Solann, une chanteuse et prêtresse de la nouvelle scène française est née

L’envoûtante chanteuse se confie avec douceur et sincérité sur sa carrière. Alors que se profile une Cigale complète et un concert à l’Olympia.

illustration de la chanteuse Solann
La chanteuse Solann mélange dans son univers ses origines arméniennes et la sorcellerie / Illustration : Camille Scali

Avec sa voix vibrante et cristalline, ses longs cheveux noirs et les deux points sous ses yeux bruns qui rendent son regard magnétique, vous n’avez pas pu passer à côté de Solann. La chanteuse de 24 ans s’est imposée comme une artiste à suivre. Elle se fait connaître sur les réseaux sociaux avec des reprises en abécédaire. L’artiste confie pourtant sa crainte de rester figée dans ses cover : « Je ne voulais pas être “la fille qui chante La Bohème (sa reprise de Charles Aznavour étant l’une des plus populaires)” alors il n’y a pas de cover sur mon EP ».

En janvier dernier, Solann sort Monstrueuse, son premier EP, que les critiques encensent rapidement. Elle enchaîne depuis les concerts et les interviews. Un rythme « un peu fou » sur lequel elle tente de se caler. « Avant, j’étais sujette aux crises d’angoisse et là, c’est pire, confie-t-elle, parce que pleins de choses arrivent et que cela crée une pression. » L’artiste reste consciente de ce qui lui arrive en s’estimant « chanceuse d’être bien entourée » par le label Cinq7 qui ne la considère pas « comme un pion ».

« Pour l’instant, la chanson est le seul moyen d’être honnête »

C’est le producteur Chad Boccara qui repère la chanteuse sur internet, avant de produire ses premiers singles et de démarcher les labels. Cette rencontre aurait pu ne pas se faire. Solann explique en souriant « Il est tombé à 4 h du matin sur mon TikTok et il m’a envoyé un message que j’ai failli ne pas voir. Ça me hante un petit peu. À cette période, je recevais beaucoup — beaucoup — de demandes de messages, mais comme je n’ai pas l’habitude, je me suis éloignée des réseaux. » Il a fallu que le producteur passe par un ami en commun pour que la rencontre puisse se faire.

Un autre rendez-vous aurait pu être manqué, celui avec le public, du moins en tant que chanteuse. Solann vient du théâtre et la musique « n’a pas toujours été une évidence ». Elle a suivi la passion de son père, comédien, avant de se réorienter en voyant le nombre de vues augmenter sous ses vidéos : « Je me suis mise à écrire pendant le confinement et à poster sur les réseaux. Ça a commencé à plaire plus que ce que je faisais au théâtre » Contrairement aux planches, sur scène, « la chanson ne te laisse pas jouer un personnage » confesse Solann du bout des lèvres.

Illustration : Camille Scali

À travers ses textes, en particulier la chanson Narcisse, l’artiste témoigne de sa crainte d’être oublié. Elle s’imagine sur scène en idole romantique et suppliante : « Aimez-moi fort / Avant que je me fane / Le temps m’a mise à mort / Une femme remplace une femme » Solann observe la sincérité de cette phrase : « J’ai très peur de passer de mode. J’aimerais être connue et rester dans les mémoires pour ma musique plus que pour ma personnalité ou mon vécu. » Car ses textes ont une portée autobiographique qu’elle reconnaît, sans vouloir rentrer dans les détails au risque de nourrir « une curiosité presque morbide ».

Narcisse à demi-mot

« Pour l’instant, la chanson est le seul moyen d’être honnête » revendique Solann. Elle évoque dans ces chansons une intimité violente et brutale, tout en dégageant quelque chose d’universel, qui touche en plein cœur. Sans forcément être témoin ou concerné, on se retrouve dans ses revendications féroces et féministes (Rome), sa liaison amoureuse qui flirte frénétiquement avec la mort (Crash) ou encore son rapport au corps (Petit Corps). Solann donne un pouvoir cathartique à la chanson.

La chanteuse avoue que « l’écriture l’aide, chanter l’apaise ». Elle poursuit en rigolant : « Même s’il ne faut pas minimiser le travail d’un psy. C’est l’inconscient qui travaille quand tu écris. » Solann confère à la musique un pouvoir de guérison, qui s’apparenterait à un sort. « Je vois dans la magie dans le fait de créer, perçoit-elle, de réussir à émouvoir des inconnus avec des mots. » La chanteuse se définit comme une « sorcière réconfortante » dont « la spiritualité a une grande importance dans sa vie ».

Un premier album en cours

Puisque les mots ont une puissance et que Solann l’a bien saisi, elle n’hésite pas à utiliser sa notoriété pour prendre la parole. Elle évoque notamment la situation en Arménie, chante une berceuse au moment de la guerre contre l’Azerbaïdjan en 2020 ou témoigne de la haine qu’elle peut subir à cause de ses origines arméniennes. Elle insiste sur cette nuance : « Parfois je me sens un peu coupable parce que je dis que je suis arménienne mais je ne parle pas arménien, je ne suis jamais allée en Arménie. » La famille maternelle de Solann est originaire du Caucase et a subit le génocide dans les années 1915.

De cet héritage, l’artiste n’est pas tout à fait sûre. Comme dans de nombreuses familles touchées par la catastrophe, le silence prime. Elle avoue : « Je connais et en même temps je ne connais pas ces histoires » Alors à la manière d’une Moires qui ferait renaître les disparus, elle tisse un lien vers ce passé. Solann veut mettre un peu d’Arménie au cœur de son art. « Pas que par devoir » mais pour honorer cette mémoire. Elle mentionne la présence d’un doudouk (un instrument traditionnel du Caucase) dans son premier album avant de légèrement rougir pour avoir fuité ce projet. Solann ne nous en dira pas plus sur l’album en cours si ce n’est qu’elle n’exclut pas l’aide du chanteur canadien Patrick Watson

En attendant l’album, le concert de Solann à La Cigale est déjà complet, mais elle se produira à l’Olympia en avril 2025

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