Les clips de la semaine #104 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face a vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la seconde partie de la sélection numéro 104 des clips de la semaine.

Bon Enfant – Porcelaine

Après un premier album qui nous avait beaucoup plu, c’est l’heure de la confirmation pour les québecois de Bon Enfant. Et autant dire que Diorama, leur nouvel effort, prolonge le plaisir , mélangeant avec un bonheur sucré les influences pop, de comédies musicales et un sens de l’épique assumé porté par un sens musical assez dingue.

La preuve avec Porcelaine, qui accompagne la sortie de l’album d’un clip. Intense, poétique, habité, le morceau n’a rien à envier aux « héros » de la pop française actuelle, bien au contraire. On se laisse enivrer par cette danse presque macabre, très 70’s, qui nous fait vibrer et remuer les épaules avec une facilité déconcertante. Mais derrière ce vernis élégant se cache des petites noirceurs qui nous font aimer encore plus Bon Enfant. On y parle ici de failles, de sentiments qui dévorent et de ce besoin qu’on a parfois de tout casser.

Un mélange explosif qui se retrouve dans la vidéo de David Bourbonnais où l’on suit Daphné Brissette et son gang, tout de blanc vétu comme la porcelaine. La chanteuse, dans une église hors du temps, semble posséder quels pouvoirs plus ou moins dangereux, surtout dans des mains colériques, la violence étant ici masquée par des éléments poétiques qui, plutôt que de l’aténuer, en renfonce l’impact.

Le clip joue aussi sur des influences médiévales, aussi présentent dans la musique du groupe, mais aussi sur le cinéma musical, s’amusant à nous offrir des scènes chorégraphiées et de jeu de scène. Bref tout Bon Enfant résumé dans le son et l’image en moins de 4 minutes., que demander de plus ? Sans doute leur venue en France qu’on espère pour très bientôt.

Gabriel Tur – La Star

Pour les habitués des petites salles parisiennes, Gabriel Tur est tout sauf un inconnu. Cela fait un petit moment déjà que ce grand bonhomme nous enchante avec son univers musical tendre et décalé.

Il y a un peu plus d’un an, il avait enfin passé le pas du premier effort, dévoilant Papillon Blanc, un mini-album enchanteur qui derrière une couche de naïveté racontait des histoires de cœur brisé, de flemme et rêves à réaliser.

Si il a malheureusement était stoppé, comme beaucoup, par la situation mondiale, ce bon Gabriel est bien décidé à relancer la machine et revient cette semaine avec un clip pour un de ses petits tubes : La Star.

Des notes rêveuses et une basse entêtante, l’efficacité du morceau est totale et joue avec bonheur avec les faux semblants. Derrière se texte poétique se cache quand même une grosse histoire de séduction, de nuit et de sexe. Le jeune homme, qui brille aussi au théâtre, s’amusant ainsi avec les métaphores et les images plus ou moins explicites pour nous faire danser et nous séduire.

Pour accompagner le morceau, il co-réalise avec Jean-Baptiste Burbaud un clip coloré et onirique, centré sur l’expression des corps et les couleurs. Ici, Gabriel joue à la star, entre play-back délirant et scènes de danse qu’il partage avec Sakiko Oishi dans lesquelles se jouent à la fois l’attraction, la séduction et les jeux de regards éloquents. Et que dire de ce moment étrange ou les deux filent cheveux aux vent et lunettes de soleil sur le nez sur un scooter de l’espace… C’est drôle et doux, tout ce qu’on aime au final.

Définitivement, Gabriel Tur est notre star !

Parcels – Famous

Le groupe australien Parcels, qui ont sorti ce vendredi leur tant attendu double album Day/Night, ont dévoilé le même jour la vidéo officielle de leur dernier single, Famous

Réalisé comme pour les deux précédents singles (Somethinggreater, Theworstthing) par Carmen Crommelin, le clip s’ouvre sur la scène qui refermait le clip de Theworstthing, dans laquelle on retrouve le batteur du groupe Anatole Serret effectuant avec passion une chorégraphie dans son appartement, sous l’oeil désabusé de sa compagne qui préfère rejoindre la fête se déroulant dans l’immeuble voisin. Non loin de là, Louie Swain (clavieriste du groupe) prend des photos volés du danseur depuis une mystérieuse chambre noire. Entre ces scènes, on retrouve le groupe entourés des autres personnages de la fête, tous élégamment vêtus et posant nonchalamment dans un canapé face à la caméra. 

