Journal de Dour

Fin juillet on a passé cinq jours dans la campagne belge. Non pas pour se mettre au vert mais bien pour profiter de la très éclectique programmation du Dour Festival orchestrée par l’agence Liquiid. Entre musiques électroniques, rap, hyperpop ou encore afro, on ne savait pas où donner des oreilles mais on s’est quand même régalé. Vu qu’on est généreux et surtout très nostalgique, on vous partage nos temps forts de ces cinq jours.

Martin Tissot

JOUR 1 – 17.07

A peine notre campement monté qu’il était déjà l’heure de courir vers l’entrée du festival pour profiter d’un opening qui donnera directement le ton des cinq jours qu’on s’apprêtait à vivre. Posté en plein milieu de la foule, le duo de DJ Jersey fait résonner une dance vive et moderne qui aura séduit le public d’entrée.
Le coup de sifflet étant donné sur la plaine de Dour, on a plus qu’à se laisser porter au gré des ambiances et des nombreuses scènes que propose le festival (8 au total).
On se retrouve alors devant le duo Isha / Limsa qui joue de son expérience de la scène pour nous présenter leur projet Bitume Caviar avec maitrise et rigueur. Après Isha, c’est un autre Belge qui s’élevait sur la Boombox pour un show exclusif. Depuis la sortie de son album Saudade en avril, Green Montana ne l’avait encore jamais exporté sur scène. C’est maintenant chose faite, emportant le public dans un nuage de fumée qui représente à merveille l’ambiance vaporeuse de sa musique.

Le soleil s’éteint et c’est le moment parfait pour rejoindre le chaudron qu’est la Balzaal. Cette scène dédiée aux musiques électroniques et entourée d’écrans accueille les basses dansantes d’I Hate Models qui se joue de certains remix pour convaincre le plus large des publics.
On traverse le site vers la Petite Maison dans la Prairie, pour voir un autre DJ en la personne d’Odymel. Ce dernier qu’on avait interviewé un peu plus tôt dans la journée nous avait confié : « Après l’avoir fait trois fois en tant que festivalier, c’était un peu un rêve de jouer ici. Limite après ça je peux arrêter ma carrière (rires) ». En le voyant réaliser son rêve devant une foule convaincue, on ne va pas vous cacher qu’on a eu du mal à cacher notre émotion au point qu’à peine son set fini, on est allé dormir…

Dour
Sander Paulussen

JOUR 2 – 18/07

Après une première nuit plus ou moins reposante, on était pressé de retrouver le site du festival de Dour. Alors une fois ce dernier ouvert sous les coups de 14h, on a filé profité du concert d’Ana Frango Electrico. La chanteuse brésilienne et son band nous réveille avec douceur et on se surprend à déjà danser dans le sable qui jonche la scène du Garage.
On a continué à explorer des ambiances latines mais sous un autre angle avec la jeune Mariposa. Exit les guitares et rythmes lancinants, welcome les grosses basses et un rap hargneux. Avec l’attitude des plus grand.e.s artistes américain.e.s, elle explose la scène de par son énergie.
Après sa sortie de scène, on a pu la retrouver, encore remplie de l’adrénaline post-concert où elle nous a affirmé : « Je suis très contente que les gens se soient sentis libres de libérer leur énergie, ma musique est faite pour ça. »

Dour
Manuella Trollé

Après cette dose d’énergie, il fallait qu’on trouve une manière quelconque de faire redescendre la pression. Alors quand on a vu qu’il était l’heure de voir Sega Bodega monter sur scène, on s’est dit que c’était le concert parfait pour reprendre des forces. Transperçant le nuage de fumée qui habitait la scène, le producteur lance un set onirique qui suit la même construction rigoureuse que celle qu’il a appliqué sur Dennis, son dernier album. Happé par ces jeux constants de nappes électroniques, le show semble durer le temps d’un rêve avant que l’électrisant Kepko vienne sonner l’heure du réveil.

Ça fait une grosse journée qu’on est sur le site de Dour Festival et on a pas encore foulé le sol de la Last Arena, la MainStage du festival. C’est sous les coups de 21h qu’on décide d’y faire notre entrée. Sur scène se trouve un claviériste, un batteur et un homme polyvalent. Ce dernier n’est nul autre que James Blake. Sous ses airs d’enfant modèle anglais (sa tasse de thé à côté de son clavier ne ment pas), il emporte son public grâce à ses modulations de voix hypnotiques et ses productions oscillant entre l’organique et l’électronique. Parfaitement dosé, le public est captivé pendant l’heure de show qui aura malheureusement dû se terminer car comme le dit un adage bien connu « toute bonne chose a une fin » et c’est comme ça que se clôture notre deuxième journée.

