Poppy Fusée : retrouvailles aux Francofolies de La Rochelle

Depuis deux ans, on a pris l’habitude de retrouver Poppy Fusée de manière assez constante. Elle est sans doute devenue l’artiste dont on vous parle le plus (et elle le mérite bien). On l’a donc retrouvée cet été aux Francofolies de La Rochelle. L’occasion de parler avec elle de la vie de Better Place, de son expérience au chantier des Francos et un peu de politique aussi.

LFB : Coucou Poppy, comment ça va ? C’est ma question préférée.

Poppy Fusée : Ben moi aussi, c’est ma question préférée parce qu’on ne la pose pas tant que ça aux artistes. Ecoute ça va très bien, en vrai ça va vraiment très très bien. Je pense que de tous les « ça va » que tu m’as posés jusqu’ici, c’est celui où je vais le mieux.

LFB : Le plus sincère.

Poppy Fusée : C’est le plus sincère en tout cas. Parce qu’hier j’étais sur la grande scène pour faire un inter plateau et que c’était incroyable. Donc je suis encore dans ce high.

LFB : Du coup ça fait quoi d’être la star des Francos 2024 ? Tu es celle qui joue le plus quand même sur cette édition.

Poppy Fusée : C’est vrai que j’ai beaucoup de concerts cette année (rires). Ça me fait très plaisir. Je ne sais pas si c’est mon équipe qui s’est chargée de disséminer un peu les concerts pour que vraiment je puisse rester toute la semaine (rires). Parce que moi c’est ça que j’aime ici c’est rester du début à la fin et profiter de tous les concerts, des découvertes et du Café Pollen le soir bien sûr.

LFB : Du coup on se voit tous les 6 mois.

Poppy Fusée : A peu près.

LFB : Donc Better Place a 6 mois. Comment tu juges sa vie jusqu’à présent à cet album ?

Poppy Fusée : Ecoute, il a une belle vie mon album pour l’instant. Il a une belle vie parce que je le fais vivre sur scène et c’est une grande chance. J’ai la chance d’avoir un tourneur qui a fait son travail et donc je peux aller défendre cet album sur scène, le faire découvrir et vivre. Moi c’est la vie que je voulais en tout cas pour cet album. Et Better Place, la chanson en elle-même, j’ai beaucoup de retours de gens qu’elle a touchés. Donc… Banco quoi, j’ai envie de dire !

LFB : Ça t’a surpris justement que les gens s’approprient et soient touchés par des choses qui, à la base, sont quand même très intimes et personnelles ?

Poppy Fusée : Ben c’est un peu le truc. C’est vrai que dès que t’écris sur un truc très intime en fait ça touche d’autres personnes, c’est un mystère de la vie. Ça montre quand même qu’on traverse tous les mêmes choses, à des degrés différents mais qui qu’on soit, d’où qu’on vienne, on est tous traversés par la même chose. Par le deuil, le chagrin, la joie, la perte, les rancœurs…

LFB : En janvier tu m’as dit que si cet album touchait 5 personnes, tu aurais réussi.

Poppy Fusée : Je pense que oui, la check-list, ça va. 5 personnes, j’ai fait un peu plus que 5 personnes, donc c’est bon, on peut se dire que le contrat est rempli.

LFB : C’est bon, tu es contente.

Poppy Fusée : Ouais, je suis ravie !

LFB : Si on est là aussi, c’est parce que tu fais partie du dispositif des Chantiers. Toi c’est un peu plus spécial parce que c’était sur 2 années justement. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience, qu’est-ce que ça t’a apporté ?

