L’année 2024 commence de la meilleure manière pour la talentueuse suisso-burkinabée Lakna. Après un premier concert plus que réussit à Paris, elle sort déjà son nouveau projet (UTC-0). Un voyage dans son univers teinté de multiple racines et d’une musique entraînante et fédératrice. Entre métissage, solitude et recherche d’appartement, nous sommes allé à la rencontre de la pétillante Lakna pour qu’elle nous en raconte plus sur la genèse de sa nouvelle pépite.
La Face B : Hello Lakna ! Comment est ce que tu te sens à l’approche de ton nouveau projet UTC-0 ? (NDLR : interview réalisée avant la sortie du projet)
Lakna : Je me sens bien et en même temps fatiguée. Je me réjouis, et j’ai très hâte de commencer à taffer sur le prochain projet.
LFB : Déjà un futur projet en tête ?
Lakna : Oui ! J’aime bien ne pas m’arrêter.
LFB : Tu as commencé l’année avec un concert au Burkina Faso le 7 janvier. C’était la première fois que tu faisais un concert là-bas ?
Lakna : Ce n’était pas ma première fois là-bas, car j’ai mon frère et ma sœur qui y habitent. Mais c’était la première fois dans un concert avec des musiciens de là-bas. C’était trop bien ! Même le maire est est venu, je me suis sentie vraiment accueillie.
LFB : Restons un peu au Burkina Faso et parlons de ton papa qui est lui aussi artiste (NDLR : Il est griot), a-t-il écouté le projet ? Quels ont été ses réactions ?
Lakna : Il a déjà écouté les singles qui sont sorti, mais pas encore les prochains. Mais il aime ! Après, lui, il fait plutôt de la musique traditionnelle, du coup, disons que, si, moi, je fais de la musique traditionnelle, il va me “critiquer”, mais si je fais de la musique à moi, il va aimer. Il aime surtout quand je fais ce qui me plaît.
LFB : Est-ce que c’est important pour toi qu’il valide tes projets ou ton travail ?
Lakna : Pas forcément. C’est important pour moi qu’il soit content de ce que je fais dans ma vie. Mais après mon père possède vraiment une culture burkinabée profonde, donc si je lui fais écouter du rap par exemple, il ne va pas aimer. (Rire)
LFB : C’est également une première fois pour toi à un concert parisien, est ce que ça s’est également bien passé ?
Lakna : Oui, c’était trop bien ! C’était remplis, et surtout hyper bien accueillie en France, j’étais vraiment trop contente.
LFB : Dans UTC-0, tu explores ton métissage, mais tu partages également que tu te sens parfois déconnectée, ou que tu as du mal à vraiment trouver ta place malgré cette « double culture ». Comment cette dualité a-t-elle impacté la création de ton projet ?
Lakna : J’avais envie de me pousser à travailler sur un projet qui possède un thème. Car de base, je ne travaille pas vraiment comme ça. C’était une période où j’avais beaucoup de questions identitaires en tant que personne métisse, et également une personne dans la vingtaine. C’était un peu ça qui ressortait de moi à cette période, et je me suis alors naturellement dit que j’allais faire un projet sur ça, pour le mettre un peu plus en avant. Après, il y a des sons qui ne parlent pas forcément de ça.
Mais j’ai voulu le mettre en avant notamment dans les visuels et surtout me mettre une sorte de ligne directrice ce qui était important pour moi. Je voulais parler de ça aussi car je n’entends pas souvent parler de meufs qui sont métisses et qui se revendiquent comme telle, qui se disent “Je ne suis pas un des deux etc”. C’est une identité à part entière. En plus depuis que je l’ai fait, ça a fait un petit écho jusque dans la rue, où quand des meufs m’arrêtent, ce sont surtout des métisses. Donc ça me fait trop plaisir !
LFB : Solo de Sax » semble refléter la solitude que tu ressens. Peux-tu nous parler de la signification de cette solitude ?
Lakna : C’est par rapport au fait d’être dans une sorte “d’entre case” comme j’aime l’appeler. C’est-à-dire le fait d’être né un peu dans “tout”. Il y a beaucoup d’éléments dans ma vie qui fait que je n’appartiens pas à une case précise, du coup, je me retrouve un peu “le cul entre deux chaises”. C’était surtout pour parler de cette solitude.
