La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. On se retrouve avec la deuxième partie de la sélection numéro 105 des clips de la semaine.
Don Turi – Connection Lost (Feat La Chica)
De la sensualité sur fond noir, voilà ce que nous proposent Don Turio et La Chica cette semaine pour leur collaboration sur le morceau Connection Lost.
Ce clip réunit deux danseurs, un homme et une femme dans une chorégraphie où les corps ne cherchent qu’une chose, faire qu’un.
Difficile est la tache tant la connexion entre les deux corps a été perdue comme l’explique le morceau, c’est une lutte acharnée qui se met en place sous yeux pour retrouver ce lien si cher.
On alterne entre des gestes magnifiques, une synchronisation parfaite dans le mouvement et un jeu de lumière qui altère nos sens et le rapport aux corps qui nous sont montrés.
S’étreindre, se sentir, retrouver cette connexion, le prix de la peau, c’est la conclusion magnifique d’une vidéo qui nous subjugue si bien qu’on en redemande.
Hildegard – Jour 8
Hildegard est un projet né de la rencontre, musicalement improbable, entre deux personnalités singulières de la scène montréalaise. Helena Deland, une artiste canadienne, québécoise d’adoption, à la folk indé que l’on avait vue en 2019 à la Gaîté Lyrique en ouverture d’Iggy Pop pour Arte Festival. Et Ourielle Auvé aka Ouri, originaire de la région parisienne et venue à 16 ans finir ses études à Montréal et y rester. Si Ouri possède une forte culture classique et manie violoncelle, harpe et flûte traversière, ses compositions ont très vite été bercées par des vibes électroniques.
C’est sous l’aile d’Hildegard (le projet fait référence à Hildegard von Biggen, sainte et musicienne du XIIe siècle mais aussi femme de pouvoir, la figure d’un féminisme avant l’heure) qu’Helena Deland et Ouri ont composé et enregistré pendant huit jours, huit morceaux qui figurent sur leur album. Jour 8 en est le huitième. Celui qui referme l’album.
Le mélange de lignes électroniques et d’une basse organique se pose entre fusion et confusion des genres musicaux. Les voix s’entremêlent, s’attirent et se repoussent comme le font deux aimants lorsque l’on s’amuse avec leurs polarités. Des lignes musicales mouvantes et tournoyantes, qu’auraient pu produire les Raincoats si leur groupe était né 40 ans plus tard et dans le creuset de la culture électronique. Le clip réalisé par Derek Branscombe est tourné en clair-obscur, complice des voix, la photographie se joue des clichés et raconte une histoire qui débute au rythme des stroboscopes et se dénoue dans la douceur de la lumière de l’aube.
Ces jeux d’ombres et de lumières ajoutent une touche mystérieuse et baroque à ce projet magnétique et addictif. Lorsque Jour 8 se finit, on a hâte de revenir à son début. Comme la première fois que l’on goûte une saveur qu’on ne connaît pas mais pour laquelle on ressent une attirance irrésistible.
La Battue – Acrasia
L’Acrasia ou encore l’acrasie est le phénomène qui nous force à agir contrairement à notre choix ; faire des choses alors que l’on sait, pertinemment et consciemment, qu’on ne devrait pas les faire. Le morceau Acrasia de La Battue est un appel à reprendre contrôle sur toutes nos attitudes qui nous enferment dans nos contradictions.
Dans le clip réalisé par Charlie Montagut et Thomas Daeffler de chez Génial Picture, le monde se fige entre 19:59:59 et 20:00:00 pendant que s’ouvre, lors de cet instant, un temps secret. Un temps pendant lequel tout se réinitialisera, une sorte de reboot général. Alors les quatre personnages de la vidéo, esclaves de leurs quotidiens, vont pouvoir se libérer des contraintes dans lesquelles ils se sont enfermés. Et c’est à partir de simples mouvements qu’ils réapprendront que naîtra une chorégraphie libératoire.
Le rythme monte crescendo et la texture musicale qui était éthérée au début du morceau se densifie jusqu’au qu’au moment exutoire où tout se libère. On aurait du mal à cantonner La Battue à un seul genre musical. On retrouve dans Acrasia cette mixité qui lui est propre, empreinte à la fois de douceur et de force.
La Battue jouera lundi 15 novembre à Besançon, mardi 16 au Point Ephémère à Paris dans le cadre du festival Les Femmes S’en Mêlent, mercredi 17 à Metz, jeudi 18 à Bruxelles, vendredi 19 à Strasbourg et samedi 20 à Dijon. Vous avez toutes les dates de leur tournée et donc plus aucune raison de louper !
