En avril dernier, au détour d’un concert, nous rencontrions Clément et Martin du groupe The Psychotic Monks. Un quatuor que nous suivons de près et qui sortait il y a bientôt un an Pink Color Surgery. Douze titres à savourer en live, à redécouvrir sans cesse, portés par des musicien.n.e.s aux valeurs fortes et nécessaires. C’est dans un bar fréquenté de Pigalle que nous avons échangé pendant plus d’une heure. Nouvel album, covid, l’intime, le politique : autant de sujets abordés avec sincérité et simplicité.

La Face B : Depuis début mars et jusqu’en août prochain, vous serez sur scène pour défendre votre nouvel album, Pink Color Surgery. De Londres à Paris en passant par la Belgique et de nombreux festivals français et internationaux. Comment vous sentez-vous ?
Clément Caillierez (chant, batterie, synthétiseur modulaire, piano, etc) : On se sent bien. J’crois que la pause forcée du covid nous a permis.e de faire un gros check point. Même si on tourne depuis 2016, on a vraiment l’impression de recommencer à zéro. On travaille sur ce disque depuis 3 ans, entre l’enregistrement, la sortie et les clips. Donc on a eu le temps de se préparer, que ce soit psychologiquement ou physiquement. Là, on a trouvé un set qui nous va vraiment bien. On profite, on essaie de se faire du bien et d’en faire aussi aux gens qui viennent nous voir.

Martin Bejuy (chant, guitare, synthétiseur modulaire, etc) : Ouais, c’est vraiment cette sensation de deux ans de préparation qui arrive à aboutissement. Pour moi, c’est vraiment ce qui donne du sens à ce qu’on fait : faire des concerts, aller sur la route, rencontrer des gens. En 2022 on n’avait fait que quelques dates et notre set n’était pas encore abouti. Là, on va vraiment défendre sur scène l’ensemble de l’album et la musique qu’on a envie de faire en ce moment. Et ça, ça fait beaucoup de bien aussi.
Clément : On est aussi bien accompagné.e.s en tournée, entre Sarah à la régie, Justine ou Pierre qui sont en binôme et Nico qui est au light.
LFB : Pink Color Surgery est votre troisième album. Il vient 4 ans après Private Meaning First. Il est beaucoup plus électronique que les précédents, parce que selon vous, c’est la seule musique que vous pouviez faire confinés. Quel impact le covid a eu sur votre création ? Quelles ont été vos influences pour cet album ?
Martin : Le covid a vraiment imposé un arrêt pour tous. Dans un premier temps, ça nous a fait du bien. Et puis, comme tout le monde, je pense qu’on a réalisé que ça allait être plus long que prévu.
Après un certain temps à faire des choses de notre côté, on s’est dit que c’était peut-être le moment de prendre du temps pour composer et se projeter dans un nouvel album. C’est le premier sur lequel on a vraiment eu un an pour travailler. Sans faire de concerts ni être sur la route constamment. On est rentré.e.s dans un vrai processus de composition qui a pris beaucoup de temps. Sans concert, notre seul exutoire c’était vraiment de se retrouver à Mains d’œuvres, le studio où nous sommes résident.e.s. On avait la chance d’y avoir accès donc on s’est retrouvé.e.s des jours et des jours entiers à partir de rien et jammer énormément. Au début, il n’y avait pas vraiment de but. Ce n’était pas spécialement pour composer des morceaux, mais vraiment pour enregistrer de la matière.
Clément : Pour se faire du bien aussi.
Martin : Oui, c’est ça un peu. On est parti très, très loin dans des trucs très, très nihilistes.
Clément et Martin à Pigalle par Céline Non
C’est le premier album qu’on compose comme ça, toustes les quatre, à vraiment partir de rien et créer à partir de là.
Martin – The Psychotic Monks
LFB : Vous n’avez pas gardé ?
Clément : Si, tout est enregistré quelque part, ça va être re samplé à un moment.
Martin : Puis après, ça a été un travail de relever les passages qui nous plaisaient. Il y a eu beaucoup de réécoute et de résidence dans le Sud. On est parti.e.s deux fois pendant trois semaines, et ce à six mois d’intervalle. Là, on a pu vraiment maquetter les morceaux. Ça a été une espèce de travail d’assemblage. Mais c’est aussi le premier album qu’on compose comme ça, toustes les quatre, à vraiment partir de rien et créer à partir de là. C’est vraiment que de la jam. Il n’y a que l’écriture des paroles qu’on a fait.e dans notre coin, mais sinon chacun.e avait vraiment son champ d’expression. Et le côté un peu plus électronique a été ramené par Paul, au synthé et au clavier.
Clément : Il voulait danser quoi. (rires)
LFB : C’est Paul, je crois, qui disait que vous tendiez à faire de la pop ?
Clément : On est toustes les 4 à dire ça. On aimerait bien faire de la pop..
LFB : Mais les gens ne vont pas comprendre ?
Clément : Non c’est surtout qu’on n’y arrive pas je pense. A la base, on jammait parce qu’il n’y avait plus de concerts. On essayait de recréer ces fameux instants de liberté qu’on retrouve justement dans ces espaces. Ces choses qui sortent sans trop savoir pourquoi, les émotions qui sont très fortes.
Être enfermé.e.s deux mois, subir les couvre-feu, ça nous a amené à la jam. J’pense qu’un peu partout il y avait ce besoin de danser. Ce n’était pas que nous 4 à l’intérieur mais les gens autour aussi. Paul et Martin jammaient pas mal aussi en électronique depuis un moment. Paul est vraiment parti dans le modulaire. Il voulait faire de la techno.
