La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la seconde partie de la sélection numéro 140 des clips de la semaine.
Johnnie Carwash – Nothin’
Nothin’, le dernier clip de Johnnie Carwash est sorti le 31 août, comme une jolie manière de nous annoncer la fin de l’été. A l’instar de cette adolescente, allongée sur son lit, qui contemple avec nostalgie son album photos, polaroïds joyeux de ces deux mois passés beaucoup trop vite. Nothin’, sans la lettre G, sans les ennuis. Simplement l’histoire d’une amitié célébrée entre deux filles et un garçon. Simplement l’histoire de la jeunesse, la mienne, la vôtre. Les années 2000, le Candy Up au chocolat, le lecteur CD, trainer au skate park et dans les magasins, le permis et ses virées en voiture. La jeunesse dans la campagne, avec ces champs à perte de vue, les stades de foot inoccupés et toutes ces émotions décuplées.
Julien Peultier, à la caméra, sublime les corps juvéniles et bouillonnants. Couleurs chaudes, contrastes marqués, des ralentis qui donnent envie au temps de s’arrêter.
Manon dépose son timbre sur ces images animées, voix languissante et frappante. Teintées de roses et bleus, lumières pastels d’une boîte de nuit qui accueille Johnnie Carwash. Et tandis que la batterie s’époumone, que la guitare s’électrise et que la basse explose, on réalise que Nothin’ symbolise l’été de tous les possibles.
Nothin’ magnifie les sensations, la fougue et la liberté grâce à ce trio d’amis qui rappelle évidemment le propre groupe. Un morceau qui donne envie de croire aux mains qui se lient, aux fous rires partagés et aux destins croisés.
Merci Johnnie Carwash d’avoir donné vie à mon morceau préféré de votre album Teenage Ends.
Quand l’image rencontre les mots, quand la musique se noue aux sentiments, alors je n’existe plus.
Khruangbin et Vieux Farka Touré – Tongo Barra
Khruangbin et Vieux Farka Touré – Tongo BarraLe trio psychédélique texan
Khruangbin revient avec un album hommage à
Ali Farka Touré, figure majeure du blues du désert, collaborant pour l’occasion avec son fils, le guitariste malien
Vieux Farka Touré.
Apres le premier single Savanne sorti en juillet, le groupe a choisi comme deuxième extrait le morceau Tongo Barra, délice de presque 6 minutes chanté exclusivement en dialecte malien songhai. Les animations visuelles l’accompagnant ont été réalisées par Nick Scott.
A propos de l’album, Vieux Farka Touré a déclaré « Il s’agit de l’amour qu’Ali a apporté au monde. Il s’agit de l’amour que j’ai pour lui et que Khruangbin a pour sa musique. Il s’agit de déverser votre amour dans quelque chose d’ancien pour le rendre à nouveau actuel ». Et Khruangbin de rajouter : « Nous avons fait cet album pour honorer la vie et l’œuvre d’Ali. Nous espérons que cette collaboration éclairera plus de gens sur l’héritage musical d’Ali ».
L’album Ali sortira le 23 septembre via Dead Oceans.
Gaspar Claus – 2359
Avec 2359, Gaspar Claus s’offre l’occasion de mettre en images un nouvel extrait de son album Tancade sorti il y a tout juste un an et aussi d’accompagner la sortie d’un nouvel EP structuré autour de ce morceau. 2359, c’est une minute avant minuit. Une minute où tout peut basculer, entre les réminiscences d’une journée passée et les aspirations pour celle à venir. Il existe comme une frénésie à vivre à ce moment-là. 2359 en est le témoin haletant, comme une respiration qui s’accélère en suivant le rythme soutenu imposé par son orchestre de violoncelles démultipliées.
Dans la vidéo réalisée par Ilan J. Cohen, véritable petit court métrage – Denis Lavant – icône du cinéma français – traduit ce sentiment d’urgence en courant avec toute la fougue qu’on lui connaît. S’agit-il alors de se dépêcher à vivre le moment présent ou à le fuir? Tel un écho de la scène finale des 400 coups de François Truffaut.
Si Denis Lavant a déjà fait des apparitions dans des vidéos musicales, pour ne citer que celle d’Écran Total de Feu! Chatterton, la rencontre avec Gaspar Claus est plus intimiste. Fruit d’une collaboration au théâtre autour des Cahiers de Nijinski.
Et on retrouve l’esprit du danseur prodige évoluant entre génie et folie dans cette course effrénée qui va le conduire vers le lieu où convergent tous les titres de son album, la plage de Tancade près de Banyuls. Comme magnétiquement attiré par les flots, Denis Lavant va dans un dernier saut, plonger dans la méditerranée et être submergé par cette Mare Nostrum, berceau de tant de contes et légendes. Et si la minute 2359 est passée, tout continue, toujours, vers une foultitude de nouveaux souvenirs à construire.