Nilüfer Yanya – stabilise
Près d’un an sans nouvelles musiques de l’artiste londonienne Nilüfer Yanya, cela commençait à faire long de notre côté. Mais elle fait son retour avec stabilise, un single percutant et pop, tantôt murmuré, tantôt dit haut et fort. Ce morceau et son clip sont un cri du cœur, de plongé en plan rapproché, entre les immeubles d’une cité ou dans un taxi ; elle aborde toutes ces questions qui viennent à la jeunesse. Le clip se dessine comme un labyrinthe de lieux, où la chanteuse semble à la fois se perdre et se retrouver, encore et encore. Une première parenthèse plus que convaincante, avant la sortie de son nouvel album, « Painless », prévu pour le 4 mars 2022.
Magon – Egyptian Music
Ce qui nous séduit tout de suite dans ce nouveau morceau de Magon c’est son côté à la fois travaillé et nonchalant, ce qui en fait une ballade lente et douce a l’écoute rappelant sans mal la musique de Kevin Morby – avec de la reverb en plus. Sur Egyptian Music, l’artiste parle presque sur sa musique, déambulant au milieu de ses musiciens dans un décor en noir et blanc passé et intriguant. Puis la fresque en arrière plan prend le dessus, les animations de Mihaela Mîndru prennent le dessus dans l’image. Des personnages fantomatiques se dessinent et évoluent ici et là dans un calme inhérent. Des images ponctuant ainsi les apparitions des membres du groupe en train de jouer, devant cette toile tendue qui laisse la possibilité d’entrevoir une multitude d’histoire dessinées. Rendez-vous en décembre pour découvrir la totalité de son album, « In The Blue ».
Jack White – Taking me back
On commençait à se demander ce qui arrivait à Jack White. Déjà trois ans depuis sa dernière sortie, le temps s’en trouvait rallongé même si on peut imaginer que la crise sanitaire ait mis à mal ses projets comme tant d’autres. C’est l’heure de se retrouver en face à face avec l’ancien leader des White Stripes qui n’a rien perdu du tranchant de sa guitare et de son esthétique bleue qui le caractérise depuis le début de sa carrière solo, avec un nouveau single Taking me Back.
Ça met des claques par lots de douze, ça ne se pose pas de questions et ça met les pieds dans la tronche, on reconnaît bien là la signature du guitariste américain qui nous annonce au passage l’arrivée de son nouvel album. Ou plutôt ses nouveaux albums puisque Fear of the Dawn arrivera dès Avril prochain et sera suivi de Entering Heaven Alive en Juillet. Peut-être deux albums pour deux ambiances bien différentes comme le suggèrent déjà les titres qui pourrait difficilement être plus opposés. Réponse avec les prochaines annonces à venir, qu’on ne manquera pas de relayer au fur et à mesure !
BAD BAD BIRD – Ni Peine Ni Peur
Si Bad Bad Bird nous avait laissé sur une idée de nouveau départ avec son exclu de Voudras-tu m’adorer ?, ce mouvement s’incarne dans un nouveau titre. Le ton est directement énoncé : “C’est le printemps, sèches tes larmes.” L’idée de renouveau est présente avec comme adage Ni Peine Ni Peur. En somme, un parfum de liberté, de bonheur et de légèreté. Qui se ressent dans les sonorités. Cette fois-ci encore, on reconnaît des airs de girl in red ou encore de Sonic Youth, avec des rythmes entraînant, bousculés, portant un chant presque aérien. Enfin, ce nouveau départ s’illustre dans un clip réalisé par Julien Peultier. Au travers duquel on aperçoit la chanteuse performer entre deux avions, comme une invitation au voyage. Un voyage qu’elle prend finalement en s’envolant à bord d’un paramoteur… Et si on partait avec elle ?
PIERRE DE MAERE – Un jour je marierai un ange
Le chanteur Pierre de Maere nous en fait la promesse : Un jour je marierai un ange. Sur une musique électro pop, rythmée par une guitare acoustique, la voix de l’artiste résonne. Le texte aborde l’amour et ses idéaux, ses rêveries. Il est question d’un amour presque déjà illusoire car utopique. Cette idylle se concrétise dans un clip réalisé par Edie Blanchard. On y aperçoit des images féériques du chanteur incarnant un ange sous une pluie de neige et de plumes. On l’aperçoit aussi alité, le cœur blessé. Mais n’ayons crainte car c’est l’amour tombé du ciel, qui le sauvera. Le musicien répète avec force : “Docteur, un jour je marierai un ange.” En attendant, le jour de noce, Pierre de Maere sera en concert à la Cigale le 13 mai 2022.