JOUR 3 – 19/07

Le vendredi à Dour est l’un des jours les plus chargés. C’est pour cette raison qu’une fois de plus, on a pas perdu de temps pour se rendre sur le site du festival. La journée a commencé par de jeunes artistes qui auront su convaincre le public le plus curieux déjà disposé à affronter cette journée qui ira à 1000 à l’heure. Salome a ouvert avec une scène travaillée et construite, non plus autour de sa seule présence. Elle a fait le choix d’être accompagnée par DJ et danseur ce qui lui permet de se concentrer uniquement sur sa musique. Un test réussi qui ne présage que du bon pour son développement scénique futur.
Juste après, c’était au tour de zonmai de se lancer. Adepte des scènes, elle prouve une nouvelle fois qu’elle s’éclate toujours autant à jouer devant un public. Au point même qu’elle en profite pour filmer son prochain clip qui accompagnera le single Trash Out issu de Birthday Season, son dernier projet.
Dans une veine moins expérimentale et plus organique, CRC a hypnotisé le Labo avec son band et ses nombreux invités : Swing, son groupe NUPS3E et même sa maman appelée en FaceTime. Sincère et touchant, tout comme Pleurez! son poignant neuf titres sorti à la fin mai.

Après cette course effrénée vers le futur de la musique francophone, on avait besoin d’une petite pause, d’une interlude musicale. Sans hésitation aucune, Irène Drésel fut le bon choix. Plongée dans un univers à la fois naturaliste et à la fois futuriste, elle implante ses envoutantes nappes électroniques dans une toute autre dimension.

A Dour, un voyage en précède un autre. Après avoir décollé pour une contrée inconnue avec la productrice française, on a pris un vol pour une destination bien plus terre-à-terre : le Royaume-Uni.
Fort d’une discographie bien fournie et de quelques collaborations internationales, Skepta a sa place au Panthéon du rap britannique. Fraichement quarantenaire, il n’a nullement perdu de son aura : de Man à Shutdown en passant par That’s Not Me, le public scande les classiques de Konnichiwa et ce, huit ans après sa sortie. Un album qui n’a pas pris une ride, à l’image de celui qui l’interprète, God Save The King !
Terre de football mais aussi de musique, la Grande-Bretagne ne s’arrête pas au rap. Et ce n’est pas Nia Archives qui va dire le contraire. Flanquée derrière ses platines, elle jongle entre rythmiques jungle, remix pop et voix cristalline pendant une heure. Le tout est porté par son énergie débordante qui témoigne d’une condition physique impressionnante. Touchant, festif et surtout maitrisé, son set fut un de nos moments forts du festival. Il nous a donné la force d’affronter l’ultime performance de la journée : celle de Shygirl. Flanquée de son DJ et de quelques invités surprises (LSDXOXO, VTSS), elle clôture cette nuit avec une ambiance digne des meilleurs clubs de Londres. Entre envolées hyperpop, basses survoltées et dance kitsch elle aura réussi à nous tenir jusque 4h du matin (on vous avait dit que la journée allait être sportive).

JOUR 4 – 20/07

Après la folle journée de la veille, on était obligé de ralentir la cadence pour ce samedi. MAIS… c’était sans compter le TakeOver organisé par le média Grünt. Orchestré en collaboration avec Liquiid, l’agence qui s’occupe de la programmation du festival, ce début d’après-midi mettait les futurs têtes du rap en avant. Un choix cohérent car comme l’explique Jean Morel, fondateur de Grünt : « Dour c’est un festival que j’estime beaucoup, il propose beaucoup de découvertes et de diversités, ce qu’on essaye de promouvoir aussi via Grünt. On a réfléchi à qui était, selon nous, l’incarnation du futur du rap pour faire le line-up. » Parmi ces dernières, on a pu profiter de l’énergie et de la maitrise de Sadandsolo, Malo et Jolagreen23. Chacun dans leur créneau, ils ont réussi à livrer des performances convaincantes et ce, malgré les températures étouffantes qui plombent la plaine du festival. Un constant partagé par Jean « Il fait 32 degrés et en plus c’est une des journées les plus sportives pour les festivaliers mais les artistes ont joué le jeu et ont prouvé qu’iels avaient du cardio ! Ce que j’ai trouvé magnifique, c’est qu’iels ont tou.s.tes compris la symbolique derrière une invitation à Dour et l’ont honorée. » Il conclut en faisant un bilan positif de cette première curation : « On a répondu à la mission qu’on s’est donnée qui était de faire découvrir des artistes à un public de Dour qui, potentiellement, ne les connaissait pas encore. » Si la mission de Jean est accomplie, la notre à encore une soirée à affronter…