On a eu besoin de s’enfermer pour être complètement libre de faire ce qu’on voulait, de ne pas juger la musique qu’on faisait et de ne pas avoir de limites.
Clément – The Psychotic Monks
LFB : ça sera peut-être le futur album, Techno Pop.
Clément : Ouais Techno Pop. Mais vu qu’on était enfermé.e.s toustes les 4, à faire des morceaux, c’est marrant ça nous paraît plus pop qu’avant. C’est sans doute le recul qui fait les choses mais il y a eu un besoin de s’enfermer pour être complètement libre de faire ce qu’on voulait, ne pas juger la musique qu’on faisait, de ne pas avoir de limites. Et les influences, je crois que c’est la jam.
Martin : Je parle pour moi mais je me rends compte que quand on tournait H24, je n’avais pas beaucoup de temps pour écouter de la musique, pour découvrir de nouvelles choses. Parce que quand on est en permanence dans le bruit, dans la musique qu’on fait et bien, quand on a du temps libre, on se repose un peu les oreilles.
Et là, avec les confinements, les périodes sans concert, on s’est remis à écouter plein de groupes et s’en partager. Notamment des choses qu’on n’écoutait pas avant, comme de la musique électronique, du hip-hop et beaucoup de choses plus pop aussi. Et ça nous a fait du bien de se nourrir de différentes influences. Puis il y avait aussi cette volonté de s’éloigner un peu de ce côté rock, pop, post-punk qu’on a bien poncé. On avait envie de passer à autre chose.



LFB : L’album a été produit et enregistré par Daniel Fox, le bassiste de Gilla Band. Vous avez passé 19 jours ensemble. Paul a parlé dans une interview d’une vieille console analogique, où vous deviez appuyer en même temps toustes les 4. Il a parlé d’organique. C’est important pour vous les sensations ? Et comment ça se passe, 19 jours avec un inconnu, vous qui êtes habitué.e.s à vous autoproduire..
Clément : Nous, on voulait l’inclure directement dans le groupe et qu’il ne se sente pas seul. Puis, on s’est bien trouvé.e.s. Ça a commencé avec les échanges de mail. On lui avait envoyé des maquettes et à chaque référence qu’il nous envoyait, il y avait un truc. Ça matchait déjà et c’était assez fluide même s’il y avait une appréhension de par la langue car on n’est pas forcément bilingues.
Par rapport à la console analogique, Daniel Fox a fait une dizaine de jours de prises, qu’il a mixé directement derrière. C’était le premier jet de mix, il nous faisait écouter et ensuite s’il avait besoin d’un coup de main, on venait l’aider. Ça c’était super. On est vraiment allé.e.s au bout, ce qu’on n’avait pas fait sur Private Meaning First. Ici on a été sur des consoles analogiques, on les faisait saturer, ronronner. Pour le coup, on a vraiment utilisé ce studio en entier.
Martin : Oui, puis c’est le studio dans lequel on a enregistré l’album précédent donc on le connaissait déjà. Et pour la console analogique, en partant, on ne savait pas encore qu’on allait l’utiliser. Et ça a été une décision qu’on a pris.e sur le tas. Daniel était uniquement disponible sur la période de l’enregistrement donc c’est en arrivant là-bas qu’on a compris qu’il allait mixer dans la foulée et qu’il n’y aurait pas de recul entre les prises et le mix. On s’est alors dit qu’on enregistrait un instant, que les morceaux étaient ce qu’ils étaient et qu’ils vivraient en live.
C’est la première fois qu’on a vraiment travaillé comme ça. Mixer tout en analogique sans pouvoir revenir sur les choix qu’on a fait et le recul de Daniel nous a amené beaucoup. C’est un peu la première fois aussi qu’on lâche le contrôle sur le fait d’être autoproduit, de s’enregistrer nous-même (Artie avait un peu le rôle de mixeuse).
Et le fait qu’on se soit bien compris avec Daniel, ça vient aussi du fait qu’avec Gilla Band, c’est lui qui enregistre et mixe. Je pense qu’il y a eu une espèce d’expérience un peu commune qui a fait qu’on s’est bien entendu.e.s là-dessus, une espèce de feeling.
Clément : Il nous a même appris à être encore plus prêt.es. Quand on pensait l’être, il nous a poussé à aller encore plus loin dans le son. Daniel n’est pas le seul à avoir mixé, il y a aussi Jamie. C’est la mixeuse de Gilla Band, elle a un groupe qui s’appelle M(h)aol.
Martin : C’était vraiment du team work.
Clément : Et ça facilite le travail. Il était vraiment là, hyper impliqué. On lui disait de se reposer. Il répondait : « non, non il faut qu’on parte d’ici et que ce soit fini. » Et il a vraiment bossé des journées de 15 h. C’est un truc de malade.
Martin : Puis on a enregistré plus de morceaux qu’il y a sur l’album. On est vraiment sorti.e.s de la session de studio avec quelques surprises. Et évidemment, il y a des choses qu’on imaginait différemment. Mais les choix se sont faits très vite et en rentrant chez nous, on avait la sensation d’être allé.e.s au bout des douze morceaux qu’on voulait enregistrer. C’est une expérience super positive.
Prendre des risques pour le live, c’est ce qui nous a toujours permis d’avancer.
Clément – The Psychotic Monks
LFB : Vos albums se construisent comme des histoires. Le premier était en quatre parties, le second en deux chapitres et un épilogue de 15 minutes. Ici le découpage est souligné par 5 morceaux très courts, que vous avez fait le choix de mettre entre parenthèse. Le dernier est à l’envers autant dans la structure que dans les mots. Est-ce que c’est important pour vous de déconstruire, en tout cas, de se renouveler sans cesse ?