Gaëtan Roussel – Une seconde (ou la vie entière)
Extrait de la réédition de son dernier album Est-ce que tu sais ?, le titre Une seconde (ou la vie entière), nous parle d’amour mais surtout de solidarité. Tout le texte se porte sur un temps passé qui s’efface presque instantanément. Fin d’une utopie. En ce sens, on peut entendre le chanteur de Louise Attaque chanter :
“Hier !
Tu tu disais on se ressemble
On est fait pour vivre ensemble
Aujourd’hui mystère.”
Le titre nous rappelle combien les choses sont éphémères et fragiles. Qu’il faut en prendre soin à l’instar du couple formé par Gaëtan Roussel et Emmanuelle Bercot dans un clip réalisé par Matthieu Allard. On y voit le couple partager de doux moments dans un décor d’usine au bord de l’abandon.
Blondino – Les madrilènes
Amour et climat déréglé se mêlent et s’entrechoquent dans le titre Les Madrilènes. La chanteuse Blondino y évoque la séparation dans un couple et les sentiments, les moments qui en découlent. Comme par exemple, la solitude avec une phrase détournée, déréglée : “Quand je m’endors” non pas dans tes bras, mais “dans mes bras.” Une manière douce d’évoquer la peine et la douleur.
A l’image du travail musical de l’artiste caressant des sons électroniques, organiques et la voix douce comme du miel, de la chanteuse. C’est aussi une analogie avec le dérèglement climatique que nous offre Blondino avec un clip réalisé par Romain Winkler. On y aperçoit des paysages déréglés, entre réalité et numérique, entre chaleur et froideur. Comme pour souligner l’ambiguïté de la rupture amoureuse, entre espoir et désespoir.
Kevin Heartbeats – Overnighto
Extension de Beggars, le label S76 gère ses artistes comme des petits joyaux à polir lentement pour qu’ils brillent une fois présentés au monde. C’était déjà le cas avec les géniaux Quinze Quinze et c’est une nouvelle fois assez évident avec le très prometteur Kevin Heartbeats.
Alors qu’il nous avait déjà charmé au printemps avec l’excellent Soothed, le francilien nous livre une nouvelle facette de ses influences avec Overnighto. Moins rêche, plus onirique et chaleureux, le titre permet au francilien d’offrir une palette plus r’n’b et chantée tout en gardant des sons de guitares bien caractéristiques. Un mélange des genres attrayant qui nous attire une nouvelle fois alors que le clip nous entraine dans une fête qui semble avoir pour thème le film Signes de M. Night Shyamalan.
Une ambiance de fête brumeuse à base de danse et d’aluminium qui colle parfaitement aux ambiances rêveuses du morceau. De bon augure en attendant la sortie du premier long format de Kevin Heartbeats, prévu pour le début de l’année 2022.
JUICY – Love When It’s Getting Bad – Mobile Part I
JUICY ont toujours eu des idées fortes et des choses à défendre. Alors qu’elles s’apprêtent à dévoiler leur premier album Mobile en 2022, le duo a décidé de le dévoiler de manière pour le moins originale : à travers 4 courts métrages distincts.
Ainsi cette semaine se dévoilait la première partie avec en son coeur Love When It’s Getting Bad , un morceau puissant, que ce soit dans son texte puissant et direct, dans lequel le duo aborde le féminicide ainsi que le déclin d’une humanité qui se laisse envahir par la haine et la violence, ou sa construction toute en tension qui rendent l’écoute presque dérangeante par moment.
Un thème fort qui sera de nouveau exploré dans d’autres morceaux de l’album. Pour accompagné le morceau dans ce court métrage, on découvre aussi les morceaux Fall Asleep et Youth, la première semblant logiquement être l’ouverture de leur album puisqu’elle utilise des sonorités de mobile pour enfant.
Visuellement, chaque morceau se voit apposer une esthétique visuelle différente, entre la chambre d’enfant pour le premier, les ambiances oniriques et étrange qui tend à dénoncer la surabondance du monde moderne et le culte du corps pour Youth tandis que Love When It’s Getting Bad se vit à travers des caméras de surveillance, dans une vision assez incongrue et étrange mais qui semble montrer que malgré la surabondance de vidéo et de « protection », on ne peut s’empêcher de se noyer dans l’ennui et la violence.
Une première partie passionnante, ouverte à toute les interprétations d’un point de vue visuelle et qui montre aussi le talent d’exploratrices sonore des deux belges.