Thx4Crying – Je vais t’aimer
Dans ?? ???? ?’?????, Thx4crying, auréolé de sa noirceur lumineuse, dépeint un paysage sonore architecturé par de grandes élévations dont les hautes voûtes gothiques laissent à sa voix aérienne l’espace de rayonner et de se disséminer. Démultipliés comme par échos « Je vais t’aimer » répond avec espoir aux « abandonner », « tomber », « effondrer », « oublier » qui jugulent nos sentiments.
La vidéo, réalisée une fois encore par Florian Salabert, s’articule autour de trois tableaux modélisés en 3D mettant en scène le personnage de Thx4crying dans des décors fantasmagoriques et baroques. On y navigue, emporté par le flow musical de la chanson, comme en parcourant du regard un diorama. C’est beau, simple comme une évidence, sensible et touchant. Je vais t’aimer, assurément.
Doums – Mondeo feat. PLK
À l’occasion de la sortie de Pull à et billets mauves, son album solo, Doums offre à ses fans le visuel du clip Mondeo en feat avec PLK. Un titre chill et dansant, qui montre l’aspect touche-à-tout du rappeur, dont la voix peut passer sur n’importe quel style.
Réalisé par 919_Waldo et Doums lui-même, le rappeur délivre un clip de qualité, le tout filmé avec un filtre argentique. Entre les différentes images des deux rappeurs dans leur vie quotidienne, on découvre un fil rouge, sous la forme de la vision des policiers qui traquent et pistent les deux artistes au volant d’une Porsche. Le dénouement arrive dans une grosse villa au bord de mer où on peut les voir profiter de la vie. Comme dans toutes ses apparitions, PLK sublime le morceau et parvient parfaitement à coller au mood du titre. Il apporte un couplet entraînant qui fera sans aucun doute bouger des têtes.
Après 14 ans de carrière dans le rap français, il s’agit du tout premier album du Parisien en solo. Certains diront que sa technique est bloquée par les nombreux feats présents dans l’album. Mais quoi qu’il en soit, cela démontre l’importance et la présence de Doums dans le monde du rap français, qui est presque apparu sur tous les grands albums et côtoyé les plus grands performeurs. Il livre un album complet et de qualité, à l’image de sa carrière.
Michael Skurtson – Raspoutine
Il est important de prévenir d’entrée, mais attention, ce clip n’est pas destiné aux yeux sensibles et encore moins aux personnes sujettes à l’épilepsie. Car sous la caméra de @arise.projectt, tout va très vite. En même temps, au vu de la frénésie émanant de ce titre et de l’interprétation de Michael Skurtson il était difficile de ne pas avoir un rendu si hypnotique, voir même malsain.
L’atmosphère du morceau est volontairement dérangeante, tout est chargé et obscur dégageant une oppression presque fascinante tant tout semble bien exécuté. Le parti pris est assumé à 2000%, et vient confirmer que les membres du collectif XXL sont actuellement ce qu’il y a de plus excitant du côté de nos voisins belges.
Thérèse – Jealous
C’est avec grande joie que nous retrouvons Thérèse cette semaine, via la sortie de son nouveau single Jealous. Encore une fois co-composé avec son talentueux acolyte Adam Carpels, ce morceau bombe-atomique électro-pop nous met face à face avec un sentiment désagréable que l’on catégorise vite comme peu glorieux : la jalousie. Dans une société paradoxale, qui célèbre l’amour de soi tout en mettant en place d’habiles stratagèmes nous poussant à nous comparer les un.e.s aux autres, Thérèse n’hésite pas à montrer ses faiblesses et à assumer ce qui peut la rendre envieuse.
Le titre est accompagné d’un fantastique clip signé Charlie Montagut (Genial Pictures) dans lequel la chanteuse navigue entre plusieurs figures représentant ce qu’elle désire, ou plutôt ce qu’elle croit désirer. En effet, elle ressort de chaque rencontre équipée de l’un des attributs de ces personnages tant jalousés et finit rapidement par être débordée. Dévorée par ce qui lui faisait de l’œil, elle se transforme en une sorte de monstre ridicule peinant à évoluer correctement, en une créature bizarre remettant les choses en perspective.
C’est là la grande force de Thérèse : en étant au clair avec ce qu’elle ressent et avec sa vulnérabilité, elle parvient à dédramatiser cette émotion honteuse que l’on s’efforce de cacher et ça fait un bien fou.
