Le Groupe Obscur : « La recherche d’un équilibre est à la source de notre rapport à la musique »

Parmi les curiosités musicales de ces dernières années, Le Groupe Obscur tient une place particulière dans la foisonnante scène française. Un langage taillé sur mesure pour une dreampop autant influencée par l’Angleterre que les jeux vidéos associé à un environnement visuel très travaillé font du groupe signé chez Midniht Special Records l’un des projets les plus excitant du moment. À l’occasion de la sortie de leur nouvel EP, Pondecen, on a posé quelques question à ce groupe intrigant.

crédit : Lise Dua

La Face B : Selesȼa Le Groupe Obscur ! Comment allez vous ?

Le Groupe Obscur : Temelata. Ovem belegenöon alamea fax pong-ping.
(Super. On a acheté une table de ping-pong.)

LFB : Vous avez dévoilé Pondecen au mois d’avril. Dans une période assez étrange votre EP m’a fait beaucoup de bien. Comment avez vous vécu sa sortie ?

LGO : Ayant nous-mêmes peu expérimenté le concept de sortie ces derniers temps, cet instant s’est trouvé flottant dans un espace-temps fait de rêves et de réalités virtuelles. Néanmoins nous nous sommes délectés de petits mots tendres passés de bulle en bulle vers notre ermitage, tels les échos des premiers pas de notre Pondecen dans le grand monde.

LFB : Alors que votre premier EP ressemblait à une collection de titre disparates, Pondecen semble être une épopée, un voyage onirique qui se prend dans sa globalité. Est-ce quelque chose qui s’est imposé tout de suite à vous ou y avez vous réfléchi pendant sa création ?

LGO : Les 5 titres de Pondecen sont les premiers morceaux que nous avons écrits en Obscurien. Leur composition devant à peu près s’étendre sur une année, le passage des saisons se ressent au fil de l’EP : Fhëmë est solaire, Voliansor tamisée comme une lumière d’automne, Pondecen I et III en suspens hivernal tandis que de Pondecen II émane une vitalité printanière. En plus de l’ambiance et de l’histoire qui les unissent les titres nous ramènent à une période spéciale de la vie de notre rock band; leurs destins sont liés et il fallait qu’on les enregistre ensemble.

LFB: De la même manière, tous les morceaux sont désormais chantés en Obscurien, ce qui renforce encore plus la féerie et l’onirisme propre à votre musique. C’était une évolution nécessaire du projet non ?

LGO : C’est plutôt une facette du Groupe Obscur. Le côté immersif de l’Obscurien fait de Pondecen un objet spécial, mais sa genèse étant antérieure à celle de Selesȼa, on y appuie un aspect originel de notre musique qui ne nous a jamais quitté et reste présent sous des formes différentes dans le reste de notre production. On parle beaucoup de cycles temporels dans Pondecen, et lui-même s’inscrit dans l’un deux puisqu’il incarne à la fois notre passé et notre renouveau.Tin-tin-tin-tin !

LFB : L’Obscurien permet aussi d’envisager la voix comme un instrument non ? De donner de l’importance aux sonorités, aux roulements de la voix.

LGO : C’est une langue faite sur-mesure qui dans notre rôle qu’architectes nous donne beaucoup de liberté. Elle laisse une grande place aux voyelles que l’on peut étirer à l’aide de mélismes et de vocalises, et utilise peu de sons nasaux privilégiant les sons clairs. Chaque mot est composé selon son intérêt phonétique, et la syntaxe de la langue nous permet beaucoup de remodelages pour que le texte se fonde au mieux à la musique. C’est en quelque sorte la traduction littérale de nos intentions musicales.

LFB : Dans cet EP, on retrouve une nouvelle fois cette idée de confrontation, un lieu ou le jour et la nuit se croisent. Cette idée est aussi accentuée par les vidéos ou on passe de quelque chose de très lumineux sur Pondecen II à une ambiance plus inquiétante sur Voliansor.
Comment gérez vous cette dualité ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans le clair-obscur ?