Poppy Fusée : Moi le chantier j’ai absolument adoré. C’est un dispositif d’accompagnement qui est extrêmement précieux. Moi je l’ai fait sur 2 ans en plus donc j’ai pu profiter 2 fois plus. Parce que dès que je peux venir ici moi, c’est vrai que je prends le temps de venir. J’adore La Rochelle et, je pense qu’on en avait parlé avant dans d’autres interviews, mais quand je suis arrivée ici aux Chantiers, il y a 2 ans, moi je pensais que je n’aimais pas faire des concerts en fait. J’étais persuadée de ça et en fait j’ai eu une équipe dédiée qui s’est juste occupée que moi, je trouve de la joie sur scène, de la joie d’être là et en fait 2 ans plus tard je suis là, je suis sur la grande scène et j’ai profité de chaque seconde. J’étais présente, j’étais là. Et je me dis que le chemin que j’ai fait depuis 2 ans il est fou et, vraiment, en grosse partie grâce aux Chantiers.

LFB : C’est eux qui ont recadré ton mindset un peu ?

Poppy Fusée : En tout cas, je pense que c’est une somme de choses. Je pense que le travail qu’on a fait sur le corps ensemble a été très important avec Bénédicte Le Lay. J’ai appris à être plus présente. Je pense qu’avant quand je faisais des concerts j’étais plus dans la fuite. J’avais l’impression de ne pas être dans mon corps, c’était comme une fuite émotionnelle en fait.

LFB : Pour t’avoir vue avant et après, c’est vrai qu’on voit la différence. C’est-à-dire que sur les derniers concerts où je t’ai vue il y a beaucoup plus d’expressions corporelles, d’acter la présence en fait. Alors que je me souviens de ton concert en première partie de Nova (ndlr November Ultra) au Grand Mix, c’était plus « courage, fuyons ».

Poppy Fusée : Exactement ! C’était genre « fiou, c’est bientôt fini ». Je me disais un peu ça, je me disais « allez, c’est bientôt fini », et je me souviens je faisais des très courtes premières parties de Nova parce que j’avais peur de saouler les gens, que ce soit trop long. Moi j’ai toujours peur de déranger, je me dis « les gens ils ne sont pas là pour moi, je dérange, je prends trop de place ». J’ai longtemps eu ce problème, c’est chouette de l’avoir de moins en moins.

LFB : Tu t’exprimes aussi beaucoup, entre les morceaux, je trouve, sur tes concerts.

Poppy Fusée : Je chante en anglais. Enfin en tout cas, tout cet album est en anglais. Et j’ai quand même des gens, parfois, à la fin de mes concerts, qui viennent me demander pourquoi je chante en anglais et pas en français, que c’est embêtant parce qu’ils ne comprennent pas les paroles. Du coup je pense que parler entre les morceaux, un petit peu, expliquer de quoi ils parlent, c’est une façon d’ouvrir une autre porte aux gens qui ne comprennent pas forcément l’anglais. C’est les inclure un peu plus.

« le chemin que j’ai fait depuis 2 ans il est fou et, vraiment, en grosse partie grâce aux Chantiers. »

LFB : J’ai une question bête : est-ce que ces transitions entre les morceaux tu les as écrites ?

Poppy Fusée : Non, alors, toi t’es venu plusieurs fois donc tu vois qu’il y a des similarités. Après, mes discours ils évoluent un peu mais c’est vrai que, souvent, un truc que je vais garder sur plusieurs concerts, c’est juste qu’à un concert j’y ai pensé, je l’ai dit, et je me suis dit « ah ok, ça pour l’instant je le garde ». Mais au fur et à mesure ça évolue. Donc non je ne les écris pas, je peux les imaginer un peu, tu sais quand je suis dans le train, quand je suis dans mes petites rêveries tu vois. Mais non je les écris pas.

LFB : Et pour rester un peu sur cette idée de live, qui a plusieurs vies aussi : justement, en dehors de la facilité à pouvoir jouer tes chansons un peu partout, qu’est-ce que ça t’apporte maintenant d’avoir plusieurs propositions qui sont bien établies et tout aussi solides ?