Il y a un moment où je parle plutôt de relation, dans un autre son, je dis que je ne sais pas vraiment d’où je viens… J’ai fait une sorte de petit melting-pot de tout ça pour le projet.
LFB : Pourquoi le nom Solo de Sax pour ce titre ?
Lakna : Je suis toujours accompagné par des musiciens en live, du coup, j’ai bien grandi avec ce truc de l’instrument. Et quand il y a un solo de saxophone, j’ai remarqué que tout le monde se retire pour l’écouter. C’est peu pour cette raison que j’ai choisi ce nom.
LFB : La musique semble être une sorte d’exutoire pour toi, où tu peux parler de tes émotions plus sombres, c’est important pour toi d’avoir cette sorte d’auto-thérapie ?
Lakna : Je le fais sans vraiment y penser pour être honnête. Mais c’est vrai que lorsque j’écoute mes sons, il y en a quand même pas mal qui sont mélancoliques. Même presque tous (rire). Je pense que je canalise pas mal de choses, et dans la vie de tous les jours ça me permet de mieux profiter et d’être surtout heureuse, car je suis quelqu’un de plutôt joyeuse en général.
LFB : Parlons un peu de la pochette, que représente pour toi le symbole du puzzle de ton visage ? Qu’est-ce que tu as voulu transmettre ?
Lakna : Je voulais représenter le fait, justement, de ces identités multiples et déchirées qui forment un tout. Je l’ai réalisée moi-même avec un ami durant toute une après-midi, et j’en suis plutôt fière ! C’était exactement ce que j’avais en tête. Je voulais aussi rajouter des petits éléments autour, il y a par exemple une ville, un bout de corie ce petit coquillage que j’ai sur le front, une photo de moi lorsque j’étais enfant au Burkina Faso… Je voulais un peu faire un mélange de tout.
LFB : Il y a deux feats sur le projet, Malcom et KT Gorique, comment s’est passé la connexion entre vous ?
Lakna : Malcolm, je ne le connaissais pas avant. Mais à la fin de mon dernier projet, il m’a écrit pour me dire qu’il avait bien kiffé, ce qui a amené à un peu discuter. Puis on s’est retrouvé à avoir une amie en commun et de fil en aiguille, on s’est retrouvé à Marseille pour faire du son. Je me suis rendu compte qu’il était parfait pour le projet et je l’ai direct invité en Suisse pour le clip. Je voulais vraiment mettre des personnes afros dans des paysages un peu folkloriques typiquement suisse. Pour justement faire le rapport qu’on appartient également à là-bas. Car nous sommes tous les deux “afropéens”.
Et pour KT Gorique, je la connais depuis que j’ai commencé la musique, c’était une des premières personnes qui m’a écrite et soutenue. Je la considère vraiment comme ma sista, ma grande sœur un peu ! On ne se voit pas souvent, mais quand on se voit, c’est toujours hyper sympa ! Je sais qu’elle me donne énormément de force. On parle beaucoup car elle suit beaucoup l’actualité en Afrique de l’Ouest, etc. Et vu que le texte parle plutôt de la couleur de la peau, et possède un certain aspect politique, je me suis dit que ça serait trop bien qu’elle pose sur le titre.
LFB : Est ce que ces collaborations plutôt dans le style du rap t’ont apportée de nouvelles perspectives à ta musique ? Est)ce que c’est un style que tu veux retravailler à l’avenir ?
Lakna : J’écoute quand même pas mal de hip hop, car je viens de cette culture-là. En fait, je n’y ai jamais vraiment pensé, mais c’est le cas (rire). Ce que je fais est quand même teinté de RNB, mais ça se rejoint évidemment.
LFB : il s’agit surtout de connexions aux feelings ?
Lakna : Oui, totalement ! Mes projets m’amènent vraiment là où je suis un peu et où j’ai envie d’être.
LFB : Enfin, que pouvons-nous te souhaiter pour la suite ?
Lakna : Que ça continue surtout ! Il faut me souhaiter de la chance !