autres, je fais comme si tout roulait et que j’étais à l’aise. Alors qu’intérieurement je me dis “qu’est-ce qui se passe?!” (rires). Mais par exemple au Café de la Danse, j’ai eu une sorte de lâcher-prise qui m’a fait beaucoup de bien, c’était la première fois que je lâchais prise à ce point-là. Au Printemps de Bourges aussi, il y a eu un moment où j’ai ressenti une envie d’y aller, de défendre ce que j’avais à défendre. Je voulais que tout le monde se dise à la fin du concert “ok, il y avait une prestation”. Que les gens aiment ou pas ma musique et ma voix, je n’y peux pas grand chose. Par contre, ce sur quoi je peux agir c’est d’être le plus performant possible à un instant T. J’étais vraiment dans cet état d’esprit dans les loges. Comme si j’allais faire une compétition de sport, alors qu’en vrai j’étais seul sur scène à chanter des chansons tristes (rires).
LFB : (rires) Je comprends, en même temps c’est libérateur d’arriver sur scène avec cette attitude…
Marius : C’est ça. Et puis dans le système des iNOUÏS, il y a des artistes qui sont plus ou moins entourés. Il y en a qui ont un label, d’autres pas du tout. Et moi quand j’y suis allé, je n’avais plus de label, pas de tourneur. Donc il y avait juste mon producteur indé et moi, et on s’est dit “let’s go”. Et je me suis dit que je ne pouvais pas me permettre de prendre ça à la légère, j’avais la sensation d’avoir quelque chose à prouver d’une certaine manière.
LFB : Et pour ton concert au MaMA, j’imagine que les enjeux sont assez importants aussi. Comment tu le sens ?
Marius : En fait, je crois que je ne comprends pas trop ce que c’est que le MaMA encore (rires). Tout le monde m’a dit : “tu verras, le MaMA, c’est que des pros, ils viennent faire leur marché…”. Et on me disait pareil de Bourges. Au début, ça me stressait parce qu’on te fait un peu comprendre que tu vas passer un casting. Et finalement, je n’ai pas trop réfléchi. Je me suis dit : “je vais faire ce que je sais faire, le mieux possible, être le plus à l’aise possible”. C’est sûr qu’il y a des enjeux : j’aimerais bien trouver un tourneur pour pouvoir faire plus de dates, par exemple. Bourges, ça m’a permis de commencer à travailler avec de nouvelles personnes sur l’édition. Donc il y a plein d’enjeux bien sûr, et je serais très content si dix personnes viennent me proposer des contrats après ce soir. Et en même temps, ça fait deux ans que je fais de la musique, et je préfère éviter de me faire trop d’espoir ou de trop stresser parce que je vais jouer devant des pros. Parce qu’en fait, il y a tout le temps des enjeux, donc je préfère y aller et donner ce que j’ai quoiqu’il arrive.
LFB : Comme on se disait tout à l’heure, il s’est passé pas mal de choses pour toi cette année, mine de rien. Quelles sont tes envies pour la suite ?
Marius : J’aimerais bien terminer le projet sur lequel je suis en train de travailler. Ça devait être un EP mais je pense que ce sera plus que ça, peut-être un album. Il y aura des sorties avant, et l’album sortira certainement plus tard. Je crée beaucoup en ce moment, je travaille avec des nouveaux compositeurs et ça me fait beaucoup de bien. Donc, mes envies c’est de continuer à créer et faire toujours plus de dates. Quatre-vingts dates dans l’année ce serait bien, mais c’est peut-être un peu beaucoup (rires). Disons quarante ! Pour les sorties, je veux prendre le temps, ne pas sortir quelque chose pour sortir quelque chose.
LFB : C’est vrai que cette pression peut arriver rapidement.
Marius : Pour le coup ça fait un moment, puisque mon dernier single était en février. Et quand on est en développement, on peut ressentir le besoin de sortir à tout prix. Mais en même temps, je ne suis pas Angèle, personne ne m’attend. Donc je préfère prendre le temps de construire quelque chose dont je suis fier et sûr, et de le sortir dans les bonnes conditions.
LFB : Génial, hâte d’entendre ça. Merci beaucoup Marius !
Marius : Merci à toi !