Poppy Fusée : Oui c’est vrai, j’ai une proposition en duo et en quatuor. Alors, c’est très dur quand tu as joué à 4, de revenir à 2, j’avoue. Ce que j’ai vécu à la Maroquinerie là… Bon, le public y était pour beaucoup mais vraiment, la batterie et la basse moi ça m’a portée. Je me suis sentie vraiment soutenue, portée. C’était solide derrière moi donc moi je pouvais juste penser à être juste moi, et faire mon travail. Et ça c’est super précieux. Et à 2 évidemment, c’est super solide aussi donc c’est autre chose. Mais c’est chouette de pouvoir s’adapter pour pouvoir jouer le plus possible. Donc on a trouvé un bon équilibre entre la formule à 4 et la formule à 2, qui fait qu’on peut aller jouer partout.

LFB : Oui, qui te permet de t’adapter…

Poppy Fusée : … selon les budgets surtout, on ne va pas se mentir hein (rires) ! C’est tout simplement ça.

LFB : Puisque maintenant tu as beaucoup tourné, est-ce que tu as un meilleur et un pire souvenir de concert ?

Poppy Fusée : Alors mon pire c’est facile, c’est vraiment la première partie de November Ultra au Trianon. J’arrive sur scène, j’inspire pour chanter mes premières paroles et là un pollen rentre dans ma gorge. Je passe le concert à à-moitié toussoter, et les gens les pauvres, qui me regardent avec cette empathie, cette pitié… Donc voilà, je pense que c’est mon pire souvenir de tournée, en tout cas avec Poppy Fusée.

Et mon meilleur, franchement il y a match. En vrai c’est la Maroquinerie, je vais pas mentir. Je veux dire, hier c’était fou sur la grande scène des Francos. Mais voilà, c’était que 2 titres, c’est presque cruel quoi. On t’entrouvre la porte de 13 000 personnes et on t’arrache aussi vite que t’es arrivé. Ca donne envie évidemment de faire ce concert en full quoi, mais donc je dirais la Maroquinerie parce que c’est une de mes salles préférées, où j’ai vu des artistes qui m’ont transcendée. Donc pour l’histoire je dirais ça.

LFB : Maintenant que tu tournes beaucoup, c’est quoi pour toi l’importance du catering, et d’un bon catering, en tournée ?

Poppy Fusée : Le catering c’est la vie. Et franchement, souvent les meilleurs caterings, c’est dans les petites salles un peu familiales, où tu ne t’y attends pas. Tu vois genre Le Normandy à St-Lô, parce qu’on a hyper bien mangé. C’est souvent des petites salles, où tu ne t’y attends pas et où c’est de la cuisine familiale quasiment, où tout le monde met la main à la pâte, où tu fais limite toi-même la vaisselle. En tout cas moi c’est ce que je préfère, quand c’est fait avec amour et quand c’est partagé. Dans les très très gros festivals, tu peux avoir des très bons caterings et en avoir des moins bons, mais t’as moins ce côté maison.

LFB : J’avais une question un peu sérieuse, ce qui m’arrive de temps en temps. Tu es, malgré tout, très présente sur les réseaux sociaux. Est-ce que c’est un peu une obligation ? Est-ce que tu vois, surtout récemment, le danger et le besoin aussi de te déconnecter de choses qui peuvent être très violentes parfois ?

Poppy Fusée : Ouais. Alors je le ressens de plus en plus. Moi, ce qui me fait peur c’est que je vois bien que j’arrive pas à faire des break, j’arrive pas à partir. Ce qui n’était pas le cas avant. Il y a 3/4 ans j’arrivais à couper l’été, pendant même 2 mois. J’ai même une fois coupé pendant 6 mois Instagram, tu vois. Et là, je me rends compte que je n’y arrive pas. Que même si, pendant 3/4 semaines, je n’ai rien, et forcément rien à dire pour ma promo personnelle, et ben je n’y arrive pas à ne pas y aller. Ça commence à me faire peur. Mais franchement, j’aimerais trop qu’il y ait une loi qui passe, en mode les réseaux sociaux ils ferment la nuit. Comme un magasin.

LFB : En Chine ils font ça.

Poppy Fusée : C’est chaud que mon genre de pensée ce soit la Chine (rires).