Le morceau, écrit par le guitariste et chanteur du groupe Jules Crommelin, évoque le fantasme de la célébrité et une certaine conception étroite et vaine du succès: “You’re famous, Your way to paradise; You’re famous, Your way to all delight; But you’re tasteless, Cause taste don’t feed your high”. Pour Carmen Crommelin, “Famous explore le trait le plus désirable dans notre société moderne, tout en cherchant comment nous pouvons changer notre perception […] C’est à la fois une invitation et une mise en garde.” 

Dans notre interview sur Day/Night à retrouver ici, Anatole Serret et Noah Hill évoquent également le morceau, qui pour eux résume une dérive dans laquelle le groupe s’efforce de ne pas tomber, tout en affirmant leur ambition de « devenir un grand groupe”, pour notre plus grand plaisir. 

Gotti Maras Ft Leto – Bx Drill 5

En prolongation de sa série Bx Drill, le bruxellois Gotti Maras fait cette fois appel à un autre amateur de ce nouveau style de rap, Leto. Une combinaison où l’énergie est plus qu’au rendez-vous dans un clip réalisé par Bastos qui a fait parler de lui et cela même avant sa sortie. Coup de com’ calculé où fougue des rappeurs, c’est un tir de kalachnikov qui aurait attiré les médias généralistes toujours les premiers à l’affût quand les rappeurs dérapent.

Gotti s’en amuse en reprenant les extraits évoquant cet événement au début de son visuel avant d’arriver avec son comparse parisien. Tous les deux plus qu’à l’aise sur ce genre de sonorités, ils se jouent de l’instrumentale de Lou Binks, Globe Saucer et MCL en dévoilant une alchimie déroutante. Un montage effréné et une attitude cohérente au vu de l’ambiance du titre accompagnent à merveille ce cinquième épisode de la série du bruxellois. 

Ben Lupus – La tempête

Un mois après la sortie de Snowfalls in July d’Alex Van Pelt nous retrouvons un autre membre de l’excellentissime groupe Coming Soon. Avec La Tempête, Ben Lupus nous propose un deuxième extrait de son EP Vu d’Ici à paraître le 19 novembre. Il n’est pas question de la comédie de Shakespeare. Vous n’y trouverez ni magicien exilé, ni navire échoué. Cette balade mélancolique évoque, sobrement, la confusion des sentiments qui nous bouleversent après une séparation. Une Tempête que l’on aimerait voir emporter, dans une bourrasque, tous les souvenirs qui nous rattachent à ce passé que l’on souhaiterait oublier tant qu’il nous peine.

Dans cette chanson, la voix de Ben Lupus, empreinte d’une douceur nostalgique, enlace une ligne musicale où les accords d’une guitare se noient dans les méandres d’un paysage sonore façonné à l’aide d’un synthétiseur modulaire.

Arriver à mettre en images de telles sensations n’est pas aisé. Adrien Selbert dans la très jolie vidéo qu’il a réalisée, y arrive avec simplicité, ingéniosité mais aussi délicatesse. Un intérieur de voiture filant vers le soleil couchant, joue sur l’opposition entre enfermement et évasion. Dans ce milieu clos les souvenirs s’entassent sans arriver à se dissiper, une raquette de tennis, un roman écorné de James Hadley Chase, des fleurs artificielles suspendus au rétroviseur. Du paysage qui défile bientôt ne restera plus que les touches de couleurs, embuées et brouillées, du vert des pins et du bleu de la mer. Et alors, les larmes se condenseront jusqu’à perler sur nos émotions.

