À travers des chants mêlant Orient et Occident, Juulie Rousseau nous invite à un voyage initiatique où l’âme, telle un oiseau migrateur, trouve enfin refuge en elle-même.

À quoi rêve un oiseau ? Peut-être à l’instant où ses ailes briseront les limites du ciel. C’est à cet envol intime que nous convie Juulie Rousseau avec Birds – La Conférence des Oiseaux, une œuvre rare et précieuse, entre chant, poésie et quête spirituelle.
Inspirée du chef-d’œuvre soufi de Farid ud-Din Attar, La Conférence des Oiseaux, Juulie Rousseau propose une odyssée musicale et littéraire où le verbe se tresse au souffle, où la musique s’élève comme une prière. Portée par une voix grave et envoûtante rappelant celle de Novembre Ultra, entre Orient et Occident, la compositrice-interprète québécoise bâtit un monde suspendu, hors du temps, où les cages se brisent sous l’élan de la liberté, de l’amour, de l’unité.
Une œuvre-monde : entre ciel et terre
Plus qu’un album, Birds est un livre-disque : une passerelle entre les mots et les notes, illustrée par l’artiste iranienne Nahid Kazemi. À travers ses 26 pistes, Juulie Rousseau tisse une fresque où chaque chanson devient une escale : l’éveil dans Awe, l’appel dans Caged Bird, l’espérance dans Oiseaux de nuit. Les oiseaux, métaphore filée d’un bout à l’autre de l’œuvre, sont ici symboles de l’âme en exil, en quête d’une lumière intérieure.
Les paroles — tantôt en français, tantôt en anglais — résonnent comme des mantras. Dans Birds of Paradise, « They pierce our hearts when in sorrow / They sing in the spaces between the lines », Juulie éveille en nous la conscience de nos failles, tout en leur offrant un espace de guérison. Chaque mot semble poli par le temps, par le voyage aussi — ce voyage qui a mené l’artiste de l’Inde à la Mongolie, de la Turquie à l’Iran, à la recherche d’un chant universel, au-delà des langues.


Une musique de l’âme
Réalisé aux côtés de François Lalonde, l’album déploie des textures riches et organiques, où les instruments traditionnels (oud, daf, percussions) côtoient des arrangements modernes et aériens. Pas de surenchère ici : tout est juste, posé, au service de la voix et du silence. On pense aux vastes déserts traversés par les caravanes, aux vallées où l’écho se perd — et surtout à cette musicalité du souffle, du frémissement, que Juulie Rousseau semble capturer avec une rare délicatesse.
Mais si Birds impressionne par son ambition et sa générosité, il en impose aussi par sa densité. Avec 26 titres, tous porteurs d’un message ou d’un symbole, l’écoute d’un seul souffle peut parfois s’avérer exigeante. Certaines pièces — lumineuses, profondes, habitées — nous captivent dès les premières notes (The Road of the Heart, Voler Haut, The Book of the Birds), tandis que d’autres, plus fragiles ou moins abouties, peinent à maintenir le même niveau d’incandescence. Il ne s’agit pas d’un défaut, mais plutôt d’un risque assumé : celui d’une artiste qui choisit de tout donner, quitte à frôler parfois l’excès.
Une quête universelle
Birds n’est pas un simple recueil de chansons, mais une véritable cartographie du cœur. Chacune des étapes — The Road of the Heart, Who, The Book of the Birds — retrace le chemin initiatique d’une transformation : apprendre à s’alléger du superflu, embrasser ses failles, s’unir à l’invisible.
Cette dimension universelle est accentuée par le va-et-vient entre les langues, les cultures, les sonorités. Juulie Rousseau semble nous murmurer que le voyage le plus vaste est celui qui mène à soi-même. Un voyage sans passeport ni bagages, que l’on fait à travers les vibrations d’une voix, d’une corde pincée, d’un souffle suspendu.

Un livre à ouvrir, une voix à suivre
Avec Birds – La Conférence des Oiseaux, Juulie Rousseau nous offre une œuvre d’une rare intensité, à la fois audacieuse et profondément touchante. Une œuvre qui s’écoute, se lit et se médite. Un livre à ouvrir autant qu’à ressentir, une invitation au lâcher-prise, à l’abandon des certitudes. Loin du tumulte, cet album est un souffle de sagesse, une échappée belle pour les âmes en quête de lumière.
Dans un monde saturé de bruits, Juulie Rousseau choisit la voix intérieure et celle des oiseaux. Et c’est peut-être là, dans ce murmure persistant d’ailes en vol, que réside la véritable beauté de son œuvre.