LFB : Non mais c’est pour les adolescents où, à partir d’une certaine heure, il y a une espèce de couvre-feu.

Poppy Fusée : Ben franchement, moi j’aimerais bien que quelqu’un fasse ça pour moi en fait. Que quelqu’un me dise qu’à partir de 20h jusqu’à 10h du mat’ c’est stop. Et c’est toute l’anxiété que ça génère. Ces dernières semaines, on a tous eu peur (ndlr élections législatives). J’ai passé beaucoup de temps à méditer parce que pour moi l’artistique et le politique c’est très lié. Voilà, j’ai perdu des followers, je me suis faite insulter. C’était nouveau ça pour moi parce que, comme je suis assez mimi et assez consensuelle en fait, en général les gens sont assez surpris quand je prends vraiment parti fort sur un sujet. Donc ouais, j’ai reçu un peu de violence en face.

LFB : Ils ne connaissent pas ton côté corse (rires) !

Poppy Fusée : Mais c’est marrant parce que quand tu choisis de montrer une facette de toi, les gens sont très surpris dès qu’il y en a une autre. Mais ça marche aussi dans la vie, c’est vrai j’ai appris à être, tu sais, gentille, assez douce. Mais je ne suis pas que ça, je suis aussi très déprimée, très sombre, très en colère (rires). Mais il faut apprendre aussi à montrer ces côtés-là et c’est ma faute de ne pas les avoir montrés avant.

LFB : Maintenant c’est fait !

Poppy Fusée : Maintenant c’est fait, je suis très en colère. Je suis une femme et très en colère (rires) !

« qui qu’on soit, d’où qu’on vienne, on est tous traversés par la même chose. Par le deuil, le chagrin, la joie, la perte, les rancœurs… »

LFB : Mais tu vois, l’artistique là, avec ce qui s’est passé ces trois dernières semaines, il y a quand même eu un point d’ancrage et d’évolution de se dire que, même si t’es un musicien, tu ne peux pas te cacher les yeux sur la réalité du pays qui t’entoure. Et que malheureusement, ou heureusement hein, il y a des gens qui n’ont pas tes opinions politiques qui écoutent ta musique et qu’il faut que tu fasses avec aussi.

Poppy Fusée : Ah ouais ouais, c’est sûr ! Moi je pense encore que ma commu elle est plutôt à gauche, aussi parce que j’ai pris la parole sur des sujets avant, qui sont le féminisme, la lutte anti-grossophobie etc. Les gens ils savent à peu près à quoi s’attendre comme discours. Moi la violence que j’ai reçue c’est plutôt des Macronistes. Je n’ai pas trop de personnes d’extrême-droite qui me suivent, en tout cas je n’ai pas trop cette impression. Ou alors ils sont très respectueux de ce que moi je pense. Ils ne sont pas venus m’attaquer. C’est beaucoup de Macronistes qui m’ont attaquée en me disant que l’extrême-gauche est très dangereuse quoi… (rires). Pardon ! C’est sûr que pour eux, oui.

LFB : J’ai une dernière question. Puisqu’on se connaît bien et qu’on se voit tous les 6 mois, est-ce que toi tu as une question à poser à La Face B ?

Poppy Fusée : Bien sûr : ça fait quoi d’être le meilleur média de France ?

LFB : C’est pas à moi de répondre…

Poppy Fusée : Ben pourquoi ? Qui va répondre alors si c’est pas toi qui réponds ?

LFB : Je ne pense pas qu’on soit le meilleur média de France, je pense qu’on est celui qui le fait avec le plus de sincérité.

Poppy Fusée : Oui, ben c’est très bien, c’est une très bonne réponse ! C’est pour ça qu’on continuera à se voir tous les 6 mois (rires).

LFB : On se donne rendez-vous à la fin de l’année ! A La Cigale… ?

Poppy Fusée : J’espère ! Je ne sais pas si ce sera pour cet album mais franchement j’espère. Je mets ça dans l’univers en tout cas.

Photos : Céline Non au Biches Festival
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