Clément : Oui, je pense. Prendre des risques pour le live, c’est ce qui nous a toujours permis d’avancer. De se mettre un peu en danger. C’est ça qu’on a appris le plus. C’est important de faire des mises à jour. Tout déconstruire, je ne sais pas, parce qu’il y a bien des bases qu’il faut garder un peu. La déconstruction en permanence, on finit par s’y perdre.
Ce qui me plait avec cet album, c’est la tracklist qui est moins romantisé qu’avant. C’est beaucoup plus brut. Il y a moins de chapitres, de références à des films ou des livres. Ça faisait partie du chemin mais … Je suis sûr qu’on en disait peut-être un peu trop. Là, on a essayé d’être plus dans l’intime, dans des choses plus brutes et plus simples aussi. De se livrer, notamment sur les voix. Il y a beaucoup moins d’effets parce qu’on est beaucoup moins caché.e.s. Et du coup les trucs en reverse, nous ça nous raconte une histoire. Et après si ça en raconte une aux gens, tant mieux.
On a du faire au moins 15 tracklist pour trouver la bonne et obtenir le bon assemblage pour que ça puisse paraître aussi plus abordable comme musique. Et on n’a pas mis tous les morceaux qu’on a enregistré parce que sinon, c’était indigeste. À la fin, on était même en mode : « c’est insupportable comme musique ! » Donc on a enlevé et essayé de commencer par Post Post qui est un peu plus dansant et qui permettait une ouverture à l’écoute.
Martin : Puis on avait une contrainte de temps. Il fallait que l’album dure moins d’une heure pour des raisons techniques de pressage vinyle et de budget. Et je pense que ce travail-là, de faire des choix, vient toujours dans un second temps. On l’a fait très vite sur ce disque.
Après l’enregistrement, on s’est retrouvé.e.s dans notre ancienne coloc et on a un peu agencé ce qu’on avait. Il y a justement la transition (Bird’s Part) qui revient à la fin. Ça vient d’un morceau qu’on a enregistré, mais qu’on a un peu découpé. On a pris des parties du morceau et on les a inclus à la tracklist de l’album. C’est un truc qu’on a toujours bien aimé faire.
Après, sur ce disque, effectivement, il y a moins de références cachées ou en lien avec des choses qui nous inspirent. Parce que justement on sentait que c’était plus brut dans la manière dont on se livre et dans les sujets qu’on aborde. Parce que tout ça, c’est de la transmission. Et il y a des besoins, des fois, de se raccrocher à certaines références. Là, on a eu le temps de réfléchir, de construire les choses, et ça nous a permis d’assumer vraiment à 100% la musique qu’on faisait. Et je pense que c’est aussi notre côté un peu geek de bien aimer découper les choses, aller au bout de ce qu’on fantasme, peut-être comme des techniques de production. Ce sont des choses qui nourrissent notre rapport à la musique et au son. Et on apprend beaucoup aussi en faisant ça.
La musique me permet de créer un espace dans lequel je peux mettre des choses qui me questionnent dans la vie de tous les jours.
Martin – The Psychotic Monks
LFB : Avec cet album, il est beaucoup question du corps. Que ce soit avec Post-Post qui évoque le lien entre celui-ci et les sentiments dans un monde post-tout finalement, à Décors qui parle aussi de la pression sociétale et familiale sur nos propres corps. Quel est votre rapport personnel au corps et à la société ? Et quel est le lien entre la musique et l’engagement ?
Martin : Pour Post Post, je vais avoir du mal à répondre parce que je n’aime pas trop parler à la place d’Artie et c’est un morceau qu’elle a écrit. Mais pour l’idée de corps et d’engagement, ça vient d’un certain nombre de remises en question, de sensibilisation, de réalisation de choses par rapport au parcours personnel et aussi la manière dont ça s’est construit dans notre relation et donc dans l’évolution du groupe.
Et je dirais qu’il y a vraiment dans ce disque un rapport à l’intime et à d’autres sujets qu’on avait envie d’ouvrir, qui sont encore en cours de process. Cette idée de dé romantiser un peu la musique, l’art en général et … Là, je parle vraiment pour moi, mais de s’en servir comme un outil et comme quelque chose qui permet de prendre du recul sur soi et de transmettre certaines choses.
Moi, je vois ça presque comme de l’art thérapie : de créer un espace, notamment sur scène, dans lequel je peux mettre des choses qui me questionnent dans la vie de tous les jours. Et ça permet de sortir des choses de soi et de parler de certains sujets dont on ne parle pas dans notre quotidien.
Clément : L’engagement est bien plus présent sur ce disque, notamment par la pochette. On a choisi de mettre en scène un contraceptif testiculaire, donc parler d’autre chose que de la musique. Je ne sais pas si on a voulu plus politiser, mais on a voulu s’exprimer sur tous les sujets abordés dans la vie du groupe, donc dans nos vies perso aussi. C’est dommage qu’Artie ne soit pas là parce je pense qu’elle aurait pu avoir plus de choses à dire et je n’ai pas envie de parler à sa place.
Martin : Je pense qu’il y a aussi une volonté de réappropriation de notre propre corps, de notre rapport aux genres et à la violence. C’est lié à notre société et à notre milieu. On a commencé à parler de tout ça et on a vraiment la volonté de continuer à le faire. On voulait sortir un peu de l’imagerie qu’on avait, dans laquelle on évoluait, qu’on a performé aussi. D’avoir un rapport un peu plus lucide à ça.
