Mine de rien Quelque Chose de Bien est le troisième album de Pauline Le Caignec aka KCIDY après Lost in Space en 2017 et Les Gens Heureux en 2021. Pourtant on pourrait croire que c’est son premier tant son enthousiasme des débuts est resté intact. Et l’enthousiasme c’est un peu ce qui la caractérise. Des mélodies simples et addictives, un rythme sautillant, une voix claire qui suit les progressions d’accords – jouant par moment à la funambule sur son fil musical.
KCIDY produit une pop aux multiples sources d’inspiration entre chanson française, new-wave, psyché, jazz. Une pop intuitive, spontanée qui s’inscrit dans la lignée de cette pop faussement naïve que l’on adore, portée par Cléa Vincent ou les Pirouettes. Un geste créatif que l’on ressent dans la façon d’aborder les compositions comme presque enfantin, à l’instinct. Ce qui explique l’importance donnée aux mélodies – toujours fortes – que KCIDY façonne malicieusement pour en faire des ritournelles. Car il faut que ces mélodies résonnent ensemble, qu’elles ricochent entre nos oreilles, quitte à convoquer par moments une multitude d’instruments, batterie, guitare, basse, piano, orgue électronique, flûte, trombone, saxophone regroupés au sein d’une joyeuse fanfare.
Ludique, Quelque Chose de Bien se présente comme un puzzle musical de quatorze pièces qui diffèrent les unes des autres, et qui une fois assemblées forment un tout. Dans ces pièces, KCIDY s’appuie sur la futilité des petites histoires qui remplissent notre quotidien pour en faire ressortir les sentiments les plus profonds. Car c’est souvent d’eux que s’échappent, comme le suggère le nom de la l’album, Quelque Chose de Bien. Parce que chez KCIDY, même derrière la banalité banale, l’amour – sous tes formes – n’est jamais très loin. Quatorze chansons que nous vous proposons de parcourir avec un ressenti empreint de toute notre subjectivité.
« Do ré mi, la vie- Soudain une envie »
Un brin mélancolique, mais pas trop, le voyage débute en terres KCIDYennes sur les routes tumultueuses de Mon sac est lourd. Garder le cap malgré les déboires « Tous ces souvenirs pèsent une tonne ». Continuer à avancer, porté par le rythme bringuebalant aux ressorts très seventies – et un peu baroque également – quitte à se perdre par moment dans les couplets, pour mieux se retrouver dans le refrain « Pas question que j’abandonne, N’oublie jamais que je t’aime ».
De bringuebalante à dégingandée, la mélodie de Soudain une envie se fait ritournelle pour nous emporter dans les rouages d’une boîte à musique faite de tubes et de pistons. Si la ligne musicale est simple, elle s’agrémente de tout un tas de petits arrangements espiègles. Ils apportent aux compositions, une fantaisie qui parvient sans peine à déjouer l’ennui et à faire émerger nos envies irrépressibles « Do ré mi la vie ».
« Ouh y a un esprit frappeur – Boom boom dans mon cœur »
Un peu, beaucoup, amour toujours. Je pense à toi est le récit d’une idylle naissante qui hante les pensées de la narratrice. Une bluette assumée « boom boom dans mon cœur », accompagnée par les notes sautillantes d’un piano omniprésent. C’est simple, rempli de vitalité et fort agréable. On se prend, une fois la chanson finie, à continuer à fredonner la mélodie.
Même lorsque l’hiver arrive et nous enveloppe dans son Collier de pluie, le refrain avec ses « la-la-la » nous donne la force de rebondir « Sur le ciel quand il est gris ». Météo, certes nuageuse, mais avec ses rayons de soleil, mood que KCIDY partage avec Marion Josserand (Jokari) qui en a écrit les paroles.
Lorsqu’il n’est plus question d’amour, l’amitié prend le relais. Celle qui naît dans le creuset de l’adolescence quand on se sent emporté par nos sentiments exacerbés. L’absolu, fort et inébranlable, sonne comme un mantra musical martelé par la basse et le piano qui structurent la chanson.
