Kerchak, 100% en confiance

Arrivé à l’aube de la Jersey, l’un des styles les plus en vue du rap actuel, Kerchak s’est immédiatement imposé comme le chef de file francophone, ce qui a provoqué de l’intérêt pour son nom et par conséquent, mis de grands espoirs sur ses jeunes épaules. Avec Confiance, il passe le step du premier projet et y laisse transparaître de grandes ambitions.

La Jersey

Pour mieux comprendre ce qui va suivre, il est important de brièvement définir ce qu’on entend par Jersey. Ce nouveau style dérivé du rap est principalement reconnaissable par sa découpe ultra frénétique de samples, accompagné d’un côté dansant assez prononcé qui se rapproche du triolet de kicks caractéristique de la drill. Encore récent, son développement au début des années 2000 se fait dans les clubs américains et plus particulièrement du côté de Newark dans le… New Jersey. C’est durant la décennie d’après que le rapprochement avec le rap, devenu ultra populaire, commence à se souder, avant de connaitre un réel essor ces dernières années, avec notamment le phénomène Bandmanrill aux USA, et Kerchak de notre côté de l’Atlantique.

Audace & Confiance

Toujours à la recherche des dernières tendances, c’est via YouTube que le jeune parisien tombe sur des instrumentales Jersey et décide d’en faire son terrain de jeu. En se lançant dans un univers encore jeune et inexploré par la scène rap francophone, le pari est risqué. Il s’en révèle un bon accueil du public qui apprécie ce flow pas si éloigné de la trap, ces paroles tranchantes agrémentées d’un certain humour, et surtout ces instrumentales dansantes au BPM élevé.
Encore mineur, les étoiles commencent à s’aligner pour Kerchak, qui connaît un succès immédiat avec son premier titre, Sabor. Immédiatement, le grand public fait de lui le pionnier du mouvement Jersey en France.

En arrivant avec une esthétique déjà bien travaillée, et surtout en corrélation avec la musique qu’il livre, le public commence à s’attacher à ce nouveau personnage aussi mystérieux qu’excitant.

Conscient qu’il y a un créneau à prendre, il enchaîne les singles. Relativement à l’aise avec la physionomie du secteur actuel, il arrive avec facilité à se glisser dans les tendances des réseaux sociaux, tout en faisant danser les foules. Cependant, à force, la formule semble s’épuiser et tourner en rond. Effectivement, les sonorités Jersey sont assez répétitives et il faut trouver le moyen de se renouveler. L’annonce de son premier album appuie ces questionnements…

Confiance & Travail

Pourtant, l’artiste et les gens avec qui il a pu travailler ont réussi à aérer ce style qui peut vite devenir oppressant. Pour ce faire, ils lui ont apporté des éléments plus froids. En se servant des points forts et faibles du genre pour construire un projet de 14 titres assez digeste, Kerchak a su faire preuve d’une capacité d’adaptation notable et nécessaire, ce qui n’était pas acquis au premier abord.
Pour tenir son public, il a décidé de livrer des morceaux courts, souvent construits en deux parties, avec des changements d’instrumentales millimétrées qui ne laissent à aucun moment place à la lassitude.
Un autre élément notable, c’est la parfaite maîtrise des featurings. Au nombre de trois, ils s’incrémentent parfaitement dans cette structure. Chacun apporte sa patte : Favé et ses mélodies plus ensoleillées (Génération Miracle), Ziak et sa brutalité (Peur) et Bandmanrill ses flows américains, et surtout la symbolique (Percer).

À l’instar de son titre, le projet est guidé par la confiance de Kerchak en sa formule et sa légitimité dans ce grand monde qu’est le rap. En parallèle, il évoque aussi des thématiques plus sombres : vols, ventes de drogues, violences… qui traduisent aussi une certaine hargne. Malgré tout, le champ lexical s’épuise vite et une certaine redondance dans les paroles s’installe.

Tentative d’ouverture

Une fois l’euphorie d’une première partie de projet très prometteuse passée et une palette de sonorités Jersey ayant été largement développée, il commence à devenir légitime de se demander comment le jeune artiste va pouvoir encore surprendre ses auditeurs.
Plein de ressources, Kerchak a plus d’un tour dans son sac et le prouve sur la surprenante prod de Toc Toc (signée SHK, ndlr). Il sort même de sa zone de confort avec les ambiances plus ensoleillées de Scène qui, cependant, laisse un goût de trop peu. Timidement, il commence à s’essayer à la mélodie, chose qui se retrouve sur le morceau Temps. Même s’il peut se montrer encore un peu fébrile sur ce terrain, il laisse entrevoir une certaine capacité à ce niveau qui ne pourra qu’être développée dans les années futures.

En omettant les quelques petits défauts logiques au vu de sa jeune expérience, il est important de souligner qu’à tout juste 18 ans, il livre un projet solide qui a su traduire tous les espoirs que le public et l’industrie plaçaient en lui. À noter que ce projet n’a été fait qu’en seulement trois mois, l’artiste devant gérer ses cours et son succès récent en parallèle. En ayant plus de temps pour continuer de travailler sur sa recette pour la rendre la plus homogène possible, il a tout pour devenir une future star du rap francophone.