LGO : La recherche d’un équilibre et de forces qui se complètent est à la source de notre rapport à la musique. Chaque chose ne se résume pas qu’elle devrait être mais trouve sa richesse dans ce qu’elle pourrait être, et c’est en jouant avec les contrastes que l’on ouvre les perspectives. Une fois quelqu’un nous a dit : « vous faites quelque chose de très sérieux sans vous prendre au sérieux », ce qui est un super compliment parce qu’il évoque une impression de légèreté associée à l’expression de sentiments sincères, comme si on était parvenu à communiquer notre dévotion à la musique via des chemins détournés. Pondecen quant à lui raconte son histoire à travers l’évocation de paysages. On pense à la lumière : le temps avance et l’éclairage sur chacun des morceaux évolue, transforme les tableaux, révèle les ombres et se retire des coins baignés de lumière.

LFB : J’ai beaucoup aimé vos vidéos « Les Ondes Obscures » sorties pour ce nouvel EP. Est-ce que c’est important pour vous que les gens puissent vraiment comprendre l’Obscurien ? Que cela dépasse la simple idée de « gadget » un peu vain ?

LGO : L’Obscurien est né pour servir le son du Groupe Obscur tout en ayant des ambitions de langue à part entière, dont des désirs de communication. Le fait que le texte ne soit pas immédiatement intelligible pose un éclairage différent et précieux sur la musique, mais les paroles ont un sens et on a vraiment envie qu’elles puissent être traduites. On a créé l’Obscurien avec l’intention de rendre toujours possible une seconde lecture de notre musique. Notre cœur est tourné vers le fan hardcore.

LFB : Du coup, vous envisagez de sortir un dictionnaire de l’Obscurien ?

LGO : Pour l’instant la forme des Ondes Obscures nous semble pas mal, car elle permet d’associer la transmission de l’Obscurien à plusieurs médiums et d’en faire un événement un peu fun. C’est la porte ouverte à d’autres idées pour communiquer sur le vocabulaire, mais cette sympathique attraction qui ne donne pas d’emblée toutes les clefs nous convient bien pour le moment. C’est moins frontal qu’un répertoire en accès libre, c’est plus chaleureux. Et puis, chacun peut bénéficier du texte prononcé en direct live avec l’accent et tout et tout, ce qui est quand même bien pratique pour l’apprentissage.

LFB : Depuis le départ du projet, vous réalisez vos vidéos, vous créez vos costumes … ça se passe comment d’être control freak quand on est cinq dans un groupe ?

LGO : C’est comme un pacte avec le diable : vous pensez entrer dans un groupe de cover pépère et sans crier gare bim vous voilà en combinaison moulante retro-éclairée alimentée en piles 9V à chanter des trucs sur un oiseau de feu dans une tessiture indécente. De l’expérience et du choc surgit la solidarité et l’envie d’être de toutes les épopées : une magnifique aventure humaine prend alors vie et aucune marche arrière ne semble envisageable. Vous êtes condamné.

LFB : Je vous ai vu plusieurs fois en concerts et j’ai hâte de vous retrouver sur scène. Qu’est ce que vous envisagez pour donner vie à Pondecen en live ?

LGO : Héhéhé petit coquin, Le Groupe Obscur ce secret gardera bien.

LFB : Si je vous dit que pour moi, vous êtes à ranger entre Nobuo Uematsu et les Talking Heads, entre une manette de playstation 1 et un tome du Seigneur Des Anneaux, ça vous convient ?

LGO : Globalement même si on est plus N64 ça fait beaucoup de pistes pour un costume rigolo donc oui, ça l’effectue. Quel tome du Seigneur Des Anneaux ?

LFB : Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour le futur ?

LGO : Cette nuit l’un d’entre-nous a rêvé qu’on pouvait acheter de l’eau salée en supermarché destinée à la cuisson des pâtes. Faites que le futur nous apporte davantage svp.

LFB : Est ce que vous avez des coups de coeur récents à partager avec nous ?

LGO : Transdernal Celebration de Ween.