Clément : Quand on a choisi de s’exprimer sur les violences en milieu festif, on est allé.e.s voir des assos. Et on a eu des remarques du type : « attention, ne faites pas de la politique, vous êtes artistes, il ne faut pas s’exprimer, il ne faut pas trop déranger ». Une sorte de : « Restez à votre place ». Dans le milieu musical, certain.e.s pensent vraiment que ce sont des sujets dont on ne doit pas parler. Je pense que c’est aussi pour ça qu’à un moment on a arrêté de le faire. Mais c’est le sujet qui nous touche et qui vient toucher des choses personnelles très fortes. Donc il faut y aller quoi. Et je pense que le contraceptif, c’était déjà une bonne porte d’entrée pour ça.

LFB : Justement, au premier abord cette pochette est intrigante. Elle est très lumineuse par rapport aux précédents albums. On voit une langue qui tient un anneau contraceptif (de Slow Contraception). Vous en avez justement parlé sur les réseaux sociaux en disant que « c’est une manière de rendre visible un objet subversif et politique, qui symbolise ces enjeux ». Pendant le concert à la Maroquinerie, il y aura les équipes présentes. Tous les bénéfices du merch’ leur reviendront et les personnes pourront tester les anneaux contraceptifs. Comment avez-vous rencontré Slow Contraception ?
Martin : La rencontre a été très simple. Comment avoir accès à la contraception en tant que personnes qui ont des testicules ? On s’est renseigné.e.s et on a trouvé cette asso. C’était à la base une démarche personnelle, qui concernait nos rapports intimes. La volonté d’en parler est venue après. Quand je me suis rendu compte en tant que personne qui porte cet objet que c’était extrêmement simple à utiliser, que ça marchait très bien et que pourtant c’était extrêmement invisibilisé, je me suis dit qu’il fallait en parler.
Il y a beaucoup de réticences et de blocage quant à la possibilité de rendre ce moyen de contraception visible. Slow Contraception se battent depuis des années et ils se prennent des murs de la part de la convention de la médecine. Donc, à notre échelle, on invite les gens à aller sur leur site et à les suivre un peu partout parce qu’ils en parlent beaucoup mieux que nous.
Dans un second temps, on avait fait une série de photographies avec Cha Clément, qui est un excellent ami. Elles n’étaient pas spécialement prévues pour l’album. C’était plus un laboratoire d’expérimentation sur son travail à lui et sur notre univers, c’est-à-dire sur la réappropriation de son corps, sur la manière dont on a envie de se montrer. Et il y avait parmi ces photos celle de l’album. Lorsqu’il nous l’a proposé, ça a vraiment fait sens. C’est un super moyen de foutre un anneau contraceptif dans les bacs de la Fnac, c’est trop bien (rires). Et puis ça crée de la discussion parce que les gens sont intrigués et se demandent si c’est un rouleau de scotch.
LFB : Est-ce que c’est expliqué dans l’album ?
Martin : Oui on a mis une petite phrase à l’arrière pour expliquer ce que c’est.
Clément : Et on a fait très attention à justement comment tourner la phrase car tout le monde n’a pas l’occasion de se poser ces questions-là. Et on n’a pas tous les mêmes vies ni les mêmes réalités. On souhaitait simplement avoir une phrase informative et ne pas dire : « il faut faire ça à tout prix ». On essaie de faire attention à notre manière de s’exprimer et à ne pas paraître condescendant ou classiste.
Et comme dit Martin, on a rencontré l’asso de manière très simple. On est plusieurs à porter l’anneau contraceptif, donc Artie a envoyé un mail en disant : « On a fait cette pochette-là pour notre disque, on veux en parler, est ce qu’on peut mettre le lien votre site ?«
L’équipe a adoré. On les a rencontrés à Lyon il y a deux semaines et c’était trop cool. On a proposé aux gens de le porter et ça a marché. Il y avait 40 couilles remontées. Ça fait 20 personnes qui ont essayé. Au merch’, certain.e.s s’interrogeaient sur la nature de l’objet, d’autres passaient leur chemin. Ça interroge. Comment peut-on en parler de la manière la plus ouverte possible et sans créer de malaise ? Il y a des gens que ça met profondément mal à l’aise car chacun.e a des rapports différents à la sexualité.
LFB: Je trouve ça hyper jouissif de voir que finalement vous vous emparez d’un sujet de société et que tout le monde est libre d’en parler.
Martin : L’idée, c’est vraiment d’essayer d’ouvrir une discussion. Et justement, ce sont aussi des choses qui sont propres à notre milieu. On retrouve vite le côté « vous vous parlez de ça, du coup, c’est un peu votre truc. On ne va pas vous piquer l’idée ». Alors que quand on ouvre une discussion de sujets, que ce soit les violences, la contraception testiculaire ou autres, c’est plus une invitation au dialogue et essayer de rendre le sujet visible.
Clément : Plus il y a de gens, plus on apprend aussi.
On a envie d’aller rencontrer des gens, d’ouvrir des discussions et d’utiliser ce qu’on fait le mieux, la musique, pour essayer de parler de certaines choses.
Martin – The Psychotic Monks
LFB : En plus, vous avez une image publique que vous pouvez utiliser en France pour des sujets importants et nécessaires. C’est un rôle à jouer.