Zamdane – Zhar

Cela commence à faire un moment que l’émotion et la sincérité du jeune Zamdane touche de plus en plus de personnes. A l’approche de la sortie d’un nouveau projet, il en dévoile un premier extrait avec Zhar et son visuel composé par ses soins, accompagné par Roxanne Peyronnec.

Le clip débute avec un plan de l’artiste seul, devant une toile, l’interprétation peut différer en fonction des sensibilités de chacun, mais on peut y voir la volonté à travers ce morceau de proposer tous les éléments qui le constitue et qui ont abouti à ce qu’il est devenu actuellement, à l’instar d’une toile qui prend le temps d’évoluer au fil du temps et des éléments que son créateur lui rajoute avant de la clôturer.

Si le chemin de Zamdane est encore loin d’être à son terme, il semble néanmoins avoir compris ce qu’il voulait raconter à travers sa musique et surtout comment il voulait le raconter. Empreint de mélancolie, il alterne passage kické et mélodies pour se dévoiler et cela aussi bien en français qu’en arabe pour parler de ses attaches envers ses racines, son équipage mais aussi l’espoir qui le suit depuis ses débuts. Tous ses éléments qui se retrouvent en filigrane d’un visuel qui colle à ce qu’il veut dégager. 

Cat Power – Pa Pa Power

Cat Power est de retour et c’est un peu comme retrouver une amie de longue date. La musicienne américaine tease un peu plus son nouvel album de reprises qui s’intitulera sobrement Covers avec Pa Pa Power, un morceau de Dead Man’s Bones à l’origine (le groupe de Ryan Gosling et Zac Shields). Après A Pair of Brown Eyes (des Pogues) et Bad Religion (de Frank Ocean), le troisième single montre le côté engagé de Chan Marshall qui avait commencé à jouer le morceau sur scène peu après les manifestations pacifistes Occupy Wall Street dénonçant les abus du capitalisme financier. Les paroles y sont douce-amères entre défaite et espoir : “Broken glass what about our broken heart? / Please make be better, please make me powerful” et “We know we cannot destroy power”… Une chanson qui rallie sous une même cause et qui fait du bien à écouter. 

Covers sortira le 14 janvier et Cat Power sera de passage en France, à Paris entre autres, où elle jouera le 29 mai à la Salle Pleyel. Hâte !

Franz Ferdinand – Billy Goodbye

Cela faisait un petit moment que nous n’avions pas entendu Franz Ferdinand. Il y a bien eu cette belle reprise de Summer Wine de Lee Hazlewood l’année dernière d’Alex Kapranos et Clara Luciani, mais pas grand chose depuis. Le groupe écossais checks in cette semaine en annonçant un album best of, Hits to the Head et en profitent pour nous montrer qu’ils n’ont rien perdu de leur splendeur en nous offrant un titre inédit. Billy Goodbye donne envi de danser et la video qui l’accompagne est rock n’ roll en diable. Les 4 garçons, qui ont par la même occasion annoncé une tournée, seront le 20 mars au Zenith de Paris, à Lille (6/05/22), à Dijon (4/05/22), Bordeaux (30/03/22)… et Hits to the Head est prévu pour le 11 mars !

Charlotte Adigéry & Bolis Pupul – Blenda

Il y a une chose sur laquelle on n’a jamais vraiment eu de doutes, c’est qu’il est possible, et même évident, de danser sur des sujets sérieux et importants. Et apparemment Charlotte Adigéry & Bolis Pupul pensent comme nous. Le duo s’apprête ainsi à dévoiler au printemps 2022, Topical Dancer et rien qu’au nom, vous comprenez où nous voulions en venir juste avant.

C’est donc un portrait de notre époque qu’ils s’apprêtent à dévoiler et surtout un bon moyen pour eux de s’amuser avec des sujets qui les concernent. Les malaxer et les écraser pour les transformer en machine à danser afin de s’en libérer et de pouvoir vivre de manière plus libérée.