Elle commencera en douceur avec Rema et son envoutant mix d’afropop et d’amapiano. A l’aise sur la scéne de la MainStage, il chasse aisément les nuages qui commencent à apparaitre et finit sur une chorale qui entonnera son hit mondial : Calm Down.
Le calme avant la tempête ? Sûrement car sur la même scène les techniciens se pressent pour préparer le show de la star du rap francophone : Gazo. Dans un état de défonce bien entamé, il enchaine les tubes et esquivent les geysers de flammes transformant la fosse de la Last Arena en une immense fête. Sans forcer, il prouve une nouvelle fois que la nonchalance est la clé de sa réussite.

Le problème à Dour, c’est de savoir s’arrêter. Bien que la fatigue nous frappe physiquement et mentalement, un enchainement de DJ du label Live From Earth nous fait de l’oeil (et des oreilles). De minuit à quatre heures du matin s’enchainent : Promis3, DJ Gigola, MCR-T et horsegiirL. Si on s’est laissé réveiller par les basses brutes du premier DJ et par un convaincant début de set de la seconde, le corps a ses raisons que la raison ignore et, nous, contraints à regagner notre duvet. L’envie de garder des forces pour la journée finale aura, finalement, eu raison de nous…

JOUR 5 – 21/07

Cette dernière nuit de « sommeil » aura été bénéfique pour profiter tranquillement de cette dernière journée de concerts. Un programme qui s’annonce plus calme en journée ce qui nous permettra de rester en forme pour le grand final du festival. Avant d’y arriver, on se balade une dernière fois sur le site, profitant de ces nombreuses installations pour reposer nos jambes encore un brin engourdie. Sur le chemin, on croise la route de Sam Quealy et ses danseurs livrant un show à part entière mais aussi du local Swing venu présenter son nouvel album solo : Au Revoir Simeon. L’occasion également de revoir sur scène l’un des trio les plus emblématiques du rap belge : L’Or du Commun.

Avant que le soleil ne disparaisse derrière les éoliennes jonchant la plaine du festival, on a profité de l’ambivalente performante de SCH. Entre la froideur de ses premiers morceaux et le caractère festif de ses derniers tubes, le show structuré en dyptique ravira l’ensemble de sa fanbase.
Avant la clôture de la MainStage qui aura lieu quelques heures plus tard, on a été (re)découvrir les bons vieux copains de The Libertines. On ne va pas vous mentir, il est certain que les meilleures années du groupe sont derrières eux, mais on ne se lasse pas de les voir jouer et prendre du plaisir à être sur scène, laissant parler leur humour british pour égayer les entre-morceaux.

Ça y est, nous y sommes, il est 23h30 et sur la scène principale, deux hommes tout de noir vêtus s’avancent, prennent place l’un en face de l’autre derrière leurs platines sous des fuseaux lumineux aveuglants. Justice fait vrombir progressivement sa French Touch aux élans sombres. La suite du show s’avère être une démonstration : revoyant leurs tubes (D.A.N.C.E, Stress ou les récentes collaborations avec Tame Impala) tout en explorant les larges facettes de la musique électronique, ils offrent un beau et grand final à la Last Arena.

Si le concert du duo français clôturait la mainstage, on pouvait compter sur le producteur anglais Four Tet pour prolonger la fête sur la Balzaal. Jusque deux heures du matin il accompagne les plus téméraires avec un mix bien british et un flegme imparable. Même si on pouvait encore prolonger les festivités une heure de plus en se rendant à La Petite Maison dans la Prairie, on décide de clôturer notre festival ici, en espérant que cet au revoir à Dour ne soit pas un adieu.