Martin : Sentir qu’il y a des choses qui bougent un petit peu, ça donne beaucoup de sens à ce qu’on fait. Ça enlève un peu ce côté « grand art » pour aller à l’essentiel. Nous, on a envie d’aller rencontrer des gens, d’ouvrir des discussions et d’utiliser ce que a priori jusque là on fait le mieux, c’est-à-dire de la musique pour essayer de parler de certaines choses.
Clément : Se mettre au même niveau que tout le monde. En 2019 par exemple, on parlait beaucoup du côté « claque dans la gueule » de notre musique. Au début, on le prenait comme un compliment mais au bout d’un moment, on en pouvait plus de ces termes-là. En plus, ça nous a mis dans une espèce de rapport au live hyper intense. On s’est un peu abimé.e.s là-dedans, sans s’en rendre forcément compte.
Et la santé mentale : que ce soit en 2020 ou aujourd’hui, c’est un vrai sujet. Donc on a aussi changé toute l’approche du live. Et on a essayé d’amener la musique vers le côté réparateur, poser un cadre, au lieu d’aller à vau-l’eau et de ne pas se protéger du tout de ce qui se passe. Donc oui, je crois que ça nous a vraiment saoulé qu’on nous dise qu’il y a des choses dont il ne faut pas parler parce que ça dérange trop.
Martin : Ça fait du bien de sortir de cette espèce d’esthétique, que finalement, on subissait. On se sentait enfermé.es dans quelque chose et on ne savait plus trop où on en était sur les questions de santé mentale. « Est-ce qu’on est en train de performer quelque chose parce qu’il y a toute cette imagerie de l’artiste qui ne va pas bien, cette idée d’artiste torturé ? » On a voulu séparer un peu le rapport à ça et inverser le processus : le côté réparateur de trouver dans la musique quelque chose qui permet d’aller bien. De parler d’autres sujets qui sont libérateurs et qui permettent de transmettre des choses et des idées. On voulait sortir de ce côté beaucoup plus autocentré qu’il y avait avant, qui existe encore mais dans lequel on a plus envie d’être.
Clément (d’un ton léger) : une envie d’ouverture. À bas les frontières. (rires)



LFB : Quand vous avez commencé votre tournée, vous avez publié sur les réseaux sociaux un message qui a été largement relayé depuis, appelant à des concerts plus safe et inclusifs. Messages que vous aviez déjà relayé.e.s il y a quelques années suite à un concert au Trabendo.
Clément : Oui, ce concert a été le déclic.
LFB : Comment créer de nouveaux espaces de liberté au sein d’une culture musicale sclérosée par des abus de pouvoir, agression sexuelle et autres ?
Clément : En en parlant..
Martin : Honnêtement, ce message-là, c’est deux ans de travail. Tu l’as dit, ça a commencé au Trabendo. Ça a été une énorme prise de conscience et une grosse remise en question de notre part aussi. Au début on s’est dit : « mais est-ce que c’est nous qui véhiculons ce message-là, avec une musique violente ? Est-ce que c’est dans notre manière de l’interpréter et de la performer sur scène ? »
On avait plus du tout la volonté d’être là-dedans alors on a essayé d’en parler. Et on s’est rendus compte qu’on avait un mur face à nous. Donc on a cherché des manières de communiquer là-dessus et on a contacté des assos qui nous ont aidés. On expérimente encore mais ça reste un sujet qu’on veut vraiment mettre sur la table. On ne va pas lâcher.
LFB : C’est d’actualité. Céline (ndrl : photographe) et moi on fait pas mal de concerts et on est souvent emmerdées. Je m’interroge vraiment sur la manière de résoudre ce problème. J’appréhende un peu le concert à la Maroquinerie.
Martin : Complètement. Nous aussi, on s’interroge. (rires)
Clément : Pendant 2/3 ans, on lisait un texte avant le concert où on s’adressait aux gens, puis on a arrêté parce que ça créait un problème d’échelle et qu’il était important pour nous de partager la responsabilité. En 2019, lors du concert au Trabendo, on n’a rien dit parce qu’on ne s’est pas rendu compte. Mais, petit à petit, on a appris avec la tournée. Maintenant qu’on s’exprime, je pense que les gens qui viennent à nos concerts, ont entendu et peut-être lu le message.
A Rennes par exemple, on a eu trois relous donc on a allumé les lumières et arrêter le concert. A Lyon, j’ai dit un petit mot parce que la scène est très basse et les gens se faisaient plaqué.e.s en avant. Je pense que c’est ça qui a changé aussi. La musique, elle ne passe pas avant tout ça de toute manière.
Pour la Maroquinerie, on a fait des affiches en lien avec Consentis et Act Right. On les placarde à chaque fois dans les salles de concert. Ces deux assos nous ont énormément aidés et ont été franchement hyper ouvertes et réactives. C’est vraiment cool d’autant qu’on va dans des salles où les gens ne sont pas forcément formé.e.s.
Il y a cette imagerie selon laquelle le rock devrait être le lieu où on ne respecte rien. Mais ça, ça n’a jamais existé.
Martin – The Psychotic Monks
LFB: Act right s’adresse à un public plutôt amateur de techno j’crois ?
Clément : Ben justement, ouais, c’est là où il y a le plus de prévention et de réduction des risques. Les assos nous ont d’ailleurs dit que le milieu dans lequel on évolue, c’est un des endroits où il y a le moins de personnes qui veulent se former et qui veulent entendre parler de ces choses-là. Souvent, ce sont des mecs de 50 ans blancs qui ont tout leur privilège et qui ne se remettent pas en question.