Un Sentiment banal ? Certainement pas. Il n’y a rien de banal dans ce morceau qui se vit le pied au plancher et que KCIDY avait choisi pour présenter son album. Un rythme endiablé afin de se souvenir qu’il y a une urgence à vivre et à profiter de chaque moment. Même si ceux-ci nous semblent relever d’une apparente banalité. Car, « Faut accepter le sens de tout, sans regretter ni fantasmer la banalité ».
Et lorsque la course s’arrête, les pensées continuent et prennent le relais, peut-être avec plus de mesure mais avec tout autant d’ardeur. Dans J’ai tant attendu, l’atmosphère musicale propice à la rêverie nous rappelle son précédent EP Ohana Bataké. Un mini album que KCIDY avait sorti en 2021, porté par les mélodies teintées de la poésie des animés de Hayao Miyazaki.
Amours toujours, amour encore. Il en est question dans Toutes les chansons du monde avec ses paroles candides et doucereuses, et néanmoins touchantes. « J’ai fait le tour de la question, cherché toutes les partitions, j’ai même écouté tous les tubes de l’été. Mais toutes les chansons du monde ne suffiront pas à décrire l’amour que j’ai pour toi ».
« Tout va bien aujourd’hui »
Retour quelques années en arrière à l’époque où une crise sanitaire nous forçait à une résilience salutaire. Dans 2020, avec sa ligne de basse entêtante, « Tout va bien aujourd’hui » tourne en boucle. En leitmotiv, pour croire que de toute situation il est possible de tirer quelque chose de bien. En l’occurrence KCIDY en a fait une belle chanson, légèrement angoissante, mais pas trop.
S’il ne s’était pas appelé Quelque chose de bien, l’album de KCIDY aurait pu prendre le nom de Mélodie tant elles paraissent structurantes dans la composition de ses chansons. Force et simplicité associé à son rythme bossa, amènent sérénité et entrain. « Mélodie tout le monde t’applaudit ». Qu’elle prenne des reflets jazzy par le piano ou psyché avec les guitares, cette mélodie faite de quelques notes devient aussi accrocheuse qu’un gimmick publicitaire.
Dans Camille, il plane un air qui rend un peu gaga (ça rime avec les « Ti-di-di-da », les « La-la-la » et les « ah-ah ») et trotte dans cette chanson évoquant ce petit être qui monopolise toutes nos pensées par son existence. Car Camille décrit les plaisirs de la maternité (ou de la paternité, c’est selon). Avec le cœur et avec les chœurs, « Camille est l’objet de cette chanson ».
« Ce soir mes amis sont partis – Mais c’est pas pour la vie »
Un détour dans des paysages psychédéliques pour un beau moment de Silence et tendresse que KCIDY a écrit avec Leslie Chanel (une de ses coéquipières du très chouette groupe de filles postpunk Tôle Froide dans lequel Pauline jouait de la batterie). Une mémoire naît des traces qu’on laisse un peu partout sans y prendre garde. Et si « Ce soir mes amis sont partis », ils continuent à exister dans nos pensées. Tout comme les quelques notes d’un air qui résonnent tendrement encore en nous, après que la musique s’est tue.
Une illusion que l’Eau la lune fait perdurer avec sa ligne mélodique ouatée dans laquelle émerge le son paisible et aérien d’une flûte. Un moment pour rêver et pour nous amener au titre qui clôt l’album. Octobre malgré ses reflets automnales, résiste à cette mélancolie qui nous envahit peu à peu sans que l’on s’en aperçoive. Car si la ligne musicale – en guitare voix – est simple et étale, la chanson tire une force naturelle de son refrain à la fois beau et poignant.
Octobre est à l’image de l’album. Simple d’apparence, mais qui s’avère au gré des écoutes et des réécoutes plus profond qu’on le pressentait. KCIDY possède cette capacité à faire naître émotions et pensées positives. De quoi y trouver Quelque chose de bien comme l’indique le nom de l’album.