Idée était déjà au cœur de Thank You, leur premier titre officiellement en duo, elle prend encore plus d’importance avec Blenda, leur second single. Sur la forme, c’est un morceau imparable, dansant comme pas permis et porté par la voix toute en distanciation, et en cynisme, d’Adigéry.

Sur le fond, c’est une nouvelle charge à la sulfateuse, cette fois-ci contre le racisme et les préjugés liés aux origines. Ainsi, sur un ton moderne et ravageur, ils nous racontent une vie de rejets, coincé entre deux cultures où ils ne sont jamais vraiment à leur place selon certains connards (n’ayons pas peur des mots).

Pour accompagner Blenda, le duo nous offre une vidéo remplit de références à la pop-culture et pointant du doigt l’omniprésence de la télévision à travers la diffusion de ces clichés racistes, que ce soit dans les séries TV, les télé-shoppings ou une certaine chaine de télé au logo orange qui déverse par moment certaines idées bien pensantes qui n’échappent pas à diffuser une pointe de mépris.

Un manifeste qui n’épargne personne et sur lequel on n’hésitera pas à danser le 17 novembre à la gaité lyrique dans le cadre du Pitchfork Festival.

Romane – Stop

Sur un rythme autant soul que rythmé, Romane affirme un Stop. La voix jazzy de la chanteuse nous envoûte tandis que les percussions en fond nous font taper des mains. Quant au titre, il parle d’arrêter de tourner en rond en amour, de couper court. Romane pose ses limites, pose ce qu’elle veut et ce qui lui faut. Elle ne veut pas de courtisans, prêts à mourir à ses pieds. L’indépendance est clamée pour la chanteuse. C’est aussi quelque chose de sain et de profondément respectueux que prononce l’artiste. Comme un effet miroir des sentiments, Romane affirme : “When you hurt me, you’re hurting yourself.” Le clip est aussi en jeu de miroir. Il parvient à retranscrire l’âme du morceau. Réalisé par Tamina MANGANAS, il montre la chanteuse grande, puissante et remplie de confiance. L’artiste aurait presque des airs d’icône. 

Bleu Toucan – Euskalove

Après la sortie du titre Chaleur Humaine, le duo Bleu Toucan revient avec le titre Euskalove. Le clip est un dessin animé réalisé par Plastic Horse. On y aperçoit des couleurs pastels et des traits fins; L’atmosphère est douce. Un toucan, comme un clin d’œil artistique, nous emmène à travers différents paysages : allant des cieux aux immeubles qui peuplent les villes. Il y a quelque chose d’imaginaire, d’onirique, de l’ordre de la rêverie. Et cela n’est pas un hasard. Car, comme son nom l’indique Euskalove parle de l’amour comme d’une terre sur laquelle on échoue ou fait une escale. Sur des rythmes pop entraînant au point d’en être presque endiablé,  Bleu Toucan invoque des métaphores idylliques : “un retour à l’automne à Saint Jean, (…) La Kostaldea dans le sang” Un amour entre deux rives :

Nous marchons sur le pont, D’un bateau reliant, deux pays différents,, Deux êtres s’ignorant 
Nos pas à l’unisson, joignirent nos horizons , Une langue et deux régions,”

Palatine – La Main

Après avoir nous avoir fait la cour avec le splendide album Grand paon de Nuit, le groupe Palatine revient avec l’EP Talismanie. Une sortie attendue avec des titres chéris et polis comme des talismans. Parmi ces derniers : La Main, accompagnée d’un clip. Les images sont signées de la main de Emma Depres. On y aperçoit la sensualité d’un corps de femme, fumant presque nue sur un lit. Pourtant, le titre semble loin des plaisirs. Telle la rose, les paroles blessent : “C’est ma main qui se pose sur ton cou. C’est ma main qui se pose tout à coup. Et tu ne m’ avais rien demandé. C’est ma main le long de ton échine, Sous ma main je sentis des épines. Que je n’avais pas vues.” Avec ces airs graves et baroques, portés par une contrebasse, le groupe évoque des thèmes sombres et pourtant nécessaires d’évoquer.