Martin : Mais on sent enfin une évolution au sein du public. Et je pense que c’est aussi important à préciser qu’actuellement, une fosse safe à 100% ça n’existe pas. On souhaite rendre tout ça visible avec une espèce de vigilance partagée. Car si c’est très visible, il y a une attention et une bienveillance qui se créent. Sans parler forcément d’arrêter le concert, dire un mot entre deux morceaux ça aide aussi. Car il suffit de 5 personnes relous sur 400 pour pourrir l’ambiance. Parfois ils ne s’en rendent pas compte, et vu que personne n’en parle, c’est exponentiel. Là, par exemple, à Rennes quand Artie a dit un mot, les 4 relous se sont pris 400 personnes qui ont répondu : « Bah ouais c’est vrai, vous faites chier ». Ça calme. On a vraiment envie de partager cette attention et cette bienveillance. C’est un travail qui nécessite beaucoup de temps.
Clément : Les assos nous ont aussi dit qu’il n’y a pas de soirée safe. Et que si on a l’impression qu’il n’y a pas de violences, c’est juste qu’on ne les a pas vus. Ça, ça a été un point de départ pour nous aussi : arrêter de trop réfléchir à comment on peut faire, mettre tout ça en place et voir.
Je pense aussi que le message va faire un peu le tri. Certains mecs vont dire : « ok sans moi ». Pour Pierre, notre ingénieur du son, ces gars-là sont persuadés qu’il n’y a pas de règles en concert. Donc dans notre manière d’agir, ils ont l’impression qu’on leur en met et ça ne va plus.
Au Trabendo, il y avait des gens sous extas et d’autres complètement éclatés. Comme on parle d’alcool, de violence, de VSS, de réduction des risques par rapport à la drogue, peut-être qu’il y en a qui viennent moins ? Je ne veux pas prendre confiance parce ce n’est pas bon mais on a vu un petit changement dans le public et dans l’attitude. Ça ne veut pas dire que c’est acquis car ça ne l’est jamais mais en tout cas la responsabilité est beaucoup plus partagée maintenant. Et ça, c’est plutôt agréable.
Martin : Puis ça a été super aussi de rencontrer ces assos et d’entendre que ce n’était pas qu’à nous de porter ça mais qu’au contraire c’était une responsabilité générale. A chaque fois on essaie de voir ce qu’on peut mettre en place avec les salles. Honnêtement, on ne rencontre pas tant de réticences que ça. En général, ce sont plus des questions de formation des équipes de sécurité et ça commence à bouger un peu.
Clément : Ce sont les conditions de travail aussi. Ce sont des gens qui n’écoutent pas forcément cette musique qui se retrouvent des fois en concert.
Martin : Mais il y a un gros problème dans le milieu rock. Il y a cette espèce d’imagerie selon laquelle le rock devrait être le lieu où on ne respecte rien et où on en a rien à foutre. Mais ça, ça n’a jamais existé en fait. C’est vieux et les commentaires sur les réseaux sociaux, on les voit. On a des gens qui disent : « ils étaient ou The Psychotic Monks en 1978 ? » et nous on est en mode : « bah on n’était pas né.e.s et maintenant on est en 2023. Donc si ça ne te plaît pas, franchement, bon débarras, merci, au revoir et désolé mon pote. »
Martin : Encore une fois, je pense que c’est un peu comme dans tout acte militant. Au début, ça fait très peur puis on se rend compte que ça crée beaucoup de discussions. En général, c’est reçu avec beaucoup de bienveillance. Et le fait d’en parler donne aussi envie. C’est inspirant.
Ce qui nous intéresse plus maintenant, c’est de faire passer la musique du côté social.
Clément – The Psychotic Monks
LFB : Quel lien entretenez-vous avec votre public ? Pendant le confinement vous avez mis au point un projet participatif, où on pouvait vous envoyer des enregistrements de tout contenu et de toute nature. J’ai l’impression que vous essayez de déconstruire l’image de l’artiste tout puissant.
Martin : Pendant le confinement, on a eu le besoin, ou en tout cas, on s’est interrogé.e.s sur la manière de sortir un peu de ce côté « nous quatre ». On a eu des envies de collaborations et on a même pensé transformer le groupe en collectif, ce qui est toujours une option ouverte.
Pour ce projet participatif, on a collaboré avec Clara Marguerat, qui a fait plusieurs de nos clips. A la base, c’était un projet sur lequel elle voulait travailler pour son mémoire. Nous, on a juste utilisé les réseaux sociaux pour lui donner un peu de visibilité et finalement ce n’est pas allé jusqu’au bout. Mais c’est normal d’avoir des idées, de tenter des choses et que ça n’aboutisse pas forcément. C’est le principe de la recherche et de la création. De toute façon, ça crée quand même des échanges et des liens avec les gens.
Et le rapport au public ? Je ne sais pas trop. Il y a cette idée d’essayer de proposer quelque chose qui est plus lumineux, où on voit plus les gens et les gens nous voient plus, d’avoir un échange avec le public. Ça rejoint un peu toutes ces questions aussi de comment partager cette manière de s’exprimer dans la fosse. On est tous et toutes là pour la même chose. Nous, sans les personnes dans la salle, on est rien. Du coup, il y a cette idée de partager quelque chose et de créer un moment. Par contre, essayer de faire participer les gens à la musique en filant des instruments, c’est un truc qui nous plaît beaucoup, mais honnêtement, on n’en est pas encore là.