Sofie Royer – Klein-Marx
Dernier single pour Sofie Royer avant la sortie de son deuxième album Harlequin le 23 septembre. La musicienne austro-américaine nous avait confié lors d’une interview (https://danstafaceb.com/interview-sofie-royer/) réalisée à Vienne en février dernier ses liens avec l’Autriche, moins ténus qu’on ne le pensait, et nous avait même laissé deviner le thème de l’un de ces nouveaux morceaux : le pont Kleine Marxer.
La voici donc dans cette nouvelle vidéo aux teintes rétro alternant pas de danse classique et gros sanglots entre une église viennoise et le Kleine Marxerbrücke. Comme toujours chez la musicienne, ses paroles sont le reflet d’une intériorité mélancolique bien à elle : lieu de passage quotidien vers son université, le pont Kleine Marxer n’est pas un marqueur mémorable de la ville, mais il s’avère être le pont idéal depuis lequel se jeter quand tout va mal et que l’on se sent seul.e. Heureusement, les paroles chantées en allemand sur une instrumentation pop et dansante dont Sofie Royer a le secret, accompagnant son maquillage de clown triste ultra-expressif, confèrent à l’ensemble une certaine légèreté kitsch qui nous rappelle que rien de tout cela n’est grave. Tout va bien au royaume d’Harlequin !
Mademoiselle K – Garçon bleu
Après un temps d’absence, Mademoiselle K revient avec un nouveau titre Garçon Bleu. Le réalisateur Pierre-Olivier Da Silva signe un clip à l’image de la chanson : rempli de nostalgie douceur et de joie. Un sentiment de nostalgie qui s’incarne dans la naïveté d’une glace léchée, comme pour immortaliser une dernière fois la fin de l’été. Car il y est question de souvenirs que l’on garde au fond de soi, comme un coquillage. Dans ce cas précis, il s’agit du souvenir d’un garçon aux cheveux bleus. L’artiste écrit à ce propos : “J’ignore jusqu’à ce jour par quelle magie m’est parvenue cette histoire de garçon bleu et qui il est. Je sais juste qu’une semaine avant, j’avais fait le vœu d’une chanson que j’aurais plaisir à chanter tous les jours de ma vie. Une chanson qui me ferait du bien.”
Pierō – Ulysse
L’artiste Pierō incarne l’intemporel et universel Ulysse à travers un titre du même nom. Un morceau qui s’accompagne d’un clip réalisé par Martin Schrepel. A travers cette vidéo, on remarque le chanteur accroché à un mât de bateau “comme Ulysse et les sirènes”. Métaphore actuelle du fait de faire face aux distractions contemporaines. Par exemple, le téléphone est évoqué comme matérialisant ce qui nous éloigne de nous-mêmes, ce qui nous pousse à nous perdre dans l’extérieur. Sur l’aspect musical, on se rapproche de la variété française avec une touche moderne élégante et délicate. Il y a des choix artistiques qui font sens, comme des chœurs qui nous distraient de l’essentiel, tel l’appel et le cri des sirènes…
Foé – Lemonade
Rien d’hostile chez le chanteur Foé (synonyme d’ennemi, en anglais). Au contraire : de la douceur. Après un premier EP en 2017, suivi d’un album un an plus tard, le toulousain à la voix de velours revient hanter nos oreilles de ses mélopées teintées d’espoirs mélancoliques. Son dernier titre, issu de l’album à paraître « Paradis d’or », chante le charme fou exercé par celle qui (re)tient ses sens captifs… Entre douce amertume et fraîcheur acidulée, le titre, produit par Le Fied et réalisé par François Havard et Foé, nous fait cadeau d’un dernier pan d’été, tissé des désirs tus de celui qui paraît hésiter dans l’écrin d’un jardin du sud, et de ceux de la belle, lavée des déceptions par ses plongeons dans l’eau turquoise, des agrumes en apparat. Une apparition.
ISLA OISEAU – Visage Blanc
Avec Visage blanc, le dernier clip d’Isla Oiseau produit par Jérémy Rassat, les voix très incarnées d’Isla, secondée d’Alex Van Pelt, déclament les tâtonnements des débuts, entre candides ardeurs et farouches hésitations. Sur fond de VHS 90’s, un couple se cherche et se découvre, de coups de poker en tentatives de séduction osées. Le tango enjoué se teinte de bizzarerie au moment du bridge, bifurcation bienvenue dans une chanson légère, tandis que le visage de la protagoniste se trouve pris dans un bâillon de chair. Dénonciation d’un désir masculin prenant le pas sur le féminin ou illustration d’un souffle coupé par l’envie, l’interprétation est laissée libre. Une liberté qu’on garderait bien, au gré des élans inspirés par leur valse décomplexée.