Mené par Arnaud et Faustine, Baron.e est un jeune duo électro pop qui se faufile discrètement mais sûrement dans le haut du classement des révélations. Après plusieurs singles disséminés depuis le début de l’année et propulsés par les Inouïs du Printemps de Bourges, ils ont décidé de s’attaquer au format EP pour s’offrir 18 minutes et 16 secondes de prise de parole.
Encore un duo français homme/femme sur fond de guitares électriques old school et de nappes synthétiques ? Est-ce que la scène française ne nous en offre déjà pas assez ?
À l’écoute de l’EP, l’évidence est là : non, on en a pas assez, surtout quand le duo a des trucs à dire et c’est le cas avec Arnaud et Faustine. Sur les 5 titres composant l’EP, Baron.e s’attaque aux sujets de la jeunesse. Sans exagérer une célébration de celle-ci, sans forcément la dénigrer outre mesure, le groupe s’attèle à ces thèmes d’actualités qui nous touchent, qui nous font douter, réfléchir, crier, s’alarmer.
Une ode à la jeunesse dans ce qu’elle nous surprend désormais : une génération qui se lève, qui va dans la rue, qui crie son mécontentement, qui prend du recul sur les réseaux dans ce qu’il y a de bon et de mauvais. Une jeunesse qui s’apprend, se découvre, dans ses chagrins d’amour, dans son narcissisme accentué par un monde où le selfie fait foi. Alternant productions plus douces et d’autres plus froides, le groupe y va de sa satire, douce, parfois mélancolique, mais assumée.
L’EP s’ouvre avec Jeunesse Dorée et quelques notes de synthé très années 80. Le titre est teinté de cette couleur vintage dont on se lasse peu, on l’avoue, et qui pousse au déhancher. On découvre alors une belle harmonie de voix entre le duo : les timbres se répondent, se détachent et s’enchainent. Si la jeunesse dorée pourrait faire référence à celle qui s’amuse, qui jouit de privilèges, c’est une autre forme de faveurs que le groupe a souhaité mettre en avant : celle de la parole. «Une jeunesse qui prend la plume, dans un monde qui perd ses plumes» : une affirmation, répétée encore et encore comme un mantra, qui marque le parti pris du groupe, celui de se servir de leur voix, de leur composition et de leur texte pour se révolter, s’indigner, et se faire entendre.
Les productions se relaient entre des nappes synthétiques euphorisantes omniprésentes et des dominantes de guitares électriques plus rétro. Sur Bleu ou Vert, les cordes se détachent au premier plan pour offrir un moment presque nostalgique, illustrant à merveilles la fin des histoires d’amour décrite dans ce titre. Également dans cette teinte plus froide, le groupe continuera cette discussion autour de la relation avec l’Autre sur Danser Dans le Noir.
Un Verre d’Ego est un des titres les plus forts de cet opus, où le groupe s’attaque à la grande complexité du Soi, en utilisant tous les jeux du langage. Allégories, images et personnifications sont les armes de leur parole. Comme souvent dans cet EP, il y a, à la manière d’une marche, d’une manifestation ou d’un cortège de protestation, une répétition dans le discours qui crée ce sentiment de proclamation publique. Dans ce titre, l’égo s’associe à la servitude, une image forte couplée au titre de clôture de l’EP, Mona Lisa, qui souligne cette esclavagisme de notre propre représentation et de cet enfermement.
Ce qu’il y a de beau chez Baron.e, c’est l’intention révoltée qui communie avec un phrasé doux mais percutant, et des productions dansantes, légères, parfois plus froides, parfois plus chaudes. Ce qu’il y a de captivant, c’est la manière de décrire les questionnements d’une jeunesse parfois malmenée, parfois peinant à trouver sa place dans un monde en évolution parfois douteuse, sans tomber dans l’extrême du propos choc ou de l’idéalisation.
Un EP comme une thèse de science-politique, sans les maux de tête et avec le corps qui chaloupe.