Clément : C’est plus le côté action culturelle qui nous plairait à fond. Par exemple, on a vu La Jungle faire un truc de dingue avec des personnes en situation de handicap, des personnes autistes. Et franchement, c’était le meilleur concert que j’ai vu de toute ma vie. J’pense que ce qui nous intéresse plus maintenant, c’est de faire passer la musique du côté social. Ce n’est pas faire carrière avec ce groupe. Le prisme s’élargit un peu et on se rend compte que c’est beaucoup plus intéressant d’aller le partager avec plein de gens.
Là, on a fait une action à Tourcoing avec une danseuse qui s’appelait Del Prado et 3 drag kings, qui s’appelaient Rodrigue le claqueur de sal*pe, n*que sa mère et Natrix. Et c’était une super expérience. On les accompagnait derrière et c’était des gens qui n’avaient pas forcément accès à ces salles-là. Les Smac, dans leur pratique (le drag, la danse) ça se fait où ça peut se faire. C’était génial de partager ça. Ils et elles sont revenues pendant le concert sur Post Post, on était 7/8 sur scène et je me disais : c’est ça qu’il faut, qu’il y ait plein de gens.
Perso, c’est là où je trouve de plus en plus de sens. J’adore faire des disques, la tournée et tout, mais quand on le partage, c’est x10 000.
Martin : C’était une démarche du Grand Mix à la base. Mais c’est cool parce que ça montre aussi des choses qui bougent à ce niveau là.

LFB: Vous êtes ami.e.s de longue date et vous composez tous et toutes ensemble depuis toujours. Il n’y a pas de leader/leadeuse, chacun et chacune chante et vos morceaux naissent de longues sessions jams.
Clément : Artie, Martin et Paul se connaissent depuis 25 ans.
Martin : On a grandi plus ou moins ensemble.
Clément : Et moi je les ai rejoints. Je les ai rencontrés il y a onze ans maintenant. Et justement, on a fait attention. Je pense que le covid a servi à ça aussi, à faire une grosse mise à jour dans notre manière de communiquer, de vivre ensemble, de se laisser de l’espace et de retrouver un peu d’individualité dans le collectif.
C’est un sacré travail de réussir à se dire les choses, de se parler. Ça va dans le sens du disque, de se livrer un peu plus sur de l’intime et de pourquoi je galère à être à l’aise sur plein de sujets différents.
Et ouais, c’est cool de tout partager, mais on ne nous explique pas forcément comment bien le faire. On nous apprend peut-être plus à déborder les uns sur les autres qu’à vraiment faire attention et prendre soin de la relation. Et ça, ça se retrouve dans le groupe mais aussi dans les relations persos. Et c’est un apprentissage (rires).
Martin : Prendre soin de notre relation, ne pas se perdre, nécessite beaucoup de travail. Car au bout d’un moment, le groupe devient une entité et on ne sait plus qui on est, à force de vivre ensemble et de tout partager.
On s’est retrouvé.e.s sur l’idée qu’à la base, on est ami.e.s. Avant d’être des musicien.n.es dans un groupe. Avant la musique qu’on fait, avant la carrière du groupe. Ce qui compte, c’est notre amitié et c’est à ça qu’on tient parce que tant qu’on gardera cette relation, qu’elle évoluera, qu’elle sera remise en question, que chacun et chacune se sentira bien dedans, on pourra continuer à faire de la musique ensemble. Que ça s’appelle The Psychotic Monks ou autre. C’est ça le but en fait. De se retrouver sur ça. Et c’est marrant parce qu’on se dit souvent, qu’à deux ou trois conditionnements prêts, ça se trouve ce n’est pas de la musique qu’on fera ensemble, ce sera autre chose.
Clément : Une entreprise de pétrole (rires)
Martin : Et à titre personnel, depuis qu’on a cette vision-là, je sais que j’apprends beaucoup sur la manière dont j’ai envie de gérer mes relations. C’est un vrai espace très précieux.
LFB : Par contre il y a un terrain sur lequel vous ne vous êtes pas réuni.e.s, ce sont les textes, que vous composez chacun.e de votre côté. Pourquoi et comment vous fonctionnez pour la validation ?
Clément : Je pense qu’il n’y a pas forcément de validation justement. On partage plus des ressentis. On se laisse aller au bout des idées chacun et chacune de notre côté. Et après, une fois que la personne a l’impression d’être allée au bout, elle dit : « moi, je vais parler de ça » ou pas. Artie par exemple ne définit pas forcément ce dont elle veut parler. Ça dépend des moments, ça dépend du processus dans lequel elle est. On se fait donc confiance sur le fait qu’on a été le plus loin possible et si on s’y retrouve, ça se sent.
Martin : Puis, encore une fois, ça vient de la jam : on met 4 micros et les prises de voix sont très spontanées et partagées, ça se fait vraiment à l’instinct. Je crois que sur cet album, il n’y a pas eu trop de morceaux où ça a été remis en question. Puis on était vraiment libre de tester plein de choses. Et dans les derniers mois avant de partir au studio, c’était assez clair sur qui chantait sur quoi et on s’est laissé écrire chacun, chacune de notre côté.
Des fois, on a besoin de s’expliquer, savoir de quoi on parle pour être tous et toutes dans la même attention. Il est question de soi-même à chaque fois. Et même sur les morceaux qui sont partagés au niveau du lead, au niveau de la prise de voix, comme Decors, on ne s’est pas concerté.e.s. Ce sont des sujets hyper différents, mais le morceau commence à un endroit et finit à un autre.
Clément : La validation vient aussi de nos ami.e.s, Chaz et Nora, qui nous ont notamment aidés avec l’anglais. On leur a présenté les textes et iels nous ont corrigé des trucs. On voulait aussi s’assurer que le sujet dont on voulait parler était à chaque fois bien compris.



LFB : J’ai l’impression que vous êtes en interrogation permanente sur la musique. De ce que j’ai lu, vous écoutez beaucoup de musique et vous vous demandez comment les autres la font. Je vais beaucoup en concerts et je te vois souvent Martin.
Martin : Je sais que c’est un truc qui me fait énormément de bien. Il y a des gens, ça va être d’aller danser, moi ça a été une énorme prise de conscience du confinement. Quand ça s’est arrêté. Au bout de neuf mois j’étais en mode : « là, quelle que soit la musique qui est sur scène, j’ai envie d’être dans une salle avec des gens. » C’est un truc qui me nourrit énormément. Je sais que la musique live, c’est vraiment ce qui me plaît. Très clairement, si faire de la musique ce n’était que faire des albums, je ne sais même pas si je ferais ça.
Clément : Ou alors de la musique live sur album. (rires)
Martin : Non parce qu’il y a vraiment le rapport au public.
Clément : On inviterait les gens au studio. (rires)
Martin : Puis aujourd’hui on ne fait pas des albums comme on faisait avant. Il y a un décalage qui est absurde là-dessus. Ça n’existe plus d’avoir six mois pour faire Ok Computer. J’aime faire des disques hein mais je sais que dans le groupe on n’a pas la même manière d’écouter de la musique et d’en découvrir. Ça nous permet de se partager beaucoup de choses aussi. Ça nourrit vachement ce dont on s’inspire.
LFB : Dans vos compositions, il y a finalement beaucoup de morceaux dans les morceaux, des couches et des sous-couches, une alternance de voix douces et de chants.
Clément : Ça vient de la jam ça. Pour Décors, il y a les dix minutes qu’on a gardé mais il y avait aussi 40 minutes avant et pareil après. Je pense qu’on avait 64 chansons de prêtes et on a gardé 10% de ce qu’on a fait (rires). Pendant le covid, on était toustes seul.e.s à Mains d’œuvres et on a jammé, jammé, jammé. C’est ce qui fait qu’après, il y a comme tu dis, des morceaux dans des morceaux.
Martin : Des fois, il y a des choses qui sont infaisables. Parce qu’on se rend compte quand on re écoute une jam de 1h qu’il y a un moment de cinq minutes qu’on a envie de garder mais que s’il n’y a pas 20 minutes de truc absolument inaudible et nihiliste avant, et ben ça ne marche pas. On ne fait pas ça forcément sur un disque mais pourquoi pas des fois avoir un concept sur scène où on ne sait pas ce qu’on va faire et on va juste jammer. C’est un peu un rêve.
Clément : C’est un rêve de ouf. Pas de setlist, juste on arrive, on a un langage à quatre et c’est le soir qui décide de ce qui se passe.
Martin : C’est devenu vraiment une pratique, un truc de travail. Et avec Paul, l’autre jour, on parlait même de faire un album, soit sous The Psychotic Monks soit sous un truc un peu parallèle. On se donne dix jours de studio, on enregistre que des jam et on sort le truc tel quel. Quitte à ce que ça prenne du temps mais on aimerait bien voir ce que ça donnerait, de proposer un processus où on va vraiment au bout de ça.
Et pour revenir à la question d’avant, liée à notre rapport à la musique, je sais qu’il y a un truc qui me fait énormément de bien en ce moment, c’est d’écouter de la musique à laquelle je ne m’identifie pas ou que je n’imagine pas faire, mais qui me parle énormément.
Par exemple, actuellement j’écoute beaucoup de hip-hop français et honnêtement, je ne me vois pas faire cette musique, mais ça me nourrit énormément, notamment d’écouter des paroles en français.
Clément : Aller choper de la texture, jammer avec quelqu’un qui y va, moi je kifferai trop. J’pense que c’est un truc à ouvrir.



LFB : Donc album techno, pop..
Clément : techno pop rap. et un collectif, pas The Psychotic Monks du coup.
LFB: Si vous deviez choisir une œuvre, qui vous définit ou vous bouleverse, qui est dans votre tête de manière récurrente, qu’est-ce que ce serait ?
Clément : Moi, je dirais tous les bouquins de Virginie Despentes. Les chiennes savantes m’a provoqué un énorme déclic. Et il m’a sauvé la vie je crois. Je le dis maintenant mais elle m’a sauvé la vie cette dame.
Martin : c’est difficile de choisir…
Clément : je te lance des idées mais tu as pas mal écouté Moor Mother et tu en as beaucoup parlé.
Martin : Moor Mother ouais, Angel Bat Dawid aussi, c’est vraiment le meilleur concert des 3 dernières années.
Clément : Il y a un Arte concert, on était allé.e.s voir. Elle est toute seule et c’est incroyable. Le live est sur youtube.
Martin : sinon en ce moment j’écoute B.B Jacques en boucle. Cette année, le livre de L.Bigorra, 28 jours m’a énormément marqué. Je l’ai découvert grâce au collectif Le Crachoir qui fait des lectures de texte, en scène ouverte, tous les premiers lundi du mois au bar antifa Le Saint Sauveur. C’est un espace où je vais dès que je peux, ça fait beaucoup de bien, c’est super inspirant.
J’ai aussi été marqué par une exposition de Stéphane Blanquet qui était à la Halle Saint Pierre il y a presque un an et demi. Je crois que j’y suis allé 4 ou 5 fois parce que ça m’inspirait beaucoup vu que je dessine pas mal et que j’aime bien ces univers-là.
Crédits photos : Céline Non et Loélia
Live report 10 avril à La Maroquinerie